COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-3
ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2019
N° 2019/674
Rôle N° RG 17/16511 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBEQV
[Z] [R]
C/
[Y] [O] [L] épouse [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jennifer NIDDAM-SEBBAG
Me Ghislaine BERENGER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 18 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04075.
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
né le [Date anniversaire 1] 1940 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jennifer NIDDAM-SEBBAG, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [Y] [O] [L] épouse [R]
née le [Date anniversaire 2] 1943 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Ghislaine BERENGER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Clotilde HETIER-NOEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine VINDREAU, Président
M. Thierry SIDAINE, Conseiller
Mme Clotilde HETIER-NOEL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.
Signé par Madame Catherine VINDREAU, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
[Z] [R] et [Y] [L] se sont mariés le [Date mariage 1] 1963 à [Localité 2], sans contrat de mariage préalable.
Deux enfants sont issus de cette union, majeurs:
-[X] né le [Date anniversaire 3] 1964
[L] né le [Date anniversaire 4] 1965.
[Y] [L] a présenté une requête en divorce le 16 juillet 2013 devant le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence qui, par ordonnance de non-conciliation rendue le 10 mars 2014, a notamment :
-autorisé les époux à introduire l'instance,
-attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse,
-attribué la jouissance et la gestion du bien commun à [Z] [R] pour le compte de la communauté
-fixé la pension alimentaire au titre du devoir de secours à la charge de l'époux à 1.000€.
Par acte d'huissier du 1er septembre 2016, [Y] [L] a fait assigner [Z] [R] en divorce
Par jugement du 18 mai 2017, le Juge aux affaires familiales a :
-prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal,
-ordonné la publication du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage dressé le 21 septembre 1963 et en marge de l'acte de naissance de chacun des époux,
-rappelé que l'épouse ne conservera pas l'usage du nom marital,
-fixer une prestation compensatoire à la charge de [Z] [R] sous forme de rente viagère d'un montant mensuel de 600 € avec indexation et arrondissement des sommes à l'euro le plus proche,
-débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,
-laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
[Z] [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 30 août 2017 qui précisait « appel total ».
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 29 novembre 2017 à la lecture desquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens de fait et de droit, [Z] [R] demande à la cour de :
-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
-prononcé le divorce des époux [R]/[L] pour altération définitif du lien conjugal,
-ordonné la publication du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage dressé le 21 septembre 1963 et en marge de l'acte de naissance de chacun des époux,
ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les époux [R]/[L]
-jugé que l'épouse ne conservera pas l'usage du nom marital,
-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il devra s'acquitter auprès de [Y] [L] d'une prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère d'un montant mensuel de 600 €,
-prendre acte de sa proposition de verser à [Y] [L] à titre de prestation compensatoire la somme de 24.000 € dont il pourra s'acquitter sous forme de versements mensuels de 250 € pendant 8 ans
-condamner [Y] [L] aux entiers dépens de la procédure d'appel distraits au profit de Maître Jennifer NIDDAM-SEBBAG
[Z] [R] fait notamment valoir qu'il ne perçoit plus de dividende de la société Europan méditerranée depuis 2013, qu'il prend en charge l'intégralité des frais lié au bien commun y compris les taxes et qu'il y a effectué de lourds travaux.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 février 2019 à la lecture desquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens de fait et de droit, [Y] [L] demande quant à elle à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu'i1 a prononcé 1e divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil,
-le réformer sur 1e montant de la prestation compensatoire
-condamner [Z] [R] à lui régler la somme de 80.000 € au titre de prestation compensatoire en capital et la somme de 1.000 € par mois à titre de prestation compensatoire sous forme de rente viagère,
-dire que mention du dispositif du jugement à intervenir sera porté en marge de l'acte de mariage des époux et en marge de leur acte de naissance respectif,
-condamner [Z] [R] aux entiers dépens.
[Y] [L] soutient substantiellement que ses charges incompressibles s'élèvent à 1.530 € et qu'elle présente des problèmes de santé.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2019 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoiries du 17 septembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
EN LA FORME
Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.
Il sera donc déclaré recevable.
AU FOND
Il sera rappelé à titre liminaire qu'en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions d'appel et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, le seul point de désaccord qui oppose en définitive les parties concerne la prestation compensatoire de sorte que la décision déférée sera confirmée dans l'ensemble des dispositions qui n'ont finalement pas été soumises à la censure de la cour.
Sur la demande de prestation compensatoire
En vertu des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
En application de ce texte, c'est donc au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire.
L'appel étant total, il convient que la cour se place au jour où elle statue.
L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelle ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels de l'époux débiteur.
La prestation compensatoire n'a pas pour objet de niveler les fortunes de chacun ou de remettre en cause le régime matrimonial librement choisi par les époux pas plus que de maintenir indéfiniment le statut social de l'époux au niveau qui était le sien pendant le mariage.
En l'espèce, il sera constaté à titre liminaire que les pièces sont pour la plupart fort anciennes et ont été également produites en première instance. L'appelant n'apporte pas d'élément nouveau concernant la prestation compensatoire.
Il ressort des pièces produites que :
* le mariage aura duré 56 ans dont 37 ans de vie commune
* Les deux enfants issus de ce mariage sont majeurs et autonomes
* [Z] [R] est âgé de 79 ans. Il est retraité et percevait en 2015 une pension de 2.657 € par mois.
Depuis l'ordonnance de non-conciliation il gère pour le compte de la communauté le bien commun situé à [Localité 3] qu'il habite et dont il loue le 1er étage. Il percevait en 2015 des revenus fonciers de 1.150 €.
Il a contracté un prêt pour des travaux sur le bien commun dont la dernière mensualité de 194,45 € a été réglée en janvier 2019 ainsi qu'un second prêt pour l'installation de la climatisation dont les mensualités de 132,67 € prendront fin de 20 février 2020.
Il produit une reconnaissance de dette en faveur de [I] [A] d'un montant de 1.000 € en date du 1er octobre 2013.
Il est actionnaire de la SARL EURPAN MEDITERRANEE. Il n'a pas perçu de dividendes entre 2013 et 2015. Aucune information n'est donnée pour les années postérieures.
S'agissant de sa santé et selon le certificat médical du 14 janvier 2013, il prenait en janvier 2013 un traitement antidépresseur ainsi qu'un anxiolytique. Son état de santé était qualifié de stable mais précaire. Le 16 octobre 2013, le médecin indiquait que son état de santé nécessitait une surveillance rapprochée tant sur le plan cardiovasculaire que sur le plan respiratoire avec prise en charge psychiatrique afin d'éviter toute rechute de sa dépression et une hospitalisation. Aucune information n'est donnée sur son état de santé actuel.
* [Y] [L] est âgée de 76 ans. Elle percevait en 2015 une pension de retraite de 870 € par mois.
Elle indique qu'elle n'a pas travaillé pour s'occuper des deux enfants communs ce que ne conteste pas [Z] [R].
Elle réside chez [J] [Q] qui a attesté le 21 août 2016 de ce que [Y] [L] payait la moitié des charges afférentes au domicile ainsi que l'intégralité de la taxe d'habitation soit selon ses propres déclarations pour 2015/2016 une somme mensuelle de 304 €. Elle fait état de trois crédits pour un montant de 681 € dont elle ne justifie pas.
Elle a vendu deux biens propres, un en 2004 à [Localité 2] pour un montant de 42.000 € et un autre en 2012 pour 46.000 €.
S'agissant de sa santé, le certificat médical produit en date du 16 janvier 2017 fait état d'une hypertension artérielle, d'un diabète déséquilibré entrainant des infections urinaires récidivantes, des bronchites, problèmes ORL et dentaires. Elle porte également des prothèses auditives.
* Le bien commun de [Localité 3] est évalué par [Z] [R] à 650.000 € et par [Y] [L] à 800.000 €. Aucune évaluation par un professionnel de l'immobilier n'est produite. Etant mariés sous le régime légal, chacun devrait percevoir un montant équivalent lors de la liquidation et du partage de leur régime matrimonial.
Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'existence d'une disparité dans la situation respective des époux résultant de la rupture du mariage, ouvrant droit au principe d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse.
C'est également à juste titre qu'il a considéré que l'âge et de l'état de santé précaire de [Y] [L] ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins et qu'il convenait de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère indexée.
En revanche, le montant de cette rente viagère sera fixée au vu des revenus et charges de [Z] [R] à la somme de 750 € par mois de sorte que le jugement frappé d'appel sera réformé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
[Z] [R] qui succombe, supportera la charge des dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats hors la présence du public,
Déclare l'appel recevable;
Confirme la décision entreprise sauf sur le montant de la prestation compensatoire;
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe le montant de la rente viagère que [Z] [R] devra verser à [Y] [L] à titre de prestation compensatoire à la somme de 750 € par mois.
Condamne [Z] [R] aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT