COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2019
N° 2019/ 360
N° RG 17/06843 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAK5M
SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE
C/
SAS SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE (SRI)
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Myriam ANGELIER
Me Pierre-Yves IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 24 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00093.
APPELANTE
SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Myriam ANGELIER de la SCP BINISTI BOUSQUET LASSALLE BUY, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Marguerite TRZASKA, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
SAS SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE (SRI), dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me David HAZZAN, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Le régime douanier du perfectionnement actif permet d'importer dans le territoire de l'Union Européenne (dont la France) des marchandises en suspension de droits de douane et de T.V.A., pour les transformer ou de les réparer avant de les exporter en-dehors de cette Union.
La S.A.S. DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE s'est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 5 avril 2005.
Diverses marchandises ont été expédiées par la société états-unienne JOHN H. CARTER à destination de la S.A.S. SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE [SRI], et le mandataire représentant de cette dernière la société DHL a effectué des déclarations d'importation IMA n° 26515099 du 25 mai 2012, n° 26783203 du 5 juin 2012, n° 33083710 du 15 mai 2013, n° 36291716 du 30 octobre 2013, n° 36629197 du 18 novembre 2013, et n° 37057409 du 9 décembre 2013. Certaines de ces déclarations précisent .
Par lettres du 28 mai 2014 le Bureau des Douanes de [Localité 3]-Aéroport a reproché à la société SRI une soustraction de marchandises sous douane car celles-ci, qui ont été importées temporairement dans le cadre du perfectionnement actif, ont été réexportées [vers le Kazakhstan] sans qu'il soit informé et sans tenir des règles applicables à ce perfectionnement actif, et a chiffré la dette douanière au montant provisoire de 17 432 euros 00 + 61 264 euros 00.
Le 20 juin le même Bureau a envoyé à la société DHL une lettre voisine de la précédente.
La société SRI a reproché le 6 novembre à cette société d'avoir établi des déclarations ne respectant pas les règles du perfectionnement actif d'où les sommes précitées.
Le 26 novembre les Douanes ont pour ces 6 déclarations établi à l'égard de la société SRI un règlement transactionnel, avec le paiement d'une pénalité de 1 500 euros 00, et le paiement des droits et taxes pour 74 142 euros 00 (dont 12 100 euros 00 de droits).
Le 12 janvier 2015 la S.A.S. SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE [SRI] a fait assigner la société DHL en paiement des sommes de 12 100 euros 00 (droits de douane) et de 1 500 euros 00 (pénalité) devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE, qui par jugement du 24 février 2017 a :
* condamné la société DHL à payer à la société SRI les sommes de :
- 12 100 euros 00 au titre des droits de douane,
- 1 500 euros 00 au titre de la pénalité douanière,
- 4 000 euros 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* débouté la société SRI de sa demande en paiement de dommages et intérêts diligentée à l'encontre de la société DHL ;
* condamné la société DHL aux dépens ;
* ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;
* rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires aux dispositions du présent jugement.
La S.A.S. DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE a régulièrement interjeté appel le 6-7 avril 2017, et par conclusions du 4 juillet 2017 soutient notamment que :
- la société SRI intègre un service commercial local et export ; elle a confié à la société DHL les formalités douanières relatives aux opérations d'importation-montage-réexportation des matériels ; la même était titulaire de l'autorisation de perfectionnement actif ;
- elle-même a découvert que les marchandises transformées en France par la société SRI avaient été réexportées par un bureau douanier hollandais sans tenir compte de la règle de l'identité entre le bureau de placement et celui de réexportation ;
- elle a établi des déclarations conformes à la réglementation douanière, et à ce seul titre la réclamation de la société SRI est dépourvue de tout fondement ;
- son adversaire fonde son argumentation sur de fausses allégations : les documents d'elle-même respectent la réglementation en matière de perfectionnement actif ; elle n'a pas été prévenue ni informée de l'initiative unilatérale de la société SRI de réexporter la marchandise ; elle était la mandataire de cette société, laquelle n'a pas contacté ni mis en cause la société CARTER ; aucun manquement ne saurait être imputé à elle-même, sur qui pèse uniquement une obligation de moyens ;
- la société SRI ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en prétendant ne pas être concernée par les formalités douanières : à l'importation cette société donne directement ses instructions à elle-même ; la société SRI, quel que soit l'incoterm (ici EXW), était le réexportateur de la marchandise même si la société CARTER était l'exportateur ; la même ne saurait se prévaloir d'une quelconque ignorance de la réglementation applicable ou de sa responsabilité ; la société SRI n'a pas été diligente dans la transmission des instructions au transporteur pour qu'il se rende chez la société DHL afin d'effectuer les formalités de réexportation ;
- en tout état de cause la société SRI n'est pas novice en la matière : elle est un professionnel du commerce et de l'import-export de marchandises ; elle a commis une faute en décidant de réexporter ses produits sans en informer son mandataire la société DHL.
L'appelante demande à la Cour, vu l'article 788 des Dispositions d'Application du Code des Douanes Communautaires, 32-1 et 700 du Code de Procédure Civile, 1991 et suivants du Code Civil, de :
- constater que les déclarations souscrites par la société DHL étaient parfaitement conformes à la réglementation ;
- constater que la société SRI fonde ses réclamations sur un contrat de mandat auquel elle estime ne pas être partie ;
- constater que la société SRI donnait directement des instructions à la société DHL ;
- dire et juger que la société SRI était pleinement impliquée dans l'organisation des formalités douanières ;
- constater que le non apurement des déclarations en litige résulte de la seule faute personnelle
de la société SRI ;
- constater que la société SRI n'est pas novice en matière douanière ;
- dire et juger que l'action intentée par la société SRI est parfaitement abusive ;
- par conséquent :
- infirmer le jugement ;
- débouter la société SRI de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société SRI à la somme de 3 000 euros 00 au titre de l'article 32-1 du Code de
Procédure Civile pour procédure abusive ;
- condamner la société SRI à verser à la société DHL la somme de 5 000 euros 00 au titre de
l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 13 juillet 2017 la S.A.S. SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE [SRI] répond notamment que :
- les opérations commerciales avec la société CARTER se sont réalisées sous l'incoterm EXW, et en conséquence celle-ci est la seule mandante et responsable de l'organisation du transport ; en sa qualité de mandataire spécialisé la société DHL commissionnaire en douane doit veiller à la conformité de ses déclarations à la réglementation douanière ; les redressements douaniers résultent de déclarations irrégulières ;
- la société DHL a décidé avec raison de procéder au placement de l'opération sous le régime du perfectionnement actif ; elle a été missionnée par un seul mandant la société CARTER ;
- après contrôle les Douanes ont conclu au non-respect de la réglementation pour les déclarations d'importation IMA effectuées par la société DHL ; cette dernière, qui représente la société SRI, a une obligation de résultat en matière de déclarations douanières, tandis que sa mandante était totalement déchargée de toutes formalités ;
- elle a donné à la société DHL instruction de solliciter le régime du perfectionnement actif ; elle-même n'a qu'une seule et unique mission, qui est de procéder à la prestation industrielle demandée par la société CARTER ; le fait qu'elle-même ait été destinataire de ces déclarations n'exonère en rien le commissionnaire en douane la société DHL ;
- elle n'est pas l'exportatrice, puisque les moteurs vendus par la société CARTER à un acheteur kazakh transitent en France afin qu'elle-même les couple à des vannes ; le mandat confié à la société DHL la rend exportatrice ;
- l'opération de perfectionnement actif confiée à la société DHL par la société CARTER implique la nécessité de réexportation ;
- elle-même n'a aucune activité de commissionnaire en douane, contrairement à la société DHL.
L'intimée demande à la Cour, vu les articles 1991 et suivants et 1998 et suivants du Code Civil, 32-1 et 700 du Code de Procédure Civile, de :
- confirmer en tous points le jugement ;
- y ajoutant : condamner la société DHL :
. au règlement de la somme de 5 000 euros 00 à titre de dommages et intérêts ;
. au paiement de la somme de 6 000 euros 00 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2019.
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M O T I F S D E L ' A R R E T
Les 6 déclarations douanières IMA effectuées du 25 mai 2012 au 9 décembre 2013 par la société DHL l'ont été en sa qualité de mandataire représentant de la société SRI ; par ailleurs la seconde société a transmis par courriel du 1er juin 2012 des instructions à la première pour le sort douanier de marchandises. C'est donc à bon droit que le Tribunal de Commerce a retenu que la société SRI était mandataire commissionnaire en douane de la société SRI.
Dans un courriel du 31 mai 2012 la société DHL (par Madame [W]) demande à la société SRI (par Madame [N]) ses instructions pour les marchandises reçues de la société CARTER, et la seconde lui apporte des réponses dès le lendemain en précisant notamment . Par suite la société DHL savait que les marchandises de la société SRI pouvaient bénéficier du régime du perfectionnement actif, et en sa qualité de mandataire commissionnaire en douane avait l'obligation de procéder aux déclarations régulières auprès de la Douane. Sa carence sur ce point la rend responsable vis-à-vis de son mandant la société SRI, qui n'a donc pas à supporter les droits et pénalités douaniers comme l'a justement décidé le Tribunal.
Si la résistance de la société DHL était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi la société SRI ; par suite la Cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 24 février 2017.
Entre outre, vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamne la S.A.S. DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE à payer à la S.A.S. SUD ROBINETTERIE INDUSTRIE [SRI] une indemnité de 5 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Condamne la S.A.S. DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT