COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 07 NOVEMBRE 2019
N° 2019/
GB/FP-D
Rôle N° RG 17/18168 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJIC
SCP PELLIER
C/
[D] [H]
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
Copie exécutoire délivrée
le :
07 NOVEMBRE 2019
à :
Me Alexis MANCILLA, avocat au barreau de NICE
Me Camille POINAT, avocat au barreau de NICE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 01 Septembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 16/01075.
APPELANTES
SCP PELLIER agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL VAVAVOOM, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Alexis MANCILLA, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [D] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Camille POINAT, avocat au barreau de NICE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2019.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2019
Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
PROCÉDURE
Par déclaration électronique réceptionnée le 6 octobre 2017, l'EURL Vavavoom a interjeté appel du jugement rendu le 1er septembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Nice, à elle notifié le 15 septembre 2017, prononçant la résiliation du contrat de travail ayant lié cette société à M. [D] [H] et la condamnant à lui payer des sommes suivantes :
5 445,64 euros pour préavis, ainsi que 544,56 euros au titre des congés payés afférents,
3 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
7 619,16 euros, ainsi que 761,91 euros au titre des congés payés afférents, en règlement du salaire retenu à la suite d'une mise à pied conservatoire,
15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail,
1 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'EURL Vavavoom a fait l'objet d'une liquidation judiciaire directe à la date du 9 novembre 2017, la SCP Pellier étant désignée en qualité de liquidatrice.
Par ses dernières conclusions sur le fond, notifiées et remises au greffe de la cour le 26 janvier 2018, l'EURL Vavavoom conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement qu'elle défère à la censure de la cour, sans préjudice de l'allocation d'une indemnité d'un montant de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles.
Par ses uniques conclusions, notifiées et remises au greffe le 21 février 2018, l'Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 4] adopte les écritures de l'appelante.
Par ses dernières conclusions sur le fond, notifiées et remises au greffe le 26 décembre 2017, M. [H] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et en ce qu'il condamne ce dernier à lui verser les sommes suivantes :
5 445,64 euros pour préavis, ainsi que 544,56 euros au titre des congés payés afférents,
7 619,16 euros, ainsi que 761,91 euros au titre des congés payés afférents, en règlement du salaire retenu à la suite d'une mise à pied conservatoire.
Sollicitant la réformation de la décision pour le surplus, le salarié demande à la cour de fixer sa créance au passif de la liquidation aux sommes suivantes :
3 085,86 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,
33 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail,
2 722,82 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement dans la lettre de licenciement de l'information sur la possibilité de réclamer durant l'exécution du préavis un bilan de compétence, de validation des acquis ou de formation,
3 000 euros nets en réparation du préjudice lié à l'absence de portabilité d'une assurance,
2 500 euros pour ses frais non répétibles d'appel.
Le salarié réclame la délivrance, sous astreinte, de ses documents sociaux de rupture.
La cour renvoie pour plus ample exposé au jugement déféré et aux écritures des parties.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 19 août 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler que l'article L. 622-21 du code du commerce, auquel renvoie l'article L. 641-3 au cas d'une liquidation judiciaire, pose le principe selon lequel le jugement d'ouverture de la procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Il s'ensuit que du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de l'EURL Vavavoom, le salarié ne pouvait que réclamer la fixation de sa créance à son passif, à l'exclusion toute condamnation visant cette personne morale.
En conséquence, la cour, d'office, dira irrecevable l'action en paiement formée par ce salarié à l'encontre de cette personne morale portant sur les sommes suivantes :
5 445,64 euros pour préavis, ainsi que 544,56 euros au titre des congés payés afférents,
7 619,16 euros, ainsi que 761,91 euros au titre des congés payés afférents, en règlement du salaire retenu à la suite d'une mise à pied conservatoire.
.../...
Sur le fond, M. [H] expose avoir été au service de l'EURL Vavavoom, sans contrat écrit, en qualité de chef d'agence, du 18 avril 2011 au 22 décembre 2016, date de son licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Pour poursuivre depuis le 6 septembre 2016 la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, M. [H] fait notamment état de manquements de la part de son employeur appelant les observations ci-après.
- Sur l'avertissement du 9 septembre 2015 :
Cette sanction a été infligée du fait de son comportement déplacé à la date du 31 août 2015, caractérisé selon l'employeur par une véhémence à son égard lors d'une communication téléphonique, le ton employé ainsi que l'arrêt brutal par ses soins de la communication.
L'auteur de cet avertissement ne verse aux débats aucune pièce susceptible de retenir la réalité du comportement prêté à son salarié lors de cet échange téléphonique dont ce dernier a contesté formellement la teneur par un courrier recommandé du même jour.
Il sera donc retenu que cet employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire à cette occasion.
- Sur une rétrogradation à compter du mois de janvier 2016 :
L'employeur conteste l'existence de cette rétrogradation que son salarié démontre pourtant de manière incontestable par la production de ses bulletins de salaire.
Ses bulletins de salaire des mois de novembre et décembre 2015 indiquent que
M. [H] était classé à l'échelon 17 de la convention collective de l'automobile, cependant qu'à compter du 1er janvier 2016, il est rétrogradé sans raison à l'échelon 12.
Cette modification unilatérale par son employeur de son échelon indiciaire était gravement fautive.
- Sur les pressions exercées sur la personne du salarié pour le pousser à la démission :
M. [H] se prévaut des témoignages convaincants de plusieurs collègues de travail ([T], [M], [C], [N]) qui tous mettent en relief le comportement déplacé du nouveau gérant à son endroit, celui-ci lui tenant par exemple des propos déplacés 'Tu es un moins que rien, tu n'est pas un chef d'agence, tu ne sers à rien, et, si je te revois dans le garage je te licencie pour abandon de poste' ou le privant de son véhicule de service pour regagner son domicile.
La santé de M. [H] a pâti de ce comportement puisque son arrêt de travail du 12 avril 2016 au 1er août 2016 avait pour origine syndrome anxio-dépressif déclaré au lendemain d'une prétendue mise à pied conservatoire qui a perduré du 11 avril 2016 au 1er août 2016, date à laquelle l'employeur a ordonné au salarié de reprendre son poste de travail sans autre explication.
Les deux avis du médecin du travail s'inscrivent dans la continuité de la dégradation mentale éprouvée par M. [H], que les auteurs des attestations décrivent, puisque les conclusions de la seconde visite font apparaître une inaptitude définitive du salarié à tous postes et dans tous établissements de l'entreprise.
Les pressions subies par le salarié caractérisent un manquement grave pour avoir été volontaire et répété de la part de son employeur à son obligation de sécurité.
.../...
En synthèse, la cour, considérant que la modification unilatérale par l'employeur de l'indice conventionnel applicable, puis l'atteinte à la santé mentale du salarié du fait du comportement de cet employeur, dira que ces manquements étaient d'une gravité suffisante pour emporter la résiliation du contrat de travail liant les parties aux torts exclusifs de ce dernier.
.../...
La question de la légitimité du licenciement devient sans objet.
Pour autant, le principe de l'allocation d'une indemnité de licenciement et d'une juste réparation née de la rupture illégitime de son contrat de travail est acquis au bénéfice du salarié.
Sur l'indemnité légale de licenciement, M. [H] réclame de porter de 3 000 euros à 3 085,86 euros net le montant de cette indemnité qui correspond effectivement à une ancienneté de 5 ans et 8 mois et dont le détail n'est discuté par aucune des parties à l'instance d'appel.
Sur la réparation de la rupture de son contrat de travail survenue après cinq ans et huit mois d'ancienneté au sein d'une entreprise occupant habituellement, à défaut d'éléments contraire, plus de onze salariés, M. [H] a perdu un salaire brut de 2 407,98 euros par mois.
L'intéressé, âgé de trente-quatre ans au moment de la rupture, justifie de son inscription auprès du Pôle emploi jusqu'au 3 avril 2017, suivie de la conclusion d'un CDI avec un loueur de véhicules en contrepartie d'un salaire diminué d'environ 200 euros.
La cour dispose des éléments d'information suffisants pour arrêter la juste et entière réparation de son préjudice lié à la rupture de son contrat de travail à la somme de 15 000 euros exactement arbitrée par le premier juge.
.../...
Sur le surplus des fins de l'appel incident, l'absence d'indication dans la lettre de licenciement de mesures accompagnatrices en termes de formation ou bilan de compétences ne fut à l'origine d'aucun préjudice certain faute de sa démonstration.
Le défaut de portabilité de l'assurance mutualiste prise par son employeur ne fut pas non plus à l'origine d'un préjudice direct établi.
La cour, en conséquence, rejettera ces deux demandes indemnitaires.
.../...
Le mandataire liquidateur délivrera à M. [H] ses documents de fin de contrat, sans qu'il soit besoin d'assortir cette délivrance d'une astreinte eu égard à sa qualité.
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L'appelante, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.
Confirme le jugement en ce qu'il prononce la résiliation du contrat de travail pour allouer à M. [H] une indemnité de 15 000 euros en réparation de cette rupture qui sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL Vavavoom.
Infirmant pour le surplus, dit irrecevables les demandes en paiement d'un préavis, du salaire impayé en raison d'une mise à pied et des congés payés afférents et fixe au passif de liquidation une créance au bénéfice de M. [H] de 3 085,86 euros au titre de son indemnité de licenciement.
Dit que les sommes ci-dessus sont exprimées pour leur montant brut.
Dit que l'AGS garantira le paiement de la créance si la trésorerie de l'employeur n'y suffit pas dans la limite des plafonds de sa garantie.
Dit que le mandataire liquidateur délivrera à M. [H] un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi mentionnant la créance salariale.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Fixe au passif de liquidation les entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT