COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 21 JANVIER 2021
N° 2021/28
N° RG 19/04547
N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7EX
[M] [E] épouse [W]
[D] [E]
[Z] [A] épouse [E]
[K] [E] épouse [C]
[G] [E]
[I] [E]
[U] [E] épouse [S]
[T] [N]
[V] [N]
C/
Société GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES ET EMPLOYES D E L'ETAT ET DES SERVICES PUBLICS ET ASSIMILES
Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Organisme CGOS PROVENCE ALPES COTES D'AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Elsa VALENZA
- SCP FRANCOIS DUFLOT COURT MENIGOZ
-SCP PETIT & BOULARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 28 Février 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 13/04074.
APPELANTS
Madame [M] [E] épouse [W]
assistée, en vertu d'une ordonnance de changement de curateur du 6 avril 2012, de Madame [K] [C] en qualité de curatrice, demeurant et domiciliée [Adresse 24]
assurée sociale 2 62 09 33 318 183/69
née le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 23] (33)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 15]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur [D] [E]
Père de la victime
né le [Date naissance 8] 1936 à [Localité 18]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Madame [Z] [A] EPOUSE [E]
Père de la victime
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 22]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Madame [K] [E] EPOUSE [C]
Soeur de la victime,
Agissant en son nom personnel.
née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 22]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 25]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur [G] [E]
Frère de la victime
né le [Date naissance 12] 1959 à [Localité 22]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 13]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur [I] [E]
Frère de la victime
né le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 23]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]. [Adresse 9]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Madame [U] [E] EPOUSE [S]
Soeur de la victime
née le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 23] (33)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 20]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Madame [T] [N]
Fille de la victime
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 23] (33)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 14]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Madame [V] [N]
Fille de la victime
née le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 21]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 17]
représentée par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
postulant et assistée par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
INTIMEES
Société GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES ET EMPLOYES D E L'ETAT ET DES SERVICES PUBLICS ET ASSIMILES
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège,
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, demeurant [Adresse 16]
représenté et assisté par Me Christophe PETIT de la SCP PETIT & BOULARD, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Assignée le 26/04/2019,
demeurant [Adresse 19]
Défaillante.
CGOS PROVENCE ALPES COTES D'AZUR
Assignée le 25/04/2019,
demeurant [Adresse 26]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président,
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2021.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2021,
Signé par Madame Anne VELLA, Conseillère et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Le 21 juin 2008, alors qu'elle était passagère transportée du véhicule conduit par son époux, et assuré auprès de la GMF, Mme [M] [E] épouse [W] a été grièvement blessée à l'occasion d'un accident de la circulation.
Le docteur [B], désigné à titre amiable par la Gmf a établi plusieurs rapports dont le troisième le 24 décembre 2011 et le quatrième le 21 novembre 2014.
Par actes du 12 juillet 2013, Mme [W], assistée de sa curatrice Mme [K] [E], M. [D] [E] son père, Mme [Z] [A] épouse [E], sa mère, ses frères et soeurs, Mme [K] [E] épouse [C], M. [G] [E], M. [I] [E], Mme [U] [E] épouse [S], ses deux filles, [T] [N] majeure, et [V] [N] mineure representée par son père ont fait assigner la Gmf devant le tribunal de grande instance de Nice pour la voir condamner à les indemniser de leurs préjudices directe et indirecte et ce, en présence de la CGOS Provence Alpes Cote d'azur.
Par acte du 20 mai 2014, les consorts [E]-[N] ont appelé en la cause la Caisse des dépots et consignations (Cdc).
Par acte du 21 décembre 2015, les consorts [E]-[N] ont appelé en la cause la Cpam des Bouches du Rhône.
Les procédures ont été jointes.
Selon ordonnance du 4 juillet 2016, le juge de la mise en état a condamné la Gmf à verser à Mme [W] une provision de 100.000€ à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et il a rejeté la demande formée par la Gmf tendant à l'instauration d'une expertise complémentaire.
Par jugement du 27 juin 2017 le tribunal a ordonné la réouverture des débats en faisant injonction aux requérants de produire les créances de l'ensemble des tiers payeurs.
Par ordonnance du 13 mars 2018 le juge de la mise en état a débouté les consorts [E]-[N] de leur demande tendant au versement d'une provision complémentaire
Par jugement du 28 février 2019, assorti de l'exécution provisoire en totalité pour la rente trimestrielle de 29.200€ et pour la tierce personne ainsi que pour les sommes allouées à la Cdc et pour les indemnités dues à toutes les victimes par ricochet, et partiellement à hauteur de 1.300.000€ pour le surplus, cette juridiction a :
- dit que la Gmf, assureur du véhicule impliqué dans l'accident dont à été victime Mme [W] doit l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices consécutifs à l'accident du 21 juin 2008 ;
- rejeté la demande d'expertise complémentaire formulée par la Gmf ;
- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices ;
- condamné la Gmf à verser à Mme [W], assistée de sa curatrice :
' au titre de ses préjudices patrimoniaux :
* 1.478.421,87€,
* une rente trimestrielle de 29.200€ à compter du 1er mars 2019,
' au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux la somme de 560.800€
' 3.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la Gmf à verser à la Cdc la somme de 526.171,39€ en remboursement de sa créance, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamné la Gmf à verser à M. [D] [E] et à Mme [Z] [A], épouse [E], et à chacun la somme de 11.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection outre une indemnité de 400€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Gmf à verser à [T] [N], et [V] [N] devenue majeure le 9 novembre 2014, et à chacune la somme de 20.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection outre une indemnité de 400€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Gmf à verser à Mme [K] [E] épouse [C], M. [G] [E], M. [I] [E] et Mme [U] [E] épouse [S], et à chacune la somme de 5.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection outre une indemnité de 400€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que ces condamnations sont soumises à déduction des provisions déjà versées ;
- dit que les condamnations prononcées au profit de Mme [W], autre que celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et déduction faite des provisions déjà versées d'un total de 951.500€, sont assorties des intérêts au double du taux de l'intérêt au taux légal depuis le 21 avril 2015 jusqu'à la date du jugement ;
- déclaré le jugement opposable à la Cpam des Bouches du Rhône et à la CGOS Provence Alpes Cote d'azur ;
- dit qu'une copie de la décision sera adressée au juge des tutelles du tribunal d'instance d'Aix-en-Provence ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamné la Gmf aux entiers dépens, avec distraction.
Le droit à indemnisation intégral de la victime passagère transportée n'a pas été discuté.
Pour rejeter la demande de complément d'expertise demandée par la Gmf, le tribunal a considéré que la notion de stabilisation situationnelle de la victime utilisée par l'expert et fixée au 1er avril 2011, est synonyme de la consolidation.
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
- dépenses de santé actuelles : 265.491,71€ pris en charge par la Cpam,
- dépenses de santé futures : 319.877,58€ pris en charge par la Cpam
- frais d'assistance à expertise : 3.840€
- frais de bilan par ergothérapeute : 1.823,88€
- assistance par tierce personne sur la base de 8h de tierce personne active par jours à 18€ de l'heure, et de 16h de tierce personne de surveillance par jour à 11€ de l'heure, soit 320€ par jour :
' tierce personne temporaire avant consolidation et sur 548 jours : 175.360€
' tierce personne permanente échue sur 2890 jours : 924.800€
' tierce personne à échoir annuel de 116.800€ soit une rente trimestrielle de 29.200€ capitalisée en fonction d'une euro de rente de 27,818 : 3.249.142,40€
' sous déduction de la pension de retraite majorée pour tierce personne de 356.160,17€ retirée du montant échu soit 568.639,83€ (924.800€ - 356.160,17€),
- perte de gains professionnels actuels : 49.500€ dont sont déduites les indemnités journalières versée par le CGOS pour 7.369,55€ soit 42.130,45€ revenant à la victime,
- perte de gains professionnels futurs échus : 142.500€ correspondant à 95 mois à raison d'un revenu moyen mensuel de 1500€,
- perte de gains professionnels futurs à échoir : 486.972€ après capitalisation en fonction d'un euro de rente vaigre tenant compte de l'incidence sur les droits à la retraite, sous déduction du versement de la pension anticipée par la Cdc d'un montant de 170.011,22€, soit la somme de 316.960,78€ revenant à la victime,
- frais d'aménagement du logement comprenant le surcoût du loyer, outre les frais d'adaptation de la salle de bain, les frais de déménagement et honoraires d'agence : 53.356,49€,
- frais d'aménagement du véhicule sur la base d'un coût des adaptations de 25.890,89€, capitalisable sur 7 ans : 105.712,25€
- les aides techniques
' le fauteuil roulant électrique : 11.140,72€
' frais d'entretien et réparations : rejet ces frais étant pris en charge par l'organisme social à hauteur de 177,21€, et aucune dépense supplémentaire n'étant démontrée,
' fauteuil releveur : 900€ renouvelable tous les cinq ans : 5.769,72€
' petit matériel de soins : 830,32€ par an soit 25.298,67€
- déficit fonctionnel temporaire total sur la base mensuelle de 800€ : 26.400€
- souffrances endurées 6/7 : 50.000€
- déficit fonctionnel permanent 85% : 394.400€
- préjudice esthétique permanent 5/7 : 40.000€
- préjudice d'agrément : 20.000€
- préjudice sexuel : 30.000€.
Le tribunal a constaté que la Gmf avait formulé une offre d'indemnisation partielle par courrier du 10 février 2014 à la suite du dépôt du rapport du 24 décembre 2011, mais en revanche et à la suite du dépôt du rapport du 21 novembre 2014, aucune offre n'a été présentée en conséquence, il a condamné la Gmf au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt au taux légal depuis le 21 avril 2015 jusqu'à la date du jugement sur la somme de 951.500€.
Le tribunal a indemnisé les préjudices d'affection des victimes indirectes en tenant compte des liens de parenté et de proximité.
Par acte du 19 mars 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, les consorts [E]-[N] ont interjeté appel de cette décision sur les postes suivants :
- perte de gains professionnels actuels,
- perte de gains professionnels futurs échus et à échoir,
- assistance par tierce personne temporaire, échue et à échoir,
- frais d'adaptation du véhicule,
- aides techniques pour le fauteuil roulant, le fauteuil releveur, et le petit matériel de soins,
- le déficit fonctionnel temporaire
- les souffrances endurées
- le déficit fonctionnel permanent
- le préjudice d'agrément
- le préjudice sexuel
- préjudices d'affection de chacun et de tous les proches.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 novembre 2020.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs conclusions du 23 mai 2019, Mme [W], assistée de sa curatrice Mme [K] [E], M. [D] [E] son père, Mme [Z] [A] épouse [E], sa mère, ses frères et soeurs, Mme [K] [E] épouse [C], M. [G] [E], M. [I] [E], Mme [U] [E] épouse [S], ses deux filles, [T] [N] majeure, et [V] [N] demandent à la cour de :
' confirmer le jugement qui a rejeté la demande de sursis à statuer et de contre-expertise médicale formulée par la Gmf ;
' confirmer le jugement sur les postes suivants :
- dépenses de santé actuelles
- frais divers
- perte de gains professionnels actuels
- perte de gains professionnels futurs
- frais d'aménagement du domicile
- préjudice esthétique permanent
- les dispositions s'agissant du doublement du taux de l'intérêt légal
' les recevoir en leur appel et statuer à nouveau ;
' condamne la Gmf à verser à Mme [W] les sommes suivantes :
- frais d'aménagement du véhicule : 181.784,87€
- assistance par tierce personne échue depuis le retour à domicile jusqu'au 28 février 2019 : 1.897.176€,
- assistance par tierce personne à échoir : 5.450.839,92€ soit une rente mensuelle de 16.790€
- aides techniques : 52.177,97€
- déficit fonctionnel temporaire total : 29.700€
- souffrances endurées : 60.000€
- déficit fonctionnel permanent : 425.000€
- préjudice esthétique permanent : 40.000€
- préjudice d'agrément : 50.000€
- préjudice sexuel : 50.000€
' condamne la Gmf à lui verser la somme de 5.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner la Gmf à verser à M. [D] [E] et à Mme [Z] [A], épouse [E], et à chacun la somme de 30.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection ;
' condamner la Gmf à verser à [T] [N], et [V] [N] et à chacune la somme de 30.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection
' condamner la Gmf à verser à Mme [K] [E] épouse [C], M. [G] [E], M. [I] [E] et Mme [U] [E] épouse [S], et à chacune la somme de 25.000€ au titre de leur préjudice moral et d'affection ;
' condamner la Gmf à verser à chacun des proches la somme de 1000e en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' juger que les sommes allouées en principal seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et les intérêts capitalisés par année entière à compter de cette même date, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
' juger que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article A 444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 fixant le tarif des huissiers de justice, devra être supporté par la défenderesse en sus de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner la Gmf aux dépens distraits au profit de leur conseil.
Mme [W] sollicite l'application du barème de la Gazette du Palais dans son édition du 27 novembre 2017.
Elle chiffre ses postes de la façon suivante :
- frais d'adaptation du véhicule moyennant un coût de 19.315,97€ d'aménagement d'un véhicule Peugeot 807, outre le coût de l'installation d'un siège pivotant de 6.574,92€, soit au total 25.890,89€, à renouveler tous les cinq ans à compter de 2015, date du premier renouvellement, soit 155.893,98€ ( 25.890,89€/5 = 5178,17€ x 30,106 quand Mme [W] avait 53 ans), outre la première acquisition de 25.890,89€ soit au total 181.784,87€.
- l'assistance par tierce personne : la distinction entre les heures actives et passives ne se justifie pas en l'espèce puisque le besoin en tierce personne est de 24h/24 et elle réclame donc l'application d'un tarif horaire de 23€. En conséquence le poste s'établit de la façon suivante :
' arrérages échus 24h x 23€ soit 552€ par jour sur 3438 jours écoulés au 28 février 2019, soit la somme de 1.897,776€,
' arrérages à échoir à compter du 1er mars 2019, soit une somme annuelle de 201.480€ ou 16.790€ par mois et donc une capitalisation de 5.450.839,92€,
- les aides techniques :
' le fauteuil roulant électrique amortissable sur cinq ans - valeur d'acquisition 1.697,35€ outre un entretien annuel de 177,21€ soit après capitalisation la somme de 17.252,51€
' les petits matériels de soins pour un total de 840,32€ capitalisé sur la base d'un euro de rente à 47 ans en 2009, soit 34,696 et donc la somme de 29.155,74€.
- déficit fonctionnel temporaire total sur une base mensuelle de 900€ la somme de 29.700€,
S'agissant des autres postes dont il a été relevé appel, Mme [W] sollicite la majoration des indemnisations, tout comme ses proches estiment que les indemnisations de leur préjudice d'affection ont été manifestement sous-évaluées.
Dans ses conclusions du 19 août 2019, la société Garantie mutuelle des fonctionnaires demande à la cour de :
' confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
' statuer ce que de droit sur la demande formulée au titre des aides techniques de petit matériel ;
' ramener à de plus justes proportions les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme maximale de 4500€.
Ses observations sont les suivantes :
- le renouvellement des frais de véhicule adapté doit intervenir tous les sept ans, ce qui est plus proche de la réalité des nécessités de changement de véhicule,
- l'assistance par tierce personne active et passive n'est pas indemnisable sur la même base de tarif horaire et le jugement qui a opéré cette distinction doit être confirmé,
- le forfait de réparation du fauteuil roulant est pris en charge par la sécurité sociale et il ne peut donc être indemnisé au titre d'un reste à charge,
- le déficit fonctionnel temporaire total doit être indemnisé sur la base mensuelle de 800€ comme l'a fait le premier juge.
Tous les autres postes ont été équitablement indemnisés par le premier juge et il en va de même des préjudices d'affection des proches.
Dans ses conclusions du 24 juillet 2019, la Caisse des dépôts et consignations demande à la cour de :
' confirmer le jugement qui a admis le principe de la Cdc ;
' constater que les appelants ne formulent aucune demande de réformation du jugement sur sa créance ;
' confirmer le jugement qui a constaté que sa créance était de 526.171,39€ ;
' confirmer le jugement qui a condamné la Gmf à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
' condamner les consorts [E]-[N] à lui payer la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cpam des Bouches du Rhône, assignée par les consorts [E]-[N], par acte d'huissier du 26 avril 2019, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 30 avril 2020 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 585.369,29€, correspondant à :
- des dépenses de santé actuelles pour 265.491,71€
- des dépenses de santé futures pour 319.877,58€.
Le CGOS, assigné par les consorts [E]-[N], par acte d'huissier du 25 avril 2019, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 3 avril 2019 il a fait connaître le montant des prestations qu'elle a versées à hauteur de 7.369,55€, en soulignant qu'il n'entre pas dans la définition de l'article 29 de la loi de 1985 et qu'il ne dispose donc d'aucune action subrogatoire.
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
L'appel porte sur l'évaluation des poste de perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs échus et à échoir, assistance par tierce personne temporaire échue et à échoir, assistance par tierce personne permanente échue depuis le retour à domicile jusqu'au 28 février 2019, assistance par tierce personne ppour le futur, frais d'adaptation du véhicule, frais d'aménagement du véhicule, aides techniques pour le fauteuil roulant, le fauteuil releveur, et le petit matériel de soins, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 28 novembre 2017, taux d'intérêt 0,50%, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, et dont Mme [W] demande l'application.
Sur le préjudice corporel
L'expert, le docteur [B] a conclu sur les postes qui intéressent l'appel à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 21 juin 2008 à la consolidation du 1er avril 2011,
- une consolidation au 1er avril 2011
- des souffrances endurées de 6/7
- un déficit fonctionnel permanent de 85%
- un préjudice esthétique permanent de 5 /7
- un préjudice d'agrément : la victime ne peut plus avoir aucune activité de loisir sportive
- un préjudice sexuel réel
- un besoin d'assistance de tierce personne de 24h/24.
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 11] 1962, de son activité de secrétaire, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Perte de gains professionnels actuels49.500€
Les parties s'accordent pour voir confirmer le montant de ce poste fixé à 49.500€, dont 7.369,55€ pris en charge par le CGOS soit la somme de 42.130,45€ revenant à la victime.
- Assistance de tierce personne302.496€
La nécessité de la présence auprès de Mme [W] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.
L'expert précise, en effet, qu'elle a besoin d'une aide humaine 24h/24.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.
La question qui se pose est celle de savoir s'il convient de distinguer ou non les heures d'assistance dites passives de celles dites actives. Comme exposé, l'indemnisation de ce poste ne distingue pas l'aide humaine dispensée par l'entourage familial de l'aide humaine par un prestataire de service. Or et en l'occurrence, Mme [W] est une femme qui présente un handicap majeur évalué à 85% nécessitant une aide humaine 24h/24. Dans l'hypothèse d'un recours à un prestataire de service et quelle que soit la nature de la prise en charge, de jour comme de nuit, de manière passive ou active, les facturations sont identiques, voire plus importante pour l'aide nocturne et pendant les fins de semaine. Ces données conduisent la cour à réformer le jugement de ce chef et eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région à évaluer de façon identique les heures d'assistance moyennant le tarif horaire linéaire de 23€ qui est sollicitée par Mme [W].
Mme [W] est rentrée à domicile le 30 septembre 2009.
L 'indemnité de tierce personne s'établit du 30 septembre 2009, date à laquelle, Mme [W] est rentrée à domicile, jusqu'à la veille de la consolidation du 1er avril 2011, et donc sur 548 jours la somme de 302.496€ (24h x 548j x 23€).
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Assistance de tierce personne7.272.580,68€
L'indemnisation de ce poste de préjudice permanent interviendra sur les mêmes base que celles retenues au titre de l'aide humaine à titre temporaire.
Elle correspond à une journée de 552€ (23€ x 24h) et à une annuité calculée sur 365 jours, conformément à la demande de la victime, à la somme de 201.480€ (552€ x 365j), soit une mensualité de 16.790€.
L 'indemnité de tierce personne s'établit :
- pour la période échue du 1er avril 2011 au prononcé du présent arrêt le 21 janvier 2021 soit sur 9 ans (201.480€ x 9 = 1.813.320€) 9 mois (16.790€ x 9m = 151.110€) et 20 jours (552€ x 20j = 11.040€) à la somme de 1.975.470€,
- pour la période à échoir, sur la base d'un euro de rente viagère de 26,291 pour une femme âgée de 58 ans révolus à la liquidation la somme de 5.297.110,68€ (201.480€ x 26,291),
et au total la somme de 7.272.580,68€.
Afin de permettre à la victime de disposer sa vie durant des fonds qui lui seront nécessaires à une dépense qui s'échelonne dans le temps, l'indemnité allouée au titre de ce poste sera payée à compter du 1er février 2021 sous la forme d'une rente mensuelle et viagère d'un montant de 16.790€, indexée conformément aux dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation prise en charge par un organisme de sécurité sociale d'une durée supérieure à 45 jours.
- Perte de gains professionnels futurs629.472€
Les parties s'accordent pour voir fixer la perte mensuelle professionnelle de Mme [W] depuis la consolidation à 1500€.
Mme [W] demande à la cour de calculer sa perte sur la période échue puis sur la période à échoir, ce qu'il convient de faire, en tenant compte d'une perte annuelle de 18.000€ (1500€ x 12).
Sa perte s'établit donc :
- pour la période échue du 1er avril 2011, date de la consolidation au prononcé du présent arrêt le 21 janvier 2021 soit sur 9 ans (18.000€ x 9 = 162.000€) 9 mois (1500€ x 9m = 13.500€) et 20 jours (1500€/30j x 20j = 1.000€) la somme de 176.500€,
- pour la période à échoir, sur la base d'un euro de rente viagère de 26,291, tenant compte des incidences sur les droits à la retraite, pour une femme âgée de 58 ans révolus à la liquidation la somme de 473.238€ (18.000€ x 26,291),
et au total la somme de 649.738€ (176.500€ + 473.238€).
Sans critique de l'imputation de la pension anticipée versée par la Cdc, les parties s'accordent pour voir ce montant déduit de l'assiette, soit 479.726,78€ (649.738€ - 170.011,22€) revenant à la victime, somme ramenée à 459.460,78€ pour rester dans la limite de la demande, soit une assiette ramenée à 629.472€ (459.460,78€ + 170.011,22€).
- Les frais d'adaptation du véhicule131'603,14€
Ce besoin d'aménagement n'est pas discuté.
Les parties s'accordent sur le coût de l'adaptation d'un véhicule Peugeot 807 pour un montant de 19'315,97€, outre 6574,92€ pour l'installation d'un siège pivotant, soit une dépense totale de 25'890,89€.
Il convient de confirmer la période de renouvellement de ce type de matériel d'aménagement de sept ans, et de rejeter la demande formulée par Mme [W] tendant à voir procéder à une indemnisation selon un renouvellement quinquennal.
Mme [W] verse au débat un devis établi en 2010 correspondant à cette dépense ainsi qu'un bon pour accord en date du 12 juin 2010 pour l'acquisition de ces adaptations.
En conséquence l'indemnisation s'établit de la façon suivante :
- au titre de la première acquisition en juin 2010 la somme de 25'890,89€,
- le premier renouvellement en juin 2017 soit la somme de 25'890,89€
- le prochain renouvellement en juin 2024 soit la somme de 3698,70€ (25'890,89€/7ans), capitalisée sur la base d'un euro de rente viagère de 19,947 pour une femme qui aura alors 61 ans et donc la somme de 73.777,96€ (3698,70€ x 19,947).
Au total ce poste s'établit à la somme de 125.559,74€ (25.890,89€ + 25'890,89€ + 73.777,96€) augmentée à 131'603,14€ correspondant à l'offre formulée par la GMF qui sollicite la confirmation du jugement ayant fixé à ce montant ce poste d'indemnisation.
- les petits matériels28'010,68€
Mme [W] demande à la cour d'indemniser les dépenses de produits et matériels pour les soins quotidiens depuis sa sortie de l'hôpital en septembre 2009, et de les capitaliser en 2015, c'est-à-dire au moment où la procédure a été introduite lorsqu'elle avait 53 ans.
S'il convient effectivement d'indemniser dépenses depuis qu'elles ont été exposées c'est-à-dire depuis le retour à domicile de Mme [W] en septembre 2009, en revanche les modalités d'indemnisation doivent tenir compte de la période écoulée et de la période à échoir.
Le montant des dépenses annuelles n'est pas discuté par le tiers responsable. Ces dépenses correspondent à des besoins en :
- gants en latex à raison de 167,76€ à an et 13,98€ par mois,
- crème pour les mains, les pieds ainsi que des émulsions pour un coût annuel de 200€,
- des culottes en quantité soit une dépense annuelle de 262,56€ et mensuelle de 21,88€,
- les soins de podologie pour 210€ par an soit 17,50€ par mois.
La dépense globale annuelle est de 840,32€, et mensuelle de 70,03€.
L'indemnisation s'établit de la façon suivante :
- pour la période échue du 30 septembre 2009 au prononcé du présent arrêt le 21 janvier 2021 soit pendant 11 ans (840,32€ x 11 = 9243,52€) et quatre mois (70,03€ x 4 = 280,12€) la somme de 9523,64€,
- pour la période à échoir sur la base d'un euro de rente viagère de 22,000 pour une femme âgée de 58 ans révolus à la liquidation soit la somme de 18'487,04€ (840,32€ x 22,000).
Et au total la somme de 28'010,68€ (9523,64€ + 18'487,04€).
- Le fauteuil roulant électrique 10'397,28€
Il n'est pas discuté que Mme [W] a besoin de ce fauteuil électrique dans la fréquence de renouvellement et de cinq ans. Elle démontre en avoir fait l'acquisition le 29 avril 2013 moyennant la somme de 2301€ sur laquelle celle de 1697,35€ est restée à sa charge.
Les modalités de calcul de cette indemnisation sont identiques à celles utilisées pour l'indemnisation des petits matériels.
Son indemnisation à ce titre s'établit de la façon suivante :
- coût de la première acquisition en avril 2013 : 1697,35€
- coût de la seconde acquisition en avril 2018 : 1697,35€
- le prochain renouvellement qui interviendra en avril 2023 soit, la somme de 339,47€ (1697,35€/5 ans) capitalisée sur la base d'un euro de rente viagère de 20,628 pour une femme qui sera âgée alors de 60 ans la somme de 7002,58€ (339,47€ x 20,628).
Et au total la somme de 10'397,28€ (1697,35€ + 1697,35€ + 7002,58€).
- Le besoin annuel d'entretien du fauteuil électriqueRejet
Si le coût de l'entretien d'un fauteuil électrique est admissible dans son principe, le document que Mme [W] verse au débat en pièce 24 de son dossier qui consiste en un forfait de réparation, porte sur deux forfaits, non pas pour un fauteuil électrique mais pour un fauteuil manuel, pris en charge par la sécurité sociale, à savoir un forfait roues à 74,82€ par an, outre un forfait châssis à 102,39€ par an soient la somme totale de 177,21€.
Elle ne démontre pas en conséquence que ce forfait d'entretien resterait à sa charge et justifierait une indemnisation pour la période échue et pour la période à échoir si bien que la décision du premier juge qui a rejeté cette demande est confirmée.
- Le fauteuil releveur5.769,72€
Ce besoin qui est indéniable pour faciliter les transferts de Mme [W] et dont le coût d'acquisition et de 900€, renouvelables tous les cinq ans n'est pas discuté.
Là encore, les modalités de calcul de l'indemnisation seront identiques à celles utilisées pour les petits matériels et le fauteuil électrique.
Mme [W] présente un devis du 30 septembre 2014 de 900€ pour l'achat de ce fauteuil releveur.
Ces données permettent d'établir l'indemnisation de la façon suivante :
- première acquisition en septembre 2014 pour 900€
- seconde acquisition en septembre 2019 pour 900€
- un premier renouvellement pour la période future, qui interviendra en septembre 2024, soit la somme de 180€ (900€/5ans) sur la base d'un euro de rente viagère de 19,268 pour une femme qui sera alors âgée de 62 ans révolus et donc 3468,24€ (180€ x 19,268).
Et au total la somme de 5268,24€ (900€ + 900€ + 3468,24€) augmentée à 5.769,72€ correspondant à l'offre formulée par la GMF qui sollicite la confirmation du jugement ayant fixé à ce montant ce poste d'indemnisation.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire29'700€
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base mensuelle de 900€, telle que sollicitée par la victime, eu égard à l'intensité de la perturbation, de la nature des troubles et de la gêne subie soit déficit fonctionnel temporaire total de 33 mois : 29'700€ (900€ x 33).
- Souffrances endurées50'000€
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison des lésions traumatiques initiales et des nombreuses contraintes thérapeutiques ; évalué à 6/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 50'000€ justement évaluée par le premier juge.
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent394.400€
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
L'expert a évalué ce poste à 85 % justifiant une indemnité de 394.400€ pour une femme âgée de 48 ans à la consolidation, et telle que fixée équitablement par le premier juge.
- Préjudice esthétique40'000€
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique
Évalué à 5 /7 il a été indemnisé à hauteur de 40'000€ par le premier juge, montant dont les parties sollicite la confirmation.
- Préjudice d'agrément20.000€
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
Le principe d'un droit à indemnisation de ce chef n'est pas discuté, en revanche les parties s'opposent sur son évaluation, la Gmf demandant la confirmation de l'évaluation de 20.000€ faite par le premier juge et Mme [W] sollicitant celle de 50.000€.
Il convient de rappeler que le premier juge a souligné que bien que Mme [W] ne verse au débat aucun élément justificatif d'une activité spécifique sportive de loisir qu'elle aurait exercée avant l'accident, il apparaît de façon incontestable que compte tenu de son lourd handicap elle ne peut plus à donner à aucune activité sportive quelconque. Le tribunal a par ailleurs relaté que l'ergothérapeute, dans son bilan des besoins en aides techniques et humaines, Mme [W] avait comme activité sportive et de loisirs, des sorties en moto, la randonnée, le ski alpin, la plage et la piscine l'été ainsi que des voyages de longue distance et qu'elle n'est plus en mesure en raison de son hémiplégie de s'adonner à l'une quelconque de ses activités d'agrément antérieurement pratiqué,
C'est donc en parfaite considération de ces données que le premier juge a évalué ce poste de préjudice à 20'000€ pour une femme âgée de 48 ans à la consolidation, montant qu'il convient de confirmer.
- Préjudice sexuel40.000€
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
Le principe d'un droit à indemnisation de ce chef n'est pas discuté, en revanche les parties s'opposent sur son évaluation, la Gmf sollicitant la confirmation de la somme de 30'000€ allouée par le premier juge alors que Mme [W] sollicite celle de 50'000€.
Compte tenu de l'âge de Mme [W] à la consolidation et du caractère irréversible de ce préjudice sexuel hédonique c'est une somme de 40'000€ qu'il convie de lui allouer.
Le préjudice corporel subi par Mme [W], sur les postes objet de l'appel, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs échus et à échoir, assistance par tierce personne temporaire, échue, frais d'adaptation du véhicule, aides techniques pour le fauteuil roulant, le fauteuil releveur, et le petit matériel de soins, déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent, préjudice d'agrément et préjudice sexuel, s'établit ainsi à la somme de 9.003.529,50€, soit après imputation des débours du CGOS (42.130,45€) et de la Cdc (170.011,22€), une somme de 8.826.148,73€ lui revenant, soit :
- la somme de 3.529.038,05€ en capital qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 28 février 2019 à hauteur de 2.191.764,32€ et du prononcé du présent arrêt soit le 21 janvier 2021 à hauteur de 1.337.273,73€,
- une rente mensuelle viagère de 16.790€ indexée.
Les préjudices des victimes par ricochet
L'indemnisation du père, de la mère, des deux filles, et des quatre frères et s'urs de Mme [W] n'est pas discutée dans son principe, mais elle l'est dans son montant.
Il convient d'allouer aux victimes indirectes les sommes suivantes :
- M. [D] [E], père de la victime 15.000€
- Mme [M] [A] épouse [E], mère de la victime 15.000€
- Melle [T] [N], fille de la victime 20.000€
- Melle [V] [N], fille de la victime 20.000€
- M. [G] [E], frère de la victime 5000€
- M. [I] [E], frère de la victime 5000€
- Mme [K] [E] épouse [C], s'ur de la victime 5000€
- Mme [U] [E] épouse [S], s'ur de la victime 5000€.
Sur l'article 10
Les consorts [E]-[N] ne peuvent exiger, en cas de recours à l'exécution forcée pour obtenir paiement des sommes allouées, que les frais de recouvrement et d'encaissement visés à l'article A 444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice en matière civile et commerciale soient supportés par les débiteurs, ce texte les mettant à la charge du créancier.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.
La Gmf qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel.
L'équité justifie d'allouer à Mme [W] une indemnité de 2500€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Ce même principe d'équité conduit à allouer à M. [D] [E], Mme [M] [A] épouse [E], Melle [T] [N], Melle [V] [N], M. [G] [E], M. [I] [E], Mme [K] [E] épouse [C], et Mme [U] [E] épouse [S] et à chacun une somme de 300€ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Par ces motifs
La Cour,
Dans les limites de sa saisine
- Confirme le jugement,
hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant, et sur l'évaluation du préjudice d'affection de M. et Mme [E], père et mère de la victime directe,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- Fixe le préjudice corporel de Mme [W] sur les postes objet de l'appel, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs échus et à échoir, assistance par tierce personne temporaire, échue, frais d'adaptation du véhicule, aides techniques pour le fauteuil roulant, le fauteuil releveur, et le petit matériel de soins, déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent, préjudice d'agrément et préjudice sexuel à la somme de 9.003.529,50€ ;
- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit, sur les postes objet de l'appel, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs échus et à échoir, assistance par tierce personne temporaire, échue, frais d'adaptation du véhicule, aides techniques pour le fauteuil roulant, le fauteuil releveur, et le petit matériel de soins, déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent, préjudice d'agrément et préjudice sexuel à 8.826.148,73€ ;
- Condamne la Garantie mutuelle des fonctionnaires à payer à Mme [W] les sommes de :
* 3.529.038,05€ en capital qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 28 février 2019 à hauteur de 2.191.764,32€ et du prononcé du présent arrêt soit le 21 janvier 2021 à hauteur de 1.337.273,73€,
* une rente mensuelle viagère qui sera payée à compter du 1er février 2021 sous la forme d'une rente mensuelle et viagère d'un montant de 16.790€ indexée conformément aux dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation prise en charge par un organisme de sécurité sociale d'une durée supérieure à 45 jours ;
* 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
- Condamne la Garantie mutuelle des fonctionnaires à payer en réparation de leur préjudice moral et d'affection à :
* M. [D] [E], père de la victime : 15.000€
* Mme [M] [A] épouse [E], mère de la victime : 15.000€ ;
- Condamne la Garantie mutuelle des fonctionnaires à payer à M. [D] [E], Mme [M] [A] épouse [E], Melle [T] [N], Melle [V] [N], M. [G] [E], M. [I] [E], Mme [K] [E] épouse [C], et Mme [U] [E] épouse [S] et à chacun une somme de 300€ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
- Déboute les consorts [E]-[N] de leur demande au titre des droits d'encaissement et de recouvrement prévus à l'article A 444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 ;
- Condamne la Garantie mutuelle des fonctionnaires aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président