COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 03 DECEMBRE 2020
N° 2020/315
Rôle N° RG 20/00388 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNEX
Société LA BELLE CLE
C/
Société DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR E COTE D'AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elodie FONTAINE
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/03649.
APPELANTE
SCI LA BELLE CLE, agissant en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Elodie FONTAINE de la SELAS SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Blandine COCHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DUBOIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2020
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR
Selon une offre formée le 19 juillet 2013, ensuite acceptée, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'azur (le Crédit agricole) a consenti à la SCI La belle clé (la SCI) un prêt de 316 334 €, sur 25 ans, au taux de 2,55 %, destiné à se substituer à un précédent crédit immobilier. L'acte fait mention d'un taux de période de 0,2245 % et d'un taux effectif global (TEG) de 2,6945 %.
Après avoir sollicité l'avis d'un organisme spécialisé, intervenant à titre amiable, la SCI a fait assigner le Crédit agricole, le 15 mai 2018, en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts, lui faisant grief, notamment, du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours.
Par jugement contradictoire du 19 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a :
- rejeté la demande en nullité de la stipulation d'intérêts et la demande en déchéance du droit aux intérêts ;
- condamné la SCI aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande d'exécution provisoire de la décision.
La SCI est appelante de ce jugement.
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Vu les conclusions remises le 27 août 2020, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la SCI demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué ;
- juger que la stipulation d'intérêts est nulle ;
- ordonner le retour à l'intérêt légal et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;
- juger que la déchéance sera également prononcée, avec substitution du taux légal et condamnation à restituer les sommes reçues en plus de l'application de l'intérêt légal ;
- condamner le Crédit agricole aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu les conclusions remises le 30 juin 2020, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles le Crédit agricole demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué ;
- débouter la SCI de l'ensemble de ses demandes ;
- la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 septembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SCI agit, à la fois, en nullité de la clause d'intérêts de la convention de prêt, sur le fondement des articles 1907 du code civil et L 313-1 du code de la consommation, ce dernier texte dans sa rédaction applicable au jour de la convention, et en déchéance du droit aux intérêts, sanction civile prévue par l'article L 312-33, devenu L 341-34 du code de la consommation.
Elle reproche au Crédit agricole l'absence de prise en compte de l'assurance décès-invalidité dans le calcul du TEG, le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours et l'imprécision de la durée de la période.
Sur la demande en nullité
Elle est formée sur le double fondement d'une méconnaissance des dispositions légales régissant la mention du TEG et du taux de période dans une offre de prêt immobilier et d'un grief d'inexécution contractuelle découlant d'un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, sans que cette modalité ait été stipulée.
Mais, en premier lieu, il résulte des articles L 312-8 et L 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance N° 2016 - 301 du 14 mars 2016, que dans le cas d'un crédit immobilier, la méconnaissance des règles régissant la mention du TEG et du taux de période est sanctionnée exclusivement par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.
En second lieu, une inexécution contractuelle n'est pas une cause de nullité de la clause inexécutée.
Dès lors, la demande en nullité de la clause d'intérêts ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts
Le grief de TEG erroné
La SCI reproche au Crédit agricole de ne pas avoir pris en compte le coût de l'assurance décès-invalidité dans le calcul du TEG, alors, selon elle, que la souscription de l'assurance était une condition de l'octroi du prêt pour être assortie d'une clause résolutoire pouvant être exercée par le prêteur en cas de défaut d'agrément de l'emprunteur par l'assureur.
Mais la simple faculté ouverte au prêteur de prononcer la résolution de plein droit en cas de défaut d'assurance se rattache à l'exécution de la convention et non aux conditions de sa formation. Il n'en résulte pas que l'obligation d'assurance était une condition de l'octroi du prêt.
En outre, la convention de prêt précise en page 2 dans la rubrique « Coût total du crédit » :
« '....
coût de l'assurance décès-invalidité facultative : 21 351 € »
Stipulée comme ayant un caractère facultatif, l'assurance décès-invalidité n'avait pas à être prise en compte dans le calcul du TEG.
Le grief est mal fondé.
Sur le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours
La SCI fait grief au Crédit agricole d'avoir calculé les intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, sans que cette modalité de calcul ait été stipulée.
Elle en tire la conséquence que la banque ne peut prétendre à des intérêts conventionnels faute d'avoir exécuté le contrat.
Le grief, qui relève de l'exécution de la convention et non des conditions de sa formation, n'est pas l'un des cas de déchéance des intérêts prévus à l'article L 341-34 du code de la consommation sur lequel la demande est fondée. Il appartenait à la SCI d'agir en inexécution contractuelle selon les règles légales applicables.
Sur le défaut de précision quant à la durée de la période
L'offre stipule en page 2 que le remboursement s'effectue selon une périodicité mensuelle.
La SCI soutient que cette mention, qui ne correspond pas à un nombre de jours précis, ne satisfait pas aux exigences de l'article R 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, selon lequel la durée de la période doit être expressément communiquée à l'emprunteur.
Mais, la durée de la période étant fixée, en vertu du texte précité, par référence à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur, la mention d'une durée de période d'un mois satisfait aux exigences légales dans le cas d'un prêt s'amortissant mensuellement.
Le grief est écarté.
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La SCI, qui succombe, est condamnée aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de l'indemnité allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Condamne la SCI La belle clé aux dépens d'appel, distraits au profit de la SCP d'avocats Badie - Simon-Thibaud - Juston, et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT