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13/11/2019 | FRANCE | N°16/16348

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 13 novembre 2019, 16/16348


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2019

J-B.C.

N° 2019/328













Rôle N° 16/16348 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7GVQ







[X] [P]

[C] [P] épouse [V]

[I] [P] épouse [O]

[L] [P]





C/



[U] [A]





















Copie exécutoire délivrée

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à :



Me Edouard BAFFERT




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Me Isabelle FICI





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 30 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03202.





APPELANTS



Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2019

J-B.C.

N° 2019/328

Rôle N° 16/16348 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7GVQ

[X] [P]

[C] [P] épouse [V]

[I] [P] épouse [O]

[L] [P]

C/

[U] [A]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Edouard BAFFERT

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 30 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03202.

APPELANTS

Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté et assité par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [C] [P] épouse [V]

née le [Date naissance 10] 1981 à

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

représenté et assité par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [I] [P] épouse [O]

née le [Date naissance 8] 1983 à [Localité 13]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

représenté et assité par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [L] [P]

née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 13]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 14]

représenté et assité par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [U] [A]

né le [Date naissance 9] 1968 à [Localité 13] ,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Sandrine LEONCEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2019 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 13 Novembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2019,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [T] [J] veuve [Z] était de son vivant mariée à Monsieur [B] [Z], prédécédé. Les époux, sans enfants, avaient opté au cours de leur union pour le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au dernier vivant.

Madame [J] est décédée le [Date décès 6] 2011 et un acte de notoriété est dressé le 5 juin 2012 par maître [X] [D], notaire à [Localité 13].

Cet acte a établi que la défunte n'a laissé aucun héritier présomptif mais a révélé l'existence de dispositions testamentaires établies comme il suit': Un testament olographe daté du 9 février 2000 ayant institués légataires universels les neveux et nièces de Monsieur [B] [Z]': Monsieur [N] [P], prédécédé, au droit duquel viennent ses enfants, conformément aux dispositions testamentaires, [C] [P], [I] [P] et [L] [P]'; Mesdames [H] [P] épouse [A], mère de [U] [A] et Monsieur [X] [P]. Différents codicilles du 12 juin 2003, du 5 novembre 2003, et du 26 octobre 2003 ayant institué des legs particuliers au profit de diverses personnes étrangères à la cause Un testament authentique, reçu par maître [D], ayant institué un legs particulier au profit de Monsieur [U] [A], petit neveu de la testatrice. Au décès de son époux, Madame [Z] avait confié la gestion de ses appartements et de ses affaires courantes à Monsieur [N] [P], jusqu'au décès de ce dernier en août 2003. Monsieur [U] [A] aurait alors pris la suite dans la gestion des biens de sa grande tante. Il ressort des écritures des appelants, que les légataires universels après avoir entrepris des recherches sur la consistance du patrimoine de la défunte ont constaté que': l'ensemble des biens immobiliers de la testatrice avaient été vendus, que les avoirs financiers composant son patrimoine se limitaient à la somme de 126.228,37 €, que quatre coffres forts ont été fermés entre 2010, que le seul coffre demeurant inventorié au décès de la testatrice était vide et enfin qu'une vente d'or avait eu lieu le 24 février 2009 pour une somme de 43.789,56 € Les légataires universels, à l'exception de madame [H] [P] qui a renoncé à son legs, après différents échanges de courriers avec Monsieur [A] ont soupçonné ce dernier d'avoir diverti une partie du patrimoine de la défunte.

Ils ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille afin que soit désigné un expert.

Cette demande a été accueillie par une ordonnance du 15 février 2013, Madame [W] ayant été désigné en qualité d'expert.

Elle avait pour mission de':

Prendre connaissance de toutes les pièces du dossier, entendre les parties et également toutes les personnes ayant eu à s'occuper du patrimoine de Madame [Z] de 2003 à 2012 Interroger l'organisme FICOBA Analyser le train de vie de Madame [Z] pendant ces années Analyser les différents flux financiers sur les différents comptes bancaires de Madame [Z] Vérifier et rechercher les bénéficiaires des virements effectués sur ces comptes Évaluer le montant du patrimoine de Madame [Z] ayant directement ou indirectement bénéficier à Monsieur [A] durant sa gestion Fournir au tribunal tous les éléments lui permettant d'apprécier l'implication de monsieur [U] [A] dans la gestion du Patrimoine de Madame [Z] et d'évaluer tout préjudice Répondre à tout dire ou observation des parties.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 30 janvier 2014. L'expert a rendu son rapport le 29 janvier 2015.

Elle conclut notamment':

Que le montant total des cessions immobilières dans la période considérée s'élève à 523.254€ Que Monsieur [A] explique ces cessions par la nécessité d'obtenir des liquidités Que Monsieur [A] a reconnu lors de la réunion d'expertise du 8 avril 2014 avoir utilisé le chéquier et la carte bancaire de madame [Z] en partie à des fins personnelles, et n'avoir conservé que très peu de justificatifs des dépenses de cette dernière

Que le 14 octobre 2009, 90.000 € ont été placés en assurance-vie portant le montant total ses placements d'assurance-vie à 120.000 €

Que de 2006 à 2011, Monsieur [U] [A] a bénéficié de virements depuis les comptes de Madame [Z] pour un montant cumulé de 116.898 €, que la mère de ce dernier a bénéficié de virements pour un montant de 12.750 €.

Que Monsieur [A] a également tiré des chèques le concernant pour un montant de 27.286€, soit pour le tout, 156.934 €

Qu'il subsiste des dépenses inexpliquées pour un montant de 413.000 €

Que Monsieur [A] apparaît avoir été le seul gestionnaire de la fortune de madame [Z] de la fin 2003 à la fin 2011.

Monsieur [X] [P] et Mesdames [C], [I] et [L] [P], ont assigné, par acte du 6 mars 2015, Monsieur [A] devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de le voir condamner à leur payer la somme de 570.000 € sur le fondement des articles 1992, 1993 et 1996 du code civil, invoquant la méconnaissance par le défendeur de ses obligations de mandataire.

Par jugement du 30 août 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a déclaré les demandeurs irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité à agir. Le premier juge a en effet considéré que les legs universels dont les demandeurs se prévalent ont été faits en la forme olographe. Or, il ressort de l'article 1008 du code civil que dans ce cas les légataires ne peuvent être saisis des droits et biens du testateur qu'après avoir obtenu l'envoi en possession des legs par ordonnance du président du tribunal de grande instance. Les demandeurs ne justifiant pas de cette formalité, ils sont irrecevables faute de qualité à agir.

Par déclaration du 7 septembre 2016, Monsieur [X] [P] et Mesdames [C], [I] et [L] [P] interjettent appel de ce jugement.

Ils demandent par leurs écritures du 1er juin 2017 de':

Recevoir les concluants en leur appel et le déclarer bien fondé Réformer le jugement entrepris Dire et juger que les concluants ont qualité à agir.

Au fond, vu les articles 1992, 1993 et 1996 du code civil et le rapport d'expertise':

Homologuer le rapport [W] Condamner Monsieur [U] [A] au paiement de la somme de 570.000 € avec intérêts à compter du 13 janvier 2012

Le condamner au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le condamner aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise

Ils soutiennent':

Sur la qualité à agir':

Principalement, que la cette question a fait l'objet d'une décision ayant autorité de chose jugée.

La cour de céans a en effet été saisie dans un arrêt du 11 janvier 2017 (n°15/01295), d'un litige opposant les mêmes parties ayant pour objet la délivrance du legs particuliers de Monsieur [A].

Cette décision a selon les concluants rejeté définitivement cette fin de non-recevoir qui ne peut plus être invoquée en raison de l'autorité de la chose jugée. Subsidiairement, que la qualité de légataire universel, en vertu de l'article 724-1 du code civil, leur confère les mêmes droits qu'un héritier présomptif pour recueillir les droits et biens du défunt et qu'ils ont la saisine en vertu de l'article 1006 du même code.

Il en résulte que leur qualité à agir est établie.

Sur la transmission de l'action en reddition de comptes':

Il est de jurisprudence constante que le recours dont disposait le défunt mandant à l'encontre du mandataire sur le fondement des articles 1993 et suivants du code civil se transmet aux héritiers

Sur l'absence des autres légataires à l'instance':

Le seul légataire universel manquant à la cause est Madame [P], mère de l'intimé ayant renoncé à son legs et l'ensemble des autres légataires particuliers voient leurs legs caducs en raison de la disparition de leur objet au jour du décès de la testatrice. Ils n'auraient donc pas eu qualité pour agir.

Sur la qualité de mandataire de Monsieur [A]' :

Le rapport d'expertise mentionne Monsieur [A] comme étant le seul gestionnaire des biens de madame [Z] de la fin 2003 à la fin 2011. Cet élément n'a jamais été contesté. Monsieur [A] a de ce fait exercé des pouvoirs de gestion étendus l'amenant à donner un certain nombre d'ordres de vente sur les comptes titres appartenant à la testatrice entre le 26 juillet 2007 et le 15 décembre 2008. Ces documents comportent le nom de la testatrice, le numéro de téléphone de Monsieur [A] et la signature contrefaite de la défunte. Monsieur [A] reçoit procuration sur les comptes le 12 août 2008. Enfin, de 2009 au décès de Madame [Z], la quasi-totalité des chèques émis depuis ses comptes avec la signature de Monsieur [A]. Cela suffit pour les concluants à établir l'exigence d'un mandat.

Sur la reddition des comptes':

Le rapport d'expertise constate que les dépenses de madame [Z] sont injustifiées eu égard à son train de vie pour un montant de 577.100 €.

L'expert relève également que Monsieur [A] à directement bénéficié de versements à hauteur 157.000 €.

Enfin, les dépenses inexpliquées s'élèvent à 413.000.

Les concluants invoquent le fait que le comportement de monsieur [A] a violé l'article 1993 du code civil, celui-ci devant rendre compte de sa gestion. Ils rejettent en outre l'argumentation selon laquelle la gestion de Monsieur [A] aurait été ratifiée par la défunte.

Les sommes dues sont les suivantes':

116.898 € pour les virements faits à lui-même

12.750 € pour les virements faits à sa mère

27.286 € Pour les chèques faits par Monsieur [A] à son profit

413.000 € pour les dépenses inexpliquées par Monsieur [A]

Monsieur [A], intimé, demande par ces écritures du 7 décembre 2017 de':

Principalement':

Dire et juger que les appelants n'ont pas la qualité d'héritier pour avoir été institués légataires universels

Dire et juger que le légataire de la quotité disponible ne bénéficie pas d'une assiette garantie pour exercer ces droits

En conséquence,

Dire et juger que les intimés n'ont aucun droit sur la quotité disponible et partant sur la succession

Dire et juger qu'ils n'ont ni qualité ni intérêt à agir à l'encontre de Monsieur [U] [A]. Faire droit à la fin de non-recevoir invoquée par Monsieur [U] [A] à ce titre.

Constater que les légataires universels n'ont pas été appelés à la présente procédure

Dire et juger que les appelants sont radicalement irrecevables en leurs demandes

Subsidiairement':

Constater que la preuve d'un contrat de mandat, de sa durée et des obligations qui en découlent n'est nullement rapportée

Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes

Plus subsidiairement':

Dire et juger que les appelants n'ont pas la qualité d'héritier

Dire et juger en conséquence qu'ils sont infondés en leurs demandes de reddition de comptes

Encore plus subsidiairement':

Dire et juger que les intimés n'apportent pas la preuve d'une faute contractuelle ou délictuelle de monsieur [U] [A] dans l'exécution du contrat de mandat

Dire et juger que la quotité disponible est par essence l'espace de liberté du de cujus quant à l'affectation de son patrimoine successoral et qu'il est libre de l'attribuer comme bon lui semble.

Dire et juger que les appelants ne peuvent en leur qualité de légataire, prétendre à aucun droit à faire réintégrer les donations antérieures à l'actif successoral

Dire et juger que la défunte pouvait à défaut d'héritier réservataire, librement disposer de sa fortune

Débouter en conséquence les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire':

Constater que le montant des sommes dont il est réclamé condamnation est injustifié

Constater que les appelants ont occulté l'actif disponible au jour du décès d'environ 250.000€

Dire et juger que les appelants chiffrent à 413.000 les dépenses inexpliquées de Monsieur [A] alors que l'expertise n'a jamais imputé à ce dernier la totalité des dépenses inexpliquées

Dire et juger incomplet et affecté d'erreurs le rapport de Madame [W]

En conséquence, dire nul ce rapport d'expertise

Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Condamner les appelants à payer à Monsieur [A] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits.

Il soutient ':

Sur le défaut de qualité à agir':

A défaut d'être héritier, et a fortiori héritier réservataire, les appelants n'ont ni qualité ni intérêt à agir contre un légataire à titre particulier.

Ces derniers ne peuvent en effet contester les biens et sommes reçus par Monsieur [A], ne pouvant solliciter ni de leur réduction ni de leur rapport.

Qu'ils doivent au surplus, conformément à leur qualité se contenter des biens existant au jour du décès.

Les appelants ne peuvent se prévaloir de l'autorité de la chose jugée dans la mesure ou l'arrêt invoqué se fonde sur une cause différente qui est celle de la délivrance du legs particulier par les légataires universels.

Par conséquent les conditions de l'autorité de la chose jugée ne sont pas réunies.

Sur la preuve du mandat':

A défaut de mandat écrit il convient de rapporter la preuve d'un mandat oral dont la charge pèse sur le demandeur.

Les appelants échouent à rapporter cette preuve dans la mesure où ils se fondent principalement sur le rapport d'expertise. Or l'expert ne peut aucunement dire le droit et ne doit apporter que des conclusions techniques.

De plus les différentes pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir de manière certaine l'existence d'un contrat de mandat, contestée par le concluant. La procuration sur les comptes de la défunte dont disposait Monsieur [A] ne permettent pas non plus d'apporter la preuve requise.

Il appartient en effet aux demandeurs d'apporter la preuve que les opérations bancaires relevant de la procuration ont été faites en dehors de la supervision et du contrôle de la défunte.

Enfin, il faut relever que l'affirmation selon laquelle Monsieur [A] est le seul mandataire est erronée. En effet, les relevés de comptes de la testatrice révèlent que des frais de mandat ont été prélevés au profit de mandataires professionnels qui n'ont pas eu à rendre compte de leur gestion devant l'expert.

Sur une prétendue faute de gestion':

Si par extraordinaire le mandat devait être établi, les appelants échouent à rapporter la preuve d'un manquement du monsieur [A]. En effet, les dépenses litigieuses correspondent au niveau de vie de Madame [Z] et ont été faite avec son aval. En effet, aucune opposition de la part de Madame [Z] n'a pu être relevée. Cela emporte ratification de la gestion du mandataire. En outre de nombreuses pièces versées au dossier démontrent une grande proximité et des liens affectifs entre Monsieur [A] et Madame [Z], justifiant une certaine préférence pour celui-ci et contredisant une absence de ratification de la gestion des affaires de la de cujus. Enfin, en tout état de cause, la diminution des avoirs bancaires de la testatrice ne saurait constituer une faute de gestion dans la mesure où les droits d'un légataire universel se limite à l'actif existant au jour de l'ouverture de la succession. En outre, leur simple qualité de légataire ne leur permet pas de contester, les libéralités reçues par Monsieur [A]. En effet, n'étant pas héritiers réservataires, les appelants ne peuvent se prévaloir d'une atteinte à leur réserve, et n'étant simplement pas héritiers ils ne peuvent pas demander le rapport des libéralités consenties. Or, il faut considérer que les sommes perçues par Monsieur [A] constituent des dons manuels consentis par la défunte en toute sanité d'esprit, par affection pour son neveu.

Sur les sommes réclamées':

Ces sommes sont contestées, en effet, en premier lieu, une partie des sommes litigieuses relevées par le rapport d'expertise ont profité à la mère de Monsieur [A] qui n'a pas été mise en cause. En deuxième, lieu les demandes des appelants ne tiennent aucunement compte de l'actif existant au jour de l'ouverture de la succession, soit'environ 250.000 €. En troisième lieu les appelants ne sauraient se prévaloir de la somme de 413.000 € au titre des dépenses inexpliquées. En effet, l'expert n'a aucunement attribué la totalité de ces dépenses aux faits de Monsieur [A]. Qu'en outre, cette demande se réduit en réalité à une demande de rapport à succession à laquelle les appelants sont irrecevables.

Sur le rapport d'expertise':

Le rapport d'expertise est incomplet en ce que l'interrogation du fichier FICOBA à révélé l'existence de comptes n'y figurant pas, tout comme les intérêts de l'assurance -vie. Il est également inexact en ce que l'actif successoral qui y est porté diffère de celui accepté par les appelants en l'étude de maître [D]. En outre, l'experte a échoué dans sa mission d'estimation du train de vie de la de cujus. En effet, elle n'a pas pris en compte les dépenses fixes que constituent les divers impôts et frais auxquelles elle était assujettie. Ces sommes ignorées par l'experte doivent être ajoutées à l'estimation du train de vie de la défunte. Le rapport d'expertise comporte également de nombreuses erreurs dans le chiffrage des sommes.

Par arrêt mixte en date du 30 janvier 2019 la présente juridiction a

Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par monsieur [A] tirée du défaut de droit d'agir des appelants

Dit que Monsieur [X] [P] et Mesdames [C] et [I] [P] ont intérêt et qualité à agir

ET AVANT DIRE DROIT

Ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur la qualification possible de gestion d'affaire, des faits en litige et des conséquences de droit que cette qualification emporterait

Sursit à statuer sur les autres demandes des parties.

Elle a considéré sur la preuve du mandat':

que l'implication de Monsieur [A] dans la gestion des intérêts de Madame [Z], non contestée par celui-ci en ce qu'il admet avoir agi ponctuellement, ne suffit pas à établir que cette gestion était contractuellement organisée par les parties. La formation du mandat nécessite la démonstration d'un accord de volonté entre les parties. A cette fin, les concluants invoquent un certain nombre d'éléments. En premier lieu, dix ordres de vente depuis ses comptes titres entre le 27 juillet 2007 et le 15 décembre 2008. Elle invoque que ces actes au nom de la défunte portent tous le numéro de téléphone de Monsieur [A], et la signature contrefaite de Madame [Z] par Monsieur [A]. L'examen des pièces (25 bis et 26) montre d'importantes similitudes entre la signature de Monsieur [A] présente sur la procuration dressée en 2008 (pièce 26) et la signature portée en bas des différents ordres de virement, particulièrement pour le document daté du 16 mars 2008 comportant en outre la mention pour ordre. Cependant cela ne signifie pas que ces ventes ont été réalisées dans le cadre d'un mandat régulièrement conclu entre les parties, l'accord de volonté devant être démontré. En second lieu la procuration datée 12 août 2008.Ce document donne mandat général à Monsieur [A] afin de régir et d'administrer tous les comptes présents et futurs de Madame [Z] ouverts à la CIC Bonasse - Lyonnaise de Banque. Ce document constitue la preuve littérale d'un mandat conclut entre Madame [Z] et Monsieur [A].

Que les éléments produits pouvaient laisser penser que Monsieur [A] et Madame [Z] n'étaient liés par un mandat qu'a compter du 12 août 2008 et que les pouvoirs du mandataire se limitaient aux comptes de Madame [Z], mandante, ouverts auprès de l'établissement Bonnasse ' Lyonnaise de Banque.

Que les éléments du dossier pourraient conduire à ce que les faits ne relevant pas de l'exécution de la procuration du 12 août 2008 relèvent d'une gestion d'affaire.

Par leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 juillet 2019, les consorts [P] demandent à la cour de':

Homologuer le rapport de l'expert [W], Constater que Mr [A] n'a rendu aucun compte de la gestion des comptes bancaires CIC LYONNAISE DE BANQUE et CAISSE D'EPARGNE sur lesquels il avait procuration. En conséquence dire et juger qu'il engage sa responsabilité,

Subsidiairement

Dire et juger que Mr [A] a géré les affaires de Madame [Z], Constater que Mr [A] n'a pas rendu compte de sa gestion et qu'il a engagé sa responsabilité délictuelle,

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [U] [A] au paiement de la somme de 570.000 €, avec intérêts de droit à compter du 13 janvier 2012, Le condamner au paiement d'une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le condamner aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais de l'expertise [W]. Ils soutiennent':

Qu'il ressort des pièces versées aux débats que [U] [Z] avait - La procuration de Madame [Z] sur ses comptes et son coffre à la Caisse d'Epargne depuis le 19 février 2004 (notre pièce N°36), - La procuration de Madame [Z] sur ses comptes au CIC Bonnasse-Lyonnaise de Banque depuis le 12 août 2008 (notre pièce N°26). Que pour la gestion de ces comptes bancaires, Mr [A] n'a apporté aucune reddition de comptes comme il aurait dû le faire. Il engage en conséquence sa responsabilité contractuelle de mandataire.

Que subsidiairement les conditions permettant de qualifier la gestion d'affaire sont réunies, l'intention de gérer et l'utilité de la gestion étant démontrées'; qu'en effet, L'expert note, en réponse à la question 9 de sa mission, que [U] [A] apparaît avoir été le seul gestionnaire de la fortune de Madame [Z], de fin 2003 à fin 2011, date du décès de

Madame [Z]. Entre le 26 juillet 2007 (date à laquelle Monsieur [U] [A] n'avait pas de procuration, mais faisait quand même fonctionner les comptes) et le 15 décembre 2008, Monsieur [U] [A] a donné dix ordres de vente du compte titres d'[K] [Z] pour un montant total de 238 800 €'; que de nombreux témoins, personnels, médecin, amis de Madame [Z] témoignent de l'intervention de Monsieur [A] dans la gestion.

Qu'il ressort du dernier alinéa de l'article 1372 ancien du code civil que le gérant doit rendre compte de sa gestion de la même manière que s'il était soumis à un mandat exprès.

Que l'argumentation de monsieur [A] selon laquelle madame [Z] aurait ratifié sa gestion ne peut prospérer la défunte n'ayant à l'époque ni les moyens physiques, ni les moyens intellectuels de contrôler la gestion de Monsieur [A].

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 août 2019, monsieur [A] demande à la cour de':

Constater que Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] ne sont pas héritiers de Madame [J] veuve [Z] pour avoir été institués légataires universels, Constater que le seul fait que M. [U] [A] se soit impliqué dans la gestion de la défunte ne suffit pas à démontrer que cette gestion était organisée contractuellement par les parties, la formation du mandat nécessitant la démonstration d'un accord de volonté entre les parties,

En conséquence,

Dire et juger que la preuve de l'existence d'un mandat général de gestion octroyé à [U] [A] n'est pas rapportée, CONSTATER que la preuve de l'existence d'un contrat de mandat entre Madame veuve [Z] et Monsieur [U] [A], des obligations en découlant, de sa durée n'est nullement rapportée

En conséquence,

Débouter Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

Dire et juger que Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] ne rapportent pas la preuve de la faute contractuelle et de la faute délictuelle de Monsieur [U] [A] dans l'exécution du contrat de mandat, Dire et juger que la reddition des comptes s'est opérée au fur et à mesure de la gestion de Monsieur [U] [A] à défaut de preuve contraire, Dire et juger que la quotité disponible est par essence l'espace de liberté du de cujus quant à l'affectation de son patrimoine successoral et qu'il est libre de l'attribuer comme bon lui semble, Dire et juger que Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] ne peuvent en tant que légataire de la quotité disponible, prétendre qu'aux biens laissés au jour de l'ouverture de la succession et ne dispose d'aucun droit à faire réintégrer les donations antérieures, Dire et juger que Madame [J] veuve [Z], à défaut d'héritier réservataire, pouvait librement disposer de sa fortune.

En conséquence,

Débouter Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, Constater que les éléments constitutifs de la gestion d'affaires ne sont pas réunis, Dire et juger que Madame veuve [Z] connaissait parfaitement l'intervention de son neveu [U] [A] dans cette gestion pour avoir approuvé l'ensemble des actes accomplis.

En conséquence,

Débouter Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, sur le fondement de la gestion d'affaires,

A titre subsidiaire si la Cour devait considérer que les faits en litige peuvent être qualifiés de gestion d'affaires,

Constater que la gestion de M. [U] [A] ne peut être qualifiée de fautive, Dire et juger que les actes accomplis par [U] [A] se sont révélés utiles pour avoir permis Madame Veuve [Z] de demeurer jusqu'à son dernier jour, à son domicile, selon sa volonté, Dire et juger que rien n'implique pas que la reddition de comptes n'intervienne qu'en fin de mandat et non pas au fur et à mesure des opérations, Dire et juger qu'il n'est imposé aucune forme pour la reddition des comptes, Dire et juger qu'il est suffisamment rendu compte par les relevés adressés au titulaire du compte ou des comptes,

Et en tout état de cause,

Dire et juger que Madame veuve [Z] a donné quitus à la gestion de M. [U] [A] pendant toutes ces années et a manifesté de manière non équivoque son accord, Dire et juger que Madame veuve [Z] a ratifié implicitement la gestion par [U] [A] au fur à mesure, Dire et juger que le seul fait d'avoir ratifié cette gestion fait donc disparaître toute difficulté relative à l'utilité de cette gestion, Dire et juger que [U] [A] s'est trouvé dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit mais la simple démonstration de ce que cette gestion qui a duré dans le temps, de 2003 à 2011, sans la moindre remarque de Madame [Z] laquelle n'a cessé de se rapprocher avec le temps de son neveu démontre au contraire de l'absence totale de faute ou de gestion inutile, Dire et juger que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée, Madame veuve [Z] pouvant librement disposer de sa fortune, Dire et juger que Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] ne rapportent pas la preuve de la faute délictuelle imputée à M. [U] [A] et partant, outre la démonstration d'une faute, la preuve d'un préjudice et le lien de causalité en stricte application des dispositions de l'article 1382 ancien du Code Civil,

En conséquence,

Débouter Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, sur le fondement de la gestion d'affaires ;

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE,

Constater que le montant des sommes dont il est réclamé condamnation est totalement fantaisiste et dépourvu de rigueur ; Constater que les consorts [P] ont occulté l'actif disponible au jour du décès de la défunte d'environ 250 000 euros, Dire et juger que les consorts [P] n'hésite pas à chiffrer à 413 000 euros ce qu'ils qualifient de dépenses inexpliquées de [U] [A] alors que Madame [W] n'a JAMAIS imputé à ce dernier la totalité des dépenses qualifiées d'inexpliquées, Dire et juger incomplet et affecté d'erreurs le rapport de Madame [W],

En conséquence,

Dire et juger nul le rapport d'expertise judiciaire de Madame [W],

En conséquence,

Débouter Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 30 août 2016 en ce qu'il a débouté les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et en ce qu'il a condamné les Consorts [P] au paiement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Y ajoutant,

Condamner Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'Art. 700 du Code de Procédure, Condamner Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] aux entiers dépens sur le fondement de l'Art. 696 du CPC.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 septembre 2019.

SUR CE:

Sur la recevabilité de l'action des consorts [P]

Le premier juge a considéré à tort que les légataires universels n'ayant pas demandé leur envoi en possession n'étaient pas recevables à agir. Dès lors qu'ils justifient qu'ils ont effectivement obtenu l'envoi en possession à proportion de leurs droits respectifs dans la succession ils sont bien recevables à agir et la décision doit être censurée de ce chef.

Sur la nature de l'action engagée par les consorts [P]:

M. [A] fait valoir que les consorts [P] ne sont pas héritiers de Mme [Z], qu'ils ne sont que légataires universels et qu'à ce titre ils ne peuvent solliciter le rapport de donations dont il aurait bénéficié, leurs droits se limitant à l'actif existant au jour du décès.

Cependant le fondement de l'action des appelants n'est nullement une demande de rapport à la succession de donations déguisées ou indirectes dont aurait bénéficié M. [A] mais une action en reddition de compte à l'encontre d'un mandataire ou d'un gérant d'affaire. En leur qualité de légataires universels les consorts [P] ont en effet recueilli dans la succession les droits et actions qui se trouvaient dans le patrimoine de la défunte, dont l'action en reddition de compte qu'ils sont fondés à exercer en ses lieu et place.

Sur la nullité du rapport d'expertise:

M. [A] sollicite la nullité du rapport d'expertise estimant qu'il comporte des erreurs d'appréciation et de calcul, des omissions et qu'il ne peut servir de base à la décision à intervenir.

Cependant pour que la nullité du rapport soit encourue il faudrait que l'expert n'ait pas respecté les règles qui régissent les mesures d'instruction ou qu'il ait porté atteinte à un droit fondamental de l'une ou l'autre des parties.

La présence d'erreurs ou d'imperfections dans le rapport ne peut entraîner sa nullité dès lors que ces imperfections peuvent être réparées ou n'ont pas de conséquence sur le fond du travail réalisé.

En l'espèce l'expert a réalisé un travail qui pour l'essentiel est sérieux et réfléchi et dont les conclusions sont pertinentes.

Pour déterminer les dépenses de Mme [Z] insuffisamment justifiées Mme [W] a en premier lieu déterminé quels étaient les besoins mensuels de l'intéressée, recueillant l'assentiment des deux parties sur la somme de 9.550 Euros mensuels à partir du moment où des gardes de nuit ont été mises en place. A partir de cette somme il a estimé que sans les gardes de nuit ces frais s'élevaient à 6.850 Euros par mois. Il a ensuite listé les dépenses qui avaient été effectuées par chèque virements ou carte bleues, soulignant que M. [A] avait totalement pris en main la gestion des biens de Mme [Z]. La différence entre les dépenses réelles et les besoins de cette dernière telles qu'évaluées forfaitairement a conduit à retenir une somme de 613.100 Euros représentant les dépenses inexpliquées. Il a pondéré cette évaluation en retirant 5% pouvant correspondre à des dépenses non prises en compte dans l'évaluation forfaitaire ce qui conduit à un total de dépenses inexpliquées de 577.100 Euros arrondi à 570.000 Euros .

L'expert a vérifié la pertinence de cette analyse en procédant à un examen croisé de la trésorerie de Mme [Z] tenant compte, en considération des besoins de celle-ci et de ses revenus de toute sorte ( Retraite, revenus fonciers, ventes de titres, cessions immobilières etc..). du déficit en trésorerie qui subsistait et qui était du même ordre de grandeur que les dépenses inexpliquées qu'il avait évaluées.

Concernant le griefs formulés à l'encontre de ce rapport il convient de considérer :

- Concernant l'existence de Mandataires professionnels dont l'intervention ne serait pas prise en compte par l'expert il résulte des éléments du dossier que M. [A] a pris en compte la gestion de l'ensemble des affaires de sa tante par alliance ; dès lors l'intervention ponctuelle de mandataires professionnels pour des opérations particulières est sans incidence sur son obligation de rendre des comptes.

- Concernant l'existence de comptes non pris en compte par l'expert Mme [W] a reconstitué les dépenses de la défunte à partir des éléments qu'elle a pu collecter et on ne voit pas en quoi alors que les ressources de Mme [Z] ne sont pas contestées des dépenses figurant sur un autre compte pourraient modifier à la baisse les sommes réclamées à M. [A].

- Concernant l'estimation du train de vie de Mme [Z] les parties sont convenues lors de la réunion d'expertise de le fixer à la somme retenue par l'expert. M. [A] apparaît dès lors mal fondé à critiquer cette évaluation sans cependant justifier lui-même du train de vie de la défunte.

- Concernant les approximations de chiffres elles sont très marginales et ne remettent pas en cause les conclusions expertales alors d'une part que ne sont pas pris en compte dans les dépenses les chèques inférieurs à 500 Euros et que d'autre part l'expert a déduit forfaitairement de 5% le montant des dépenses inexpliquées.

Les conclusions du rapport de Mme [W] seront donc retenues.

Sur l'existence d'un mandat

Suivant procuration en date du 12 août 2008, Mme [Z] a donné mandat général à Monsieur [A] afin de régir et d'administrer tous ses comptes présents et futurs ouverts à la CIC Bonasse - Lyonnaise de Banque. Cela constitue la preuve littérale d'un mandat conclu entre Madame [Z] et Monsieur [A].

Il ressort également des éléments du dossier que Madame [Z] a donné à monsieur [A] une procuration sur ses comptes et son coffre à la Caisse d'Epargne depuis le 19 février 2004.

Il n'est donc pas contestable que, s'agissant des opérations réalisées sur ces comptes par M. [A] à compter des procurations qu'il a obtenues, il a agi dans le cadre des mandats qu'il a reçus et est donc soumis aux obligations de tout mandataire.. Aux termes de l'article 1993 du code civil « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.» . Il résulte de ce texte que M. [A] doit rendre compte de sa gestion au mandant et qu'il doit lui restituer toutes les sommes dont il ne pourrait justifier qu'elles ont été employées à son bénéfice.

Monsieur [A] considère que sa responsabilité ne peut être engagée d'une part en ce qu'il qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat et d'autre part en ce que l'exécution de son mandat a été ratifiée par la défunte.

Concernant la question de la faute, celle-ci est constituée par le fait de ne pouvoir justifier, lors de la reddition des comptes, de l'usage au bénéfice du mandant, de la procuration reçue. Toute dépense non justifiée constitue dès lors un manquement aux obligations contractuelles du mandant et justifie que la somme correspondante soit restituée.

Concernant ensuite la ratification de la gestion par la défunte. Il convient de rappeler que s'agissant d'un moyen invoqué en vue de s'exonérer de sa responsabilité, la charge de la preuve pèse sur la partie l'invoquant. Or, le seul argument selon lequel la défunte est restée silencieuse face à la gestion de monsieur [A] ne suffit pas à rapporter une telle preuve.

Dès lors monsieur [A] est comptable des sommes perçues au titre des différentes procurations reçues de la défunte et les consorts [P], exerçant l'action de celle-ci qu'ils ont trouvée dans son patrimoine sont fondés à réclamer que les sommes dont il ne peut justifier soient mises à sa charge et réintègrent la succession.

Sur la gestion d'affaire :

L'existence des deux procurations évoquées plus haut ne suffit pas à démontrer l'existence d'un mandat général d'administration portant sur l'ensemble des affaires de la défunte.

Se pose cependant la question de la gestion d'affaires. Celle-ci se définit, au sens de l'ancien article 1372 du code civil applicable à la cause, comme'la prise en main volontaire par le gérant des affaires d'autrui, qui l'ignore ou ne manifeste pas d'opposition. La gestion d'affaire doit présenter une utilité pour le maître de l'affaire.

Il résulte clairement des constatations de l'expert, des éléments comptables qu'il a analysés et des propres aveux de M. [A] lors des réunions d'expertise que celui-ci a pris la suite de M. [N] [P] à compter de 2003 dans la gestion des affaires de Mme [Z]. Il a reconnu disposer des chéquiers et de la carte bleue de l'intéressée et être seul a connaître les codes permettant les virements bancaires. Cette situation est corroboré par les attestations de madame [G] de monsieur et madame [R], affirmant que monsieur [A] a pris en charge la gestion des biens de la défunte à partir de l'année 2003. Dans les premiers temps de son exercice cette gestion s'est révélées utile à Mme [Z] les dépenses inexpliquées n'apparaissant réellement qu'à compter de 2006. Par ailleurs l'existence potentielle de mandataires professionnels intervenant ponctuellement, dont la preuve serait rapportée par des débits correspondant à leur rémunération ne serait pas de nature à contredire une gestion globale des biens par le gérant, ce dernier pouvant dans le cadre de sa gestion recourir à leurs service. La gestion d'affaire est donc en l'espèce caractérisée.

Aux termes de l'article 1372 du code civil «Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire.».

M. [A] en sa qualité de gérant des affaires de Mme [Z] est tenu des mêmes obligations qu'un mandataire; il doit rendre compte de sa gestion et est redevable envers le maître de l'affaire de l'utilisation des fonds dont il ne peut justifier sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'une autre faute que celle-ci.

Ainsi qu'il a été indiqué plus haut l'expert a fait une analyse pertinente des mouvements de fonds qui conduit à considérer que des dépenses demeurent injustifiées à hauteur de 570.000 Euros.

Pour les motifs déjà exposés dans le cadre du mandat c'est à M. [A] de démontrer que Mme [Z] lui a donné compte de sa gestion durant son exercice ce qu'il ne démontre nullement.

Il résulte de ce qui précède que M. [A] a utilisé les fonds de Mme [Z] à hauteur de 570.000 Euros sans pouvoir justifier de sa dépense.

Aux termes de l'article 1996 du code civil «Le mandataire doit l'intérêt des sommes qu'il a employées à son usage à dater de cet emploi ; et de celles dont il est reliquataire à compter du jour qu'il est mis en demeure.» M. [A] est donc débiteur des intérêts sur la somme de 570.000 Euros à compter du 13 janvier 2012 date à laquelle la reddition des comptes lui a été demandée.

Les sommes ainsi arbitrées constituent une créance de la succession sur M. [A] qui se trouvait donc dans le patrimoine de Mme [Z] à son décès et dont les légataires universels qui ont déjà obtenu leur envoi en possession sont fondés à demander, à hauteur de leurs droits respectifs, le paiement à M. [A].

Sur les demandes accessoires':

Il y a lieu de condamner Monsieur [A], succombant totalement en appel à supporter les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise ainsi qu'à verser aux consorts [P] la somme de 3000. € au titre de l'article 700 du code civil.

PAR CES MOTIFS,

La cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau

Condamne Monsieur [A] à payer la somme de CINQ CENT SOIXANTE DIX MILLE EUROS (570.000 €) portant intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 2012, à Monsieur [X] [P], Mme [C] [P], épouse [V], Madame [I] [P] épouse [O], et Melle [L] [P] à proportion de leurs droits respectifs dans la succession de Mme [Z].

Rejette l'ensemble des demandes de monsieur [A]

Condamne monsieur [A] à supporter les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise ainsi qu'à verser aux consorts [P] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code civil.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 16/16348
Date de la décision : 13/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/16348 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-13;16.16348 ?
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