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26/11/2019 | FRANCE | N°19/01375

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 26 novembre 2019, 19/01375


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 26 NOVEMBRE 2019

AV

N° 2019/ 633













Rôle N° RG 19/01375 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDVSI







[D] [F] [H]

SA LA MEDICALE





C/



[Q] [P]

Organisme CPAM [Localité 1]

SA CLINIQUE BOUCHARD SA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Sébastien BADIE

Me Gaëtan BALESTRA

Me Bruno ZANDOTTI







Décision déférée à la Cour :



Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 14 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 1081 F-D.





DEMANDEURS AU RENVOI



Monsieur [D] [F] [H]

de nationalité Français...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 26 NOVEMBRE 2019

AV

N° 2019/ 633

Rôle N° RG 19/01375 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDVSI

[D] [F] [H]

SA LA MEDICALE

C/

[Q] [P]

Organisme CPAM [Localité 1]

SA CLINIQUE BOUCHARD SA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Gaëtan BALESTRA

Me Bruno ZANDOTTI

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 14 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 1081 F-D.

DEMANDEURS AU RENVOI

Monsieur [D] [F] [H]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me François ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Caroline BORRIONE, avocat au barreau de MARSEILLE

SA LA MEDICALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me François ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Caroline BORRIONE, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS AU RENVOI

Madame [Q] [P]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Gaëtan BALESTRA de l'ASSOCIATION BGDM ASSOCIATION, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Stéphanie ESQUER, avocat au barreau de MARSEILLE

Organisme CPAM [Localité 1] pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4]

non comparant

SA CLINIQUE BOUCHARD SA, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est au [Adresse 5]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lisa RAMOS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2019.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [Q] [P] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille le Dr [D] [H], médecin stomatologue, et son assureur, La Médicale de France, ainsi que la société Clinique BOUCHARD, en présence de la CPAM [Localité 1], pour obtenir :

- la condamnation du Dr [H] et de son assureur à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du manquement du médecin à son obligation d'information préalable et post opératoire ainsi que diverses sommes au titre de la réparation du préjudice résultant pour elle des suites opératoires d'une intervention chirurgicale d'enlèvement d'une dent de sagesse sous anesthésie générale pratiquée le 2 octobre 2009, pour faute médicale, ou subsidiairement la somme de 38 340 euros au titre du manquement d'information sur le risque qui s'est réalisé, ayant entraîné une perte de chance de se soustraire à ce risque,

- la condamnation de la clinique à lui verser une somme de 15 000 euros pour manquement à son obligation de conservation des données médicales et celle de 30 000 euros pour violation du secret médical.

Par jugement du 25 février 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- condamné le Dr [D] [H] et La Médicale de France à verser à Mme [Q] [P] une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du manquement du médecin à son devoir d'information préalable et condamné la société Clinique BOUCHARD à les relever et garantir de cette condamnation à hauteur de 50%,

- débouté Mme [Q] [P] de sa demande au titre du manquement à l'obligation d'information post-opératoire,

- débouté Mme [Q] [P] de ses demandes contre la société Clinique BOUCHARD,

- condamné le Dr [D] [H] et La Médicale de France à payer à Mme [Q] [P], au titre de la responsabilité médicale de celui-ci, la somme de 14 385 euros en réparation des préjudices subis,

- débouté Mme [Q] [P] de ses demandes d'indemnisation au titre des préjudices sexuel et d'agrément,

- condamné solidairement le Dr [D] [H] et La Médicale de France à verser à la CPAM [Localité 1] la somme de 493,87 euros au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné in solidum le Dr [D] [H] et La Médicale de France à verser à Mme [Q] [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la CPAM [Localité 1] celle de 164,62 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, outre les entiers dépens.

Le Dr [D] [H] et La Médicale de France ont interjeté appel de cette décision et par arrêt du 7 septembre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- confirmé le jugement, hormis sur la condamnation de la société Clinique BOUCHARD à relever et garantir le Dr [D] [H] et La Médicale de France et sur l'indemnisation du préjudice corporel global de Mme [Q] [P],

- statuant à nouveau sur ces deux points,

- débouté le Dr [D] [H] et La Médicale de France de leur demande tendant à être relevés et garantis par la société Clinique BOUCHARD de la condamnation prononcée in solidum contre eux en réparation du préjudice d'impréparation subi par Mme [Q] [P],

- condamné in solidum le Dr [D] [H] et La Médicale de France à verser à Mme [Q] [P] les sommes de :

* 18 220 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, le 25 février 2016, à hauteur de 14 385 euros et à compter du prononcé de l'arrêt à hauteur de 3 835 euros,

* 1 800 euros au titre des frais exposés en appel,

- condamné in solidum le Dr [D] [H] et La Médicale de France à verser à la société Clinique BOUCHARD la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle en appel,

- condamné le Dr [D] [H] et La Médicale de France aux dépens d'appel.

Par arrêt en date du 14 novembre 2018, la Cour de cassation a cassé cette décision, sauf en ce qu'elle rejette les demandes de Mme [Q] [P] contre la société Clinique BOUCHARD et en ce qu'elle rejette les demandes du Dr [D] [H] et de La Médicale de France contre cette société tendant à être relevés et garantis de la condamnation prononcée au titre du préjudice d'impréparation de Mme [Q] [P]. Elle a jugé que, pour condamner le praticien et son assureur au paiement des diverses sommes réparant le préjudice corporel de Mme [P], la cour avait relevé, d'abord que l'atteinte au nerf lingual que l'intervention n'impliquait pas était présumée fautive, ensuite que ceux-ci n'avaient développé aucune cause exonératoire tirée d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à l'intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relèverait de l'aléa thérapeutique, alors que le praticien et son assureur, en procédant par exclusion des autres causes pouvant être à l'origine d'une telle atteinte, avaient invoqué l'existence d'un aléa thérapeutique.

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée pour statuer sur les dispositions cassées.

Par déclaration de saisine en date du 22 janvier 2019, le Dr [D] [H] et La Médicale de France ont saisi la cour de céans.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

Le Dr [D] [H] et La Médicale de France, suivant leurs conclusions notifiées le 22 mars 2019, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute technique à l'encontre du Dr [D] [H] lors de la réalisation de l'acte chirurgical du 2 octobre 2009 et en ce qu'il a retenu que le Dr [D] [H] n'avait pas souscrit à son obligation d'information préalable,

- le confirmer en ce qu'il a jugé que le Dr [D] [H] avait respecté son obligation d'information post-opératoire,

- l'infirmer en ce qu'il a condamné le Dr [D] [H] et La Médicale de France à payer à Mme [Q] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire que le Dr [D] [H] n'a pas commis de faute technique susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle,

- dire que le Dr [D] [H] a souscrit à son obligation d'information préalable et post-opératoire,

- dire que les préjudices corporels subis par Mme [Q] [P] découlent directement et exclusivement d'un aléa thérapeutique,

- débouter Mme [Q] [P] de toutes ses revendications indemnitaires visant le Dr [D] [H] et La Médicale de France,

A titre subsidiaire, si une erreur technique devait être retenue,

- dire que seule la la CPAM [Localité 1] a droit au remboursement des dépenses de santé dont le montant s'élève à 493,87 euros,

- dire que le droit à indemnisation de Mme [Q] [P] doit être calculé comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire : 2 035 euros,

* souffrances endurées : 2 500 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 7 500 euros,

- dire que Mme [Q] [P] n'a subi aucun préjudice d'agrément et aucun préjudice sexuel,

A titre subsidiaire, si un défaut d'information préalable devait être retenu,

- dire qu'il n'existait en l'espèce aucune alternative thérapeutique à l'extraction dentaire litigieuse,

- dire en conséquence que Mme [Q] [P] ne pourrait se prévaloir d'aucune perte de chance de renoncer à l'intervention litigieuse,

- dire que la réparation du préjudice subi doit être limité à la réparation d'un seul préjudice moral autonome qui sera limité à la somme de 1 000 euros,

A titre très subsidiaire, si une perte de chance de se soustraire à l'intervention devait être qualifiée,

- dire que le taux de perte de chance ne saurait excéder 5%,

- dire qu'une fois le taux de perte de chance appliqué, les appelants devront être tenus d'indemniser Mme [Q] [P] comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire : 101,75 euros,

* souffrances endurées : 125 euros,

* déficitè fonctionnel permanent : 375 euros

- débouter Mme [Q] [P] de toute autre demande indemnitaire,

En tout état de cause,

- condamner Mme [Q] [P] à verser au Dr [D] [H] et à La Médicale de France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Leur argumentation est développée autour des points suivants :

1- la paralysie du nerf lingual droit de Mme [P] ne résulte pas d'une faute du praticien ; aucune présomption de faute ne peut être retenue, le patient ayant la charge de démontrer la faute du médecin, et en soutenant qu'il appartiendrait au Dr [D] [H] de rapporter la preuve de l'absence d'anomalie du nerf lingual de sa patiente, celle-ci inverse la charge de la preuve et met à sa charge une preuve techniquement impossible, les radiographies ne permettant pas de connaître le trajet des nerfs et l'exploration du nerf lingual en pré-opératoire n'étant jamais faite, ainsi que le rappelle l'expert judiciaire ;

2 - l'expert a retenu que le Dr [D] [H] avait dispensé des soins attentifs, consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l'art et qu'il n'avait commis aucune faute ; c'est en vain que Mme [P] a mis en doute la sincérité du compte-rendu opératoire, l'expert ayant rejeté cette allégation ;

3- en l'absence de faute prouvée, il convient de conclure à un accident médical non fautif dont les conséquences n'ont pas à être assumées par le praticien ; parmi les hypothèses envisagées par l'expert pour expliquer l'atteinte du nerf lingual, seule celle d'un aléa thérapeutique peut être retenue au regard des constatations techniques de l'expert ;

4- si une faute était retenue, il devrait être fait une appréciation différente de celle du tribunal sur les préjudices subis, notamment s'agissant du déficit fonctionnel temporaire qui a été total pendant 14 jours et partiel pendant 351 jours sur un taux qu'il convient de fixer à 25% et non à 75% comme le prétend Mme [P] ; il n'y a pas de préjudice d'agrément lié à une altération de la perception du goût des aliments, cet élément étant constitutif du déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert ; il n'existe pas non plus de préjudice sexuel, ce préjudice n'étant réparé que pour les atteintes à l'acte sexuel ou l'impossibilité de procréer et non pour la perte du plaisir du baiser amoureux ;

5- il n'y a pas eu de manquement du Dr [D] [H] à son obligation d'information; il a reçu sa patiente le 3 septembre 2009 et lui a expliqué les modalités et les risques inhérents à l'intervention ; contrairement à ce que soutient Mme [Q] [P], cette intervention n'était pas une opération de confort, mais était indiquée, de sorte que le praticien n'était pas tenu à une obligation d'information renforcée ; le risque d'atteinte du nerf lingual étant évalué à 2,6% des complications liées à l'extraction des dents de sagesse et celui d'une atteinte irréversible n'étant pas précisé par l'expert, il doit être considéré qu'il s'agit d'un risque exceptionnel et qu'il ne s'agit pas du risque grave prévu par l'article L 1111-2 du code de la santé publique ; c'est la raison pour laquelle le Dr [D] [H] a indiqué ne pas en avoir informé Mme [Q] [P] ;

6- si un défaut d'information était retenu, il n'existerait pas de perte de chance indemnisable car Mme [Q] [P] n'était pas en mesure de refuser l'extraction dentaire, aucune alternative n'existant ; la patiente lui avait été adressée pour la réalisation de cet acte par son beau-frère, le Dr [X], et par son médecin généraliste, en raison de ses douleurs ; seul pourrait être indemnisé le préjudice autonome d'impréparation ;

7- il n'existe aucun défaut d'information post-opératoire ; le Dr [D] [H] a reçu Mme [P] après l'intervention, lui a indiqué que ses troubles pouvaient être dus à une compression du nerf lingual par l'écarteur de la bouche pendant l'intervention et lui a prescrit un traitement, elle n'a donc pas été laissée sans surveillance et l'information donnée était adaptée aux renseignements portés à la connaissance du praticien.

Mme [Q] [P], en l'état de ses écritures notifiées le 20 mai 2019, demande à la cour de :

A titre principal,

1) confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le Dr [D] [H] a manqué à son obligation d'information préalable,

- en conséquence, condamner solidairement le Dr [D] [H] et La Médicale de France à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral correspondant à l'état d'ignorance qui lui a été imposé,

2) réformer le jugement en ce qu'il a rejeté le manquement à l'obligation d'information post-opératoire du Dr [D] [H],

- dire que le Dr [D] [H] a manqué à son obligation d'information post-opératoire,

- en conséquence, à titre d'appel incident, condamner solidairement le Dr [D] [H] et La Médicale de France à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral correspondant à l'état d'ignorance qui lui a été imposé,

3) constater l'existence d'une relation certaine entre l'opération chrirugicale et la complication qu'a présentée Mme [P],

- constater que l'extraction de la dent de sagesse n'impliquait pas les dommages subis par cette dernière et constater que le Dr [D] [H] est défaillant dans la démonstration qu'il doit faire de ce que le nerf lingual de Mme [P] présentait une anomalie rendant son atteinte inévitable,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de grande instance sur ce point,

- dire que la responsabilité pour faute du Dr [D] [H] est engagée et recevoir Mme [Q] [P] en sa demande, la déclarer bien fondée et y faisant droit, prononcer la liquidation de son préjudice,

- réformer le jugement en ce qu'il a accordé une indemnisation à hauteur de 14 385 euros à Mme [P],

- condamner in solidum à titre d'appel incident le Dr [D] [H] et La Médicale de France à lui verser les sommes suivantes :

* 300,00 euros pour les frais d'assistance à expertise,

* 7 510 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total et partiel,

* 4 000 euros pour les souffrances endurées,

* 9 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,

* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,

soit une somme de 30 810 euros,

A titre subsidiaire,

- constater que le Dr [D] [H] a manqué à son obligation d'information qui a entraîné pour Mme [P] une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé,

-en conséquence, condamner in solidum le Dr [D] [H] et La Médicale de France à lui régler la somme de 30 502 euros correspondant à 90% du montant de son préjudice corporel et qui consiste en la perte d echance de se soustraire au risque qui s'est réalisé,

En tout état de cause,

- débouter le Dr [D] [H] et La Médicale de France de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné le Dr [D] [H] et La Médicale de France à lui payer la somme de 2 500 euros 'en cause d'appel' (sic) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner à lui payer, chacun, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

Elle présente les moyens suivants :

1- sur l'obligation d'information préalable : il appartient au médecin de rapporter la preuve qu'il a correctement rempli son devoir d'information du patient et en ce qu'il lui a ainsi permis de donner un consentement éclairé à l'intervention, or cette preuve n'est pas rapportée ; Mme [P] n'a jamais été informée des risques inhérents à l'intervention et notamment de l'atteinte au nerf lingual, ce qu'a reconnu le praticien lors des opérations d'expertise ; si la clinique prétend que le dossier médical de Mme [P] a été perdu, il n'en demeure pas moins que le Dr [D] [H] disposait des pièces médicales, notamment le compte-rendu opératoire, et seul le prétendu consentement éclairé aurait été perdu ; l'obligation d'information doit être remplie personnellement par le médecin traitant qui ne peut invoquer l'information donnée par ses confrères ; elle devait l'être d'autant plus que l'intervention ne présentait aucun caractère d'urgence et avait seulement une visée préventive, la patiente ne présentant aucune douleur ; le risque d'atteinte du nerf lingual dès lors qu'il représentait un risque de 2,6% des atteintes irréversibles constitue un risque grave normalement prévisible dont le médecin doit informer son patient et s'il l'avait fait, Mme [Q] [P] aurait pu se dispenser de cette intervention puisque sa dent de sagesse ne lui procurait ni gêne ni douleur ;

2- sur l'obligation d'information post-opératoire : lors des consultations postérieures, le Dr [D] [H] n'a pas évoqué une lésion du nerf lingual, même s'il lui a donné un traitement adapté à une telle affection ; il ne lui a pas donné le diagnostic et n'a pas pris ses doléances au sérieux ; l'indication du risque de lésion du nerf lingual aurait permis à Mme [P], si elle l'avait connu, d'être soignée plus rapidement et d'orienter les médecins qu'elle a consultés ensuite ;

3- sur la faute médicale : il existe une relation certaine entre l'opération chirurgicale et la complication présentée par Mme [Q] [P] ; or l'extraction de la dent de sagesse n'impliquait pas les dommages subis par celle-ci, de sorte qu'il existe une présomption d'imputabilité du dommage à un manquement fautif du praticien ; l'expert judiciaire n'a pas pu déterminer l'origine exacte de la complication mais le Dr [D] [H] est défaillant dans la démonstration qui lui incombe de ce que le nerf lingual de Mme [Q] [P] présentait une anomalie rendant son atteinte inévitable ; il était impossible d'atteindre le nerf lingual de Mme [P] si l'opération s'était déroulée comme prévu au protocole opératoire pré-dactylographié réapparu après la perte du dossier médical, donc, ou le médecin n'a pas posé la lame protectrice mentionnée dans ce protocole, ou il l'a mal positionnée ; l'expert indique d'ailleurs que, même si aucune imprudence ou négligence n'a été relevée, cela ne veut pas dire qu'aucun problème ne s'est posé pendant le geste opératoire et il n'a pas évoqué l'existence d'un aléa thérapeutique ;

