COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 22 OCTOBRE 2020
N° 2020/132
Rôle N° RG 17/13038 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA3NQ
SA BNP PARIBAS
C/
[J] [N] [I] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me STRATIGEAS
Me MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Juin 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 2016003270.
APPELANTE
SA BNP PARIBAS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Jean christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Emmanuelle LECRENAIS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [J] [N] [I] [E]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4] (13),
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Ambroise ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Faits, Procédure, Moyens et Prétentions des parties :
Le 26 mars 2008, la société BNP Paribas a consenti à la société Du Levant un prêt in fine de 10 500 000 euros sur 60 mois à échéance à compter du 26 mars 2013 au taux de l'EURIBOR 3 mois +1,30% l'an.
Ce prêt était destiné à financer partiellement l'acquisition de 360 000 actions de la société Sea Tankers et était garantie par le nantissement des titres, objet du prêt établi le 26 mars 2008 et une cession de toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par des sociétés tiers, débiteurs cédés, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires du 14 décembre 2007 portant sur des actions de la société Sea Tankers que la société Du levant détiendrait
Le 7 septembre 2011, Monsieur [E], gérant de la société Du Levant, s'est porté caution solidaire et personnelle envers la BNP Paribas à concurrence de la somme de 10 500 000€ pour une durée à échéance du 13 mai 2013.
Monsieur [E] a réitéré son engagement de caution solidaire pour une durée de 36 mois à compter du 4 avril 2013.
Par jugement du 6 janvier 2017, le tribunal de commerce de Marseille a condamné la société Du Levant à payer à la BNP la somme de 9 822 280,85€ avec intérêt au taux contractuel de E3M+1,3% majoré de 2 points à compter du 23 janvier 2016, 714 287,89€ au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 et ordonné que les intérêts se capitalisent par périodes annuelles.
Par jugement contradictoire du 19 juin 2017, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a prononcé la décharge totale de la caution, Monsieur [E] au titre des cautionnements du 7 septembre 2011 et du 4 avril 2013, débouté les parties de leurs demandes et condamné la BNP à payer à Monsieur [E] la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a estimé que Monsieur [E] avait souscrit un engagement de caution en sachant que le prêt était également garanti par un gage de compte d'instrument financier des parts sociales, objet du prêt, que les sûretés prises en garantie du prêt n'ont pas été correctement prises (défaut d'inventaire des instruments financiers dans l'acte de nantissement et d'enregistrement au greffe du tribunal de commerce et impossibilité d'évaluer la créance cédée) de sorte que Monsieur [E], qui ne peut plus bénéficier de la subrogation aux droits du créancier, doit être déchargé de la caution conformément aux dispositions de l'article 2314 du code civil.
Le 6 juillet 2017, la BNP a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 14 février 2019, la BNP Paribas demande à la cour au visa de l'article 2314 du code civil, de :
*infirmer le jugement querellé en ce qu'il a déchargé Monsieur [E] de la caution et en ce qu'il a débouté la BNP de ses demandes et l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*débouter Monsieur [E] de ses demandes,
*condamner Monsieur [E] en sa qualité de caution à lui payer :
- 9 822 280,82€ en principal,
- 714 287,89€ au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016,
- outre les intérêts contractuels sur la somme de 9 822 280,85€ à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait payement au taux de l'EURIBOR 3 mois +1,30% majoré de 2%,
*ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
*le condamner à lui payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Stratigeas.
Elle expose que le prêt souscrit par la société Du Levant était garanti, outre l'engagement de caution de Monsieur [E], d'une part, par le gage du compte d'instruments financiers détenu par la société Du Levant dans les livres de la société Sea Tankers soit 360 000 actions et d'autre part , par une cession de toutes les créances qui seraient dues à la société Du Levant en cas de cession des actions considérées.
Pour s'opposer à l'argumentation de Monsieur [E], qui se prévaut d'un défaut de régularisation des sûretés susvisées l'empêchant d'être subrogé, elle fait valoir que le nantissement de compte d'instruments était régi par les dispositions de l'article L431-4 du code monétaire et financier jusqu'au 8 janvier 2009 et, depuis cette date, par les dispositions de l'article L 211-20 du code monétaire et financier, que le gage consenti le 26 mars a été annulé et remplacé par celui du 26 mars 2013 soumis aux dispositions de l'article L 211-20 du dit code.
Elle souligne que concernant le gage pris le 26 mars 2008, comme pour celui du 26 mars 2013, l'attestation de mise en gage est facultative et l'insuffisance de son contenu est sans incidence sur la validité de la sûreté, que le nantissement du 26 mars 2013 satisfait aux exigences de l'article L 211-20 du code monétaire et financier, puisqu'un nantissement est réalisé, à l'égard des tiers, par la seule déclaration signée du titulaire du compte, sans aucun enregistrement au greffe du tribunal de commerce soit nécessaire et que la déclaration répond aux exigences de l'article D 211-10 du code monétaire et financier.
Elle fait valoir également que le nantissement de compte de titre financier du 26 mars 2013 a annulé et remplacé le gage de compte d'instruments financier du 26 mars 2008, auquel il s'est substitué, que la constitution en gage d'un compte d'instruments financiers est réalisée tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée du titulaire du compte, que la société Sea Tankers justifie de l'inscription initiale dans ses livres du nantissement des titres au profit de la BNP.
Enfin, concernant la cession de créance en garantie, elle fait valoir que par acte du 26 mars 2008, la société 'Du Levant' a cédé à la société BNP toutes les créances nées ou à naître au titre de la promesse d'achat consentie par des débiteurs cédés aux termes d'un pacte d'actionnaires du 17 décembre 2007 portant sur des actions de la société Sea Tankers que ladite société 'Du Levant' détiendrait à la date d'exercice de son option, pour un montant calculé selon une méthode d'évaluation décrite dans le pacte, que Monsieur [E] soutient qu'en raison
de l'imprécision du bordereau de cession de créances qui ne permettrait pas selon lui de désigner
et d'individualiser de façon certaine les créances, le droit au paiement direct dont bénéficiait la
banque a été perdu et que donc il devait être déchargé de la caution en application des dispositions de l'article 2314 du code civil, que toutefois, cet article ne peut recevoir application qu'en cas de droit préférentiel conférant un avantage particulier à la caution que tel n'est pas le cas de la cession d'une créance , que de surcroît, il appartient à Monsieur [E] de rapporter la preuve que la subrogation lui serait rendue impossible par le seul fait de la banque, qu'enfin, il lui appartient d'établir que le défaut résulte du fait de la banque alors que les imperfections de la cession de créance consentie par la société Du levant, résulte de la faute de cette dernière dont il est le dirigeant.
En tout état de cause, elle soutient que l'argumentation de Monsieur [E] est inopérante car aucune des conditions pour permette à la cession de devenir effective ne s'est réalisée.
Par conclusions déposées et notifiées le 7 août 2020 Monsieur [E] demande à la cour au visa des articles :
1134,1142,1147,2314,2337 et 2355 du code civil,
L211-20, L313-23, L313-28 et L 431-4 du code monétaire et financier,
803 et 798 du code de procédure civile de :
*révoquer l'ordonnance de clôture et admettre les présentes conclusions,
*constater l'annulation du gage d'instrument financier du 26 mars 2008,
*constater l'inexistence du nantissement de compte titres financiers du 26 mars 2013
*constater la non-valeur de nantissement des titres Sea Tankers en 2013,
* constater la non-régularisation de la cession de créances professionnelles à titre de garantie,
*constater l'empêchement pour la caution d'être subrogée dans les droits du créancier au sens de l'article 2314 du code civil,
*confirmer le jugement du 19 juin 2017
A titre subsidiaire : débouter la BNP de ses demandes,
En tout état de cause : la condamner à lui régler la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de sa demande de révocation, il indique que la BNP a perçu la somme de 600 469,25€ dans la cadre de la réalisation des actifs de la société Du Levant.
Il soutient que les deux sûretés, prises à titre de garantie du contrat de prêt, n'ont pas été régularisées le privant de son droit d'exercer un recours subrogatoire et que les dispositions de l'article 2314 du code civil doivent recevoir application.
Concernant le gage de compte instrument financier, il soutient que le contrat de prêt du 26 mars 2008 a été joint au cautionnement souscrit le 7 septembre 2011, qu'il ressort du contrat de prêt qu'au titre des garanties du prêt figurent 'gage par l'emprunteur au profit de la banque ouvert par l'emprunteur sur les livres de la société Sea tankers et sur lequel compte gagé devront être inscrits en permanence 360 000 actions de la société Sea Tankers à concurrence d'une valeur toujours au moins égale à 100% du montant de la créance garantie au titre du prêt ' or la perte de valeur de la société Sea Tankers, compte tenu de sa liquidation, fait que les actions de la société du Levant ne valaient plus 100% de la créance garantie.
Il soutient de surcroît que l'attestation de constitution de gage délivrée le 25 avril 2008, ne respecte pas les dispositions de l'article L 211-20 du code monétaire et financier, le document, ne détaillant pas de façon précise l'inventaire des titres financiers avec les sommes inscrites en compte, que le nantissement du 26 mars 2013 n'a pas été inscrit dans les comptes de la société Sea tankers, qui ne reconnaît que le nantissement de 2008, alors que ce gage a été abandonné ainsi que cela résulte des écritures de la BNP, que l'inscription au crédit du compte des titres financiers nantis est une condition de validité du nantissement.
Concernant la cession de créance, il fait valoir que le bordereau de déclaration n'individualise pas et ne spécifie pas suffisamment le montant des créances concernées en violation des dispositions de l'article L 313-23 du code monétaire et financier, que la sanction est l'inopposabilité aux tiers de la cession litigieuse, que la BNP ne pouvait demander paiement aux créanciers mentionnés dans l'acte de cession de créance du 26 mars 2008, qu'il perdait un avantage effectif du fait de la faute de la BNP.
Enfin, il soutient qu'il appartient au créancier fautif d'établir que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution, ne lui a causé aucun préjudice.
L'ordonnance de clôture intervenue le 7 janvier 2020 a été révoquée et l'instruction clôturée, avant débats, le jour de l'audience par le magistrat de la mise en état.
Motifs
Monsieur [E] s'est porté caution par acte du 7 septembre 2011, pour un prêt souscrit le 26 mars 2008 au profit de la BNP par la société Du levant qui avait, en sus, offert en garantie le nantissement des titres, objet du prêt et une cession de toutes les créances. L'article 2314 du code civil permet à la caution d'être déchargée de ses obligations lors que la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en sa faveur. Monsieur [E] fonde sa défense sur les dispositions de cet article.
Sur le nantissement :
Le contrat de prêt du 26 mars 2008 indique au titre des garanties du prêt : 'un gage par l'emprunteur au profit de la banque ouvert au nom de l'emprunteur sur les livres de la société Sea Tankers .... et sur lequel compte gagé devront être inscrits en permanence 360 000 actions
de la société Sea Tankers a concurrence d'une valeur de 100% du montant de la créance garantie au titre du prêt '.
Le contrat de cautionnement du 7 septembre 2011 signé par Monsieur [E] mentionne qu'il garantit le paiement des sommes que le cautionné pourrait devoir à la banque... 'au titre de l'obligation ci dessus définie dont copie est jointe en annexe à la présente, paraphée et signée pour accord par la caution en même temps que le présent engagement, ce dernier et ladite annexe constituant de convention expresse un tout indissociable'.
Le prêt litigieux ayant été souscrit antérieurement à la caution et joint à l'acte de caution, Monsieur [E] a eu nécessairement connaissance des conditions stipulées dans l'acte de prêt et notamment de l'obligation de maintien de la valeur des actions nanties, alors que tel n'a pas été le cas, eu égard à la procédure de liquidation dont a fait l'objet la société Sea Tankers.
Il convient cependant de constater que l'engagement de préservation de la valeur des actions à la hauteur du prêt souscrit incombe à l'emprunteur, titulaire des dites actions, et qui les offre en garantie du prêt souscrit et non à la banque, ainsi que le soutient à tort Monsieur [E]. Ainsi il appartenait à la société Du Levant, titulaire des dites actions nanties, de veiller à la préservation de leur valeur et de surveiller toutes modifications éventuelles.
De surcroît, il n'est nullement établi que la BNP a eu connaissance des difficultés économiques de la société Sea Tankers et de la perte de valeur des actions garantissant le prêt dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était la banque teneuse des comptes de la dite société. Ainsi, Monsieur [E] ne peut se prévaloir du non-respect par la banque d'un éventuel devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil.
L'article 2355 du code civil précise que les nantissements conventionnels, qui portent sur des créances, sont régis par le présent chapitre, à défaut de dispositions spéciales. Or jusqu'au 8 janvier 2009, les gages d'un compte d'instruments financiers étaient régis par l'article L 431-4 du code monétaire et financier, texte spécial dérogeant au texte général et qui prévoyait que le
nantissement était réalisé', tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte. Cette déclaration comporte les énonciations fixées par décret. Les instruments financiers figurant initialement dans le compte gagé, ceux qui leur sont substitués ou les complètent en garantie de la créance initiale du créancier gagiste, de quelque manière que ce soit, ainsi que leurs fruits et produits en toute monnaie, sont compris dans l'assiette du gage. Le créancier gagiste peut obtenir, sur simple demande au teneur de compte, une attestation de nantissement de compte d'instruments financiers, comportant l'inventaire des instruments financiers et sommes en toute monnaie, inscrits en compte gagé à la date de délivrance de cette attestation.'.
A compter du 9 janvier 2009, ils ont été régis par l'article L 211-20 du dit code qui reprend des dispositions similaires ' les nantissements d'un compte-titres sont réalisés, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte. Cette déclaration comporte les énonciations fixées par décret ....Le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande au teneur de compte, une attestation de nantissement de compte-titres, comportant inventaire des titres financiers et sommes en toute monnaie, inscrits en compte nanti à la date de délivrance de cette attestation.'
Monsieur [E] se prévaut du caractère lacunaire de l'attestation de nantissement du 25 avril 2008. Toutefois, la délivrance d'une attestation de nantissement, qui constitue à la lecture des articles sus visés, une simple faculté offerte au créancier gagiste qui peut l'obtenir sur simple demande, ne constitue pas une condition de validité du contrat de gage. L'action de Monsieur [E] fondé sur la validité de l'attestation ne peut prospérer.
La déclaration de nantissement en compte de titres financiers du 26 mars 2013 répond aux exigences de l'article D 211-10 du code monétaire et financier puisqu'elle comporte la dénomination exacte exigée, le nom et la dénomination et l'adresse du constituant à savoir la société Du levant et celle du créancier à savoir la BNP, le montant de la créance garantie en l'espèce 10 500 000€ et la nature et le nombre de titres financiers inscrits au compte nanti soit 360 000 actions de la société Sea Tankers pour une valeur unitaire de 50€.
La société Sea Tankers dans un courrier adressé le 2 mai 2018 aux administrateurs judiciaires de la société Du Levant ' confirmait qu'à leur connaissance....la BNP dispose d'un unique nantissement sur les titres détenus par la société Du levant inscrit le 26 mars 2008 ' Ce document permet de constater que la société Sea Tankers reconnaît l'existence d'un nantissement inscrit sur le compte de titres financiers ouvert dans ses livres de compte, inscription qui n'a pas fait l'objet d'une quelconque radiation.
De surcroît, en application des dispositions de l'article L211-20 du code monétaire et financier, le nantissement est réalisé par une déclaration signée par le titulaire du compte. Ainsi, la déclaration du 26 mars 2013 signée par la société Du levant conforme aux exigences légales est parfaite et valable, sans qu'il soit nécessaire d'exiger en sus une notification à la société émettrice, sauf à ajouter au texte légal.
Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre.
Sur la cession de créance :
Par acte du 26 mars 2008, la société Du Levant a cédé à la BNP à titre de garantie, toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par les sociétés Sea Invest, Sea Invest France et Ghent Goal terminal, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires du 14 décembre 2007. Monsieur [E] sollicite l'application des dispositions de l'article 2314 du code civil aux motifs que le bordereau de cession sus visé ne comporte pas suffisamment d'éléments pour permettre d'individualiser de façon certaine, le montant de la créance cédée, en raison du recours à un mode de calcul obscur et complexe, selon lui.
Toutefois, l'article 2314 du code civil n'est applicable qu'en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance. Est ainsi qualifié tout droit susceptible de conférer à son titulaire une facilité plus grande dans la perception de sa créance ou de conférer une véritable position privilégiée.
Monsieur [E], qui invoque la perte du bénéfice de la subrogation dans les droits du cessionnaire, ne justifie pas de la perte d'un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance et n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil puisqu'elle ne dispose pas d'un droit qui lui permet d'éviter le concours avec les autres créanciers chirographaires.
Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre.
Monsieur [E] justifie par la production d'un courrier de Maître [X], mandataire judiciaire du versement de la somme de 600 469,25€ au bénéfice de la BNP le 13 septembre 2019, ce que cette dernière ne conteste pas. Il convient de prononcer une condamnation en deniers et quittance à charge pour les parties de procéder à un décompte actuel des sommes restant dues.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre à la BNP la somme de 1 500€.
PAR CES MOTIFS
LA COUR par arrêt contradictoire rendu publiquement ,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
Condamne Monsieur [E], en sa qualité de caution de la société Du levant, au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes suivantes :
- 9 822 280,82€ en principal
- 714 287,89€ au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016,
- outre les intérêts contractuels sur la somme de 9 822 280,85€ à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait payement au taux de l'EURIBOR 3 mois +1,30% majoré de 2%,
et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, dans la limite de 10 500 000 €,
- 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Jean-Christophe Stratigeas de la Selarl DADJ associés.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT