COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 15 SEPTEMBRE 2020
AD
N° 2020/ 148
Rôle N° RG 18/04533 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCDQF
SARL SONABI IMMOBILIER
C/
SARL GROUPE ROBERTA
SCI ROMANU
SCI ROBERTIMMO
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Carine CARRILLO
Me Ollivier CARLES DE CAUDEMBERG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 12 Février 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/06605.
APPELANTE
SARL SONABI IMMOBILIER prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [B] [E], domicilié es qualités audit siège [Adresse 3]
représentée par Me Ollivier CARLES DE CAUDEMBERG, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
SARL GROUPE ROBERTA prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège [Adresse 2]
représentée par Me Carine CARRILLO de la SCP LORRAIN - CARRILLO, avocat au barreau de GRASSE
SCI ROMANU prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège [Adresse 2]
représentée par Me Carine CARRILLO de la SCP LORRAIN - CARRILLO, avocat au barreau de GRASSE
SCI ROBERTIMMO prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège [Adresse 2]
représentée par Me Carine CARRILLO de la SCP LORRAIN - CARRILLO, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR
Statuant selon la procédure sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.
La Cour lors du délibéré était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2020,
Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseillère ayant participé au délibéré et en l'absence de la Présidente légitimement empêchée, et M. Rudy LESSI, greffier présent lors du prononcé.
Expose :
Par jugement contradictoire, rendu le 12 février 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté les demandes de la société Sonabi immobilier, a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société Sonabi immobilier aux dépens.
Appel de cette décision a été relevé par la société Sonabi immobilier.
Au terme de ses dernières conclusions devant la cour en date du 5 décembre 2019, elle demande de :
- dire que la preuve de son entremise est suffisamment rapportée par le mandat de vente, l'attestation du cabinet FICI, l'acte de vente signé entre le vendeur et les intimés, la fiche descriptive du bien litigieux ainsi que les sommations et courriers adressés à M. [T] en qualité de représentant légal des intimés,
- dire que la société groupe Roberta a commis une faute dans le cadre du mandat consenti à la société Sonabi immobilier en traitant directement avec le vendeur d'un bien qui lui a été présenté par l'agence, que les sociétés civiles immobilières gérées par M. [T] ont agi de concert frauduleux avec la société groupe Roberta, également gérée par celui-ci, et en conséquence,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes,
- condamner solidairement les sociétés groupe Roberta, Romanu et Robertimmo à lui payer la somme de 66'306,24 euros avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter du 6 mai 2015, date de la première mise en demeure, la somme de 8000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 21 mai 2019, les sociétés groupe Roberta, Romanu, et Robertimmo demandent de :
- confirmer le jugement,
- déclarer la société appelante irrecevable en ses demandes en l'absence du véritable propriétaire du bien et rejeter toutes ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prise le 10 décembre 2019.
Les avocats des parties ont tous donné leur accord pour la procédure sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n°304 du 25 mars 2020 et les parties ont été avisées du délibéré par mise à disposition au greffe pour la date du 15 septembre 2020.
Motifs
Attendu que la société Sonabi immobilier a conclu avec la société groupe Roberta un mandat de recherche d un bien à acquérir, sans exclusivité, numéro 751, le 20 décembre 2012 s'agissant de rechercher un bâtiment industriel d'une surface de 300 à 600 m² environ pour du stockage sur les communes d'[Localité 4], [Localité 9], [Localité 6], [Localité 8] et [Localité 7] ; qu'il y était prévu le versement d'une rémunération de 6 % hors taxe du montant de l'acquisition, à la charge du mandant.
Attendu que le mandat liant donc les parties stipule que « pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements ainsi que dans les 36 mois suivant l'expiration ou la résiliation de celui-ci, le mandant s'interdit de traiter directement ou par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un vendeur à qui le bien aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué. À défaut de respecter cette clause, le mandataire aurait droit à une indemnité forfaitaire à la charge du mandant dont le montant serait égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire prévue au présent mandat ».
Attendu qu'une transaction relativement au projet de la société Groupe Roberta a été finalement conclue, le 13 décembre 2013, portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 6] à usage industriel et commercial entre la société civile immobilière Valorme, vendeur, et la société BPI France financement, acquéreur de la pleine propriété, en présence de la société civile immobilière Romanu et de la société civile immobilière Robertimmo, 'futur crédit preneur', l'acte dressé mentionnant que la vente s'est faite en l'absence d'un intermédiaire à la négociation.
Attendu que dans le cadre du présent litige, la société Sonabi immobilier prétend qu'elle a présenté le bien ainsi vendu en exécution du mandat de recherche qui lui avait été confié et elle sollicite, en conséquence, la condamnation des intimés au titre du préjudice consistant dans la perte de sa rémunération.
Attendu que dans le jugement attaqué, le tribunal a notamment considéré que la société Sonabi immobilier ne versait aux débats aucun bon de visite portant sur les locaux acquis de nature à lui permettre de démontrer son entremise, et a retenu que les pièces consistant dans des courriers simples émanant de l'agence immobilière et également dans le mail du cabinet Fici en date du 27 mai 2015 ne pouvaient être considérées comme des éléments suffisamment probants.
Attendu qu'au soutien de son appel, la société Sonabi immobilier expose qu'elle a fait visiter à M. [T] les deux bâtiments situés [Adresse 5] et que le 4 février 2013, elle lui a même indiqué les modalités de vente et les caractéristiques de chacun des bâtiments ; que son entremise résulte de l'attestation du cabinet Fici, mandaté par le vendeur ; qu'en demandant un relevé de propriété elle a pu s'apercevoir que M. [T] avait constitué deux nouvelles sociétés, Romanu et Robertimmo, pour acquérir en crédit-bail notamment les lots 13 et 14 proposés dans le courrier du 4 février 2013, cette vente s'étant finalement réalisée le 13 décembre 2013, hors son concours, au prix de 920'920 €.
Attendu qu'elle ajoute que le mandant n'a pas respecté son obligation contractuelle vu la clause figurant au mandat, s'appuyant à nouveau sur le mail de la société Fici du 27 mai 2015 qui évoque la visite des lots 13 et 14 en date du 1er février 2013 ainsi que sur les courriers qu'elle a adressés à M. [T] le 4 février 2013 ; que M. [T] et la société groupe Roberta sont de mauvaise foi, que la substitution de deux nouvelles personnes morales orchestrées par M. [T] ne peut faire échec à l'application du mandat, et qu'ainsi il y a 'plus qu'une collusion frauduleuse' ; que la commission qu'elle aurait dû percevoir représente une somme de 66'306,24 euros, qu'elle était prévue à titre de clause pénale et que les deux sociétés civiles immobilières qui sont des émanations de la SARL Groupe Roberta doivent être condamnées solidairement avec la mandante ; que le moyen tiré de ce que sa demande serait irrecevable faute d'avoir assigné le crédit bailleur doit être rejeté ; que de même, il n'y avait pas lieu de mettre en la cause le cabinet Fici; que le cabinet Fici était le mandataire du vendeur, qu'il est logique que la fiche descriptive émane de cette agence immobilière et que le bon de visite n'est pas une pièce obligatoire, la loi du 2 janvier 1970 ne s'y référant pas ; que ce cabinet a bien confirmé, sur sommation d'huissier, qu'il était le mandataire du vendeur et qu'il avait été contacté par Sonabi; que les courriers détaillés du 4 février démontrent que l'agence Sonabi a bien fait visiter les biens, vu leur descriptif ; que M [T] n'a ensuite jamais contesté la lettre recommandée, ni la sommation interpellative délivrée qui faisaient mention de la visite du 1er février 2013 se contentant de dire : 'je n'ai aucune réponse à vous donner à ce sujet'; que peu importe qu'il n'y ait alors pas encore eu de certificat de conformité , le compromis pouvant être conclu sous une condition suspensive de ce chef.
Attendu, en premier lieu, que la présence aux débats du 'véritable propriétaire du bien' n'est pas nécessaire à la recevabilité de l'action dès lors que le présent litige n'a trait qu'au paiement de la commission revendiquée, d'une part, contre l'acquéreur par l'agence immobilière qui a été son mandataire, d'autre part, contre les sociétés, dont il est prétendu qu'elles participent d'une collusion frauduleuse avec la mandante.
Attendu que le moyen de ce chef sera rejeté.
Attendu, en second lieu et sur le fond, qu'il sera rappelé que la preuve de la réalité de l'entremise prétendue par la société Sonabi immobilier lui incombe.
Attendu qu'à cet égard, ni la signature du mandat de recherche, ni celle de l'acte de vente, lequel mentionne, en outre, expressément que la vente s'est faite 'sans le concours ni la participation d'un intermédiaire' ne sont propres à démontrer la réalité de l'intervention de l'agence Sonabi pour la visite du bien en cause.
Attendu par ailleurs, que le mail du 27 mai 2015, invoqué par l'appelante et qui n'est au demeurant pas une attestation, dans lequel le cabinet Fici affirme que la visite a été effectuée sur les lots 13 et 14 sis [Adresse 5] le 1er février 2013 'en présence de votre client, M. [N] [T], représentant le groupe Roberta', a été rédigé deux années après les faits litigieux; que le visa qui y est fait de l'acquéreur sous le vocable ' votre client' peut s'expliquer par le fait que la société Sonabi l'a sollicité à propos de l'exécution du mandat en cause dans lequel la société Groupe Roberta était effectivement son client; que la réalité de l'envoi prétendu du courrier invoqué par la société Sonabi immobilier comme étant à l'origine de la réponse contenue à ce mail, et rédigé dans les termes suivants : « Je fais suite à ma visite du vendredi 1er février 2013 des locaux cités en objet en présence de mon client, M. [N] [T], du groupe Roberta et de vous-même. À cette date, je vous avais sollicité afin de trouver un bâtiment qui aurait pu convenir à ce client. Pourriez-vous avoir l'amabilité de bien de confirmer cette visite sur place en présence de mon client ' », n'est pas plus démontrée que celle des envois du 4 février 2013 puisqu'il s'agit de courriers envoyés en lettres simples de sorte qu'aucun moyen utile ne peut en être tiré par la société Sonabi immobilier, y compris en ce qui concerne les détails y figurant relativement aux immeubles et aux conditions d'une transaction, étant encore observé qu'il importe peu, pour apprécier la portée probante de tels envois, qu'aucune procédure pour faux n'ait été intentée contre ces pièces par les intimés.
Attendu qu'il sera par ailleurs relevé que malgré l'importance de la transaction ( la vente s'étant donc faite au prix de 920 000€), et malgré l'intérêt essentiel pour l'agent immobilier de préserver ses droits vu l'enjeu financier de la commission à laquelle il pouvait prétendre (66 306€), non seulement il n'a pas pris la précaution de faire signer un bon de visite, mais en outre, il est également dans l'incapacité de produire un mail, un SMS ou un courrier antérieur à sa prétendue visite du 1er février 2013, de nature à démontrer qu'il en serait à l'origine, qu'il en aurait fixé, ou à tout le moins, transmis, la date et qu'il aurait donc eu une quelconque initiative pour l'organisation de la visite, y compris avec la collaboration du cabinet Fici.
Attendu qu'à cet égard, certes, le bon de visite n'est effectivement pas obligatoire, mais qu'il doit être observé que la prudence et la pratique habituelle commandaient pour l'agent immobilier, vu la nature du contrat (mandat de recherche) et les intérêts financiers en cause, de se prémunir ; qu'il est également inopérant de prétendre que ce bon a pu être établi par le cabinet Fici, rien n'empêchant, en effet, l'établissement d'un bon par chacun des intermédiaires concernés.
Attendu encore que si, sur la sommation interpellative délivrée à M. [T] le 28 août 2015 qui comportait les questions suivantes : ' reconnaissez vous avoir visité par l'intermédiaire de l'agence Sonabi un bien sis [Adresse 5] le 1er février 2013 ' » et également: « avez-vous acheté ce bien ' », celui-ci a répondu sans contester la réalité de la visite en se contentant de dire : « je n'ai aucune réponse à vous donner à ce sujet », faisant ainsi une réponse certes elliptique, pour autant, ce seul commentaire ne contient pas d'élément de nature à prouver l'entremise revendiquée.
Attendu qu'il en est de même du moyen tiré de ce que M. [T] n'a jamais contesté les termes de la lettre recommandée envoyée le 6 mai 2015 par le conseil de la société Sonabi.
Attendu enfin :
- que le moyen invoqué relativement à la réponse également donnée à la sommation interpellative délivrée au responsable de l'agence Fici le 23 octobre 2018, dans laquelle celui-ci affirme qu'il a bien envoyé le mail du 27 mai 2015, qu'il était mandaté par la société venderesse et qu'il a été contacté par l'agence Sonabi pour la visite, est inopérant dès lors que de leur côté, les intimés affirment ne pas connaître l'agence Fici et qu'ils opposent des éléments contraires en versant l'acte de vente qui mentionne que la vente s'est faite 'directement entre les parties' sans le concours d'aucun intermédiaire et l'attestation du vendeur qui confirme cette absence d'intermédiaire alors que sa prétendue concertation frauduleuse avec l'acquéreur n'est pas établie ;
- que l'existence d'un mandat de vente, de surcroît sans exclusivité, reçu du cabinet Fici et consigné en son registre, n'a pas de portée probante utile en ce qui concerne les propres obligations de la société Sonabi dans l'exécution du sien et qu'il lui incombe donc de démontrer pour obtenir la mise en oeuvre des dispositions contractuelles dont elle se prévaut;
- que la dernière attestation du cabinet Fici ( pièce 13 de l'appelante) qui relate qu'il s'est vu confier depuis le 8 octobre 2012 la vente des différents lots des locaux sis [Adresse 1] et précise qu'un nouveau mandat était régularisé chaque année en fonction des ventes des différents lots intervenus, est aussi sans emport sur la démonstration de la réalité de l'entremise alléguée dans la vente en litige ;
- que la date de la signature du compromis qui est intervenue en avril 2013 peut certes prouver que la visite avait été faite antérieurement mais ne prouve en revanche pas qu'elle l'a été à l'initiative de la société Sonabi ;
- que le fait que les sociétés intimées affirment que la fiche descriptive des immeubles vendus a été établie par la cabient Fici ne le démontre pas plus.
Attendu par suite, qu'au vu de l'analyse ainsi faite des diverses pièces versées aux débats, et quand bien même la preuve de son entremise par la société Sonabi immobilier peut être rapportée par tous moyens, il sera considéré que l'ensemble de ces éléments, mis en perspective avec l'absence de production de tout autre de nature à démontrer la réalité d'un quelconque rôle ou initiative de la société Sonabi dans l'organisation de la présentation des biens en cause, ne constitue pas une preuve suffisante de la réalité de l'intervention de l'appelante pour la présentation des locaux vendus le 13 décembre 2013.
Attendu que le jugement sera, en conséquence, confirmé.
Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement et rejette toutes les demandes de la société Sonabi immobilier,
Y ajoutant :
Condamne la société Sonabi immobilier à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1800 € ensemble à la société groupe Roberta, la société civile immobilière Romanu et la société civile immobilière Robertimmo,
Condamne la société Sonabi immobilier aux dépens d'appel avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERPOUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ
LA CONSEILLÈRE