COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 21 NOVEMBRE 2019
N° 2019/867
N° RG 18/17558
N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJSG
[K] [S] [J]
C/
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble ISOLA CELESTA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me SIMON-THIBAUD
Me MAGNAN
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de [Localité 1] en date du 16 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00233.
APPELANT
Monsieur [K] [S] [J]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Guy FERREBOEUF, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉ
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble ISOLA CELESTA
sis [Adresse 1]
représenté par son syndic en exercice, la SA cabinet TABONI dont le siège social est sis [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, madame Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
madame Geneviève TOUVIER, présidente
madame Virginie BROT, conseillère
madame Catherine OUVREL, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019,
Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [K] [J] est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 1], au sein de la copropriété [Adresse 1].
Monsieur [K] [J] se plaint d'infiltrations affectant le bâtiment Corfou depuis 2008 et met en cause une absence de surcouche de 5 m² de l'étanchéité d'une cheminée d'aération située sur le toit de l'immeuble et un défaut d'étanchéité de sa terrasse.
Par jugement du 30 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nice a rejeté la demande de monsieur [K] [J] tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires Isola Celesta à faire exécuter sous astreinte les travaux d'étanchéité de la terrasse suivant les préconisations de l'expert privé intervenu à sa demande, monsieur [L], en juin 2013.
Saisi par monsieur [K] [J], par ordonnance en date du 16 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a :
débouté monsieur [K] [J] de sa demande d'expertise,
condamné monsieur [K] [J] au paiement des dépens,
condamné monsieur [K] [J] à verser au syndicat des copropriétaires Isola Celesta la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté le surplus des demandes.
Selon déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2018, monsieur [K] [J] a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 29 août 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [K] [J] demande à la cour de:
réformer l'ordonnance entreprise,
dire qu'il justifie d'un intérêt légitime à la mesure sollicitée compte tenu de la potentialité future d'un procès,
ordonner, à la charge du syndicat des copropriétaires, une expertise en vue de déterminer si l'étanchéité de la toiture terrasse de l'immeuble présente un anomalie, à savoir un manque de 5 m² de surcouche autour d'une cheminée de l'immeuble, susceptible d'entraîner des infiltrations dans son appartement, de déterminer l'existence même de ces infiltrations, de donner toute solution technique propre à y remédier et d'évaluer les préjudices en découlant,
condamner le syndicat des copropriétaires Isola Celesta à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Monsieur [K] [J] soutient avoir un intérêt légitime à la réalisation de l'expertise afin d'établir le bien fondé de la solution technique à retenir pour la réalisation de travaux d'étanchéité, notamment sur son balcon, et de remédier aux infiltrations qui perdurent. Il se fonde d'ailleurs sur la résolution de l'assemblée générale du 29 juin 2017 portant sur la réalisation des travaux d'étanchéité, ce qui démontre que ceux-ci sont toujours nécessaires, des travaux ayant été entamés en 2010 mais jamais achevés.
Monsieur [K] [J] assure que sa demande est distincte de celle ayant conduit au jugement de 2017 dans la mesure où il demande aujourd'hui une expertise en vue d'apprécier le degré d'atteinte et de définir les solutions techniques propres à remédier de manière définitive aux infiltrations, alors que lors de la précédente instance, il sollicitait la condamnation à des travaux de reprise suivant une solution technique précise. Il se défend d'être un opposant systématique au sein de la copropriété.
Monsieur [K] [J] soutient être directement concerné par les travaux compte tenu des défauts affectant son balcon, partie commune à usage privatif, de sorte que son action en tant que copropriétaire est parfaitement recevable.
Par dernières conclusions transmises le 11 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires Isola Celesta sollicite de la Cour qu'elle :
confirme l'ordonnance de référé entreprise,
condamne monsieur [K] [J] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le syndicat des copropriétaires Isola Celesta invoque l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 30 janvier 2017 pour s'opposer à la demande d'expertise présentée dans la mesure où le juge du fond a déjà rejeté des demandes identiques à celles encore présentées aujourd'hui par monsieur [K] [J].
Le syndicat des copropriétaires Isola Celesta soutient que monsieur [K] [J] ne démontre aucune motif ou intérêt légitime pour justifier une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, celle-ci étant parfaitement inutile. En effet, l'intimé explique que monsieur [K] [J] ne démontre aucun désordre sur son bien et ne se fonde que sur des constats d'huissier de justice de 2008, 2009, 2013 et 2015, comme en première instance. L'intimé fait valoir que monsieur [K] [J] tente de détourner les règles de vote d'ordre public au sein d'une copropriété, ne supportant pas de ne pas avoir obtenu un vote majoritaire en assemblée générale sur des travaux d'étanchéité sur les terrasses de la copropriété, et notamment sur la sienne, qui suivraient les préconisations de son expert privé et donc la solution technique qu'il entend imposer.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 30 septembre 2019 .
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'expertise
En vertu des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Par application de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.
Il est de jurisprudence constante qu'une mesure demandée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être ordonnée qu'à la condition qu'aucun procès n'ait encore été engagé, à moins qu'il ne s'agisse d'un procès distinct.
Monsieur [K] [J] est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 1].
Depuis 2008, il se plaint d'infiltrations en provenance du toit terrasse de l'immeuble à raison d'un défaut de 5m² de sur couche d'étanchéité de la toiture, au niveau d'une cheminée, et d'infiltrations à partir de ses propres balcon et terrasse.
Il sollicite aujourd'hui l'organisation d'une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de déterminer l'existence d'une anomalie de la toiture terrasse de l'immeuble concerné, tenant en un défaut de 5m² de sur couche autour d'une cheminée, ainsi que de déterminer l'existence des infiltrations, leurs causes et les solutions techniques propres à y mettre un terme.
Afin d'apprécier l'existence d'un intérêt légitime de l'appelant à la réalisation d'une telle expertise, encore convient-il que les désordres invoqués soient toujours établis. S'il n'est pas contesté par les parties que des infiltrations et problèmes d'étanchéité ont existé en 2008, puisque des travaux ont été envisagés et pour partie entrepris, leur persistance à ce jour au préjudice de monsieur [K] [J] doit être examinée.
Tout d'abord, monsieur [K] [J] se plaint d'un défaut d'étanchéité au niveau de la toiture terrasse. Depuis l'ordonnance entreprise, il produit sur ce point quelques éléments. Ainsi, aux termes d'un procès-verbal de constat par huissier de justice du 3 mai 2019, il est constaté une infiltration au niveau du couloir d'entrée de l'appartement de l'appelant. Pour autant, monsieur [K] [J], qui ne justifie pas avoir saisi d'ailleurs son assureur habitation au titre de ce sinistre, ne démontre pas en quoi cette entrée d'eau serait due à un défaut d'étanchéité de la toiture qu'il circonscrit au manque de 5m² de sur couche au niveau d'une cheminée. En effet, la comparaison de ce constat avec celui du 24 juillet 2008, qui avait établi l'existence d'infiltrations imputables à cette anomalie, fait apparaître des discordances en terme d'ampleur et de pièces concernées au domicile de l'appelant ; il s'agissait à l'époque du couloir de distribution de la partie nuit et d'une chambre. La réalité des désordres actuels quant à l'étanchéité de la toiture terrasse n'est donc pas manifestement établie.
En outre, monsieur [K] [J] met en avant des désordres relatifs à ses balcon côté Nord et terrasse côté Nord et Ouest. Il s'appuie sur un procès-verbal de constat par huissier de justice du 29 octobre 2018 qui met en exergue la vétusté de ces éléments, l'existence de fissures, la présence de mousse et de traces verdâtres d'humidité sur le mur du garde-corps du balcon ainsi qu'un écoulement d'eau, en goutte à goutte, sur la rambarde et le mur du balcon du dessous, le constat étant réalisé un jour de pluie. Ce constat qui en soit ne permet pas de connaître la cause des dégradations constatées, et notamment ne permet pas de les imputer à une infiltration d'eau par le sol des balcon et terrasse, établit surtout que les préjudices sont subis par les voisins du dessous de monsieur [K] [J], et non par lui-même. Ce dernier admet au demeurant ne pas être le principal intéressé concernant les conséquences du défaut du complexe d'étanchéité de la terrasse.
A supposer donc que des désordres actuels soient encore avérés, et que monsieur [K] [J] puisse se prévaloir d'un intérêt à agir en tant que copropriétaire, dans la mesure où ces désordres affectent des parties communes à usage privatif, dont le sien, il doit encore justifier d'un intérêt légitime à la réalisation d'une telle expertise au sens de l'article 145 du code de procédure civile, ce qui suppose la potentialité d'un procès à venir, et donc que l'on se place avant tout procès.
