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14/05/2020 | FRANCE | N°19/08772

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 14 mai 2020, 19/08772


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 14 mai 2020



N° 2020/ 194













N° RG 19/08772



N° Portalis DBVB-V-B7D-BELH4







SARL DISCOUNT CARS





C/



LA VILLE DE [Localité 5]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me MORISSET



Me GIUDICELLI










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DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de grande instance de Nice en date du 16 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02103.





APPELANTE



SARL DISCOUNT CARS,

dont le siège social est [Adresse 2]



représentée et assistée par Me Frédéric MORISSET, avocat au ba...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 14 mai 2020

N° 2020/ 194

N° RG 19/08772

N° Portalis DBVB-V-B7D-BELH4

SARL DISCOUNT CARS

C/

LA VILLE DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me MORISSET

Me GIUDICELLI

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de grande instance de Nice en date du 16 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02103.

APPELANTE

SARL DISCOUNT CARS,

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Frédéric MORISSET, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

LA VILLE DE [Localité 5],

dont le siège est [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Jean-Joseph GIUDICELLI de la SELARL ADDEN MEDITERRANEE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alice GIANNOTTA, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Février 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Virginie BROT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente

madame Sylvie PEREZ, conseillère

madame Virginie BROT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2020 après prorogation en raison de l'état d'urgence sanitaire.

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 août 2015, la ville de Nice et la SARL DISCOUNT CARS ont signé une convention d'occupation à durée déterminée d'une parcelle cadastrée OR n°[Cadastre 1] située [Adresse 4] pour une durée initiale de 33 mois à compter du 1er septembre 2015.

Le 19 juillet 2018, la ville de Nice a notifié à la SARL DISCOUNT CARS la résiliation de la convention d'occupation avec préavis d'un mois.

Par une ordonnance du 16 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL DISCOUNT CARS comme les fins de non-recevoir, a constaté l'occupation irrégulière de la parcelle par cette dernière et ordonné son expulsion avec l'assistance de la force publique si besoin est.

La SARL DISCOUNT CAR a interjeté appel de cette décision le 29 mai 2019.

Par conclusions transmises au greffe le 4 juillet 2019, la SARL DISCOUNT CAR demande à la cour de :

- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence, rejeté les fins de non-recevoir opposées, ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef à compter de la signification de cette ordonnance, après la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, et passé un délai de déguerpissement de 7 jours le tout avec l'assistance de la force publique si besoin est, a autorisé la « Ville de [Localité 5] », passé un délai de déguerpissement de sept jours, à prendre toutes les mesures permettant la remise en état des lieux et notamment l'enlèvement des véhicules, matériaux, plantations et marchandises se trouvant sur les lieux, a rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée à verser à « la ville de [Localité 5] » la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens de l'instance ;

- constater que la « Ville de [Localité 5] » n'est pas une personne morale, qu'elle n'est pas dotée de la personnalité juridique et qu'elle n'est pas en droit d'agir en justice ;

- constater que la « Ville de [Localité 5] » refuse de respecter les clauses du contrat prévoyant la recherche d'un règlement amiable avant toute procédure ;

- dire et juger qu'il s'agit de fins de non-recevoir qui rendent irrecevables les demandes de la « Ville de [Localité 5] » ;

- à tout le moins, constater qu'il existe des contestations sérieuses à la demande de la «ville de [Localité 5] » et dire n'y avoir lieu à référé ;

- condamner la « ville de [Localité 5] » à lui verser la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL DISCOUNT CARS fait valoir :

- une exception d'incompétence du juge judiciaire dans la mesure où la ville de Nice reconnaissait dans son assignation que la parcelle, objet de la convention d'occupation du domaine public, était destinée à ses propres besoins et que la demande d'expulsion relève dès lors du juge administratif comme l'a jugé le tribunal des conflits dans une décision du 9 décembre 2013 ;

- l'irrecevabilité des demandes de l'intimée pour deux motifs ; le premier tient à l'absence de personnalité juridique de 'la ville de Nice' qui ne constitue pas, à la différence de la 'commune de [Localité 5]' une collectivité territoriale et ne dispose pas de la personnalité morale ni de la capacité d'agir en justice ; il ne peut être retenu de coïncidence entre une commune et une ville comme l'a fait le premier juge ; ses demandes sont dès lors irrecevables en application de l'article 32 du code de procédure civile ; le second moyen tient à l'absence de voie amiable préalable pourtant contractuellement prévue, clause qui constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent.

L'appelante fait également état de contestations sérieuses aux demandes de l'intimée. Elle conteste avoir signé un avenant daté du 22 décembre 2015, M. [Y] le gérant précisant que la signature qui figure sous son nom n'est pas la sienne. En outre, elle considère qu'il existe une contradiction entre le fait qu'il s'agisse d'une convention d'occupation de 33 mois et la faculté prévue à l'article 14 de résilier à tout moment moyennant un préavis d'un mois. Dans ces conditions, la convention doit être interprétée en faveur de celui qui a contracté l'obligation en application de l'article 1162 du code civil et doit conduire à faire prévaloir la durée contractuelle de 33 mois. Plus encore, dans la mesure où elle s'est maintenue dans les lieux au-delà du 1er  juillet 2018, c'est un bail commercial qui s'est formé de plein droit entre les parties par effet de l'article L 145-4 du code de commerce. Pour l'ensemble de ces raisons, la première décision doit être infirmée.

Par conclusions du 1er août 2019, la 'ville de [Localité 5]', représentée par son maire en exercice agissant en vertu d'une délibération du conseil municipal du 15 mai 2017, demande à la cour de :

- débouter la société DISCOUNT CARS de l'ensemble de ses demandes ;

-en conséquence, confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice du 16 mai 2019 dans toutes ses dispositions ;

- condamner la société DISCOUNT CARS au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dans les conditions de l'article 699 du même code.

Sur l'exception d'incompétence, l'intimée réplique qu'elle entend récupérer la parcelle occupée pour permettre à des entreprises en charge des travaux du tramway de l'utiliser mais aucunement d'y réaliser un quelconque aménagement ou de l'ouvrir au public ; cette circonstance est sans influence sur le fait que l'expulsion d'un occupant du domaine privé relève de la compétence de la juridiction judiciaire sauf à ce que le contrat relatif à cette occupation soit de droit public ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'une parcelle sur laquelle l'appelante exerce des activités d'achat, vente et dépôt-vente de véhicules à moteur.

La décision du tribunal des conflits n'est aucunement transposable en l'espèce.

En ce qui concerne sa prétendue absence de qualité à agir, elle fait valoir qu'il est évident que c'est au nom de la commune au sens de l'article 72 de la Constitution que l'action a été introduite. Outre que 'Ville de Nice' est l'appellation officielle de cette collectivité territoriale, l'emploi de cette appellation n'a créé aucune confusion pour l'appelante.

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée du non-respect de l'article 18 de la convention d'occupation, cette dernière disposition prévoit que les parties s'engagent à rechercher une solution amiable uniquement en cas de différend portant sur l'interprétation ou sur l'application de la convention, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit seulement de la mise en oeuvre de la faculté de résiliation contractuellement prévue. Elle souligne également qu'en application de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 29 avril 2014, n°12-27004), cet article 18 ne saurait être assimilé à une clause de conciliation ou médiation préalable obligatoire dans la mesure où il est rédigé en termes généraux et ne comporte aucune précision quant aux modalités de règlement.

Enfin, l'intimée dément l'existence de contestations sérieuses :

- la convention du 17 août 2015 et l'avenant signé le 22 décembre 2015 comportent la même signature de M. [Y] et cet avenant a été signé dans l'intérêt de la SARL ;

- la convention avait ainsi vocation à s'appliquer jusqu'au 30 septembre 2018 et elle a adressé son courrier le 19 juillet 2018 soit plus d'un mois avant ce terme ;

- en tout état de cause la SARL devait libérer les lieux au plus tard le 30 septembre 2018, ce qu'elle s'est abstenue de faire.

La clôture de la procédure a été fixée au 10 février 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

' Sur l'exception d'incompétence

L'expulsion d'un occupant du domaine privé relève de la compétence de la juridiction judiciaire, sauf à ce que le contrat relatif à cette occupation soit de droit public.

En l'espèce, la parcelle OR [Cadastre 1] est affectée, selon la convention d'occupation litigieuse, aux activités d'achat, vente et dépôt-vente de véhicules à moteur de la SARL DISCOUNT CARS. Comme relevé par le premier juge, la parcelle en question n'est pas affectée à un service public. La convention en cause ne comporte pas de clause exorbitante du droit commun et l'article 18 intitulé 'litiges/attribution de compétence' renvoie à la compétence du président du tribunal de grande instance de Nice pour l'interprétation et/ou l'exécution de la convention.

Dès lors, il n'est pas démontré de contestation sérieuse sur l'appartenance de la parcelle au domaine privé de la personne publique propriétaire.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire.

' Sur l'absence de qualité à agir

Il n'est pas contesté en premier lieu que le maire de la commune de [Localité 5] a été mandaté par une délibération de son conseil municipal pour ester en justice, à supposer qu'une telle délibération était nécessaire s'agissant d'une procédure en référé.

En outre, 'la ville de [Localité 5]' est le nom de la collectivité territoriale qui a la personnalité morale de droit public, la commune de [Localité 5].

Il n'y a pas de doute sur la qualité à agir de cette commune, présentée dans cette instance sous l'appellation de 'Ville de [Localité 5]'.

' Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La convention signée entre les parties le 17 août 2015 prévoit en son article 18 que les parties conviennent de rechercher, 'en cas de litige sur l'interprétation et/ou sur l'application de la convention, toute voie amiable de règlement avant de soumettre tout différend à une instance juridictionnelle'.

Dans la mesure où cette clause prévoit de manière non ambiguë la nécessité d'une démarche amiable préalable uniquement en cas de difficulté soulevée par l'interprétation ou l'application de la convention, il n'était pas interdit à la commune de [Localité 5] d'agir en référé en ce qui concerne une difficulté soulevée par la rupture de cette convention.

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, l'action engagée par la 'Ville de [Localité 5]' ne saurait être déclarée irrecevable au motif du non respect d'une procédure préalable de conciliation obligatoire.

La première décision sera donc également confirmée sur ce chef.

' Sur les demandes de l'intimée

La convention du 17 août 2015 stipule qu'en aucun cas, elle ne pourra être renouvelée (article 3). Elle précise également qu'elle ne donne pas droit à la propriété commerciale.

Sans qu'il soit besoin d'interprétation de la convention litigieuse, c'est donc à tort que la société DISCOUNT CARS soutient que, s'étant maintenue dans les lieux au-delà du 1er juillet 2018 à l'issue de la période contractuelle de 33 mois, un bail commercial s'est formé de plein droit entre les parties par effet de l'article L 145-5 du code de commerce.

En tout état de cause, si l'appelante dénie à titre incident la signature apposée sur l'avenant du 22 décembre 2015 qui reportait la prise d'effet de la convention d'occupation au 1er janvier 2016, ce document ne peut être écarté au seul motif que la signature en est déniée et ce en application des articles 1373 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile.

La cour relève qu'il résulte de la comparaison de la signature apposée sous le nom de M. [Y], gérant de la SARL, dans la convention du 17 août 2015 et de celle apposée sous le même nom au bas de l'avenant du 22 décembre 2015, une concordance entre ces signatures non sérieusement contestable.

Dans ces conditions, il peut être retenu que la convention d'occupation avait vocation à s'appliquer jusqu'au 30 septembre 2018. Le moyen tiré de l'existence d'un bail commercial après le 1er juillet 2018 est d'autant moins opérant.

Enfin, l'accord conclu entre les parties prévoit en son article 14 la possibilité d'une résiliation, par le propriétaire ou l'occupant, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d'huissier à tout moment à charge de respecter un préavis d'un mois.

En l'absence de contradiction avec le fait que la convention d'occupation portait sur une durée en principe de 33 mois et en l'état de termes non obscurs ou ambigüs sur la possibilité de résiliation avant terme, il y a lieu de conclure que la 'Ville de [Localité 5]' pouvait mettre fin de manière régulière à la convention d'occupation par courrier du 19 juillet 2018.

Dès lors, le caractère sérieux des difficultés soulevées par l'appelante n'est pas démontré et la première décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Succombant, l'appelante supportera la charge des dépens d'appel.

Enfin, la SARL DISCOUNT CARS sera condamnée à payer à la commune 'Ville de [Localité 5]' la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la SARL DISCOUNT CARS ;

Condamne la SARL DISCOUNT CARS à payer à la commune 'Ville de [Localité 5]' la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL DISCOUNT CARS aux dépens d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 19/08772
Date de la décision : 14/05/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°19/08772 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-14;19.08772 ?
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