4- sur le préjudice : il convient d'appliquer le barême de la Gazette du Palais 2017 pour le déficit fonctionnel permanent ; le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la base de 800 euros par mois et pour le déficit partiel sur un taux de 75% au regard des troubles présentés ; il existe un préjudice sexuel et d'agrément en raison d'une atteinte au plaisir sexuel en raison de l'absence sensitivo sensorielle de la langue ayant une incidence sur le baiser amoureux et sur les préliminaires amoureux

5- à titre subsidiaire sur la perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé : l'opération présentait plus de risques que d'avantages en raison de l'âge de la patiente et elle n'était pas impérieusement requise puisqu'elle ne présentait ni douleur ni pathologie liée à sa dent de sagesse ; si Mme [P] a été orientée vers le Dr [D] [H] pour cette intervention, cela est sans incidence sur l'obligation d'information personnelle que lui devait ce praticien.

La société Clinique BOUCHARD, suivant conclusions en date du 31 mai 2019, demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation et de la mettre purement et simplement hors de cause.

La CPAM [Localité 1], déjà défaillante devant la cour d'appel avant cassation, a été assignée devant la cour de renvoi. L'acte ayant été délivré à personne habilitée, l'arrêt sera rendu de manière réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'en l'état de la cassation partielle prononcée, la société Clinique BOUCHARD n'est pas concernée par cette procédure sur renvoi de la Cour de cassation, les dispositions de l'arrêt du 7 septembre 2017 à son encontre étant définitives et irrévocables ; qu'elle sera donc mise hors de cause ;

Attendu qu'il est constant, à la lecture du rapport d'expertise judiciaire déposé par le Dr [O], que Mme [Q] [P] a subi l'extraction sous anesthésie générale de la dent de sagesse incluse inférieure droite et qu'elle a présenté, dans les suites opératoires, une paralysie irréversible du nerf lingual droit ;

Que l'expert apporte, pour l'essentiel, les conclusions suivantes :

- aucun consentement écrit de la patiente n'a pu être fourni,

- il y avait bien indication à extraire cette dent de sagesse incluse,

- Mme [Q] [P] a présenté une paralysie irréversible du nerf lingual droit,

- il y a une relation certaine entre l'intervention chirurgicale et la lésion présentée par Mme [Q] [P],

- le diagnostic et les soins prodigués par le Dr [D] [H] ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science d'après les déclarations et le compte-rendu opératoire,

- aucune imprudence ou inattention n'a été révélée dans le dossier qui lui a été présenté et sur interrogatoire du praticien et de la patiente ;

Attendu que Mme [Q] [P] sollicite l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'intervention en invoquant un manquement du praticien à son obligation d'information pré-opératoire et post-opératoire et en mettant en jeu sa responsabilité pour faute dans le geste opératoire ;

Que le Dr [D] [H] et La Médicale de France contestent l'absence d'information et opposent l'existence d'un aléa thérapeutique à l'origine de la lésion subie par Mme [Q] [P] ;

Sur la responsabilité du praticien à raison du geste opératoire :

Attendu qu'en application de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où sa responsabilité est encourue en raison d'un défaut du produit, le praticien n'est responsable des conséquences dommageables des actes de prévention, diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que le médecin est tenu de donner à son patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ; qu'il n'est pas tenu d'une obligation de résultat et qu'il incombe au patient d'apporter la démonstration de l'existence d'un manquement de son médecin à son obligation de soins, cette preuve pouvant être apportée par tous moyens ; que la faute peut consister en une maladresse technique qui est exclusive de la notion de risque inhérent à l'acte médical ;

Que le tribunal, pour retenir la responsabilité du Dr [D] [H] pour faute, a considéré que la réalisation de l'extraction d'une dent de sagesse n'impliquant pas une atteinte du nerf lingual et l'existence d'un trajet anormal de ce nerf n'étant pas établie, la responsabilité du praticien devait être retenue, ajoutant que ce dernier, s'il relevait que l'expert mentionnait parmi les causes de cette complication la possibilité d'un aléa thérapeutique, ne faisait état d'aucun élément scientifique de nature à retenir l'aléa thérapeutique ;

Qu'il doit être rappelé que, dans la situation présente où est constatée, dans les suites d'une intervention, une atteinte à un organe ou un tissu que cette intervention n'impliquait pas, la lésion est fautive en l'absence de preuve, incombant au praticien, soit d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable, soit de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ;

Attendu qu'en l'espèce, l'expert judiciaire conclut que le Dr [D] [H] a apporté des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données de la science ; qu'il a eu connaissance du compte-rendu opératoire dont les mentions ne peuvent être mises en doute par la patiente et qu'il relève que l'intervention s'est déroulée selon les règles de l'art, le Dr [D] [H] ayant procédé à une protection de la zone correspondant au nerf lingual inférieur ;

Que l'expert rappelle que le nerf lingual passe sous le muscle stylo-glosse (muscle de la langue) puis en dehors du canal salivaire de la glande sous-maxillaire, puis rebique vers la pointe de la langue, de sorte qu'il est vulnérable à proximité de l'os mandibulaire dans sa partie postérieure, raison pour laquelle il est normalement protégé lors d'une extraction dentaire dans cette zone ;

Qu'il émet plusieurs hypothèses expliquant la lésion du nerf : la section du nerf par un objet tranchant, sa lésion par traumatisme violent sur le nerf, le spasme d'un vaisseau qui nourrit le nerf, la compression du nerf par l'écarteur et enfin l'aléa thérapeutique ; que l'expert ne donne pas beaucoup d'explications sur cet aléa thérapeutique, sauf dans la réponse au dire de Mme [Q] [P] où il indique : 'Sachez qu'il est impossible de savoir si un nerf présente un trajet anormal pouvant expliquer une complication (le nerf lingual n'est jamais exploré en préopératoire dans le but éventuel de savoir si son trajet est celui de la description anatomique classique ou une variante normale).' ;

Qu'il ressort de ces constatations expertales que les soins donnés par le Dr [D] [H] ont été conformes aux données acquises de la science et que le trajet du nerf lingual, situé à proximité de la zone d'extraction d'une dent de sagesse inférieure, peut être différent selon les personnes, sans qu'il soit possible au chirugien d'en connaître le tracé avant l'intervention et donc sans qu'il lui soit possible d'éviter, malgré les précautions prises, une atteinte lors de l'extraction, ce qui caractérise un aléa thérapeutique, à défaut pour le praticien de pouvoir maîtriser le risque potentiel d'une lésion du nerf lors du geste opératoire ;

Que la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est tenu contractuellement à l'égard de son patient ; que le jugement doit en conséquence être réformé en ce qu'il a retenu la responsabilité du Dr [D] [H] à l'origine des conséquences dommageables subies par Mme [Q] [P] du fait de l'intervention chirurgicale ;

Sur l'obligation d'information pré-opératoire et la perte de chance subie par la patiente :

Attendu qu'en application de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent, ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; que l'obligation d'information est une obligation personnelle incombant au praticien qui doit rapporter, par tous moyens, la preuve qu'il l'a remplie à l'égard de son patient, au cours d'une entretien individuel précédant l'acte médical ou chirurgical ;

Que le tribunal a justement retenu que le Dr [D] [H] était défaillant dans la démonstration de son obligation d'information à l'égard de Mme [Q] [P] ; qu'il ne peut produire le formulaire de consentement qu'il dit avoir fait signer à sa patiente, et qu'en outre, il n'apporte aucun élément permettant de retenir qu'il lui aurait donné toutes indications sur les risques et complications inhérents à l'acte chirurgical proposé, notamment sur le risque d'atteinte au nerf lingual qui s'est réalisé ;

Que le Dr [D] [H] n'a pas produit les fiches de consultation sur lesquelles il aurait pu noter les informations données à sa patiente ; qu'il a indiqué à l'expert avoir expliqué à Mme [Q] [P], lors de la consultation du 3 septembre 2009, les grands principes de l'intervention et les risques potentiels de celle-ci, sans insister toutefois sur ces différents risques au motif que la patiente avait déjà subi 3 extractions de dents de sagesse, alors que l'information doit être donnée de manière personnelle par le praticien, indépendamment de toute information que le patient aurait pu avoir par ailleurs ; que, pour la même raison, il importe peu que Mme [Q] [P], adressée au Dr [D] [H] par son médecin généraliste et par son dentiste, ait pu recevoir une information de la part de ces derniers ;

Que le risque de lésion ou d'atteinte du nerf lingual, évalué à 2,6% par la littérature médicale rappelée par l'expert, constitue un risque suffisamment fréquent pour qu'il soit annoncé au patient afin de lui permettre de donner un consentement éclairé à l'acte chirurgical ; qu'à défaut pour le Dr [D] [H] d'en avoir prévenu Mme [Q] [P], il doit être retenu que celle-ci a subi un préjudice de perte de chance de renoncer à l'opération et d'éviter ainsi le risque qui s'est réalisé ;

Que, pour apprécier le taux de la perte de chance ainsi subie, il convient de tenir compte du fait que l'indication d'extraction de la dent de sagesse était appropriée et qu'il existait peu de chances que Mme [Q] [P], avertie du risque d'atteinte au nerf lingual, y renonce dès lors que :

- il s'agissait d'une dent de sagesse incluse dont l'extraction, au regard du panoramique, ne posait pas de difficulté particulière,

- cette dent était source de problèmes, si ce n'est immédiatement selon Mme [Q] [P], mais à tout le moins de manière inévitable dans un avenir proche, s'agissant d'une dent incluse,

- le diagnostic d'extraction avait été posé par son chirurgien dentiste qui l'avait adressée pour ce faire au Dr [D] [H],

- Mme [Q] [P] avait déjà subi trois extractions sans que le risque énoncé ne se réalise,

- elle était consciente de la nécessité de l'extraction de sa dernière dent de sagesse puisque, malgré le mauvais souvenir des trois extractions précédentes, elle était allée consulter le Dr [D] [H] en clinique pour réaliser cette extraction en admettant le risque d'une anesthésie générale ;

Qu'au regard de ces éléments d'appréciation, il convient d'évaluer le taux de perte de chance à 25% ;

Que le Dr [D] [H] et La Médicale de France seront donc tenus d'indemniser le préjudice subi par Mme [Q] [P] du fait du défaut d'information pré-opératoire sur la base de 25% du préjudice corporel résultant de l'intervention ;

Sur l'obligation d'information post-opératoire :

Attendu que le tribunal a retenu justement et par des motifs pertinents que la demande d'indemnisation présentée par Mme [Q] [P] de ce chef devait être rejetée ;

Qu'en effet, l'expert judiciaire a relevé que, lors des consultations post-opératoires des 7 octobre 2009, 10 octobre 2009 et 21 octobre 2009, le Dr [D] [H] avait pris en considération les doléances de Mme [Q] [P] sur les troubles de la sensibilité de la langue et qu'il lui avait administré un traitement par vitaminothérapie et corticoïde adapté face à une suspicion de lésion d'un nerf en post-opératoire ; qu'il ne peut être reproché au chirurgien de ne pas avoir informé Mme [Q] [P] de l'atteinte neurologique irréversible qui était la sienne alors que la possibilité d'une atteinte réversible était parfaitement envisageable, que la patiente n'est plus retournée consulter le Dr [D] [H] après le 21 octobre 2009 et qu'elle a préféré consulter d'autres praticiens qui, au cours des différentes consultations, n'ont pas pu diagnostiquer la lésion du nerf lingual avant la consultation et l'avis du Dr [G], neurologue, en novembre 2011, soit deux ans plus tard ;

Que le jugement qui a débouté Mme [Q] [P] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef sera confirmé ;

Sur la réparation du préjudice de perte de chance :

Attendu que les constatations du médecin expert concernant le préjudice corporel de la patiente sont les suivantes :

- Mme [Q] [P] se plaint d'avoir perdu la sensibilité de l'hémi-langue droite entraînant des lésions de morsures, d'avoir subir des sensations de brûlures de l'hémi-langue droite et des fourmillements sur toute cette zone et d'avoir ressenti des perturbations du goût sur la langue à droite, de ne mâcher plus que sur le côté gauche et d'être génée dans la prononciation de certains mots,

- sur le plan clinique, la mobilité de la langue est normale, il n'existe pas de perception douloureuse sur le côté droit et la perception des saveurs de base (sucré, salé, piquant et amer) est conservée,

- le déficit fonctionnel temporaire a été total du 2.10.2009 au 16.10.2009 et partiel jusqu'à la consolidation acquise le 2.10.2010, soit un an après l'intervention,

- le taux du déficit fonctionnel permanent peut être fixé à 5% au regard de la perte de sensibilité de l'hémi-langue droite et des troubles de la perception du goût des aliments,

- les souffrances endurées sont évaluées à 2/7,

- la patiente évoque un préjudice sexuel et un préjudice d'agrément en raison des troubles du goût ;

Attendu que ces constatations médicales ne sont pas discutées par les parties, sauf sur l'appréciation qui devra être faite par la cour du taux du déficit fonctionnel temporaire partiel dont l'évaluation n'a pas été fixée par l'expert ; que le premier juge a justement considéré que les doléances présentées par Mme [Q] [P] pendant la période précédant sa consolidation - impression de 'grosse langue', morsures liées à la perte de sensibilité de la langue, sensations de picotement ou de brûlures, perte du goût - justifiaient que soit retenu un taux de déficit de 25% ;

Que le préjudice corporel de Mme [Q] [P] sera donc évalué sur ces bases de la manière suivante :

1- préjudices patrimoniaux :

- frais médicaux avancés par la CPAM [Localité 1] : 493,87 euros,

- frais divers subis par Mme [Q] [P] (frais d'assistance à l'expertise judiciaire justifiés) : 300 euros,

2- préjudices extra-patrimoniaux :

- déficit fonctionnel temporaire sur la base d'une indemnité de 800 euros par mois :

* 15 jours à 100% = 400 euros,

* 351 jours à 25% = 2 307,95 euros,

soit un total de 2 707,95 euros arrondi à 2 708 euros,

- souffrances endurées : 2/7 = 4 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 5% pour une personne âgée, à la date de la consolidation, de 35 ans : 8 000 euros,

- préjudice d'agrément : non réclamé devant la cour de renvoi,

- préjudice sexuel : caractérisé par la perte de sensibilité de la langue dans le baiser amoureux qui touche à la sphère sexuelle et à la perte de plaisir dans l'accomplissement de l'acte sexuel et de ses préliminaires : 3 000 euros,

soit un préjudice corporel global subi par Mme [Q] [P] d'un montant de 18 008 euros ;

Que dès lors, l'indemnisation due par le Dr [D] [H] et La Médicale de France à Mme [Q] [P] au titre de la perte de chance de subir ce préjudice, doit être fixée à 18 808 x 25% = 4 702 euros ;

Attendu que les dispositions du jugement concernant la CPAM [Localité 1] ne sont pas discutées devant la cour ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire

et en dernier ressort,

sur renvoi de la Cour de cassation,

Met la société Clinique BOUCHARD hors de cause ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a retenu la responsabilité du Dr [D] [H] à raison du préjudice corporel subi par Mme [Q] [P] dans les suites opératoires de l'intervention du 2 octobre 2009 et en ce qu'il condamné celui-ci solidairement avec La Médicale de France à indemniser Mme [Q] [P] de l'intégralité de son préjudice corporel et du préjudice moral résultant de l'absence de respect de l'obligation d'information préalable ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que la lésion subie par Mme [Q] [P] constitue un aléa thérapeutique n'entrant pas dans le champ des obligations dont un médecin est tenu contractuellement à l'égard de son patient ;

Déboute en conséquence Mme [Q] [P] de sa demande de réparation intégrale des conséquences de l'atteinte à son nerf lingual à défaut de faute commise par le praticien dans la réalisation de l'acte chirurgical ;

Constate que le Dr [D] [H] a manqué à son obligation personnelle d'information sur le risque d'atteinte au nerf lingual qui s'est réalisé et dit qu'il en est résulté pour Mme [Q] [P] une perte de chance de 25% de renoncer à l'intervention et d'éviter le risque ;

Condamne en conséquence le Dr [D] [H] et La Médicale de France in solidum à verser à Mme [Q] [P] une somme de 4 502 euros au titre de la réparation de cette perte de chance résultant du manquement à l'obligation d'information ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne le Dr [D] [H] et La Médicale de France in solidum à payer à Mme [Q] [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/01375
Date de la décision : 26/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°19/01375 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-26;19.01375 ?
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