Or, par jugement définitif du tribunal de grande instance de Nice du 30 janvier 2017, la demande de monsieur [K] [J] tendant à obtenir la condamnation sous astreinte du syndicat des copropriétaires Isola Celesta à faire effectuer les travaux d'étanchéité de la toiture terrasse (5m²) et de l'étanchéité des balcon et terrasse conformément aux spécifications de monsieur [L], expert requis en 2013 par monsieur [K] [J] de manière non contradictoire, a été rejetée. Cette décision a autorité de chose jugée.
Monsieur [K] [J] soutient aujourd'hui que sa prétention est différente dans le sens où il ne sollicite pas ici la condamnation du syndicat des copropriétaires à la réalisation de travaux spécifiques (selon les préconisations de monsieur [L]), mais demande une expertise aux fins de déterminer l'existence de désordres ainsi que les solutions techniques permettant de les résoudre et pouvant être retenues, compte tenu du désaccord persistant entre les parties sur ce point.
Or, force est de constater que même présentés différemment, sous une qualification différente et par l'invocation de règles de droit distinctes, la situation actuelle et l'objectif poursuivi sont exactement les mêmes que lors de l'instance au fond, définitivement jugée.
En effet, les désordres allégués sont en tous points identiques, à savoir un manque de sur couche de 5m² en toiture et des infiltrations au niveau des balcon et terrasse de l'appelant. Aucune aggravation des dégradations n'est justifiée, ni même alléguée. Ce sont bien les techniques de reprise des désordres qui sont en cause depuis l'origine du litige et encore aujourd'hui. La problématique du type de reprise technique envisagée, à savoir celle préconisée par monsieur [L] consistant en une reprise complète avec dépose du carrelage des parties concernées pour réfaction des joints de construction dans l'épaisseur du carrelage, ou, l'application d'un film de résine sur le carrelage existant avec pose d'un nouveau carrelage par dessus, existe depuis des années. Elle a été appréciée dans le cadre de la précédente instance au fond, ce qui a conduit à écarter la demande de monsieur [K] [J].
Le désaccord sur la solution de reprise technique est au demeurant l'enjeu principal qui oppose les parties depuis des années, notamment au gré des résolutions des assemblées générales de copropriétaires. Celles-ci n'ont ainsi pas permis de remporter l'adhésion d'une majorité de copropriétaires en vue de la réalisation des travaux, ou ceux-ci, une fois votés n'ont pas pu être effectués. A ce titre, il convient de noter que monsieur [K] [J] a voté contre lors de plusieurs résolutions portant sur ces travaux, et notamment le 3 mai 2013 (point 27), le 7 octobre 2014 (point 7), et alors même qu'il était alors question de faire réaliser les travaux conformément aux souhaits actuels de l'appelant, ou encore le 29 juin 2017( point 13). Monsieur [K] [J] se défend de cette opposition systématique en invoquant le caractère inepte des travaux préconisés sous une autre forme que celle retenue par monsieur [L].
De plus, aucune des résolutions d'assemblées générales n'a été contestée selon les règles applicables en matière de copropriété. La présente demande d'expertise ne saurait avoir pour objectif de contourner les règles de vote applicables dans ce cadre, ni d'imposer au syndicat des copropriétaires des travaux qui relèvent d'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires.
Au vu de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 30 janvier 2017 et du principe de concentration des demandes, tout nouveau procès à raison de ces mêmes désordres et des travaux propres à y mettre un terme est manifestement voué à l'échec.
Dans ces conditions, aucune mesure d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile n'est justifiée et aucun intérêt légitime n'est établi par monsieur [K] [J] à cette fin, le référé probatoire n'ayant pas vocation à pallier la carence antérieure des parties dans l'administration de la preuve.
C'est donc à bon droit que le premier juge n'y a pas fait droit. L'ordonnance entreprise doit être confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [K] [J] qui succombe au litige sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires Isola Celesta les frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense. L'indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 2 500 euros en cause d'appel.
L'appelant supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne monsieur [K] [J] à payer au syndicat des copropriétaires Isola Celesta la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute monsieur [K] [J] de sa demande sur ce même fondement,
Condamne monsieur [K] [J] au paiement des dépens.
Le greffier,La présidente,