COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 22 OCTOBRE 2020
N° 2020/243
Rôle N° RG 18/15023 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDCMX
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE
C/
[R] [N]
SARL STE DE RECHERCHE ET DE PRODUCTION DE MELANGES INDU STRIELS (SRPMI)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LA SADE
Me IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'Aix en Provence en date du 10 Avril 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2016007194.
APPELANTE
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Odile-Marie LA SADE de la SCP LA SADE CLUSAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Carole BRUGUIÈRE, avocat au barreau de PARIS substituant Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [R] [N]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 7] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SARL STE DE RECHERCHE ET DE PRODUCTION DE MELANGES INDUSTRIELS (SRPMI) agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme GERARD, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte sous signatures privées du 30 avril 2009, la SARL Société de recherche et de production de mélanges industriels ' S.R.P.M.I (la SARL SRPMI), dont [R] [N] est le gérant, a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France.
Selon acte sous signatures privées du 24 août 2011, la Caisse d'épargne a consenti à la SARL SRPMI un prêt professionnel d'un montant en capital de 450 000 euros remboursable en 36 échéances mensuelles au taux de 4,210 % et au taux effectif global annoncé de 5,21 %.
Par acte sous signatures privées du même jour, [R] [N] s'est porté caution solidaire des engagements de la SARL SRPMI au titre de ce prêt pour un montant de 292 500 euros et une durée de 63 mois.
Les échéances étant impayées et le compte courant s'avérant débiteur, la SA Caisse d'épargne a mis la SARL SRPMI et la caution en demeure de régulariser la situation par lettres recommandées avec accusé de réception du 14 août et du 8 novembre 2013 et les a fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Manosque.
Une plainte a été déposée par la SARL SRPMI à l'encontre de la Caisse d'épargne pour violation du secret professionnel. Aucune suite n'y étant donnée, la SARL SRPMI a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris.
À la suite d'une requête en suspicion légitime présentée par la SARL SRPMI, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 14 juin 2016, ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, lequel a, par jugement du 20 décembre 2016, sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
Saisi par la SA Caisse d'épargne, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par ordonnance rendue en la forme des référés du 31 mars 2017, l'a autorisée à interjeter appel du jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.
Par arrêt du 14 septembre 2017, la cour d'appel a réformé le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 20 décembre 2016 et rejeté la demande de sursis à statuer.
Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a :
- débouté la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels et M. [R] [N] de leur demande de sursis à statuer ;
- condamné la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels à payer à la Caisse d'épargne, au titre du solde débiteur de son compte courant n° [XXXXXXXXXX02], la somme de 11.020,64 euros en principal outre intérêts au taux légal à dater du 14 août 2013 ;
- prononcé, au titre du prêt de 450.000 euros, la substitution du taux légal au taux contractuel sur les échéances payées ou impayées par la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels à la Caisse d'épargne du 1er avril 2012 au 31 août 2013 ;
- ordonné au titre du prêt de 450.000 euros, l'imputation du montant des intérêts au taux contractuel perçus du 1er avril 2012 au 24 décembre 2012 sur le montant du capital restant dû au 1er septembre 2013 de 143.566,93 euros;
- condamné solidairement la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels et M. [R] [N], ce dernier dans la limite de son engagement de caution à hauteur de 50% de 1'encours du prêt, à payer à la Caisse d'épargne :
* les échéances impayées du 25 décembre 2012 inclus jusqu'à celle du 24 août 2013 incluse, soit la somme de 114.421,39 euros desquelles il faut déduire les intérêts au taux contractuel que ce montant intègre, et leur substituer un intérêt au taux légal, depuis leur date d'exigibilité jusqu'à parfait paiement ;
* le capital restant dû au 1er septembre 2013, soit la somme de 143.566,93 euros, réduite du montant des intérêts au taux contractuel, perçus du 1er avril 2012 au 24 décembre 2012, selon leur imputation ordonnée ci-dessus, outre intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2013 jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné solidairement la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels et M. [R] [N] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels et M. [R] [N] aux entiers dépens de la présente instance ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, 'ns et conclusions ;
- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision.
La SA Caisse d'épargne Île-de-France a interjeté appel par déclaration du 20 septembre 2018.
Par conclusions du 5 avril 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Caisse d'épargne Île-de-France demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 10 avril 2018 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels(S.R.P.M.I) et M. [R] [N] à payer diverses sommes à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île de France et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts,
- confirmer le jugement rendu le 10 avril 2018 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] de leurs demandes.
- recevoir la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France en son appel partiel et de l'y déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement rendu le 10 avril 2018 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a :
- omis de statuer sur la demande de la Caisse d'épargne tendant à voir déclarer la société S.R.P.M.I et M. [N] irrecevables en leurs demandes d'annulation du TEG du compte courant n°[XXXXXXXXXX01] et du TEG prêt n°8870827, ces demandes étant prescrites,
- condamné la société S.R.P.M.I à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 11.020,64 € outre les intérêts légaux à compter du 14 août 2013 au titre du compte,
- prononcé, au titre du prêt n°8870827, la substitution du taux d'intérêt légal au taux contractuel sur les échéances du 1er avril 2012 au 31 août 2013,
- ordonné, au titre du prêt n°8870827, l'imputation du montant des intérêts au taux contractuel, perçus du 1er avril 2012 au 24 décembre 2013 sur le montant du capital restant dû de 143.566,93 € au 1er septembre 2013,
statuant à nouveau
- déclarer la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] irrecevables en leurs demandes d'annulation du TEG du compte courant n°[XXXXXXXXXX01] et du TEG prêt n°8870827, ces demandes étant prescrites,
- déclarer la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] irrecevables en leur demande de sursis à statuer,
- condamner la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France, au titre du compte courant n°[XXXXXXXXXX01], la somme de 11.411,45 €, outre les intérêts au taux contractuel Euribor 3 mois + 6%, soit 6,282%, à compter du 14 août 2013, date de la mise en demeure,
- condamner solidairement la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N], ce dernier dans la limite de son engagement de caution à hauteur de 50% de l'encours du prêt, à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île de France, au titre du prêt n°8870827, la somme de 257.988,38 €, outre les intérêts au taux contractuel de 4,21% majoré des pénalités de 3 points, soit 7,21%, à compter du 14 août 2013, date de la mise en demeure,
- dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil,
- débouter la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] de leurs demandes,
- condamner solidairement la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île de France la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la Société de Recherche et de Production de Mélanges Industriels (S.R.P.M.I) et M. [R] [N] aux entiers dépens et autoriser Maître Odile-Marie La Sade, avocat à la SCP LA Sade ' Clusan, avocats à la cour d'appel d'Aix en Provence, à les recouvrer sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 13 février 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL SRPMI et [R] [N] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté la SRPMI et M. [N] de leur demande de sursis à statuer,
- condamné solidairement la SRPMI et M. [N] à payer à la Caisse d'épargne les sommes principales de 114.421,39 € (dont à déduire les intérêts au taux contractuel que ce montant intègre et leur substituer les intérêts au taux légal) et de 143.566,93 € réduite des intérêts au taux contractuel perçus du 1/4/2012 au 24/12/2012,
- condamné la SRPMI au paiement de la somme principale de 11.020,64 €,
statuant à nouveau
à titre principal,
- constater que la Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme et la clôture du compte professionnel litigieux de mauvaise foi,
- constater l'erreur de TEG mentionnée par la Caisse d'épargne dans le prêt litigieux ;
- constater l'absence de mention de TEG relatif au découvert en compte courant ;
en conséquence,
- constater que le caractère non exigible des sommes aujourd'hui réclamées par la Caisse d'épargne ;
- débouter la Caisse d'épargne de l'intégralité de ses demandes.
- prononcer la substitution du taux légal du jour de la conclusion du prêt, soit 0,38%, au taux d'intérêts conventionnels et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;
- enjoindre la Caisse d'épargne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,
- prononcer la substitution du taux légal du jour de la conclusion du prêt, soit 0,38%, au taux d'intérêts conventionnels et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;
- enjoindre la Caisse d'épargne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,
à titre subsidiaire,
- constater l'erreur de TEG mentionnée par la Caisse d'épargne ;
- constater l'absence de mention de TEG relatif au découvert en compte courant ;
- constater que la Caisse d'épargne ne rapporte pas la preuve du respect de son obligation d'information annuelle de la caution ;
en conséquence
- prononcer la substitution du taux légal du jour de la conclusion du prêt, soit 0,38%, au taux d'intérêts conventionnels et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;
- enjoindre la Caisse d'épargne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,
- prononcer la substitution du taux légal du jour de la conclusion du prêt, soit 0,38%, au taux d'intérêts conventionnels et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;
- enjoindre la Caisse d'épargne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts et frais de la Caisse d'épargne à compter de l'engagement de caution du fait de son manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution ;
- enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, la Caisse d'épargne de produire un nouveau décompte de sa créance prenant en compte la déchéance totale du droit aux intérêts et cette imputation sur le capital restant dû,
plus subsidiairement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- fait application du taux d'intérêt légal sur la somme de 11.020,64 € mise à la charge de la SRPMI au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX02],
- prononcé au titre du prêt de 450.000 € la substitution du taux légal au taux conventionnel,
en tout état de cause et à titre reconventionnel,
- constater que la Caisse d'épargne a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de la SRPMI et de M. [N]
- constater les manquements de la Caisse d'épargne à ses obligations de bonne foi ;
en conséquence
- condamner la Caisse d'épargne à indemniser la SRPMI et M. [N] à hauteur de la somme de 300.000 € sauf à parfaire au titre de leur préjudice financier du fait du manquement à l'obligation de mise en garde et à l'obligation de bonne foi;
- condamner la Caisse d'épargne à verser à la SRPMI la somme 75.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- condamner la Caisse d'épargne à verser à M. [N] la somme 25.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral.
- ordonner la compensation entre les créances respectives de la Caisse d'épargne et de la SRPMI ;
- condamner la Caisse d'épargne à verser à la SRPMI et à M. [N] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la prescription :
La CEPAC soutient que les demandes en nullité du taux effectif global du prêt et du compte courant sont prescrites, le point de départ de la prescription, s'agissant de concours financiers obtenus pour les besoins d'une activité professionnelle, devant être fixé au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global, soit pour un prêt, la date de la convention, et pour le compte courant, la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le taux. En conséquence, les intimés auraient dû agir au plus tard le 5 mai 2014 s'agissant du compte courant et le 24 juin 2016 pour le prêt.
Les intimés répliquent que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la découverte de l'erreur, soit en l'espèce, au jour où ils ont saisi leur conseil de la présente affaire, étant observé que [R] [N] n'avait aucune compétence financière pour apprécier les erreurs qu'ils invoquent.
Le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, comme de l'action en déchéance du droit aux intérêts, formée en raison d'une erreur affectant le TEG, se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux, soit à la date de la convention si l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date à laquelle celle-ci a été révélée à l'emprunteur.
La SARL SRPMI et [R] [N] soutiennent que le taux annuel de l'intérêt n'est pas calculé sur la base d'une année civile et que le taux effectif global ne comprend pas l'ensemble des frais de la période de préfinancement.
Le contrat de prêt prévoit :
montant : 450 000 euros,
préfinancement : durée 3 mois, taux 4,210 %
amortissement: durée 36 mois, taux 4,210 % montant 13 327,87 euros
taux effectif global : 5,21 %
frais de dossier 2 000 euros,
frais de garantie (évaluation) : 4 743,07 euros,
coût total sans assurance/accessoires : 29 803,32 euros
coût total avec assurance/accessoires : 36 546,39 euros
taux de période : 0,43 %.
Il stipule également : durant le préfinancement, les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, au taux d'intérêt ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours et d'un mois de 30 jours. Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours et d'un mois de 30 jours. Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurance de la phase de préfinancement.
Ainsi, à la simple lecture du contrat, [R] [N], gérant de la SARL SRPMI, professionnel rompu à l'utilisation de financements liés à l'export et aux crédits documentaires, ayant souscrit le prêt pour les besoins de l'activité de la société qu'il dirige, pouvait, par lui-même, sans le moindre calcul, se convaincre des erreurs affectant le taux effectif global du prêt qu'il invoque aujourd'hui et le délai de prescription expirait le 24 juin 2016.
S'agissant du compte courant, la convention produite aux débats par la banque ne contient aucune stipulation relative au taux effectif global applicable aux intérêts qu'elle entendait faire courir sur le solde débiteur. Il en va de même pour le seul relevé de compte produit (pièce 10 de la banque), l'appelante ne produisant aucun autre document par lequel elle aurait informé la SARL SRPMI du taux effectif global appliqué au solde débiteur du compte.
La pièce 41 produite par la caisse d'Épargne et intitulée convention de compte courant et de services bancaires de la Caisse d'épargne, à laquelle sont jointes des conditions tarifaires applicables au 1er janvier 2017, ne fait pas la preuve d'une part de ce qu'il s'agit bien de celles remises à la SARL SRPMI lors de l'ouverture du compte courant et, d'autre part, de la notification d'un quelconque taux effectif global.
C'est donc à la date d'ouverture du compte, soit le 30 avril 2009 que la SARL SRPMI, en la personne de son gérant, [R] [N], a eu connaissance de l'irrégularité affectant la convention qui ne comportait aucun taux effectif global que doit être fixé le point de départ de la prescription quinquennale.
Il n'est pas contesté que les demandes en nullité de la stipulation d'intérêt n'ont été formées que dans des conclusions du 31 octobre 2016 de sorte que ces demandes sont prescrites.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la substitution du taux d'intérêt légal au taux contractuel pour le prêt.
- Sur la mauvaise foi de la banque dans le prononcé de la déchéance du terme et la clôture du compte courant :
Les intimés soutiennent qu'aucune somme n'est exigible en raison de la mauvaise foi de la Caisse d'épargne qui a prononcé la déchéance du terme et la clôture du compte courant à la suite d'un échange téléphonique avec la BRED, autre établissement financier de la SARL SRPMI, ce qui constitue une violation du secret professionnel. Elle a déposé plainte pour ces faits et une instruction est en cours devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris.
La Caisse d'épargne relève qu'aucune demande de sursis à statuer n'est formulée dans le dispositif des conclusions des intimés, que cette demande se heurterait en tout état de cause à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 septembre 2017, qu'elle conteste les faits qui lui sont reprochés, au demeurant prescrits, et qu'elle est étrangère aux relations contractuelles entre la BRED et la SARL SRPMI.
La cour, qui ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties, n'est pas saisie d'une demande de sursis à statuer, il ne sera pas répondu aux moyens développés par les parties sur ce point.
Il résulte des pièces produites par les intimés (pièces 1-1 à 2-5) que la SARL SRPMI a connu des difficultés de trésorerie importantes conduisant la Caisse d'épargne, le 8 mars 2013, à lui rappeler le montant des sommes dues tant au titre du solde débiteur du compte courant qu'au titre du prêt et à solliciter des mesures de régularisation avant le 23 mars.
La lettre de mise en demeure du 14 août 2013 fait état d'un solde débiteur du compte courant, non contesté, ainsi que d'échéances impayées au titre du prêt depuis décembre 2012.
Ainsi la déchéance du terme prononcée en application de l'article 9 des conditions générales du prêt ne saurait être qualifiée d'abusive, ni la clôture du compte courant, alors qu'il fonctionnant depuis de nombreux mois en position débitrice sans qu'il soit établi un accord de la banque, autre qu'occasionnel, pour ce mode de fonctionnement.
Par ailleurs, la SARL SRPMI, qui se prévaut d'une violation du secret professionnel imputée à la Caisse d'épargne laquelle aurait procédé à la clôture du compte et la déchéance du terme à la suite d'une conversation téléphonique avec la BRED, autre établissement bancaire de la SARL SRPMI, ne démontre ni l'existence de la violation du secret professionnel allégué, ni même que la clôture du compte et la déchéance du terme aient été prononcées en lien avec ladite conversation téléphonique.
En l'état des sommes dues, non contestées au principal par la SARL SRPMI, la mauvaise foi de la Caisse d'épargne n'est pas démontrée.
- Sur les sommes dues au titre du compte courant :
C'est exactement que les premiers juges ont constaté que ni la convention d'ouverture de compte, ni aucun autre document postérieur n'ont porté à la connaissance de la SARL SRPMI l'application d'un taux d'intérêt sur le solde débiteur du compte.
La pièce 41 produite par la Caisse d'Épargne et intitulée convention de compte courant et de services bancaires de la Caisse d'épargne, à laquelle sont jointes des conditions tarifaires applicables au 1er janvier 2017, ne fait pas la preuve d'une part de ce qu'il s'agit bien de celles remises à la SARL SRPMI lors de l'ouverture du compte courant et, d'autre part, que lesdites conditions tarifaires de 2017 ont été portées à la connaissance de la SARL SRPMI.
L'indication d'un taux d'intérêt, de surcroît majoré, dans la lettre de mise en demeure du 14 août 2013 ne peut suppléer l'absence de fixation d'un taux d'intérêt par écrit préalable.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a assorti le solde débiteur du compte courant des seuls intérêts au taux légal et condamné la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels à payer à la Caisse d'épargne, au titre du solde débiteur de son compte courant n° [XXXXXXXXXX02], la somme de 11.020,64 euros en principal outre intérêts au taux légal à dater du 14 août 2013.
- Sur les sommes dues au titre du prêt par la SARL SRPMI :
Le décompte des sommes réclamées au titre du prêt par la caisse d'épargne à l'encontre de la SARL SRPMI n'étant pas autrement contesté, cette dernière sera condamnée à régler :
- échéances impayées du 25 décembre 2012 (solde) au 25 juillet 2013 : 111 951,86 euros
- intérêts et pénalités sur échéances impayées : 2 469,53 euros
- capital restant dû au 1er septembre 2013 : 143 566,93 euros
TOTAL : 257 988,32 euros avec intérêts au taux contractuel majoré de 3 points conformément à l'article 7 des conditions générales du prêt soit (4,210 + 3) 7,210 %.
- Sur le défaut d'information annuelle de la caution :
[R] [N] soutient que la Caisse d'épargne ne rapporte pas la preuve qu'elle a respecté son obligation d'information annuelle édictée à l'article L313-22 du code monétaire et financier.
La banque réplique que la preuve du respect de son obligation est rapportée par la production du relevé de compte sur lequel figurent les prélèvements effectués à ce titre, l'assignation délivrée les 21 et 29 janvier 2014 et les multiples jeux de conclusion régularisés depuis l'introduction de la procédure.
L'article L313-22 du code monétaire et financier dispose que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Il appartient à l'établissement financier de rapporter la preuve de l'envoi effectif d'une information à la caution conforme aux dispositions susvisées.
Or une telle preuve n'est rapportée ni par des relevés de comptes sur lesquels figurent les frais forfaitaires facturés au débiteur principal pour l'envoi de l'information annuelle, ni par l'assignation introductive d'instance ou les conclusions ultérieures de la banque qui ne satisfont pas aux conditions de l'information due à la caution exigée par ce texte.
Il en résulte que la banque est déchue des intérêts échus depuis le 31 mars 2012 et que, dans les rapports entre la caution et l'établissement financier, les paiements faits depuis cette date par la SARL SRPMI, sont affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En considération de ces éléments, la créance de la banque à l'encontre de la caution doit être fixée à 120 111,41 euros.
- Sur la violation du devoir de mise en garde et de l'obligation de bonne foi :
La SARL SRPMI et [R] [N] soutiennent que la banque n'ignorait pas que le compte courant de la SARL SRPMI était régulièrement débiteur, qu'elle était dépendante de son client principal et que pour autant elle n'a jamais vérifié les capacités financières de la SARL SRPMI. Ils ajoutent qu'ils ont démontré que la banque avait violé son obligation de bonne foi en mettant un terme à ses relations commerciales avec la SRPMI à la suite de l'appel téléphonique à la BRED et ils réclament respectivement les sommes de 75 000 euros et 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Le banquier dispensateur de crédit n'est, au moment de la souscription du contrat litigieux, tenu d'un devoir, non de conseil, mais de mise en garde, qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
Le caractère averti de l'emprunteur s'apprécie, s'agissant d'une personne morale, en la personne de son dirigeant, soit [R] [N], par ailleurs caution.
Dirigeant depuis plusieurs années de la SARL SRPMI dont l'activité l'amène notamment à conclure des contrats importants à l'international et à l'utilisation de formes de financement variés dont des crédits documentaires, la SARL SRPMI, comme [R] [N], pris en sa qualité de caution, doivent être considérés comme avertis et, à défaut de démontrer que la banque avait des informations qu'eux-mêmes ignoraient, la Caisse d'épargne Île-de-France n'était tenue à aucun devoir de mise en garde, tant à l'égard de l'emprunteur que de la caution.
Au surplus s'agissant de la SARL SRPMI, il n'est justifié par aucun document comptable ou financier qu'il existait, au regard de ses capacités financières, un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, la seule circonstance que le compte courant était débiteur étant à cet égard insuffisante.
Quant à [R] [N], il ne produit aucun document relatif à sa situation financière et patrimoniale au jour de la souscription du cautionnement alors que l'appelante produit une fiche de patrimoine datée du 7 juin 2010, proche de la souscription du cautionnement, dont [R] [N] a certifié exacts les renseignements qui y étaient portés, de laquelle il résulte qu'il bénéficiait d'un patrimoine immobilier évalué à 2 450 000 euros et d'un patrimoine mobilier évalué à 2 400 000 euros de sorte qu'il n'existait, au regard de ses capacités financières, aucun risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
Le manquement à l'obligation de bonne foi qui serait résulté d'une clôture du compte courant et d'une déchéance du terme du prêt uniquement causés par un échange téléphonique avec une banque tierce n'étant pas établi de même que le préjudice moral invoqué, c'est exactement que les premiers juges ont rejeté cette demande.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 10 avril 2018 en ce qu'il a :
- prononcé, au titre du prêt de 450.000 euros, la substitution du taux légal au taux contractuel sur les échéances payées ou impayées par la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels à la Caisse d'épargne du 1er avril 2012 au 31 août 2013 ;
- ordonné au titre du prêt de 450.000 euros, l'imputation du montant des intérêts au taux contractuel perçus du 1er avril 2012 au 24 décembre 2012 sur le montant du capital restant dû au 1er septembre 2013 de 143.566,93 euros;
- condamné solidairement la SARL de Recherche et de Production de Mélanges Industriels et M. [R] [N], ce dernier dans la limite de son engagement de caution à hauteur de 50% de 1'encours du prêt, à payer à la Caisse d'épargne :
* les échéances impayées du 25 décembre 2012 inclus jusqu'à celle du 24 août 2013 incluse, soit la somme de 114.421,39 euros desquelles il faut déduire les intérêts au taux contractuel que ce montant intègre, et leur substituer un intérêt au taux légal, depuis leur date d'exigibilité jusqu'à parfait paiement ;
* le capital restant dû au 1er septembre 2013, soit la somme de 143.566,93 euros, réduite du montant des intérêts au taux contractuel, perçus du 1er avril 2012 au 24 décembre 2012, selon leur imputation ordonnée ci-dessus, outre intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2013 jusqu'à parfait paiement ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL SRPMI à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France la somme de 257 988,38 euros au titre du prêt avec intérêts au taux contractuel majoré de 7,21 % à compter du 14 août 2013,
Condamne [R] [N], solidairement avec la SARL SRPMI, à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île de France la somme de 120 111,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 août 2013,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la SARL SRPMI et [R] [N] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France la somme de trois mille euros,
Condamne in solidum la SARL SRPMI et [R] [N] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT