COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2020
N° 2020/ 205
Rôle N° RG 19/01735 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWTJ
SA SOCIETE GENERALE
C/
[M] [I] [O] [W]
[M] [O] [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DUHAMEL
Me CHOLLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 15 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03505.
APPELANTE
La SOCIETE GENERALE, Société Anonyme au capital de 1 009 641 917,50 euros, dont le siège social est à PARIS (75009) ' [Adresse 2], inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° B 552 120 222, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège, la gestion du présent litige étant suivie par le Service Recouvrement de MARSEILLE, en l'Etablissement de la SOCIETE GENERALE située [Adresse 4]., demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bertrand DUHAMEL de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [M] [I] [O] [W]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] ([Localité 1]), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frédéric CHOLLET de la SCP SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [M] [O] [W]
né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 1] ([Localité 1]), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Frédéric CHOLLET de la SCP SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
Madame Cécile ACQUAVIVA, Vice-présidente Placée en vertu de l'ordonnance de désignation du Premier Président en date du 21 Juin 2019
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2020,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 6 octobre 2017, la SOCIETE GENERALE a fait signifier un commandement de payer aux fins de saisie-vente aux consorts [W] pour paiement d'une somme totale de 149 492,88 € en vertu d'un acte authentique en date du 13 août 2008.
Par exploit en date du 15 mai 2018, les consorts [W] ont fait assigner la SOCIETE GENERALE devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir prononcer la nullité des clauses stipulant un taux d'intérêt conventionnel et de dire que le capital emprunté sera soumis au taux d'intérêt légal rétroactivement et sur toute la durée du prêt, de voir fixer la créance de la SOCIETE GENERALE à la somme de 39 588,43 € et aux fins d'octroi de délais de paiement outre condamnation de la SOCIETE GENERALE au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
Par jugement du 15 janvier 2019 dont appel du 29 janvier 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan a :
- Ordonné la nullité des clauses stipulant un taux d'intérêt conventionnel et la substitution du taux de l'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel à compter de la souscription du prêt ;
- Cantonné en conséquence le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 6 octobre 2017 par la SOCIETE GENERALE à Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] à la somme de 51 475,87 € au principal, outre frais et intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement.
- Rejeté la demande en délais de paiement de Messieurs [M] [O] [W] et [M] [I] [O] [W]
- Condamné la SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- Condamné la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens;
- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties.
Le juge de l'exécution énonce en ses motifs que :
- il ressort de l'acte authentique que le prêt est un « crédit de trésorerie taux fixe solution succession/ séparation » garanti par une hypothèque conventionnelle rechargeable, l'acte précisant au surplus que c'est à l'emprunteur d'estimer les fonds au financement partiel d'investissements divers, de sorte qu'il convient de retenir que le prêt octroyé constitue un crédit soumis aux règles des crédits à la consommation,
- s'agissant d'un crédit hypothécaire, si le calcul du TEG prend bien en compte l'estimation des frais de constitution de sûretés réelles, il y avait lieu d'y intégrer également les frais de mainlevée de l'hypothèque qui étaient déterminables par simulation, comme par ailleurs, devaient être également intégrés les frais relatif à la police d'assurance incendie,
- l'erreur dans le calcul du TEG, 8,64 % contre 8,24 % mentionné dans l'acte de prêt, est par ailleurs supérieur à la décimale, de sorte qu'il convient de prononcer la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et d'y substituer le taux d'intérêt légal à compter de la souscription du prêt, au lieu de 154 571,67 €, ce qui représente une différence de 91 330,45 €,
- les consorts [W] savaient qu'ils restaient malgré tout débiteurs d'une dette importante et en s'abstenant de tout paiement volontaire depuis plus de deux ans ils ne peuvent être considérés comme des débiteurs de bonne foi.
Vu les dernières conclusions déposées le 14 février 2019 par la SA SOCIETE GENERALE, appelante, aux fins de voir :
- Réformer le jugement rendu le 15 janvier 2019 par le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] de leur demande de délai de paiement,
En conséquence ;
- Débouter Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Dire et juger bon et valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 6 octobre 2017,
- Constater que la SOCIETE GENERALE bénéficie d'une créance s'élevant à la somme de 148 815.42 €, outre intérêts au taux contractuel de 10.36 % l'an à compter du 3 août 2017 et jusqu'à parfait paiement, en vertu de son titre notarié exécutoire du 13 août 2008,
- Condamner Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] au paiement de la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
La SA SOCIETE GENERALE fait valoir :
- que l'offre de prêt consentie aux consorts [W] est une offre de prêt habitat, destiné au financement de la construction de deux immeubles sur la parcelle de terrain dont ils avaient hérité, de sorte que le prêt en question ne peut être qualifié de crédit à la consommation,
- que la jurisprudence dont se prévalent les consorts [W] concerne un acte notarié qui mentionnait expressément que le crédit accordé était un crédit à la consommation et la Cour de Cassation en a donc déduit que les parties avaient voulu soumettre volontairement leur contrat aux dispositions applicables à ce genre de crédit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- que les frais de mainlevée de l'hypothèque, qui sont susceptibles d'être réglés 12 ans après l'octroi du prêt, n'ont pas à être intégrés dans le calcul du TEG dans la mesure où ils ne peuvent être déterminés avec précision, tout comme le montant de la cotisation d'assurance incendie sur un bien en cours d'édification et qui ne pouvaient donc être connu au moment de l'octroi du prêt, - que s'il devait être considéré que ces frais doivent être intégrés dans le calcul du TEG, celui ci ne peut être considéré comme erroné dans la mesure où l'erreur est inférieure à une décimale puisqu'il serait de 8,29 % au lieu de 8,24 %,
- que les échéances du prêt ne sont plus réglées depuis le 7 octobre 2016, de sorte que les consorts [W] ont déjà bénéficié d'un délai supérieur à deux ans et ceux ci ne versent en outre aucune pièce permettant de déterminer s'ils sont en mesure de s'acquitter de leur dette en 24 mensualités.
