COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 12 NOVEMBRE 2020
N° 2020 / 213
Rôle N° RG 19/03168 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD225
[W] [J]
C /
[U] [O]
[N] [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me FILIO-LOLIGNIER Laurence
Me SIHARATH Christine
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Janvier 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03757.
APPELANT
Monsieur [W] [J] né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 13]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/004374 du 17/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
demeurant [Adresse 7]
[Localité 3]
plaidant par Me Laurence FILIO-LOLIGNIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Madame [U] [O] née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 8]
Monsieur [N] [O] né le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 12]
demeurant [Adresse 8]
plaidants par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2020 en audience publique.
Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Patricia TOURNIER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Delphine RODRIGUEZ LOPEZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 novembre 2020 et prorogé au 12 novembre 2020
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2020,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Madame LAYE Priscille greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Selon devis accepté établi le 28 octobre 2007, Monsieur et Madame [O] ont confié à Monsieur [J] des travaux d'aménagement d'un logement situé [Adresse 9], pour un montant de 21 767,20 € TTC, avec mention que le début des travaux était fixé au 14 avril 2008.
Monsieur [J] a quitté le chantier au mois de juin 2008.
Par courrier en date du 11 juillet 2008, Monsieur et Madame [O] ont mis en demeure Monsieur [J] de terminer les travaux, de procéder au changement de la baignoire de la salle de bains au motif que celle mise en place n'était pas utilisable par Madame [O], et de communiquer les coordonnées de son assurance professionnelle suite à des dégradations sur un miroir du salon.
Le 30 octobre 2008, Madame [O] a déposé plainte à l'encontre de Monsieur [J], auprès du procureur de la République de Marseille ;
Madame [O] a été avisée le 6 janvier 2012, de ce que cette plainte avait fait l'objet d'un classement sans suite le 2 février 2011.
Le 17 août 2012, Madame [O] a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Aix en Provence, à l'encontre de Monsieur [J] ;
une information judiciaire a été ouverte contre X des chefs d'escroquerie et de travail dissimulé le 19 novembre 2012 ;
après mise en examen de Monsieur [J] des chefs de travail dissimulé et d'escroquerie, il sera renvoyé devant le tribunal correctionnel le 17 février 2015 pour avoir à Vitrolles, courant octobre 2007 à fin 2008, intentionnellement exercé à but lucratif une activité de rénovation et travaux intérieurs et extérieurs, après radiation du registre des métiers, ainsi que pour avoir à Vitrolles et Marseille entre février et mai 2008, par des manoeuvres frauduleuses, consistant en l'établissement d'un devis mentionnant une inscription au registre des métiers, un numéro Siret et un montant TVA, lui donnant les apparences d'une entreprise exerçant une activité conforme aux lois et règlements, déterminer Madame [O] à souscrire un contrat de travaux pour un montant de 21 767,20 € et à remettre des fonds à hauteur d'au moins 17 000 € ;
par décision définitive du tribunal correctionnel d'Aix en Provence en date du 4 mai 2016, Monsieur [J] sera déclaré coupable des faits susvisés et entièrement responsable du préjudice subi par Madame [O], dont les droits ont été réservés.
Par ordonnance en date du 31 janvier 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix en Provence a autorisé Madame [O] à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur les droits indivis détenus par Monsieur [J] et Madame [Y] sur un bien immobilier situé à Vitrolles, cadastré section B [Cadastre 5] - B [Cadastre 4], acquis par eux le 3 novembre 2000.
Monsieur et Madame [O] ont fait dénoncer l'inscription d'hypothèque provisoire à Monsieur [J] et Madame [Y] par acte d'huissier en date du 22 février 2013.
Par actes d'huissier en date du 14 mars 2013, Monsieur et Madame [O] ont fait assigner Monsieur [J] et Madame [Y], compagne de celui-ci, devant le tribunal de grande instance de Marseille à l'effet de les voir condamnés solidairement au visa des articles 1147, 1153 alinéa 4 et 1382 du code civil :
- à leur rembourser la somme de 21 767,20 € TTC versée par eux pour la réalisation de travaux non effectués,
- à leur payer diverses sommes au titre de la remise en état du logement compte-tenu des malfaçons réalisées, en remboursement des matériaux achetés, en remboursement des frais occasionnés pour la location d'un box pour entreposer des meubles achetés pour garnir leur bien, en réparation du préjudice subi, outre des dommages-intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi, ainsi qu'une indemnité de procédure.
Par décision en date du 20 mai 2014, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer jusqu'à décision définitive dans la procédure pénale initiée par Madame [O] sur plainte avec constitution de partie civile, et a ordonné le retrait du rôle.
Par conclusions notifiées le 5 avril 2017, Monsieur et Madame [O] ont sollicité la remise au rôle de l'affaire.
Par décision en date du 9 janvier 2018, le juge de la mise en état a débouté Monsieur et Madame [O] de leur demande d'expertise.
Par leurs dernières conclusions notifiées devant le tribunal, Monsieur et Madame [O] ont repris en leur principe les demandes formulées dans l'assignation, sauf à modifier le montant de certaines d'entre elles et à solliciter que l'ensemble des sommes allouées porte intérêt à compter de la première mise en demeure, ainsi qu'à voir constater l'absence d'acceptation tacite de la réception des travaux.
Monsieur [J] et Madame [Y] ont demandé au tribunal essentiellement :
- de dire que les travaux ont été tacitement réceptionnés par Monsieur et Madame [O],
- de fixer judiciairement au 13 juin 2008 la date de réception des travaux,
- de débouter Monsieur et Madame [O] de leurs demandes,
- de condamner Monsieur et Madame [O] aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.
Par décision en date du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- rejeté la demande de réception tacite des travaux avec fixation de la date de réception au 13 juin 2008,
- mis hors de cause Madame [Y] et rejeté toutes les demandes dirigées à son encontre,
- condamné Monsieur [J] à payer à Monsieur et Madame [O] :
' la somme de 9000 € en remboursement des sommes versées,
' la somme de 3000 € pour la remise en état du logement,
' la somme de 2500 € pour le préjudice moral,
' la somme de 50 000 € en réparation du préjudice de jouissance,
' la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,
- débouté Monsieur et Madame [O] de leurs autres demandes au titre du remboursement des matériaux, de la location du box et des dommages-intérêts pour résistance abusive,
- rejeté toutes les demandes de Monsieur [J], ainsi que celles de Madame [Y] autres que sa mise hors de cause,
- condamné Monsieur [J] aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Monsieur [J] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 22 février 2019, en précisant que l'appel porte sur l'ensemble des dispositions susvisées, à l'exception de la mise hors de cause de Madame [Y], non intimée.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [J] demande à la cour au visa des articles 1792 et suivants du code civil, 1353 du code civil, 1240 du code civil :
- de réformer la décision déférée 'sur les motifs attaqués et ci-avant détaillés',
- de dire que les dommages dont il est argué ne peuvent donner lieu à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,
- de dire que les époux [O] ont tacitement réceptionné les travaux réalisés par le concluant,
- de fixer judiciairement la date de réception des travaux au 13 juin 2008,
- de constater que les désordres allégués n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale,
- de dire que les garanties de parfait achèvement et de bon fonctionnement sont forcloses,
- de dire irrecevables les demandes formulées par les époux [O] à l'encontre du concluant et de les en débouter entièrement,
- subsidiairement,
de dire que les époux [O] n'apportent pas la preuve des désordres qu'ils allèguent,
de débouter en conséquence les époux [O] de l'intégralité de leurs demandes,
- à titre infiniment subsidiaire,
de dire que les manquements allégués constituent au mieux de simples non-finitions, qui s'expliquent par la cessation des paiements des intimés,
de dire que le montant des demandes indemnitaires des époux [O] est exorbitant et sans aucune proportion avec les travaux effectués et la réalité des désordres,
de constater que les époux [O] ne justifient pas que leur résidence habituelle et principale est fixée dans l'appartement litigieux et qu'au contraire ils habitent à [Adresse 10] depuis plusieurs années,
de dire que si un préjudice de jouissance devait être retenu, il ne peut être fixé sur une base mensuelle correspondant à une valeur locative de plus de 700 € et de dire que ce préjudice ne peut excéder la somme de 18 480 €,
de débouter les époux [O] de leur demande de remboursement des travaux,
de ramener à de plus justes proportions le montant des autres éventuelles condamnations qui viendraient à être prononcées,
- en tout état de cause, de condamner solidairement les époux [O] aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de leurs dernières écritures notifiées le 14 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur et Madame [O] ont formé un appel incident et demandent à la cour, au visa des articles 788 et suivants du code de procédure civile, 1147 ancien, 1153 alinéa 4 ancien, 1382 ancien du code civil, 378 et suivants du code de procédure civile :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les concluants recevables et fondés en leurs demandes et en ce qu'il a constaté 'l'absence d'acceptation tacite de la livraison des travaux',
- statuant de nouveau, de condamner Monsieur [J] et Madame [Y] in
solidum :
' à rembourser aux concluants la somme de 17 000 € au titre des sommes versées pour la réalisation des travaux qui n'ont pas été effectués,
' à verser la somme de 65 172,49 € pour la remise en état du logement compte-tenu des malfaçons réalisées,
' à payer la somme de 1900,60 € en remboursement des matériaux achetés,
' à payer la somme de 10 633,32 € en remboursement des frais occasionnés par la location d'un box pour entreposer des meubles que les concluants avaient achetés pour garnir leur demeure,
' à payer la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,
' à payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi,
' à payer la somme de 148 156,67 € au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi depuis le début des travaux,
' à payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement,
les sommes allouées devant porter intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure,
- de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes.
La clôture de la procédure est en date du 15 septembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre préliminaire, la cour constate que Madame [Y] n'ayant pas été intimée, ni assignée en appel provoqué, elle n'est pas saisie des dispositions de la décision déférée qui la concerne et que les demandes de Monsieur et Madame [O] à son encontre dans le cadre de la présente instance sont irrecevables.
* Sur la réception des travaux :
Aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.
La réception peut être expresse, tacite ou judiciaire.
Le paiement de l'intégralité des travaux et la prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite.
Le prononcé d'une réception judiciaire suppose que l'ouvrage soit en état d'être reçu.
En l'espèce, dans le courrier adressé le 11 juillet 2008 à Monsieur [J],
Monsieur et Madame [O] mettaient celui-ci en demeure de terminer les travaux, en exposant que la salle de bains n'était pas terminée, que la baignoire posée n'était pas conforme à ce qui avait été sollicité, que les WC n'avaient que les cloisons, que la chambre 2 n'était pas faite, ni les murs, ni les plafonds, que la chambre 1, les couloirs et le dressing n'avaient que le plafond de fait, que les plafonds et les murs du salon, de la salle à manger et de la cuisine n'étaient pas faits, que l'ouverture de la cuisine n'était pas conforme à ce qui était prévu ( vantail gauche de la cuisine en porte-fenêtre, vantail droit rétréci et rehaussé et partie haute en oscillo battant sur toute la largeur, alors qu'a été réalisée une porte-fenêtre de 140 cm de large et des pavés de verre pour la partie haute ), que les escaliers extérieurs n'étaient pas finis et la dalle pour la fermeture des escaliers de l'ancienne chambre non réalisée, alors qu'ils avaient réglé 80% du prix ;
ils ajoutaient attendre que soient finis les travaux susvisés conformément au devis les liant, avec 'notamment les fournitures et poses du carrelage et de la faïence des WC et des WC eux-mêmes', et que leur soient communiquées les coordonnées de son assureur,
que sans réponse de sa part sous dix jours, ils en tireraient toutes les conséquences et prendraient toutes les mesures nécessaires à l'exécution du contrat.
Le 24 mars 2009, Madame [O] a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier, en indiquant que le chantier avait été abandonné suite à un dégât occasionné sur un miroir et à la demande faite à l'entrepreneur, de fournir une attestation d'assurance professionnelle, que la maison était restée en l'état et qu'une grande partie de celle-ci n'était pas habitable ;
l'huissier de justice a notamment constaté que le couloir situé suite au séjour avait le sol cassé avec un dénivelé au niveau de la chape, que la salle de bains était totalement inachevée ( absence de branchement au niveau de l'évacuation de la baignoire, absence de vasque ou de lavabo, absence de raccordement de l'eau ), que dans le WC, il n'existait pas de revêtement de sol et de WC et que la cloison n'était pas terminée en partie haute, que la pièce du fond à usage de dressing présentait des murs et un sol à l'état brut, ainsi qu'une cloison en placo-plâtre non totalement jointée, qu'aucune pièce n'était réalisée à l'emplacement de la terrasse où seuls avaient été effectués une chape béton et un petit muret, que les escaliers d'accès au jardin présentaient des marches inégales en hauteur, qu'au niveau de la façade il existait une fenêtre à l'emplacement de laquelle il lui était indiqué que devait être réalisée une porte-fenêtre.
Le devis du 28 octobre 2007, d'un montant de 21 767,20 € TTC, prévoyait le versement d'un acompte de 2500 € + 1000 € + 1000 € à l'acceptation et le reste, en trois versements de montants égaux.
Les règlements effectués par Monsieur et Madame [O] au profit de Monsieur [J] ou de sa compagne Madame [Y], justifiés par les relevés de comptes et talons de chèques à hauteur de 11 500 €, l'ont été entre le 23 février 2008, date de signature effective du devis dont Monsieur [J] a reconnu devant le juge d'instruction qu'il avait été antidaté au 28 octobre 2007, et le 13 juin 2008, ne peuvent être mis en lien avec des situations de travaux, qui sont inexistantes, et ne correspondent pas aux modalités de règlements prévues dans le devis à l'exception de l'acompte initial.
Il se déduit de ces éléments que le versement d'acomptes successifs, comme les allégations de Monsieur et Madame [O] dans leurs conclusions de première instance, faisant état du versement de la somme de 21 767,20 € qui n'ont pas été corroborées par les pièces produites, ne peuvent s'analyser comme faisant présumer la volonté des maîtres de l'ouvrage de procéder tacitement à la réception des travaux effectués par Monsieur [J],
alors que suite au départ du chantier de celui-ci, ils l'ont mis en demeure de terminer les travaux, que les règlements qu'ils ont effectués antérieurement à ce départ ne correspondent pas à un avancement précis des travaux et ne représentent qu'un peu plus de la moitié du montant du devis ;
le laps de temps écoulé entre le départ de Monsieur [J] du chantier et le recours à un huissier de justice pour faire dresser le constat des travaux, puis le dépôt de plainte et la saisine du tribunal de grande instance, ne permet aucunement de déduire la volonté de Monsieur et Madame [O] de procéder à la réception des travaux ;
le fait que les maîtres de l'ouvrage aient continué à résider dans les lieux ne peut davantage être utilement invoqué par Monsieur [J], dès lors que les travaux ne portaient pas sur l'ensemble de la maison et que durant l'intervention de Monsieur [J], celle-ci a continué à être occupée, occupation qui ne permet pas au surplus de caractériser une prise de possession.
Par ailleurs, le procès-verbal de constat susvisé met en évidence que les travaux n'étaient pas en état d'être reçus, la salle de bains et les WC dont la réalisation était prévue par le devis, n'étant pas utilisables.
Il s'ensuit que le premier juge a débouté à juste titre Monsieur [J] de sa demande tendant à voir retenir l'existence d'une réception tacite des travaux au 13 juin 2008.
Monsieur [J] doit par ailleurs être débouté de sa demande en fixation judiciaire de la réception des travaux à cette date.
La responsabilité de Monsieur [J] ne peut en conséquence être recherchée que sur un fondement contractuel de droit commun, comme retenu par le premier juge, et aucunement sur le fondement de la garantie décennale qui suppose l'existence d'une réception.
* Sur les demandes de Monsieur et Madame [O] :
Le devis établi par Monsieur [J] prévoyait les postes suivants :
- 'dépose du carrelage et du gravier, dépose des cloisons, de la faïence, évacuation par vos soins',
- ouverture de la fenêtre de la cuisine 3800 € HT
fourniture et pose d'une porte-fenêtre et de son volet,
réalisation d'un escalier,
- fermeture de l'escalier de la chambre 2700 € HT
réalisation de la dalle
- finition de la démolition partielle de certaines cloisons 1800 € HT
grattage et reprise d'enduit aux murs
mise en peinture du plafond
- réalisation de la salle de bain et du WC 7400 € HT
fourniture et pose de la baignoire, du lavabo et de la
robinetterie, évacuation,
fourniture et pose du carrelage au sol et de la nouvelle
faïence,
raccordement des alimentations en eau et réalisation des
évacuations,
mise en peinture du plafond,
dépose et repose du WC,
pose des accessoires de salle de bain et de WC,
pose des points d'éclairage,
- réalisation des nouvelles cloisons 2500 € HT.
Lors de son audition par le juge d'instruction, Monsieur [J] a déclaré, concernant les travaux effectués au domicile de Madame [O] :
- pour la partie intérieure, avoir commencé par la démolition du sol, du carrelage de la salle de bains, d'une chambre et d'un petit couloir, avoir fini la démolition de cloisons commencée par un autre intervenant, de manière à rattraper les plafonds, avoir fait le cloisonnement de la salle de bains et de la chambre, avoir fait un WC avec un placard au-dessus et ensuite le carrelage de la salle de bains, avoir fait les travaux de peinture dans la salle de bains, la chambre et le couloir ( plafond et retombées, Madame [O] devant poser du papier-peint ultérieurement ), avoir fourni des pavés en verre pour la cloison de la salle de bains, ainsi que des panneaux en laine de chanvre pour le cloisonnement de la salle de bains et la chambre, et la peinture ;
- avoir fait un muret extérieur de manière à faire une terrasse à la place d'un escalier qui desservait la chambre, de façon à stocker les gravats que Madame [O] n'avait pas fait évacuer contrairement à ce qui était prévu, avoir remblayé avec les gravats pour faire un couloir d'accès à la cour, ensuite avoir fait le muret et le garde-corps pour la sécurité ;
- être allé dans la cave pour y prendre de l'eau, là où se trouvait à l'origine la salle de bains, salle de bains provisoire du fait de la réalisation antérieure défectueuse de travaux, qu'il devait reprendre pour terminer la salle de bains du haut, avoir fourni les cuivres pour faire les raccordements de la salle de bains, avoir percé le plancher pour que les cuivres suivent en bas, le raccordement à l'eau devant être effectué par un plombier ;
- ne pas avoir procédé à l'ouverture dans la cuisine en raison de la modification par Madame [O] de sa demande, celle-ci voulant une ouverture plus grande que celle prévue et lui-même n'ayant pas les qualifications requises ;
- avoir terminé la salle de bains, dans laquelle il ne restait plus qu'à poser l'aménagement intérieur que Madame [O] devait fournir, à savoir le tablier de la baignoire, le plan de travail pour poser les meubles-vasques et la paroi de la douche.
Il résulte de ces éléments, de la mise en demeure susvisée du 11 juillet 2008, des photographies annexées au constat dressé par huissier le 24 mars 2009 et de celles produites par Monsieur [J], que celui-ci a réalisé une partie des travaux qui étaient prévus au devis, à savoir :
' un escalier, dont il n'est pas établi par le seul procès-verbal de constat que la hauteur des marches présenterait des malfaçons,
' une dalle,
' une partie des cloisons, de la reprise des enduits et de la mise en peinture des plafonds,
' la fourniture et la pose d'une baignoire dans la salle de bains, ainsi que la robinetterie et les cuivres pour les raccordements, la pose du carrelage au sol et de la nouvelle faïence, la pose d'un point d'éclairage, étant relevé qu'il n'était pas fait mention dans le devis de la nécessité de prévoir des poignées à la baignoire,
' un espace dédié au WC mais manquent le revêtement de sol et la partie haute de la
cloison.
Monsieur [J] ne justifie pas en revanche avoir fourni le lavabo de la salle de bains, ni davantage un volet pour la porte-fenêtre de la cuisine qu'il ne conteste pas ne pas avoir effectuée ;
la pose d'interrupteurs, de prises et d'attentes de points lumineux n'était pas prévue au devis, à l'exception de la pose de points d'éclairage dans la salle de bains et le WC, et ne peuvent donner lieu à facturation, de même que la fourniture et la pose de pavés de verre.
Il s'ensuit que les travaux effectués doivent être évalués à la somme de 10 000 €.
Monsieur et Madame [O] justifient avoir versé à Monsieur [J] ou à sa compagne la somme de 11 500 €.
Ils ne peuvent en conséquence prétendre qu'à remboursement de la somme de 1500 €, comme ayant été versée sans contrepartie.
La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a fixé à la somme de 9000 € le montant de ce remboursement.
Monsieur et Madame [O] doivent par ailleurs être déboutés de leur demande en paiement de la somme de 65 172,49 € pour la remise en état du logement, les pièces produites ne permettant pas d'établir que les travaux réalisés seraient affectés de malfaçons ou que des dégradations auraient été causées dans les lieux, ni a fortiori que les malfaçons à les supposer établies, justifieraient de déposer ce qui a été fait pour tout reprendre, le devis versé aux débats à l'appui de cette demande visant en outre des prestations différentes de celles qui avaient été confiées à Monsieur [J].
La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a retenu une somme de 3000 € à ce titre.
Le premier juge a en revanche exactement débouté Monsieur et Madame [O] de leur demande en remboursement du coût des matériaux qu'ils ont acquis, faute pour eux de rapporter la preuve que ces matériaux ne pourraient être conservés, ainsi que de leur demande relative aux frais de location d'un box, faute de justifier que cette location était destinée à stocker du mobilier pendant le temps des travaux confiés à Monsieur [J].
Par ailleurs, l'interruption des travaux par Monsieur [J] est fautive :
pour la justifier, celui-ci est mal fondé à arguer d'un défaut de paiement de la part de Monsieur et Madame [O], alors que les versements de ces derniers excédaient les prestations réalisées et qu'il ne leur a adressé aucune demande à ce titre avant de quitter le chantier,
comme de la nécessité de l'intervention préalable d'un plombier avant le raccordement des alimentations en eau et la réalisation des évacuations, ou d'un défaut de remise par Monsieur et Madame [O] de diverses fournitures ou de l'absence d'obtention par ces derniers d'autorisations qui auraient été nécessaires pour pouvoir procéder à certains des travaux, les documents produits ne venant pas corroborer ces affirmations.
Monsieur et Madame [O] sont en conséquence fondés à solliciter la réparation du préjudice consécutif à cette interruption en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
Toutefois, ils ne peuvent imputer à Monsieur [J] le fait que les lieux aient été laissés en l'état depuis lors, comme en justifie le procès-verbal de constat qu'ils ont fait dresser le 1er août 2018, en prétendant ne pas avoir été en mesure de le faire pour avoir donné toutes leurs économies à Monsieur [J], alors que leurs paiements ne représentaient qu'un peu plus de la moitié du montant du devis ;
ils ne peuvent davantage soutenir que la procédure les empêchait de procéder aux travaux, alors qu'il leur appartenait de solliciter une expertise à bref délai et qu'il leur appartient de supporter les conséquences du choix procédural effectué.
En revanche, les pièces produites établissent que Madame [O] a subi de nombreuses interventions sur le genou droit suite à un accident du travail survenu le 7 mars 1990, que depuis le début des années 2000 le tableau clinique avait été compliqué par une lombo-sciatique bilatérale, que l'usage permanent des béquilles avait entraîné un canal carpien bilatéral nécessitant l'utilisation plus systématique d'un fauteuil roulant, canal carpien opéré en juillet 2009 à gauche et en décembre 2011 à droite.
Si le devis accepté par Monsieur et Madame [O] n'avait pas pour objet l'aménagement du logement en tenant compte du handicap de Madame [O], l'état de santé de celle-ci a en revanche aggravé le préjudice de jouissance consécutif à l'interruption du chantier, étant relevé que si les pièces produites par Monsieur [J] établissent que Madame [O] faisait partie du conseil municipal de Barjols en 2017 et qu'elle est gérante avec son mari d'une SARL dont le siège social est situé à [Adresse 10] qui a débuté son activité au 1er juillet 2014, elles concernent une période postérieure à la réalisation des travaux et ne permettent pas de retenir que Monsieur et Madame [O] ne résidaient pas [Adresse 9] lors de celle-ci et pendant les années suivantes.
Compte-tenu de ces éléments, il convient de fixer la réparation du préjudice subi par Monsieur et Madame [O] qui auraient dû en toute hypothèse différer leur jouissance des lieux faisant l'objet des travaux, du fait de la nécessité de trouver une autre entreprise acceptant de poursuivre les travaux, à la somme de 10 000 €.
La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a fixé la réparation de ce préjudice à la somme de 50 000 €.
La décision déférée sera également infirmée en ce qu'elle a condamné Monsieur [J] à payer la somme de 2500 € à Monsieur et Madame [O] en réparation d'un préjudice moral, l'existence de celui-ci n'étant justifiée par aucune pièce.
Elle sera en revanche confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur et Madame [O] de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, pour des motifs que la cour adopte.
Les sommes allouées à Monsieur et Madame [O] porteront intérêt au taux légal à compter du jugement en application de l'article 1153-1 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
* Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Les prétentions de Monsieur [J] en appel étant accueillies pour une grande partie, les dépens de la présente instance seront mis à la charge de Monsieur et Madame [O], qui seront déboutés en conséquence de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
l'équité ne justifie pas l'application de ce texte au profit de Monsieur [J].
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O] à l'encontre de Madame [R] [Y].
Infirme la décision du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 janvier 2019,
excepté en ce :
- qu'elle a rejeté la demande de réception tacite des travaux avec fixation de la date de la réception au 13 juin 2008,
- débouté Monsieur et Madame [O] de leurs demandes au titre du remboursement des matériaux, de la location du box et des dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamné Monsieur [W] [J] aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement,
- condamné Monsieur [W] [J] à payer à Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant à la décision,
Déboute Monsieur [W] [J] de sa demande tendant à voir fixer judiciairement la réception des travaux.
Dit que Monsieur [W] [J] a commis une faute en résiliant le marché de travaux conclu avec Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O].
Condamne Monsieur [W] [J] à payer à Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O] :
- la somme de 1500 € en remboursement des sommes indues versées au titre des travaux,
- la somme de 10 000 € en réparation de leur préjudice de jouissance,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré à la cour.
Déboute Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O] du surplus de leurs demandes au titre du remboursement des sommes versées et du préjudice de jouissance, ainsi que de l'intégralité de leurs demandes au titre de la remise en état du logement et du préjudice moral.
Condamne in solidum Monsieur [N] [O] et à Madame [U] [O] aux dépens de la présente instance, qui seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune des parties en cause d'appel.
La Greffière,Le Président,