COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 12 NOVEMBRE 2020
N° 2020/269
N° RG 19/14649
N° Portalis DBVB-V-B7D-BE4WK
SA AXA FRANCE IARD
C/
[J] [I]
Organisme CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-l'ASSOCIATION CABINET CENAC ET ASSOCIES
- SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 09 Septembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/03085.
APPELANTE
SA AXA FRANCE IARD,
demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Nathalie CENAC de l'ASSOCIATION CABINET CENAC ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMEES
Madame [J] [I]
née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée par Me Philippe-youri BERNARDINI, avocat au barreau de TOULON.
CPAM DU VAR
Assignée le 22/10/2019 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 5]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2020.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2020,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 31 juillet 2010, alors qu'elle était passagère d'un véhicule conduit par M. [P] [R] [X] et assuré par la société Axa Iard, Mme [J] [I] a été victime d'un accident de la circulation.
Elle a notamment souffert, à la faveur de cet accident, d'une fracture instable de L3 avec recul du mur postérieur.
Elle a saisi le juge des référés qui, par ordonnances des 5 octobre 2010 et 9 avril 2013, a désigné le docteur [C] en qualité d'expert.
Une provision de 10.000 € a été allouée à la victime, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
L'expert a déposé son rapport définitif le 25 juin 2013.
Par acte des 5 et 7 août 2014, Mme [I] a fait assigner M. [X], la société Axa Iard et la Cpam du Var devant le tribunal de grande instance de Toulon afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 15 février 2016, ce tribunal a condamné in solidum M. [X] et la société Axa Iard à payer à Mme [I] une somme de 129.487,84 € sous déduction des provisions déjà versées et réservé l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 et de l'incidence professionnelle.
Par exploit du 22 juin 2018, Mme [I] a fait assigner la société Axa Iard et la Cpam du Var devant le tribunal de grande instance de Toulon afin d'obtenir la liquidation des postes de préjudices précédemment réservés.
Par jugement du 9 septembre 2019, cette juridiction a :
- condamné la société Axa Iard à verser à Mme [I] la somme de 351.390 € au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 et la somme de 25.000 € au titre de l'incidence professionnelle, avec intérêts légaux à compter du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné la société Axa France Iard à verser à Mme [I] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Axa France Iard aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Le tribunal a considéré que :
- pour la période allant de la date de consolidation à celle de la liquidation, la perte de revenus était établie dès lors qu'il existait une différence entre le montant des sommes perçues et celles qu'elle aurait dû percevoir (2100 € net par mois) à l'issue de sa formation à l'école [6] ;
- pour la période à échoir, Mme [I] percevait un salaire depuis son embauche le 7 mai 2018, de 1.188 € nets par mois alors qu'elle aurait dû percevoir un salaire 2.100 € nets par mois à compter de sa sortie de l'école [6] ; il convenait de retenir un pourcentage de perte de chance de recevoir un tel salaire de 60 % ;
- l'état séquellaire retenu par l'expert consistait en une raideur du rachis dorsolombaire, une mobilisation douloureuse du rachis dans tous les axes, une dysesthésie de la face externe du membre inférieur gauche et des cicatrices significatives lombaire et du flanc gauche ; le déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert s'élevait à 10 %, nécessitant une réorientation professionnelle après un bilan de compétence, toute activité sollicitant le rachis dorso lombaire étant à proscrire ; la gêne invoquée pour la station assise prolongée n'ayant pas été relevée par l'expert, seule la nécessité d'une réorientation professionnelle, en partie imputable à l'accident, devait être retenue au titre de l'incidence professionnelle.
Par acte du 18 septembre 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA Axa France Iard a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Mme [I] la somme de 351.390 € au titre de la perte de gains professionnels futurs et la somme de 25.000 € au titre de l'incidence professionnelle avec intérêts légaux à compter du jugement.
Par des conclusions du 20 janvier 2020, Mme [I] a formé appel incident en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à lui verser la somme de 351.389 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions du 16 mars 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Axa France Iard demande à la cour de :
' la recevoir en son appel ;
' infirmer le jugement entrepris quant à l'évaluation de la réparation des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;
' dire et juger que l'indemnisation de la perte de chance doit s'apprécier en considération d'une probabilité de 60 % de bénéficier d'un salaire mensuel de 2.100 € ;
En conséquence,
' chiffrer l'indemnité réparant les pertes de gains professionnels futurs de la victime à la somme de 71.836,89 € ;
' chiffrer l'indemnité réparant l'incidence professionnelle à la somme de 20.000 € ;
' déclarer l'appel incident de madame [I] irrecevable pour défaut d'intérêt en présence de la satisfaction intégrale de ses demandes par le jugement dont appel ;
' dire et juger que sa demande au titre de la réparation des pertes de gains professionnels futurs se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 février 2016 et à la détermination des bases de son indemnisation à défaut de tout élément nouveau ;
Subsidiairement,
' le déclarer mal fondé ;
' débouter Mme [I] du surplus de ses demandes ;
' dire n'y avoir lieu à application de l'Article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
' statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- l'existence d'une perte de chance de 60 % pour la victime de percevoir une rémunération de 2.100 € n'est pas contestée, mais le calcul opéré par le tribunal est erroné puisque le coefficient de perte de chance doit être affecté au salaire qui était espéré et les salaires réellement perçus doivent être déduits ;
- s'agissant de l'incidence professionnelle, s'il est constant que Mme [I] a dû renoncer à un projet professionnel dans l'hôtellerie et la restauration, son cursus antérieur (bac scientifique, 1ère année de licence de langues) établit qu'il ne procédait pas d'une vocation ancienne, sachant qu'on ne peut réellement évoquer une réorientation professionnelle alors que la victime n'était pas encore entrée dans la vie professionnelle à la date de l'accident ; l'actuel emploi occupé par Mme [I] est conforme aux recommandations du médecin de la Mdph et l'expert judiciaire n'évoque pas de gêne particulière à la position assise prolongée ; le caractère très limité des restrictions posées exclut une réelle dévalorisation de la victime sur le marché du travail, les professions sollicitant le rachis dorso lombaire étant inexistantes dans le secteur tertiaire dans lequel elle est susceptible d'évoluer ;
- s'agissant des demandes reconventionnelles, la partie qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel étant précisé que la majoration du montant de la demande initiale à l'occasion d'un appel incident ne peut être considéré comme constituant un complément de la demande originaire ; en l'espèce, le tribunal a fait droit à l'intégralité des demandes ; la décision qui a retenu un salaire de référence à 2.100 € par mois a été régulièrement signifiée à Mme [I] par acte du 25 mai 2016 et est définitive en l'absence d'appel des parties, de sorte que la demande tendant à ce que le revenu de référence soit porté de 2.100 € à 3.200 € est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée et ce, en l'absence de tout élément nouveau intervenu depuis cette décision ; la demande est, en tout état de cause, mal fondée dès lors que les pièces produites ne peuvent justifier de prendre en considération un salaire supérieur à celui que Mme [I] elle-même présentait en première instance comme le salaire qu'elle était en mesure, compte tenu de son ancienneté, de percevoir.
Dans ses conclusions du 20 janvier 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [I] demande à la cour de :
' débouter la société AXA IARD des fins de son appel ;
' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à lui payer la somme de 351.389 euros en réparation du poste perte de gains professionnels futurs ;
Statuant à nouveau
' condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 487.114,42 euros en réparation du poste perte de gains professionnels, somme à parfaire au jour le plus proche de l'arrêt à intervenir ;
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les sommes de 351.390 euros et 25.000 euros doivent être assorties du taux d'intérêt légal à compter du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon en date du 9 septembre 2019, et que les intérêts dus pour une année doivent être eux-mêmes être capitalisés en application de l'article 1154 du code civil devenu l'article 1343-2 du même code ;
' pour le surplus des condamnations prononcées par la cour, dire et juger que les dites sommes seront assorties du taux d'intérêt légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
' condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Tollinchi Ferre Vigneron Bujoli Tollinchi conformément aux termes à l'article 699 du code de procédure civile ;
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- elle avait été admise, à compter du 1er septembre 2010, dans une classe préparatoire « manager de restaurant '' au sein de l'école [6], dont le taux de réussite avoisine les 98 % et cette admission lui avait donné accès à un contrat d'apprentissage en alternance, dans un restaurant réputé, le Pré Catelan à [Localité 8], 6ème meilleur restaurant de France, à compter de septembre 2010 ; la poursuite de ce cursus lui aurait ouvert l'accès à des emplois très recherchés dans l'hôtellerie ou la restauration, en qualité de manager ; son cursus antérieur était en lien avec ce choix dès lors qu'elle ambitionnait d'intégrer une licence professionnelle 'organisation et gestion des établissements hôteliers et de restauration' ; elle a donc bien perdu 100 % de chance d'intégrer une école d'excellence ;
- si elle accepte la méthode de calcul de la perte de gains professionnels futurs, selon elle, la somme de 2.100 euros, salaire de sortie de l'école, ne saurait être retenue comme salaire de référence pour l'ensemble de la carrière qui s'offrait à elle, sauf à méconnaître le principe de réparation intégrale du préjudice sans gain ni perte ; il convient donc de retenir un salaire moyen de poste de manager, soit 3.200 euros net et d'intégrer au calcul de la perte de gains professionnels futurs la perte de droits à la retraite compte tenu de son jeune âge ;
- sur l'incidence professionnelle, elle a souffert d'une fracture instable de L3 avec recul du mur postérieur et présente un état séquellaire de 10 %, souffrant d'une raideur active et d'une gêne douloureuse pour tous les mouvements ; toute activité sollicitant le rachis dorso lombaire étant proscrite, il existe une pénibilité accrue dans l'exercice de ses tâches professionnelles et une nécessité de reclassement dans une carrière de moindre intérêt professionnel, soit une dévalorisation sur le marché du travail, étant précisé que son médecin traitant atteste de la persistance des douleurs séquellaires au niveau lombaire dans un certificat du 6 juin 2018 et que la posture de travail assise constitue une source importante de pénibilité, a fortiori avec un état séquellaire de 10 % car celle-ci n'est pas conforme à la physiologie humaine.
La CPAM du Var, assignée par la société Axa France Iard, par acte d'huissier du 22 octobre 2019, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'acte d'appel, n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 15 novembre 2019 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 98.381,42 euros, correspondant à :
- des prestations en nature : frais hospitaliers du 31 juillet 2010 au 23 février 2010 (58.302,20 euros), des frais médicaux du 18 août 2010 au 26 septembre 2012 (834,60 euros), des frais pharmaceutiques du 17 septembre 2010 au 21 septembre 2012 (571,11 euros), des frais d'appareillage du 30 novembre 2010 (36,31 euros), des frais de transport du 31 juillet 2010 au 17 janvier 2011 (9517,01 euros) sous déduction des franchises à hauteur de 132,50 € ;
- des indemnités journalières versées du 31 juillet 2010 au 29 septembre 2012 (27.662,34 €) ;
- des frais futurs du 20 décembre 2012 (2190,36 euros).
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
L'appel porte sur la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 et l'incidence professionnelle.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [I]
Mme [I] demande à la cour, au titre de son appel incident, de majorer l'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 487.114,42 €.
En première instance, elle a obtenu au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 la somme de 351.390 €, soit l'intégralité de la somme qu'elle réclamait au titre de ce poste dans ses dernières écritures en date du 17 avril 2019.
En application de l'article 566 du code de procédure civile, la majoration en appel des prétentions ne peut être considérée comme une demande nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir l'indemnisation du préjudice corporel et qu'elle n'en diffère que par le montant.
Cependant, en l'espèce, le tribunal a intégralement fait droit à la demande de Mme [I] au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016.
Le dispositif de la décision attaquée ne lui préjudiciant pas elle n'a pas d'intérêt à agir pour voir statuer sur son appel incident, qui doit par conséquent, être déclaré irrecevable en ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs, étant rappelé que les conditions de recevabilité d'une voie de recours s'apprécient en des termes identiques que celle-ci soit principale ou incidente.
Sur le préjudice corporel
L'expert, le docteur [C], indique que Mme [I] a souffert à la faveur de l'accident d'une fracture comminutive de L3 avec atteinte du mur postérieur et contusions spléniques associées. Elle a bénéficié d'une intervention chirurgicale de stabilisation puis d'une intervention de reconstruction de la colonne antérieure afin de conforter la solidité du rachis au centre de la lordose lombaire.
Elle conserve comme séquelles une raideur du rachis dorso-lombaire, un mobilisation douloureuse du rachis dans tous les axes, une dysesthésie de la face externe du membre inférieur gauche et deux cicatrices, l'une lombaire, l'autre sur le flanc gauche.
L'expert conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d'hospitalisation,
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % dud 15 janvier 2010 au 28 janvier 2011 ;
- un déficit fonctionnel temporaire à 50 % du 29 janvier 2011 au 9 octobre 2011 ;
- un déficit fonctionnel temporaire à 25 % du 6 novembre 2011 au 19 février 2012 ;
- un déficit fonctionnel temporaire à 15 % du 24 février 2012 au 18 décembre 2012 ;
- une assistance temporaire par tierce personne du 13 octobre 2010 au 9 octobre 2011 ;
- une date de consolidation au 19 décembre 2012 ;
- des souffrances endurées de 4,5/7 ;
- un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7 ;
- un déficit fonctionnel permanent de 10 % ;
- un préjudice esthétique permanent de 2,5/7;
- un préjudice d'agrément avéré.
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 2] 1989, âgée de 21 ans au jour de l'accident et de 23 ans au jour de la consolidation, de son statut d'étudiante au jour de l'accident et de la date de consolidation, ce afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Sur la perte de gains professionnels futurs 87.294,32 €.
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
La perte de gains professionnels futurs entre la date de consolidation (19 décembre 2012) et le 1er février 2016 a déjà été indemnisée par le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 15 février 2016. Le tribunal a retenu une perte de chance de 60 % de percevoir un salaire de 2100 euros, soit sur la période une perte de 35.280 €.
Au moment de l'accident, Mme [I] était employée polyvalente dans l'hôtellerie dans le cadre d'un contrat saisonnier à durée déterminée expirant le 31 août 2010. Elle percevait dans le cadre de ce contrat, un revenu de 1.400 € nets par mois.
Cependant, elle avait été admise en classe préparatoire 'manager de restaurant' à l'école [6]. A la faveur de cette formation en alternance, elle avait été admise au bénéfice d'un stage dans le restant le Pré Catalan, établissement de prestige, à compter de septembre 2010.
Sa formation devait durer trois ans.
Pour la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016, la société Axa ne conteste ni le salaire de référence (2.100 euros), ni le taux de perte de chance de 60 % retenus par le tribunal et qui correspondait à la demande de Mme [I].
Mme [I] demande à la cour de prendre en considération un revenu de référence de 2.400 € au motif que la somme de 2.100 € correspond au salaire de sortie d'école et qu'elle aurait nécessairement évolué ensuite vers un revenu plus conséquent.
Cependant, si la perte de chance est acquise puisqu'elle avait été admise à l'école [6], mais également en stage dans un restaurant prestigieux, cette perte de chance, par définition ne peut correspondre qu'à la disparition d'une éventualité favorable. Le taux de 60 % doit être retenu si on considère que Mme [I] était jeune au moment de l'accident, qu'elle était enceinte et donc en voie de fonder une famille, qu'elle a d'ailleurs eu deux enfants, l'un en 2013, l'autre en 2014 et que les nécessités de la vie familiale étaient de nature à entrer également en considération dans le choix de son activité professionnelle en sortie d'école en regard des contraintes induites par les métiers de la restauration.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré comme acquis qu'elle aurait nécessairement exercé durablement dans ce secteur et bénéficié de l'évolution de salaire dont elle se prévaut.
Le salaire à prendre en considération est donc bien celui de 2100 €, affecté d'un coefficient de perte de chance de 60 %.
Pour la période du 1er février 2016 au jour de la liquidation (12 novembre 2020), il s'est écoulé 1.746 jours.
Mme [I] aurait dû percevoir 73.332 € (1746 x1.260 /30).
Elle a perçu :
- dans le cadre de son contrat avec la société Janas Pizza, du 30 août 2016 au 1er octobre 2016 un salaire net de 782,58 € ;
- dans le cadre de son contrat avec la SAS Groupe Gusty du 1er octobre 2016 au 29 décembre 2017, un salaire mensuel net de 9.513,66 € ;
- dans le cadre de son contrat avec la société Bandy cook à compter du 7 mai 2018, un salaire net mensuel de 1154 € soit 35.389,33 € (920 jours x 1154/30).
Au total, sur la période du 1er février 2016 au 12 novembre 2020, elle a perçu 45.685,57 €.
Les arrérages des pertes de gains (entre le 1er février 2016 et la liquidation) de la victime s'élèvent donc à 27.646,43 €.
S'agissant de la perte de gains professionnels futurs à échoir, la perte mensuelle s'élève à 106 € (1260 € - 1154 €) et la perte annuelle à 1272 €.
Compte tenu du jeune âge de la victime et de la faiblesse des droits à la retraite constitués à ce jour, il convient de capitaliser le poste de préjudice sur la base d'un prix d'euro de rente viagère pour une femme âgée de 31 ans au jour de la liquidation, soit, 46,893 en application du barème de la Gazette du Palais 2018, qui doit être retenu en ce qu'il repose sur les paramètres les plus actualisés en termes d'espérance de vie et sur un taux d'intérêt prenant en considération l'évolution du coût de la vie et l'inflation.
Ainsi, la somme à échoir doit être évaluée à 59.647,89 € (1.272 x 46.893).
Au total, le poste perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 sera chiffré à 87.294,32 €.
Le tiers payeur ne faisant état d'aucune rente imputable sur cette somme, l'indemnité revient en totalité à Mme [I].
Sur l'incidence professionnelle25.000 €
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.
En l'espèce, l'état séquellaire est caractérisé par une raideur du rachis dorso lombaire et une mobilisation douloureuse du rachis dans tous les axes entraînant une prohibition de toute activité sollicitant le rachis dorso lombaire.
Cependant, l'expert n'a pas retenu de pénibilité liée à la station assise prolongée.
En revanche, Mme [I] a dû renoncer à la profession qu'elle convoitait dans la restauration, et si elle ne l'exerçait pas encore au jour de l'accident, elle avait été admise dans une école prestigieuse et avait obtenu un stage dans un restaurant lui même très côté, de sorte qu'elle avait une chance sérieuse, qui a été évaluée à 60 %, d'intégrer cette profession.
L'incidence professionnelle est donc caractérisée au travers de la perte d'une chance professionnelle.
La dévalorisation sur le marché du travail est également constituée dès lors que les activités sollicitant le rachis dorso lombaire sont proscrites, ce qui limite, de facto, ses choix en terme de carrière alors qu'elle n'était âgée que de 23 ans au jour de la consolidation.
Compte tenu de ces éléments et du fait que Mme [I] est indemnisée de ses perte de gains professionnels futurs à titre viager, l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle sera fixée à 25.000 euros.
Les dispositions du jugement relatives aux intérêts et à leur capitalisation seront également confirmées.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime seront confirmées.
Mme [I] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d'appel.
L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité justifie d'allouer à la société Axa France Iard une indemnité de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Par ces motifs
La Cour,
Déclare Mme [J] [I] irrecevable à solliciter la majoration de l'indemnisation du poste perte de gains professionnels futurs ;
Confirme le jugement,
hormis sur le montant de l'indemnisation allouée au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Axa Iard à payer à Mme [J] [I] la somme de 87.294,32 € au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du 1er février 2016 ;
Condamne Mme [J] [I] aux dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [I] pour les frais exposés devant la cour ;
Condamne Mme [J] [I] à payer à la société Axa France Iard une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour.
Le greffier,Le président,