Messieurs [M] [I] et [M] [O] [I] [W], intimés, ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.
Vu l'ordonnance de clôture du 19 novembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'appel tend à la réformation ou à l'annulation de la décision rendue par la juridiction du premier degré, de sorte que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ;
Que le premier juge a annulé la clause relative à l'intérêt conventionnel et y a substitué le taux d'intérêt légal au motif qu'il ressort de l'acte authentique que le prêt est un crédit de trésorerie taux fixe solution succession/séparation garanti par une hypothèque conventionnelle rechargeable et qu'il y est précisé que l'emprunteur destine les fonds au financement partiel d'investissements divers ;
Mais attendu qu'il résulte des termes de l'acte reçu le 13 août 2008 par Me [Y] [P], que l'offre de prêt, qui y est annexée, est une offre de Prêt Habitat, dont il est expressément mentionné qu'elle n'est pas soumise aux articles L 311.1 et L 312.1 et suivants du code de la consommation, correspondant à un « Prêt immobilier avec constitution d'une hypothèque rechargeable » ;
Qu'en conséquence, ce prêt, destiné en fait au financement d'une construction sur la parcelle dont ont hérité les consorts [W], est effectivement exclu du champ d'application des articles L 311.1 et L 311-2 du code de la consommation par application de l'article L 311-3 2° et 4° du même code applicable à l'époque, qui dispose qu'en sont exclus les prêts consentis pour un montant supérieur à 21 500 € ainsi que les opérations de crédit portant sur des immeubles ;
Que la SOCIETE GENERALE argue par ailleurs à bon droit de ce que la jurisprudence dont se prévalent les consorts [W], aux termes de laquelle la Cour de Cassation a logiquement déduit d'une mention expresse dans l'acte notarié que les parties avaient voulu soumettre volontairement leur contrat au code de la consommation, n'est pas applicable au cas d'espèce ;
Attendu que si la cotisation d'assurance incendie ne pouvait être déterminée pour le calcul du TEG dès lors qu'elle portait sur un immeuble en cours de construction, la SOCIETE GENERALE devait toutefois y intégrer les frais de mainlevée de l'hypothèque dont elle pouvait faire une estimation ;
Que toutefois, il en résulte une erreur inférieure à la décimale, de sorte que par application de l'article R.313-1 du Code de la consommation, aucune sanction n'est encourue ;
Qu'en conséquence, le jugement dont appel doit être infirmé en ce qu'il a annulé la clause relative à l'intérêt conventionnel et substitué le taux d'intérêt légal et cantonné le commandement délivré le 6 octobre 2017 ;
Attendu que le premier juge a débouté les consorts [W] de leur demande de délais de paiement au motif qu'en s'abstenant de tout paiement volontaire depuis plus de deux ans ils ne peuvent être considérés comme des débiteurs de bonne foi ;
Qu'il est en outre constaté, comme le relève à bon droit la SOCIETE GENERALE, que ces derniers ne produisent aucun élément, aucune pièce sur leur situation financière alors que l'octroi de délais au sens de l'article 1343-5 du Code civil, qui ne constitue en aucun cas une suspension des poursuites mais son aménagement, doit s'interpréter comme la mise en place d'un plan d'apurement de la dette compte tenu notamment de la situation du débiteur qui doit tout autant démontrer les difficultés financières justifiant sa demande qu'une situation permettant l'apurement de sa dette dans le délai maximum de 24 mois ;
Que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délai formé par les consorts [W] ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a :
- Ordonné la nullité des clauses stipulant un taux d'intérêt conventionnel et la substitution du taux de l'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel à compter de la souscription du prêt ;
- Cantonné en conséquence le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 6 octobre 2017 par la SOCIETE GENERALE à Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] à la somme de 51 475,87 € au principal, outre frais et intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement.
- Condamné la SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur [M] [O] [W] et Monsieur [M] [I] [O] [W] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- Condamné la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute Messieurs [M] [I] et [M] [O] [I] [W] de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité des clauses stipulant un taux d'intérêt conventionnel et de dire que le capital emprunté sera soumis au taux d'intérêt légal rétroactivement et sur toute la durée du prêt et de voir fixer la créance de la SOCIETE GENERALE à la somme de 39 588,43 € ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne Messieurs [M] [I] et [M] [O] [I] [W] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT