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05/01/2021 | FRANCE | N°18/11738

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 05 janvier 2021, 18/11738


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2021

D.D.A.S.

N° 2021/ 17













N° RG 18/11738 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCYU7







[L] [Z]

[U] [Z]





C/



[R] [M]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean-Louis SOURNY

Me Emmanuel BRANCALEONI













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/05415.





APPELANTS



Monsieur [L] [Z]

né le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 8] (ALGERIE) de nationalité Française,

demeurant « [Adresse 6]

et

Monsieur [U]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2021

D.D.A.S.

N° 2021/ 17

N° RG 18/11738 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCYU7

[L] [Z]

[U] [Z]

C/

[R] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Louis SOURNY

Me Emmanuel BRANCALEONI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/05415.

APPELANTS

Monsieur [L] [Z]

né le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 8] (ALGERIE) de nationalité Française,

demeurant « [Adresse 6]

et

Monsieur [U] [Z]

né le [Date naissance 3] 1964 à[Localité 7]) de nationalité Française,

demeurant « [Adresse 6]

ensemble représentés par Me Jean-Louis SOURNY, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [R] [M]

né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 5] (ALGERIE) (99),

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Danielle DEMONT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Rudy LESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2021,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et M. Rudy LESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 17 avril 1990 la SCI Isis a vendu à M. [L] [Z] et à son épouse une maison individuelle en l'état futur d'achèvement dans un ensemble immobilier à Saint-Laurent du Var avec garantie d'achèvement par la banque Sovac Immobilier annexée à l'acte datée du 20 juillet 1989.

La banque Sovac Immobilier a été absorbée par le GE Capital Bank qui est devenue elle-même la société Money Bank (la banque).

La SCI Isis connaissant des difficultés financières pour l'achèvement des travaux, la banque est intervenue au titre de ses garanties pour la poursuite du chantier et elle a pris l'initiative de faire désigner en référé le 23 janvier 1991 un expert judiciaire au contradictoire de la SCI.

M. [X], l'expert désigné, a déposé son rapport le 21 octobre 1992.

Par ordonnance de référé la SCI Isis a été condamnée sous astreinte à achever la villa des époux [Z] conformément aux stipulations contractuelles, l'expert déplorant un désordre dans les fondations.

Par arrêt du 19 juin 1994 la cour d'appel de ce siège a confirmé cette décision, arrêt devenu irrévocable suite à rejet d'un pourvoi le 13 novembre 1996.

En dépit de ces décisions, le constructeur a achevé la villa sur les fondations mal implantées et déposé une déclaration d'achèvement des travaux le 23 janvier 1995, en faisant par ailleurs sommation aux époux [Z] de prendre possession de la maison par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 1995.

Cette déclaration a été contestée par les époux [Z] par lettre recommandée avec accusé de réception le 8 février 1995 .

Par la suite le 12 janvier 2004 la SCI Isis a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par exploit du 12 novembre 2009, les consorts [Z] ont assigné au fond la banque Sovac Immobilier devant le tribunal de grande instance de Grasse, aux fins d'obtenir sa garantie.

Par jugement en date du 13 novembre 2012, le tribunal a rejeté les demandes des époux [Z], lesquels ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 5 juin 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré prescrite l'action engagée par les époux [Z] contre la banque Sovac Immobilier, la cour retenant comme point de départ du délai de prescription de l'action, la déclaration d'achèvement des travaux contestée par les époux [Z].

Par arrêt du 7 janvier 2016 la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les époux [Z] contre cet arrêt.

Par exploit du 6 octobre 2016 les consorts [Z] ont engagé une action en responsabilité civile professionnelle de leur avocat, Me [R] [M].

Par jugement en date du 14 juin 2018 le tribunal de grande instance de Nice a :

' révoqué l'ordonnance de clôture ;

' débouté M. [L] [Z] et M. [U] [Z] de toutes leurs demandes et Me [R] [M] de sa demande reconventionnelle tendant au versement de dommages intérêts au titre d'un préjudice moral ;

' et condamné in solidum les consorts [H] au à payer à Me [R] [M] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

' et rejeté les demandes plus amples contraires.

Le tribunal retient que les consorts [Z] reprochent à l'avocat d'avoir manqué à son devoir de diligence en laissant prescrire leur action et d'avoir manqué à son devoir de conseil pour ne pas avoir mis en cause la banque Sovac Immobilier dès la mise en cause de sa garantie d'achèvement ; que la question de la prescription a déjà été débattue devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence puis la Cour de cassation ; que l'arrêt rendu le 5 juin 2014 a retenu que la déclaration d'achèvement des travaux constitue le point de départ de la prescription s'agissant du jour ou les consorts [Z] conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, de sorte que la garantie de parfait achèvement avait pris fin le 23 janvier 1995, par l'attestation de l'architecte [B] ; que postérieurement à l'achèvement, la garantie d'achèvement de la banque Sovac ne pouvait pas être recherchée, ni mise en jeu tant que la société Isis, bénéficiaire du cautionnement était in bonis ; que toute action engagée contre la banque avant la liquidation de la société Isis n'aurait pas pu prospérer ; que la liquidation de la SCI a été prononcée le 12 janvier 2004 ; qu'il s'ensuit que la garantie d'achèvement n'aurait pas pu être recherchée puisque la SCI Isis n'a pas été défaillante avant l'achèvement ; qu'au regard de ce qui précède, et dans la mesure ou il est établi que l'attestation d'achèvement, quelle que soit sa nature, certifiait l'achèvement et prononçait de ce fait la fin de la garantie d'achèvement, l'avocat n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité ; que les consorts [Z] seront donc déboutés de toutes leurs demandes ; que l'avocat sera également débouté de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir le versement de la somme de 3 000 € au titre d'un préjudice moral, ne justifiant pas avoir subi un préjudice distinct de celui lié à celui d'avoir dû plaider.

Le 12 juillet 2018 MM. [L] et [U] [Z] ont relevé appel de cette décision

Par conclusions du 25 septembre 2020 les consorts [Z] demandent à la cour :

' de dire que Me [M] a manqué à son devoir de diligence en laissant prescrire leur action ;

' de constater que la garantie d'achèvement de la Sovac était acquise dès l'ordonnance de référé du 23 janvier 1991 ;

' de dire que Me [M] a manqué également à son devoir de conseil pour ne pas avoir mis en cause la Sovac dès le dépôt du rapport d'expertise de M. [X] le 21 octobre 1992 ;

' de constater en tout état de cause que Me [M] aurait pu également assigner la Sovac dès sa lettre du 28 mai 1999 ;

' de réformer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

' de condamner Me [M] à leur payer la somme de 520'000 € en réparation du préjudice subi avec intérêts de droit ;

' et de le condamner également à leur payer la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Par conclusions du 20 septembre 2019 M. [R] [M] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf le rejet de sa demande indemnitaire, statuant à nouveau de ce chef, de condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 3000 € à titre de dommages intérêts pour son préjudice moral, et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 5000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que les consorts [Z] appelants soutiennent :

Sur la faute

' que c'est la banque elle-même qui est intervenue au titre de ses garanties pour terminer le chantier et qui a pris l'initiative de faire désigner un expert judiciaire ; qu'au moment du dépôt du rapport de l'expert, M. [X] le 21 octobre 1992, la villa acquise par les époux [Z] n'était pas encore construite, puisque seul le gros 'uvre avait été réalisé ; que M. [X] a conclu que l'infrastructure de la villa n'était pas conforme au plan ; que l'arrêt rendu le 19 juin 1994, statuant sur appel de l'ordonnance de référé, a confirmé que l'infrastructure existante devait être démolie et que la villa devait être construite conformément au permis de construire visé dans l'acte de vente ; que la banque Sovac Immoblier (la banque) avait pris les affaires en main, conformément à la garantie d'achèvement des travaux et qu'elle avait mis en place une entreprise de construction, maître d'ouvrage délégué, la COCIMCO, et un nouvel architecte, M. [B], celui-là même qui a établi une attestation d'achèvement le 23 janvier 1995 ;

' que par acte du 12 novembre 2009 les concluants, toujours représentés par Me [M] ont assigné au fond la banque pour mettre en jeu sa garantie ; que la saisine du tribunal de grande instance de Grasse a été tardive et quelle aurait dû être engagée dès le dépôt du rapport de M. [X], ou en 1995, après l'envoi de l'attestation d'achèvement des travaux et la sommation de prendre possession de la villa ; que le tribunal aurait dû rechercher si la défaillance de la SCI Isis n'était pas avérée avant même sa liquidation judiciaire en 2004, ce qui est une évidence ; qu'elle était défaillante bien avant sa mise en liquidation judiciaire le 12 janvier 2004, sa situation étant obérée dès la fin de l'année 1990, ce que la banque avait elle-même constaté dans son assignation en référé du 10 janvier 1991 ; que lorsque leur avocat a assigné la SCI Isis et obtenu une ordonnance de référé en 1993 la condamnant sous astreinte à édifier la villa conformément aux plans, Me [M] savait pertinemment que celle-ci était dans l'incapacité financière de terminer ses travaux et que c'est la banque qui finançait la poursuite des travaux étant garante de l'achèvement ;

' que Me [M] a écrit à M. [Z] le 28 mai 1999 pour lui dire que s'il refusait la proposition transactionnelle de la banque Sovac, représentée par Me [S], il convenait alors d'engager une action directement contre la Sovac en vertu de la garantie d'achèvement, alors que Me [M] a attendu 10 ans, soit le 12 novembre 2009, pour assigner la banque ;

' que leur avocat a commis une faute dans la direction du procès puisqu'il aurait dû à l'évidence attraire en la cause la banque Sovac ce qui anéantissait l'argumentation de celle-ci à savoir que l'attestation d'achèvement du 23 janvier 1995 délivrée par l'architecte [B] en fraude des droits des concluants mettait fin à son obligation de garantie d'achèvement ;

' que Me [M] n'hésite pas à soutenir qu'il n'aurait pas commis de faute en s'abstenant d'initier une action au fond qu'il aurait sue prescrite, alors que ses écritures de l'époque montrent qu'il pensait que la prescription de l'action devait être fixée à la date du jugement de liquidation judiciaire de la société Isis en 2004, ce que le tribunal dans son jugement du 13 novembre 2012 avait d'abord retenu pour recevoir en la forme l'action des consorts [Z], avant d'être réformé sur ce point ;

' que si Me [M] avait engagé l'action contre la banque, qui s'était comportée comme une gérante de fait de la société Isis dès le 28 mai 1999 et qui exécutait son obligation de garantie d'achèvement en finançant les travaux propres à l'achèvement de l'ensemble immobilier , comme l'avocat se proposait de le faire, la question de la prescription ne serait pas posée puisque si l'assignation avait été engagée avant le 23 janvier 2005, aucune prescription n'aurait été acquise ; que Me [M] pouvait engager l'action dès le dépôt du rapport d'expertise de M. [X] en 1992 ou au moins dès après sa lettre adressée à M. [Z] le 28 mai 1999, alors qu'il a poursuivi le stratégie consistant en une procédure de référé contre la SCI Isis qui n'était plus le maître de l'ouvrage puisque c'est la COMICO, mise en place par la Sovac, qui l'était ;

' qu'il ressort des productions de Maître [M] lui-même que c'est bien la société Comico qui a proposé aux époux [Z] de procéder à une résiliation conventionnelle de l'acte de vente du 17 avril 1990 avec restitution de la villa à la SCI Isis contre le remboursement des sommes déjà payées par les époux [Z], augmentées des frais occasionnés par les retards de livraison ; que l'avocat reconnaît donc bien que c'est la société COMICO qui dirigeait les travaux et que la société Isis n'avait donc plus rien à voir dans la maîtrise d'ouvrage du chantier et qu'elle était donc défaillante dès cette époque ;

Sur le préjudice

' que si dès le dépôt du rapport de M. [X], la banque Sovac avait été assignée dans le cadre de sa garantie d'achèvement, elle aurait mis en conformité la villa des consorts [Z] et cette dernière aurait été rendue habitable, alors qu'ils ne l'ont jamais habitée ; qu'ils n'auraient subi aucun préjudice lié à la dépréciation de la villa et à leur trouble de jouissance ;

que contrairement à ce qui soutenu, les sommes reçues en référé n'ont aucun rapport avec le préjudice subi par les appelants puisque ces condamnations représentent la liquidation d'astreintes qui n'ont rien à voir avec la dépréciation de la villa et le trouble de jouissance subi par les époux [Z] ;

' que les appelants ont pu vendre leur maison à un marchand de biens qui l'a acquise en l'état au prix de 280'000 € et qui a fait son affaire personnelle de la rendre conforme et habitable et l'a remise en vente au prix de 630'000 €, ce qui correspond bien à la valeur de la villa que les consorts [Z] estiment être de 500'000 €, une fois déduit le solde du prix non réglé ; que leur préjudice doit donc être évalué à 220'000 € (500'000 € - 280'000 €) ;

' qu'ils ont subi en outre un préjudice de jouissance pendant une période de 20 ans, soit à raison d'une valeur locative mensuelle de 1250 €, un préjudice total de 300'000 € de ce chef ;

' et que le lien de causalité est évident et qu'il n'y a pas pour eux une perte de chance mais un préjudice entier de dépréciation et de trouble de jouissance ;

*

Attendu que Me [M] répond :

' que l'action qu'il a introduite au fond le 12 novembre 2009 était fondée sur l'absence d'effet libératoire de l'attestation d'achèvement à l'égard de la banque garante d'achèvement en raison de la non-conformité de la villa par rapport aux plans contractuels ;

' que le tribunal saisi a rendu une décision le 13 novembre 2012 en considérant que la fausseté de l'attestation d'achèvement était inopposable au garant d'achèvement dans la mesure où elle emportait de plein droit la cessation de la garantie d'achèvement ; que la cour d'appel a considéré comme acquise la date de l'attestation d'achèvement comme point de départ de la prescription, ce que la Cour de cassation dans son arrêt du 7 janvier 2016 a confirmé en considérant que « selon l'article R2161-24 du code de la construction et de l'habitation, la garantie d'achèvement prend fin à l'achèvement d'immeuble et résulte la déclaration certifiée par un homme de l'art » ; qu'il est établi au regard de ce qui précède qu'il n'a pas commis de faute, n'étant tenu que d'une obligation de moyen et ne répondant pas de l'aléa judiciaire ;

' que la garantie d'achèvement ne pouvait pas être mobilisée ; que l'action même non prescrite n'aurait pas pu aboutir en 2009 à la condamnation de la banque Sovac Immobilier à financer la démolition et la reconstruction de la villa des époux [Z] où à leur payer une somme par équivalent en exécution de la garantie d'achèvement puisque cette garantie avait pris fin le 23 janvier 1995 ; qu'avant l'achèvement de la villa, la garantie d'achèvement de la banque ne pouvait pas davantage être recherchée ni mise en jeu tant que la SCI Isis, bénéficiaire du cautionnement, était in bonis ;que toute action engagée contre la banque avant la liquidation de la société eût été déclarée irrecevable ; que la seule situation où la garantie d'achèvement aurait pu être recherchée ne s'est jamais réalisée puisqu'il eût fallu que la SCI Isis fût défaillante avant l'achèvement de la villa ce qui n'est pas advenu ; que les consorts [Z] ne peuvent donc soutenir que la banque Sovac Immobilier aurait dû être attraite dès le début de l'année 1992 ;

' que la banque n'est pas intervenue pour prendre la direction des chantiers puisque les consorts [Z] reconnaissent eux-mêmes qu'elle a désigné la société COMICO avec une mission de maîtrise d''uvre lorsque des problèmes sont apparus provoquant l'arrêt du chantier ; que ces problèmes étaient en réalité la conséquence de l'inéquation des plans d'origine établis par M. [O], lesquels étaient mal faits pour ne pas tenir compte de la pente et des accidents du terrain naturel, ce qui a nécessité des travaux pour rattraper les erreurs ; que l'expert [X] attribue au cabinet [O] l'entière et totale responsabilité des défectuosités multiples à la réalisation des villas dont celle des consorts [Z] ;

' que la SCI Isis n'étant pas défaillante avant l'achèvement, toute action engagée contre la banque avant la liquidation de la SCI Isis n'aurait pas pu prospérer ;

' que comme le rappelle l'expert [X] en page 20 de son rapport la convention du 20 juillet 1989 passée entre la SCI Isis et la société anonyme Fim/ Sovac prévoit que :

« La garantie de financement de la banque ne constitue qu'une obligation de moyens et non pas de résultats, le vendeur demeurant, au cas où ladite garantie serait mise en jeu, seul maître de l'ouvrage jusqu'à la réception définitive des travaux, le vendeur sera donc seul tenu de l'obligation de résultat notamment en ce qui concerne l'exécution et la poursuite des travaux, leur conformité avec les plans et devis descriptifs, leur achèvement dans les délais prévus et d'une façon générale conservera seule la responsabilité des engagements pris par lui vis-à-vis des acquéreurs dans les actes de vente » ; qu'en l'état de ces stipulations, toute action que Me [M] aurait engagé à la requête des époux [Z] contre la banque était vouée à l'échec ;

sur le préjudice

' que l'ensemble des sommes perçues par les époux [Z] en vertu des décisions rendues et le fait que le solde du prix de la maison n'ait pas été réglé devront être mis en perspective avec la demande exorbitante au titre de l'indemnité qu'ils sollicitent ;

' que les consorts [Z] allèguent que les fautes commises par l'avocat leur auraient fait perdre une chance de voir la société Moneybank réparer leur préjudice qu'ils estiment à hauteur des 600'000 €, alors que la perte de chance ne peut pas être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que Me [M] ne peut dès lors être condamné à indemniser les consorts [Z] dans la mesure où il n'y a pas de lien de causalité entre la faute alléguée et la dépréciation invoquée du bien ; qu'il n'y a qu'une supputation que la garantie d'achèvement de la banque aurait pu jouer ; que les consorts [Z] sont propriétaires de la villa litigieuse dont ils n'ont payé sur le prix s'élevant à 218'000 € que la seule somme de 92'763 € soit moins de 43 % ;

' et que les consorts [Z] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes et condamnés à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au regard des termes de la lettre que les consorts [Z] ont adressée au bâtonnier des avocats du barreau de Grasse, lettre particulièrement déplacée compte tenu des diligences de Me [M] au bénéfice de ces consorts à l'occasion de leur collaboration ;

*

Mais attendu que les consorts [Z] plaident utilement que la SCI Isis était financièrement défaillante bien avant sa mise en liquidation judiciaire le12 janvier 2004, sa situation étant obérée dès la fin de l'année 1990, ce que la banque Sovac Immoblier avait elle-même constaté dans son assignation en référé du 10 janvier 1991 ; que cette banque avait sollicité en référé une expertise judiciaire et obtenu la désignation d'une entreprise de construction, maître d'ouvrage délégué, la COCIMCO et un nouvel architecte, M. [B], lequel a établi attestation d'achèvement le 23 janvier 1995 ;

Attendu que dès le dépôt du rapport de M. [X] le 21 octobre 1992, lorsque Me [M] a fait assigner en référé la SCI Isis et obtenu une ordonnance en 1993, confirmée par un arrêt en date du 19 juin 1994, condamnant sous astreinte la SCI à édifier la villa conformément au permis de construire, il savait que celle-ci était déjà dans l'incapacité financière de terminer ses travaux et que c'est la banque Sovac Immobilier qui la finançait en application de la garantie d'achèvement du 20 juillet 1989 ;

Que la défaillance de la SCI Isis étant largement antérieure à la liquidation judiciaire en 2004, Me [M] disposait de tous les éléments depuis le dépôt du rapport de M. [X] le 21 octobre 1992 pour savoir qu'il devait engager une action au fond contre le constructeur et son garant, la banque Sovac, en sollicitant, même à titre conservatoire, la garantie d'achèvement de cette banque avant le 23 janvier 2005, date à laquelle les consorts se sont retrouvés forclos en leur action ;

Que si la SCI Isis était encore in bonis jusqu'en 2004, l'action des consorts [Z], en attrayant à titre conservatoire la banque, aurait eu un effet interruptif de la prescription encourue, même si la garantie ne pourrait prospérer qu'une fois constatée la défaillance de la société débitrice ;

Attendu que se bornant à l'action en référé, ce n'est que par acte du 12 novembre 2009 que Me [M] a fini par assigner au fond devant le tribunal de grande instance de Grasse la banque pour rechercher sa garantie;

Attendu qu'il ressort des productions de maître [M] que la société Comico, indiquant agir 'dans le cadre de la mission de conseil et d'assistance que j'assure pour le compte de la SCI Isis', a proposé aux époux [Z] de procéder à une résiliation conventionnelle de l'acte de vente du 17 avril 1990 avec restitution de la villa à la SCI Isis, contre le remboursement des sommes déjà payées par les époux [Z], augmentées des frais occasionnés par les retards de livraison ;

Attendu que Me [M] a écrit à M. [L] [Z] le 28 mai 1999 ( Mme [Z] étant décédée en 1997):

« Par lettre du 20 mai 2999 je vous ai fait part de la proposition transactionnelle qui m'a été faite à titre reconventionnel par Me [S], qui m'a écrit que la SCI Isis offre de vous verser la somme forfaitaire de 1 million de francs en échange de la restitution de la villa et de l'abandon des procédures.

Nous nous sommes réunis avec votre fils le 27 mai à mon cabinet pour discuter de cette question.

Vous m'avez indiqué que vous n'acceptiez pas cette offre.

Je vous ai fait part des intentions de la SCI Isis et de la SOVAC qui m'ont été verbalement et officieusement indiqués par Me [S] :

Si nous refusons l'offre transactionnelle et qu'en poursuivant la procédure je parviens à faire de nouveau condamner la SCI Isis à vous payer des sommes à titre de liquidation d'astreinte, Me [S] affirme que la banque SOVAC ne paiera plus les sommes que la SCI Isis sera condamnée à payer.

Dans ces conditions il faudra alors engager une action directement contre la SOVAC en vertu de la garantie d'achèvement. Je rappelle que cette garantie d'achèvement figure dans votre acte d'achat en l'état futur d'achèvement qui stipule :(') .

J'ai attiré votre attention sur les spécificités et difficultés qui sont inhérentes à une telle action contre la SOVAC. » ;

Attendu que Me [M] ne produit pas la réponse des consorts [Z] à cette lettre leur conseillant opportunément, à l'aide d'un point de droit explicite, d'accepter plutôt les offres du constructeur et du garant en réclamant toutefois le bénéfice d'une forte augmentation du montant de leurs dommages et intérêts transactionnels ; que les consorts n'ayant manifestement pas transigé, Me [M] a néanmoins attendu 10 ans, au moins depuis cette lettre du 28 mai 1999, jusqu'au 12 novembre 2009, pour assigner la banque Sovac devenue Moneybank ;

Attendu que les appelants soutiennent donc exactement que si Me [M] avait engagé une action contre la société Money Bank, qui exécutait son obligation de garantie d'achèvement en finançant les travaux propres à l'achèvement de l'ensemble immobilier, comme l'avocat se proposait de le faire dans sa lettre du 28 mai 1999, la question de la prescription ne serait pas posée puisque si l'assignation avait été engagée avant le 23 janvier 2005, aucune prescription n'eût été acquise ;

Attendu que Me [M] a commis une faute dans la défense des intérêts des consorts [Z] ; qu'il devait engager sans tarder, et en tout cas avant le 23 janvier 2005, l'attestation d'achèvement du 23 janvier 1995 par l'architecte [B] ayant mis fin à l'obligation pour la banque de garantir l'achèvement, l'action au fond qu'il ne considérait pas comme vouée à l'échec lorsqu'il a fini par l'entreprendre en leur nom dix ans plus tard ;

Attendu toutefois que le jugement du tribunal de Grasse en date du 13 novembre 2012 qui a été infirmé en ce qu'il a déclaré non forclose l'action des consorts [Z], a néanmoins retenu à bon droit par ailleurs que :

« Toutefois, la déclaration d'achèvement des travaux signée par le représentant de la SCI Isis et certifiée par M. [B], architecte, étant conforme aux dispositions de l'article R460-1 du code de l'urbanisme, elle emporte de plein droit la cessation de la garantie d'achèvement.

La fausseté de la déclaration ou son défaut de validité ne sont pas opposables au garant d'achèvement, qui n'est pas l'auteur de la déclaration et dont il n'est pas établi qu'il aurait participé à une quelconque fraude », de sorte que même si elle avait été engagée à temps, l'action des consorts [Z] contre la banque Sovac Immobilier ne pouvait pas prospérer ; que le moyen tiré de ce que Me [M] jugeait le contraire lorsqu'il a engagé l'action prescrite, étant inopérant à l'égard du procès manqué à reconstituer ;

Attendu qu'en l'absence de démonstration d'une participation frauduleuse de la banque, sa garantie financière d'achèvement a cessé le 2 juin 1995 avec la déclaration d'achèvement des travaux effectuée, même si celle-ci était erronée, et même si les travaux achevés ne sont pas conformes au permis de construire ni au contrat de vente ;

Attendu qu'engagée avant cette date l'action, même recevable, ne pouvait conduire qu'à la condamnation de la banque Sovac Immobilier à financer l'achèvement des travaux ou le remboursement des sommes versées par les époux [Z] et non à financer la démolition et la reconstruction de leur villa que les époux [Z] sollicitaient, ou à leur payer une somme par équivalent ;

Qu'en effet Me [M] invoque le contenu de la convention du 20 juillet 1989 liant la SCI Isis à la banque Sovac Immobilier précisant que 'la garantie de financement de la banque ne constitue qu'une obligation de moyens et non de résultat, le vendeur demeurant, au cas où ladite garantie serait mise en jeu, seul maître de l'ouvrage jusqu'à la réception définitive des travaux, le vendeur sera donc seul tenu de l'obligation de résultat notamment en ce qui concerne l'exécution et la poursuite des travaux, leur conformité avec les plans et devis descriptifs, leur achèvement dans les délais prévus et d'une façon générale, conservera seul la responsabilité des engagements pris par lui vis-à-vis des acquéreurs dans les actes de vente.';

Que la garantie financière d'achèvement a pris fin le 23 janvier 1995 ; et que jusqu'à l'achèvement de la villa, la SCI Isis, bénéficiaire du cautionnement, était in bonis, ce qui fut le cas jusqu'au jugement ayant prononcé sa liquidation le 12 janvier 2004 ; que la SCI Isis ayant rencontré des difficultés financières pour achever les travaux de construction, le garant lui a versé les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, n'étant tenu de financer que les travaux nécessaires à l'utilisation de l'immeuble à l'exclusion de ceux correspondant à la reprise de non conformités ou de malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages impropres à leur destination;

Attendu que les consorts [Z] ne pouvaient qu'obtenir la condamnation solidaire de la banque solidairement avec le constructeur à achever les travaux ou obtenir le remboursement des sommes versées, alors que la SCI Isis n'a pas défailli grâce au soutien du garant jusqu'à l'achèvement de la villa ; que les appelants s'abstiennent de faire la démonstration que le garant financier était tenu en sus de les dédommager pour les non-conformités contractuelles imputables au vendeur ; qu'à défaut, leurs demandes dirigées contre la banque seraient entrées en voie de rejet ;

Attendu en conséquence que le lien de causalité n'est pas établi entre la faute de l'avocat consistant dans le fait d'avoir laissé prescrire l'action en garantie et le dommage invoqué par les époux [Z] de perte de valeur de leur villa et de trouble de jouissance à raison des vices de la construction que le garant financier ne pouvait pas être condamné à réparer ;

Attendu qu'il s'ensuit la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté toutes les demandes indemnitaires des époux [Z], par substitution des présents motifs à ceux du premier juge ;

Et attendu que Me [M] ne justifie pas l'existence d'un préjudice distinct de celui d'avoir dû plaider, d'où il suit le rejet de sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Dit que Me [M] a commis une faute en laissant prescrire l'action indemnitaire des consorts [Z], mais que cette faute est dépourvue de lien de causalité avec le dommage que ces consorts ont subi,

Rejette la demande reconventionnelle de Me [M] tendant à l'octroi de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral,

Condamne in solidum M. [L] et M. [U] [Z] aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/11738
Date de la décision : 05/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/11738 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-05;18.11738 ?
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