COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2019
N°2019/813
Rôle N° RG 18/19957 N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQCM
[G] [R]
C/
[T] [F]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Frédéric BERENGER
Me Olivia PERALDI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 10 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05346.
APPELANTE
Madame [G] [R],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON
INTIME
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Olivia PERALDI, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Sylvain MOSQUERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [G] [R] a bénéficié de soins dentaires de la part du docteur [T] [F] consistant notamment en l'implantation d'un bridge, lequel s'est brisé.
Par ordonnance du 17 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a notamment condamné docteur [T] [F] à fournir à madame [G] [R] les références précises des bridges posés, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance.
Madame [G] [R] a saisi le juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte.
Par jugement du 10 décembre 2018, le juge de l'exécution a :
-débouté madame [G] [R] de l'ensemble de ses prétentions,
-rejeté la demande reconventionnelle du docteur [T] [F],
-condamné madame [G] [R] au paiement de la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par déclaration notifiée par le RPVA le 18 décembre 2018, madame [G] [R] a interjeté appel du jugement notifié par lettre recommandée du greffe dont l'avis de réception est revenu signé le 12 décembre 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 7 mars 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, madame [G] [R] demande à la cour de :
-déclarer recevable et bien fondé son appel,
-déclarer irrecevable la demande incidente de monsieur [T] [F] faute de justifier d'un appel incident,
-en tout état de cause, le déclarer mal fondé en ce qu'il ne rapporte pas la preuve d'un abus de droit,
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
STATUER À NOUVEAU
-liquider l'astreinte due par monsieur [T] [F] à la somme de 120 150€ pour la période échue du 7 octobre 2015 au 18 décembre 2017,
-condamner le Docteur [T] [F] à lui payer la somme de 120 150 € au titre de l'astreinte en cours,
-fixer une nouvelle astreinte de 250€ par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification du jugement à intervenir,
-dans tous les cas, condamner le docteur [T] [F] au paiement de la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de Maître [G], sur son affirmation de droit.
A l'appui de ses prétentions, madame [G] [R] soutient que les motifs retenus par le juge pour la débouter de sa demande de liquidation de l'astreinte avaient déjà été soumis au juge des référés, qui les avait rejetés et qui avait fait droit à sa demande d'astreinte.
Elle soutient que le docteur [T] [F] n'a pas satisfait à son obligation ainsi qu'en atteste le docteur [J] l'ayant assistée dans les opérations d'expertise dans son dire du 27 février 2016 adressé à l'expert judiciaire.
Elle ajoute que le refus de communiquer les éléments faisant l'objet de l'injonction sous astreinte du juge des référés, ne peut s'expliquer pour le Docteur [F], que par sa volonté de la priver de toutes les possibilités de bénéficier des soins réparateurs auprès d'autres chirurgiens dentistes, ce que confirme le Docteur [L].
Ces éléments de fait emportent la preuve de la mauvaise foi du médecin qui, a agi de concert frauduleux avec le prothésiste, au mépris de ses obligations professionnelles rappelées à juste titre par ses deux confrères précités, la privant de toute possibilité de poursuivre , par le biais d'un autre confrère, la remise en état des implants, faute d'en fournir les références.
Elle soutient que le juge de l'exécution ne peut assimiler ce comportement empreint de malice et de mauvaise foi à un cas de force majeure et ce alors même que le docteur [T] [F], qui n'a pas veillé à ce que son fournisseur (prothésiste) lui fournisse des produits conformes, ne saurait ériger sa propre défaillance en force majeure.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 8 février 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, le docteur [T] [F] demande à la cour de :
-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté madame [G] [R] de ses demandes,
-constater qu'il a été victime d'un sinistre affectant les dossiers médicaux de ses patients,
-constater que madame [G] [R] ne s'est pas rapprochée de lui,
-constater que Madame [R] possède les références des bridges lui permettant la poursuite de ses soins,
-constater que cette communication a été faite dans le cadre de la procédure de référé, réitérée
le 13 octobre 2015 et dans le cadre de l'expertise judiciaire,
-accueillir son appel incident,
-constater la mauvaise foi de madame [G] [R],
-condamner madame [G] [R] au paiement de la somme de 10.000 € pour procédure abusive,
En tout état de cause,
-débouter madame [G] [R] de ses demandes,
-la condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, le docteur [T] [F] soutient avoir communiqué les références du bridge dans le cadre de la procédure de référé, communication réitérée le 13 octobre 2015 et dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le juge des référés.
Il souligne que la pièce N°7 invoquée par madame [G] [R] pour établir une communication incomplète ne précise nullement ce fait, demandant de se reporter aux conclusions de l'expert judiciaire.
S'en référant à la motivation du premier juge, le docteur [T] [F] conteste le caractère incomplet de sa communication, indiquant au surplus que son cabinet dentaire a fait l'objet d'un dégât des eaux le 25 novembre 2013, antérieurement au bris du bridge, ne lui permettant pas de communiquer l'entier dossier médical à madame [G] [R] ainsi qu'en atteste le rapport de l'expert judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Dans son ordonnance du 17 septembre 2015, le juge des référés a estimé que la carte d'identification des prothèses dentaires du 24 novembre 2010 communiquée par monsieur [T] [F] ne mentionnait aucune référence précise permettant d'identifier les bridges, outre le nom du laboratoire [B] [D] de sorte qu'il a condamné monsieur [T] [F] à fournir à madame [G] [R] les références précises des bridges posés, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification de l'ordonnance.
L'ordonnance de référé ayant été signifiée le 7 octobre 2015, monsieur [T] [F] disposait jusqu'au 14 octobre 2015 pour exécuter son obligation, l'astreinte courant à compter du 15 octobre 2015.
Monsieur [T] [F] verse toutefois aux débats une lettre de son prothésiste dentaire [B] [D] du 9 octobre 2015 aux termes de laquelle ce dernier écrit :' j'atteste par la présente n'avoir aucun autre document que ceux déjà fournis pour la prothèse de mme [R] à savoir : la carte d'identification de la prothèse (décrivant la prothèse fournie), le bon de commande et la facture. Je rajouterai également que selon la loi, ce sont les seuls documents obligatoires à fournir. De plus, ayant stoppé mon activité depuis juin 2012 je ne pourrai vous fournir quelques autres documents ou lettre que cette dernière'.
Le conseil de monsieur [T] [F] a communiqué la copie de la lettre de [B] [D] du 9 octobre 2015 par télécopie du 13 octobre 2015 au Conseil de madame [G] [R] et ainsi qu'à l'expert judiciaire qui la vise expressément dans les pièces reçues dans le cadre de ses opérations.
Il résulte ainsi de la lettre de [B] [D] du 9 octobre 2015 que monsieur [T] [F] justifie d'une cause étrangère le mettant dans l'impossibilité matérielle de se conformer à l'injonction du juge des référés dans la mesure où le prothésiste qui a founi les bridges atteste ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à monsieur [T] [F] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés.
Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Monsieur [T] [F] sollicite à titre reconventionnel la condamnation de madame [G] [R] au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Cette demande est recevable dans la mesure où monsieur [T] [F] l'a formulée aux termes de ses conclusions du 8 février 2019 prises dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de madame [G] [R] du 30 janvier 2019 pour former appel incident.
Il n'est pas justifié d'un préjudice découlant d'une faute de madame [G] [R] faisant dégénérer en abus, l'exercice du droit d'ester en justice ou d'interjeter appel, faute de preuve notamment d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, de la multiplication de procédures, de l'intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente.
Il convient par conséquent de débouter monsieur [T] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Madame [G] [R] qui succombe est condamnée à verser à monsieur [T] [F] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, par décision contradictoire,
Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2018 dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute monsieur [T] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne madame [G] [R] à verser à monsieur [T] [F] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame [G] [R] aux dépens de l'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT