COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 20 NOVEMBRE 2020
N°2020/253
Rôle N° RG 17/09862 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASVX
[Y] [S] [X]
C/
SCP EYROLLES - ANDRE EYROLLES
Copie exécutoire délivrée
le : 20 novembre 2020
à :
Me Delphine BELOUCIF, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 241)
Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 8)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00971.
APPELANTE
Madame [Y] [S] [X], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, assistée par Me Delphine BELOUCIF, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Katia BENCHETRIT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SCP EYROLLES - ANDRE EYROLLES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, et Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Conseiller.
Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Ghislaine POIRINE, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2020..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2020.
Signé par Madame Ghsilaine POIRINE, Président, et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [Y] [X] [S] a été engagée par la SCP JJ Eyrolles C. André-Eyrolles suivant contrat à durée indéterminée à compter du 15 novembre 2010, en qualité de notaire assistant.
Le 07 mars 2012, elle a été promue notaire salariée pour un salaire mensuel de 3 986 euros.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective du notariat, Mme [Y] [X] [S] percevait une rémunération brute de 7 222, 66 euros (moyenne sur les douze derniers mois).
Le 24 juin 2015, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 02 juillet 2015.
Lors de cet entretien, l'employeur lui a remis en main propre la documentation relative au Contrat de Sécurisation Professionnelle et la motivation écrite de la mesure de licenciement.
Le 10 juillet 2015, Mme [Y] [X] [S] a adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle.
Le 28 juillet 2015, elle s'est vue notifier un licenciement pour motif économique, libellé dans les termes suivants :
'Comme nous vous l'avons indiqué (...), votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivants :
En effet depuis l'année 2011 notre office a connu un ralentissement de son activité, qui a généré une baisse de chiffre d'affaires qu'il y a lieu de prendre en compte, la chute étant globalement de 34 % sur cette période.
Et si notre office a tenté de résister pendant l'année, c'était en pensant que l'activité immobilière, qui est une partie très importante de l'activité notariale, bénéficierait d'une embellie.
Malheureusement tel n'est pas le cas et au contraire les perspectives d'activité demeurent en baisse, l'étude est en effet actuellement confrontée à de graves difficultés financières occasionnées par la baisse de l'activité immobilière qui représente une partie importante de l'activité notariale. En outre, entre les années 2014 et 2013 les charges progressaient de 5 %.
Nos résultats confirment cette situation, ainsi :
La chute des produits 2014/2013 = 12 %
La chute des produits 2014/2012 = 16 %
La chute des produits 2014/2011 = 34 %
Depuis le début de l'année chute = 9 %
La chute des bénéfices 2014/2013 = 39 %
La chute des bénéfices 2014/2012 = 3 %
La chute des bénéfices 2014/2011 = 68 %
Depuis le début de l'année chute = 41 %
Rien ne permet aujourd'hui de considérer que le marché va se relever à bref délai ou que la baisse de l'activité a un caractère temporaire, interdisant par la même d'adopter plus longtemps une position d'attente.
Compte tenu de ces circonstances et afin d'éviter toute mesure de licenciement, dans la mesure du possible, des recherches de reclassement ont été effectuées et mises en 'uvre au sein de l'étude.
Malheureusement ces recherches de reclassement se sont révélées infructueuses, aucun autre poste relevant de la même catégorie ou d'une catégorie équivalente à la votre, ne pouvant vous être proposé.
Nous avons informé la chambre des notaires des Bouches-du-Rhône, de la procédure en cours, pour permettre de faciliter un reclassement extérieur, dans notre profession.
Pour l'ensemble de ces raisons nous sommes contraints de procéder à la suppression de votre poste.'
Le 12 octobre 2015, Mme [Y] [X] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence pour contester son licenciement.
Le 16 mars 2017, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, dans sa section encadrement, a statué comme suit :
- fixe la moyenne mensuelle du salaire à la somme de 7 222, 66 euros
- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- dit que la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles n'a pas respecté l'obligation de reclassement
- condamne la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [S] [X] [Y] les sommes suivantes :
* 43 335 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros à titre de violation de la priorité de réembauchage
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- déboute Mme [S] [X] du surplus de ses demandes
- déboute la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles de ses demandes
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement
- condamne la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles aux dépens
Par déclaration du 23 mai 2017, Mme [Y] [X] [S] a relevé appel de cette décision dont elle a reçu notification le 19 mai 2017.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 18 juillet 2017, aux termes desquelles Mme [Y] [X] [S] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que :
* le licenciement de Mme [Y] [X] [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse
* la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles n'avait pas respecté l'obligation de reclassement pesant sur elle
- condamner, par conséquent, la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [Y] [X] [S]
* la somme de 130 007, 88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
* la somme de 21 667, 98 euros au titre du préavis
* la somme de 2 166, 79 euros au titre des congés payés afférents
- dire que la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles a violé la priorité de réembauchage
- la condamner, par conséquent, à payer à Mme [Y] [X] [S] la somme de 14 445, 32 euros
- condamner la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [Y] [X] [S] la somme de 7 222, 66 euros pour irrégularité de la procédure
- condamner la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [Y] [X] [S] la somme de 21 667, 98 euros pour irrégularité de la procédure, sur le fondement de l'article 19 du décret n°93-82 du 15 janvier 1993
- la condamner à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- enfin, condamner la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles aux entiers dépens
- ordonner l'exécution provisoire
- dire que l'arrêt rendu portera intérêt légal à compter de la saisine prud'homale pour les sommes portant sur le préavis, congés payés sur préavis.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 18 septembre 2017, aux termes desquelles la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles demande à la cour d'appel de :
A titre principal
- réformer ce que de droit les dispositions du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 16 mars 2017
- dire que le licenciement pour motif économique est pourvu d'une cause réelle et sérieuse
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [X] [S]
- condamner Madame [Y] [X] [S] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
A titre subsidiaire
- constater que la commission relative au notaire salarié n'existait pas au moment de la procédure de licenciement initiée par la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles
A titre plus subsidiaire encore
- constater que la commission a été installée par une autorité qui n'en avait pas la compétence, et donc, surseoir à statuer sur la validité des avis de cette commission, dans l'attente de la question préjudicielle devant être tranchée par la juridiction administrative
- condamner en toute hypothèse, Madame [Y] [X] [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 03 février 2020.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur l'absence de représentation du personnel
Mme [Y] [X] [S] avance que, alors que la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles a comptabilisé au moins 11 salariés, durant 12 mois consécutifs ou non, au cours des 3 années qui ont précédé son licenciement, elle n'a pas organisé d'élection professionnelle ce qui lui a nécessairement occasionné un grief, notamment à l'occasion de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Elle sollicite, en conséquence, l'allocation d'une somme de 7 222, 66 euros, correspondant à un mois de salaire.
L'employeur objecte que l'article L.1235-15 du code du travail qui dispose que : 'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation, et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis' ne s'applique que pour les licenciements collectifs et que ses dispositions ne peuvent être transposées au licenciement individuel comme celui dont Mme [Y] [X] [S] a fait l'objet.
Par ailleurs, il relève que pour les 14 salariés présents à l'étude, au cours de l'année précédant la date de convocation à l'entretien préalable, il a été totalisé un temps total de présence de 127, 5 mois, qui est inférieur au temps que 11 unités comptabiliseraient sur une année, à savoir 132 mois. En conséquence, il estime qu'il n'était pas tenu d'organiser une élection de représentant du personnel.
La Cour observe que s'agissant du nombre de salariés de l'étude, les calculs de l'employeur sont erronés puisque la lecture du registre du personnel permet de constater que dans son listing la société intimée a omis de comptabiliser les temps de présence de deux salariés : Mme [R] [E] qui a travaillé pour l'étude du 13 mai 2008 au 30 juin 2015 et Mme [D] [J], embauchée du 08 septembre 2014 au 08 avril 2015.
Par ailleurs, il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et de l'article 8 § 1 de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.
Il s'ensuit que Mme [Y] [X] [S] est bien fondée à solliciter une réparation en raison du défaut d'organisation par l'employeur d'élection de représentant du personnel et qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
2/ Sur le licenciement économique
1-1 Sur la communication au salarié du motif économique du licenciement avant l'acceptation du Contrat de Sécurisation Professionnelle
L'employeur a l'obligation d'informer par tout moyen le salarié des difficultés économiques qui ont justifié qu'il lui soit proposé un contrat de sécurisation professionnelle avant l'acception de celui-ci, faute de quoi le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [Y] [X] [S] fait grief à la société intimée d'avoir abordé de façon imprécise le motif économique de son licenciement, dans le document qui lui a été remis le jour de l'entretien préalable, en ne justifiant pas des difficultés économiques qui légitimaient la mise en oeuvre d'une telle mesure.
La cour constate que le document remis à la salariée préalablement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle est ainsi libellé :
'En effet, depuis l'année 2011 notre office connaît un ralentissement de son activité, qui a généré une baisse de chiffres d'affaires qu'il y a lieu de prendre en compte, la chute étant globalement de 34% sur cette période.
Et si notre office a tenté de résister pendant l'année, c'était en pensant que l'activité immobilière, qui est une partie très importante de l'activité notariale, bénéficierait d'une embellie.
Malheureusement tel n'est pas le cas et au contraire les perspectives d'activité demeurent en baisse, l'étude est en effet actuellement confrontée à de graves difficultés financières occasionnées par la baisse de l'activité immobilière qui représente une partie importante de l'activité notariale. En outre entre les années 2014 et 2013, les charges progressent de 5 %.
Nos résultats confirment cette situation, ainsi :
La chute des produits 2014/2013 = 12%
La chute des produits 2014/2012 = 16%
La chute des produits 2014/2011 = 34%
Depuis le début de l'année chute = 41%
La chute des bénéfices 2014/2013 = 39%
La chute des bénéfices 2014/2012 = 3%
La chute des bénéfices 2014/2011 = 68%
Depuis le début de l'année chute = 41%
Rien ne permet aujourd'hui de considérer que le marché va se relever à bref délai ou que la baisse de l'activité a un caractère temporaire, interdisant par la même d'adopter plus longtemps une position d'attente'.
Il s'ensuit que l'employeur a bien communiqué à Mme [Y] [X] [S] le motif économique qui l'a amené à envisager son licenciement et le fait que la salariée en conteste le bien-fondé, qui sera examiné dans un second temps, ne constitue pas pour autant un défaut de motivation.
1-2 Sur le motif économique
Selon l'article L.1233-3 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Il s'ensuit que, pour avoir une cause réelle et sérieuse, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, soit à une cessation d'activité
Les difficultés économiques s'apprécient au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.
Mme [Y] [X] [S] fait valoir que l'employeur s'est abstenu de communiquer tout bilan et liasse fiscale, en dépit des demandes qu'elle justifie lui avoir adressées et qu'il ne verse aux débats qu'une attestation de l'expert comptable et un extrait d'un tableau de bord qui, selon elle, n'établissent pas la réalité des difficultés économiques rencontrées par la société. Elle observe, notamment, que le compte de résultat est passé de 1 145 526, 33 euros, en 2012, à 720 491, 52 euros en 2015, ce qu'elle considère comme une évolution à peu près constante et peu inquiétante et elle relève que les produits d'exploitation qui s'élevaient à 1 776 000 euros en 2015, par rapport à 2 050 000 euros en 2014, n'accusaient qu'une très légère baisse et qu'ils restaient très largement bénéficiaires.
La salariée appelante suggère que son licenciement économique masquait, en réalité, la volonté de l'employeur de distribuer davantage de bénéfices aux associés.
L'employeur répond, pour sa part, que le tableau de bord de l'office notarial, qui est le document transmis à la commission de contrôle du notariat, atteste des difficultés économiques rencontrées par l'étude puisque celle-ci a connu une baisse de ses produits d'exploitation de 22 % par rapport à l'année 2014, alors qu'elle enregistrait dans le même temps une hausse de 40 % de ses charges d'exploitation, d'où une diminution de 65% du résultat d'exploitation en mai 2015, par rapport à l'année précédente (pièce 18).
Elle ajoute que ces chiffres ainsi que l'attestation de l'expert comptable, qu'elle verse aux débats (pièce 19) et qui fait état d'une baisse régulière des produits d'exploitation qui sont passés de 2 427 000 euros en 2012 à 1 776 000 en 2015 démontrent que la SCP JJ Eyrolles C. André-Eyrolles rencontrait des difficultés économiques sérieuses engendrées par la baisse des ventes dans le secteur immobilier et qu'une restructuration, par la suppression d'un poste de notaire salarié, s'imposait pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
Mais, en s'abstenant de produire aux débats ses bilans et ses pièces comptables, conformément à la demande qui lui en a été faite par la salariée, l'employeur ne permet pas à la cour de contrôler la réalité et l'étendue des difficultés économiques de l'entreprise qui ne peuvent se déduire de la seule production d'un tableau de bord établi par l'employeur et non visé par l'expert-comptable ainsi que d'une attestation de ce dernier.
En conséquence, le motif économique du licenciement n'est pas établi, le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais par substitution de motifs, puisque les premiers juges avaient retenu le défaut de reclassement de la salariée.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [Y] [X] [S] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a le droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.
Au regard de son âge au moment du licenciement, 40 ans, de son ancienneté de plus de 4 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait qu'elle n'a pas retrouvé un emploi dans les deux années qui ont suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 50 600 euros.
3/ Sur la violation de l'article 19 du décret n°93-82 du 15 janvier 1993
La salariée appelante fait grief à l'employeur de ne pas avoir attendu l'avis de la commission insituée par l'article 19 du décret n°93-82 du 15 janvier 1993 pour lui notifier son licenciement. Ainsi, même si cet avis, rendu au mois de septembre 2015, s'est finalement révélé favorable à son licenciement, Mme [Y] [X] [S] considère que le fait pour l'employeur d'avoir anticipé cette mesure, lui a fait perdre trois mois de salaire, dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 21 667, 98 euros.
Cependant, il a été jugé au point précédent que le licenciement de la salariée appelante était dépourvu de cause réelle et sérieuse et il lui a été alloué une somme réparant l'ensemble des préjudices résultant de son licenciement, il n'y a donc pas lieu d'examiner cette irrégularité de fond dont le préjudice confondu avec celui résultant du licenciement ne peut donner lieu à indemnisation.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.
4/ Sur la priorité de réembauchage
Selon l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles et affiche la liste de ces postes.Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
L'article L. 1235-13, dans sa version applicable au litige, précisait qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accordait au salarié une indemnité qui ne pouvait être inférieure à deux mois de salaire.
La salariée appelante fait valoir que durant la période d'un an qui a suivi la rupture de son contrat de travail, la SCP JJ Eyrolles C. André-Eyrolles a embauché quatre clercs de notaire, puis un notaire stagiaire, le 17 mars 2016, et qu'aucun des emplois ne lui a été proposé. En conséquence, elle sollicite une somme de 14 445, 32 euros en raison de la violation par l'employeur de sa priorité de réembauchage.
La société intimée, qui ne conteste pas les informations communiquées par la salariée objecte qu'elle ne pouvait proposer à celle-ci un poste de clerc, en raison de la différence de qualification existant entre cette fonction et son emploi de notaire. Elle ajoute, que s'agissant du notaire stagiaire, le stage n'est pas un contrat de travail et que les stagiaires n'occupent pas un emploi.
Mais la cour retient que la priorité de réembauchage s'applique y compris aux emplois correspondant à une qualification inférieure à celle qu'avait le salarié au moment de la rupture, si ces emplois sont compatibles avec la qualification de l'intéressé. En conséquence, la SCP JJ Eyrolles C. André-Eyrolles avait l'obligation de proposer à Mme [Y] [X] [S] les postes de clercs ayant donné lieu à des embauches dans l'année qui a suivi la rupture de son contrat de travail. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à indemniser la salariée de ce chef, mais, infirmé sur le montant de cette condamnation qui sera ramenée à 14 445, 32 euros, soit deux mois de salaire, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-13 du code du travail.
5/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Mme [Y] [X] [S] sollicite la somme de 21 667, 98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 166, 80 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur réplique que la salariée ne peut prétendre au paiement de son préavis que si elle n'a pas reçu cette somme au titre du CSP. Or, il affirme qu'à ce titre, Mme [Y] [X] [S] a bénéficié du maintien de sa rémunération par pôle emploi, pendant 12 mois à compter de son licenciement. Il estime, en conséquence, que Mme [Y] [X] [S] a été remplie de ses droits au titre du préavis.
La cour rappelle, qu'en l'absence de motif économique du licenciement, le CSP n'a pas de cause et l'employeur est tenu à l'obligation de préavis ainsi qu'au paiement des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au titre du CSP et aux indemnités de congés payés s'y rapportant. Faute pour l'employeur de justifier du recouvrement par l'Unedic de la somme correspondant au financement de l'allocation spécifique de sécurisation, d'un montant équivalent à
l'indemnité de préavis, il sera fait droit à la demande de la salariée et le jugement sera infirmé de ce chef.
6/ Sur les autres demandes
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 06 novembre 2015, date du bureau de conciliation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.
Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017, date du jugement déféré.
S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.
La SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à Mme [Y] [X] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- dit que SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles n'a pas respecté l'obligation de reclassement
- condamné la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [Y] [X] [S] les sommes suivantes :
* 43 335 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros au titre de la violation de la priorité de réembauchage
- débouté Mme [Y] [X] [S] de sa demande d'indemnisation pour absence d'élection de représentant du personnel
- débouté Mme [Y] [X] [S] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles à payer à Mme [Y] [X] [S] les sommes suivantes :
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'organisation d'élection désignant un représentant du personnel
- 50 600 à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- 14 445,32 euros au titre de la violation de la priorité de réembauche
- 21 667, 98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 2 166, 79 euros au titre des congés payés afférents
- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 06 novembre 2015 et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
Ordonne le remboursement par la SCP JJ Eyrolles C. André Eyrolles aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [Y] [X] [S] dans la limite de six mois sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.
Condamne la SCP JJ Eyrolles C.André Eyrolles aux dépens d'appel,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la Cour au Pôle Emploi PACA.
Le greffier, Le Président,