COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 17 JUIN 2022
N°2022/ 131
RG 18/11917
N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZFT
SAS SERVICE INNOVATION GROUP
SCP LAUREAU-JEANNEROT
C/
[E] [U]
Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST
[B] [V] [D]
Copie exécutoire délivrée
le 17 juin 2022 à :
-Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 04 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00080.
APPELANTES
SAS SERVICE INNOVATION GROUP, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP LAUREAU-JEANNEROT Es qualité de « Commissaire à l'éxécution du plan » de la « société SERVICE INNOVATION GROUP », demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
Madame [E] [U], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
Maître [B] [V] [D] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « société SERVICE INNOVATION GROUP », demeurant [Adresse 3]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargées du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Estelle De REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022..
ARRÊT
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.
Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
La société Service Innovation Group (SIG), anciennement dénommée société BW Marketing, a pour activité la prestation de services en grande distribution ; elle réalise des actions de promotion de produits pour ses clients à travers des campagnes d'animation.
Le 29 novembre 1995, Mme [E] [U] a été embauchée par la société Service Innovation Group en qualité d'employée de promotion.
La relation de travail était régie par le convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
Par jugement du 2 juin 2008, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société SIG, puis a validé un plan de continuation sur 10 ans par jugement du 20 mai 2009 dont la société est sortie le 22 novembre 2018.
Le 23 juillet 2012, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de requalification de son contrat de travail intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet, d'allocation de rappels de salaire subséquents et de résiliation judiciaire du contrat ainsi requalifié avec toutes les conséquences indemnitaires afférentes.
Par courrier du 18 février 2014, Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 4 juillet 2018, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :
'Rejeté l'exception de non recevoir,
Débouté [E] [U] de sa demande de rejet de pièces
Sur le fond :
Requalifié le contrat de travail à durée indéterminée intermittent en date du 29 novembre 1995 liant [E] [U] à la société Service Innovation Group en contrat à temps complet
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail en date du 29 novembre 1995 liant [E] [U] et la société Service Innovation Group, à la date du 18 février 2014
Dit que la résiliation est aux torts exclusifs de l'employeur et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Fixé le salaire moyen mensuel brut à la somme de 1445,41€
Condamné de ce chef la société Service Innovation Group à payer à [E] [U] les sommes suivantes:
107 906,86 euros à titre de rappel de salaire pour la période juillet 2007 - 18 février 2014
10 790,68 euros d'incidence congés payés sur rappel précité
7 227,04 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,
2 890,82,38 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis
289,08 euros bruts d'incidence congés payés
8 672,46 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamné la société SIG :
à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure
à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux
Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte
Précisé que :
les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice
les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision
Condamné la société SIG à payer à [E] [U] la somme de 1500,00€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que le CGEA devra garantir les créances allouées dues pour la période antérieure au 2 juin 2008, hormis celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et ce dans les limites de ses plafonds de garantie et sous déduction des sommes qu'il aurait été appelé à avancer
Rappelé que la garantie de ces créances est suspendue en l'état du plan de continuation
Dit que le jugement est opposable à la SCP Laurent et Jeannerot en sa qualité de Commissaire au Plan, à Me [B] [V] [D] es qualité de mandataire judiciaire et du CGEA Ile de France Ouest
Rejeté toute autre demande
Condamné la société SIG aux dépens'.
Le 16 juillet 2018, la société Service Innovation Group a relevé appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2019, elle demande à la cour de :
'A titre principal :
- REFORMER le jugement rendu le 4 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille
- DIRE et JUGER qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats de travail de Madame [U].
- DIRE et JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser comme une démission pure et simple
- DEBOUTER Madame [U] de l'ensemble de ses demandes.
- CONDAMNER Madame [U] à verser à la société S.I.G. la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire :
- CONSTATER le principe d'une requalification du CDI intermittent originel conclu en 1995 en contrat intermittent à durée indéterminée tel que prévu par l'accord de branche du 13/02/18,
Et en conséquence,
- PRONONCER une requalification sur la base de 500 heures annuelles,
- LIMITER le montant des rappels de salaire à percevoir à la somme de 29.727 euros bruts, outre
2.972,70 à titre de congés payés y afférents.
- DEBOUTER Madame [U] de toutes ses autres demandes.'
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2019, Mme [U] demande à la cour de :
«- DEBOUTER la société SERVICE INNOVATION GROUP de l'intégralité de ses prétentions,
- DIRE Madame [U] bien fondé en son appel incident,
- CONFIRMER le jugement entrepris du chef de la requalification du contrat intermittent à durée indéterminée du 29 novembre 1995 en un contrat de travail à temps complet, de l'imputabilité de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, et de l'analyse de cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- LE CONFIRMER du chef de la condamnation de la société SERVICE INNOVATION GROUP au paiement des sommes suivantes :
107.906,86 € (cent sept mille neuf cent six euros et quatre-vingt-six centimes) à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet de juillet 2007 à février 2014
10.790,68 € (dix mille sept cent quatre-vingt-dix euros et soixante-huit centimes) à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,
7.227,04 € (sept mille deux cent vingt-sept euros et quatre centimes) à titre de rappel d'indemnité de licenciement
2.890,82 € (deux mille huit cent quatre-vingt-dix euros et quatre-vingt-deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis
289,08 € (deux cent quatre-vingt-neuf euros et huit centimes) à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis
- LE CONFIRMER du chef de la précision que les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en Justice, et que celles concernant les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance,
- LE CONFIRMER du chef de l'injonction à la société SERVICE INNOVATION GROUP, de remettre à Madame [U] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la décision, et de régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux
- LE CONFIRMER du chef de la garantie due par l'AGS pour la période antérieure au redressement judiciaire prononcé le 2 juin 2008, dans les limites de ses plafonds de garantie et sous déduction des sommes qu'il aurait été appelé à avancer,
- L'INFIRMER pour le surplus,
STATUANT A NOUVEAU,
- DIRE que les pièces n°70 et 71 communiquées par la société SERVICE INNOVATION GROUP ont été établies dans des conditions illicites contraires à la Loi informatique et Libertés, et les dire dénuées de valeur probante,
- RAPPELER que la requalification du contrat précité en un contrat à temps complet emporte nécessairement rappel de salaire à temps plein,
- SUBSIDIAIREMENT, requalifier le contrat prétendument « à temps partiel » à durée indéterminée du 29 novembre 1995 en un contrat de travail à temps complet,
- INFIRMER le jugement entrepris du chef du quantum des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner à ce titre la société SERVICE INNOVATION GROUP au paiement de la somme de 15.000 €
Y AJOUTANT,
- CONDAMNER la société SERVICE INNOVATION GROUP au paiement de la somme de
3.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le Conseil de prud'hommes de Marseille,
- LA CONDAMNER aux entiers dépens.»
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2019, l'Unedic Délégation AGS CGEA de Marseille demande à la cour de :
' Réformer le jugement attaqué en ce qui concerne la garantie de l'AGS CGEA pour les créances antérieures au 2 juin 2018,
Dire et juger que pour les créances antérieures au 2 juin 2018 la garantie de l'AGS CGEA est acquises à titre subsidiaire en cas de défaillance de l'employeur,
Pour les autres points relatifs à la garantie de l'AGS CGEA, confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Dire et juger qu'en l'absence de liquidation judiciaire de l'employeur, il n'existe aucune garantie de l'AGS pour les salaires dus au titre de l'exécution des contrats de travail après le jugement d'ouverture, en vertu de l'article L.3253-8 du code du travail,
Dire et juger que sur le même fondement l'AGS CGEA devra être mis hors de cause pour les créances relatives à la rupture du contrat de travail, que ce soit dans le cadre de la prise d'acte du contrat de travail ou dans le cadre de la demande de résiliation judiciaire,
Sur le fond donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte à l'argumentation de la société service Innovation Group,
Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées et injustifiées,
Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS pour la demande relative à la condamnation aux frais d'huissier,
Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA pour la demande relative à la condamnation sous astreinte,
Déclarer inopposable à l'AGS-CGEA la demande formulée par Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.643-7 du code de commerce
En tout état constater et fixer en deniers ou quittance les créances de Mme [U] selon les dispositions des articles L.3253-6 à L.3253-21 et D.3253-1 à D.3253-6 du code du travail,
Dire et juger que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limités au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail'.
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .
La cour relève que la société ne soulève plus en cause d'appel l'irrecevabilité de la demande pour forclusion, de sorte que le jugement doit être confirmé conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
I. Sur la recevabilité des pièces 70 et 71
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le juge départiteur a, par des motifs pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties pour rejeter la demande de voir écartées des débats les pièces 70 et 71 de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
II. Sur la requalification du contrat de travail
La société appelante soutient que le contrat de travail qui a été conclu avant la loi du 19 janvier 2000 était régi par les dispositions de la loi du 3 janvier 1991 relatives au contrat de travail à temps partiel alors en vigueur, soit l'article L.212-4-2 du code du travail (ancien), qui concernait notamment les salariés occupés selon une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Elle en déduit que le travail intermittent était légal à cette date, au vu de cette définition, mais régi par les dispositions sur le travail à temps partiel.
L'employeur conteste ainsi l'application des dispositions des articles L.3132-32 à L.3123-37 du code du travail, issues de la loi du 19 janvier 2000, comme étant entrées en vigueur postérieurement à la conclusion du contrat litigieux, et par conséquent réfute la requalification automatique du contrat de travail en temps complet dans l'hypothèse de l'absence d'accord collectif autorisant les contrats intermittents.
Il rappelle qu'avant la loi susvisée, en cas d'absence d'indication dans le contrat de la durée exacte de travail convenue et de sa répartition sur la semaine ou le mois, il n'existait qu'une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur pouvait combattre en démontrant que le salarié ne se tenait pas à sa disposition permanente.
Soutenant d'une part que Mme [U] avait connaissance de la durée exacte de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue dès la proposition de mission qui lui était faite puis en se connectant à l'espace collaborateur de la société, et d'autre part, qu'elle pouvait accepter ou refuser la mission et travailler pour d'autres employeurs, il considère faire la preuve qu'elle ne se tenait pas à sa disposition permanente et qu'il n'y a pas lieu à requalification à temps complet.
A titre subsidiaire, la société indique qu'en cas de requalification automatique du contrat de travail, il conviendrait seulement de régulariser le contrat par rapport au régime conventionnel prévoyant un minimum de 500 heures annuelles, conformément à l'accord de branche annexé à la convention collective.
Mme [U] soutient que le contrat de travail du 29 novembre 1995 est un contrat intermittent conclu à une date à laquelle la loi ne permettait pas le recours à ce type de contrat.
Elle indique que si l'alternance de périodes travaillées et non travaillées constitue à présent l'un des critères du travail intermittent, ce n'était pas le cas avant la loi du 19 janvier 2000 et conteste que son contrat puisse être soumis aux dispositions de l'article L.212-4-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1991 relatives au contrat à temps partiel dès lors que le contrat de travail intermittent avait été supprimé par cette loi et que l'employeur ne pouvait avoir recours à ce type de contrat.
Elle indique que le contrat de travail ne comportait pas les mentions impératives visées par la loi.
Elle fait valoir l'absence d'accord d'entreprise applicable lors de la conclusion du contrat prévoyant la possibilité et les modalités du recours au travail intermittent et l'absence de régularisation du contrat de travail au vu des nouvelles législations.
La salariée soutient en conséquence qu'il doit être fait application de la présomption irréfragable de travail à temps complet.
Elle conteste la demande subsidiaire d'application des dispositions de l'accord de branche du 13 février 2006 et d'un rappel de salaire à hauteur de 500 heures, soulignant que seules les dispositions légales sur le temps de travail de droit commun peuvent être substituées à un contrat illicite.
Le contrat de travail produit aux débats en date du 29 novembre 1995 dit d'opérations promotionnelles stipule, article 1er, que la fonction de Mme [U] 'consistera, pour des durées variables, à assurer l'animation et la promotion de produits dans diverses manifestations commerciales ou points de vente. Vous serez amenée à intervenir, suivant vos compétences, par intermittence, en fonction de la nature, de l'importance et de la localisation des travaux confiés à B et W. Pour chaque opération, le responsable de votre région vous préviendra quelques jours à l'avance. Vous serez en mesure d'accepter ou de refuser les opérations qui vous seront proposées selon vos disponibilités ou engagements.'
Sont également versés aux débats des bulletins de salaire de 2011 et de 2012 dont il ressort 7,5 heures de travail en 2011 et 14,5 heures de travail en 2012.
Le travail intermittent se distingue du travail à temps partiel en ce qu'il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant en alternance des périodes travaillées et des périodes non travaillées.
En l'espèce, au vu de la clause reproduite ci-dessus qui fait expressément référence à l'intermittence des interventions et à des durées variables de travail, les parties s'accordent sur la qualification d'intermittente concernant la relation de travail.
Le contrat de travail intermittent introduit par l'ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 a été supprimé par la loi n°93-1313 du 20 décembre 1993 et remplacé par le contrat à temps partiel annualisé. Il a ensuite été réintroduit par la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 et il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées.
Lorsque le contrat litigieux a été conclu le 29 novembre 1995, la notion de contrat de travail intermittent n'existait plus au profit du contrat à temps partiel annualisé. Ce contrat de travail comportait des périodes travaillées et des périodes non travaillées d'une durée annuelle inférieure à la durée légale du travail tel que cela était prévu par l'alinéa 3 de l'article L.212-4-2 du code du travail modifié par la loi n°93-1313 du 21 décembre 1993. Il devait définir les différentes périodes travaillées en précisant pour chacune d'elle sa durée, la date de début et de fin de la période ainsi que le nombre et la réparation des heures de travail.
Or, le contrat de travail du 29 novembre 1995 ne comporte aucune mention relative aux différentes périodes travaillées, ni à leur durée, leur date de début et de fin ainsi qu'à leur nombre, ni même la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées ou les périodes à l'intérieur desquelles l'employeur pouvait faire appel à la salariée.
Il ne vise par ailleurs aucune durée minimale annuelle garantie et c'est ce qui ressort des bulletins de salaire de 2011 et de 2012 qui ne font état que de deux missions de quelques heures.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, un contrat de travail intermittent pouvait être conclu sur la base d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement et en l'absence d'accord, après du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, la loi prévoyait la possibilité de pratiquer des horaires de travail à temps partiel sur l'initiative de l'employeur ou à la demande des salariés après information de l'inspecteur du travail.
La loi prévoyait également que le contrat de travail devait stipuler la durée hebdomadaire ou mensuelle, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle pouvait intervenir ainsi que la nature de la modification, cette dernière devant être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle devait intervenir et, enfin, les modalités de communication des horaires de travail pour chaque journée de travail.
Un accord de branche est intervenu à compter du 13 février 2006, ce dont il résulte qu'antérieurement à cette date, le contrat ne reposait sur aucun accord collectif d'entreprise.
Par ailleurs, aucun avenant n'a été conclu entre les parties que ce soit antérieurement ou postérieurement à l'accord, de sorte que le contrat de travail n'a pas été mis en conformité avec la loi.
En conséquence, le contrat de travail de Mme [U] n'étant pas conforme aux dispositions légales qui se sont succédé, il est en ce sens illicite.
L'emploi est donc présumé à temps complet, sauf pour l'employeur à apporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et de ce que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de l'employeur.
La preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue n'est pas rapportée par la société qui reconnaît elle-même en page 23 de ses conclusions que les contrats de prestation de service qu'elle concluait avec les sociétés dont elle devait assurer la promotion ne prévoyaient que les modalités selon lesquelles les missions seraient sollicitées et permettaient au client de modifier ses commandes de prestation 'comme bon lui semble dans un délai qui n'est pas fixé et qui dépend du bon vouloir de ce client' (au mieux 3 semaines avant le début de la prestation selon le contrat avec la société Cadbury, pris comme exemple par l'appelant pièce 99).
L'affirmation, qui ne ressort que de l'attestation de M. [T] (salarié SIG, responsable Interface Informatique), selon laquelle, lors des propositions de mission faites par téléphone, Mme [U] était informée des horaires d'intervention, ne saurait suffire à satisfaire à l'exigence de fixation de la durée exacte de travail susvisée dans le contrat.
Egalement, l'affirmation émanant du même auteur selon laquelle la salariée pouvait connaître la durée de ses missions 12 jours avant leur commencement en consultant le serveur informatique qui répertorie l'ensemble des données sur le détail des missions, vient en contradiction avec les déclarations susvisées de l'employeur et en tout état de cause, ne répond pas non plus à l'exigence légale susvisée.
La société invoque le refus de Mme [U] d'exécuter des missions et l'existence de plusieurs employeur (attestation société Districom pièce 32), pour démontrer le fait que la salariée n'a pas été contrainte de se tenir à sa disposition permanente.
La cour relève cependant, d'une part que ces éléments sont impropres à caractériser que l'employeur ferait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue; d'autre part, qu'il est établi que la salariée n'intervenait qu'au gré des demandes de la clientèle, en sorte qu'elle se trouvait dans la nécessité de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur susceptible de la solliciter à tout moment, sans délai de prévenance, pour une intervention dans une action de promotion, peu important que le contrat lui offre la possibilité de refuser des missions et qu'elle puisse avoir plusieurs employeurs.
C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a requalifié le contrat de travail du 29 novembre 1995 en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
La cour rappelle que dans le cas d'une requalification à temps complet, la durée contractuelle du temps de travail est alors portée au niveau de la durée légale, ou si elle est inférieure, à hauteur de celle fixée conventionnellement.
C'est par une interprétation erronée que l'employeur demande subsidiairement que la durée de travail soit portée à 500 heures annuelles en application de l'accord de branche du 13 février 2006.
L'accord de branche portant dispositions spécifiques à l'animation commerciale dispose en son article 13 que le contrat de travail intermittent ne peut pas prévoir une durée inférieure à 500 heures annuelles. Pour autant, d'une part, il ne s'agit pas d'une durée conventionnelle de temps complet; d'autre part, cet accord de branche ne trouve à s'appliquer qu'autant que le contrat de travail est licite et poursuit son exécution. Or, la cour a jugé qu'aucun avenant n'avait été conclu par les parties pour mettre le contrat en conformité avec la loi conformément à cet accord, de sorte que celui-ci étant illicite c'est le droit commun du contrat de travail qui lui est substitué, soit un temps complet conforme à la durée légale.
La cour rappelle encore que cette requalification en temps complet ouvre droit pour la salariée à un rappel de salaire y compris pendant les périodes où elle n'a fourni aucune prestation de travail, le dit rappel n'étant que la conséquence de l'illégalité constatée et de l'application du droit commun consécutivement à l'impossibilité de recourir au travail intermittent.
L'employeur ne conteste pas le décompte fait par Mme [U] tel que figurant en sa pièce 3 et dont l'examen démontre qu'il correspond à ses droits au vu d'un salaire brut mensuel moyen à temps complet de 1 445,41 euros.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement qui a condamné la société au paiement de la somme de 107 906,86 euros à titre de rappel de salaire, pour la période de juillet 2007 à février 2014, outre 10 790,68 euros au titre des congés payés afférents.
III. Sur la rupture du contrat de travail
- Sur la prise d'acte
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur.
La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsque le juge est saisi d'une demande de résiliation judiciaire suivie d'une prise d'acte de la rupture, il examine le bien fondé de la prise d'acte, la demande de résiliation judiciaire devenant sans objet puisque le contrat de travail a pris fin. Il analyse l'ensemble des griefs invoqués à l'appui de la demande en résiliation et de la prise d'acte.
En l'espèce, par courrier du 18 février 2014, Mme [U] a pris acte de la rupture dans les termes suivants:
« Je suis embauchée dans votre structure depuis le 29 novembre 1995 en qualité d'employée de promotion des ventes.
Depuis le mois de mars 2012, vous abstenez fautivement de me fournir du travail, ce qui m'a
donc contrainte à saisir le Conseil de Prud'hommes le 20 juillet 2012.
Vous m'avez dernièrement adressé des ordres de missions ponctuelles, dans l'unique perspective d'alimenter artificiellement votre dossier dans le cadre de la procédure prud'homale en cours.
Je n'ai obtenu aucune information précise pour la mise en place de ces animations, malgré mes demandes.
Je suis d'autant plus surprise par votre démarche, puisque jusqu'alors vous ne m'aviez jamais
adressé de proposition d'animation par courrier recommandé.
Votre attitude démontre qu'en réalité vous ne cherchez nullement à me fournir du travail mais
bien à aménager stratégiquement votre dossier dans le cadre du dossier nous opposant.
Votre absence de fourniture de travail pendant des années, votre violation délibérée des dispositions légales en matière de travail intermittent et votre mauvaise foi affichée dans nos rapports contractuels me contraignent de prendre l'initiative de la rupture.
Je précise que cette prise d'acte de la rupture ne constitue nullement une volonté de ma part de démissionner. »
La société ne conteste pas avoir proposé à Mme [U] des missions pour un total de seulement 7,5 heures en 2011 et 14,5 heures en 2012, puis rien entre le mois d'août 2012 et les récentes propositions de travail en 2014.
Expliquant que c'est en raison du caractère aléatoire de son activité qui dépend des commandes des clients, elle considère avoir exécuté loyalement le contrat de travail à l'égard de la salariée qui ne s'est jamais plainte de ce rythme avant sa demande de résiliation judiciaire et sa prise d'acte et qui ne peut donc faire valoir des faits anciens, y compris s'agissant des reproches sur la licéité du contrat de travail.
La cour retient l'embauche dans le cadre d'un contrat non conforme aux prescriptions légales et conventionnelles, sans régularisation en fonction de la législation applicable et des dispositions d'accord de branche, une absence de fourniture de travail et donc de salaire sans justifier d'un motif et sans avoir licencié la salariée, ces griefs constituant des violations graves de ses obligations par l'employeur empêchant la poursuite des relations contractuelles.
L'employeur ne peut à cet égard se prévaloir ni de l'ancienneté des faits, ni de ce que la salariée ne s'est jamais plainte, alors que l'illicéité de la situation contractuelle et l'absence de fourniture de travail sont des manquements continus, étant en outre précisé que la réclamation du salarié n'est pas un préalable nécessaire à sa prise d'acte.
Il convient par conséquent de dire que la prise d'acte aux torts de l'employeur le 18 février 2014 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, infirmant le conseil de prud'hommes mais seulement sur la nature de la rupture du contrat, qui avait prononcé la résiliation judiciaire dont il était seulement saisi.
2) Sur les conséquences financières du licenciement
- Sur la base du salaire mensuel brut à temps complet d'un montant de 1 445,41 euros, c'est à bon droit que le premier juge a accordé à la salariée la somme de 2 890,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 289,08 euros de congés payés afférents.
- Il convient également de confirmer la décision en ce qu'il a été accordé la somme de 7 227,04 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, compte tenu de l'ancienneté de 19 ans à la date du 18 février 2014 et du montant du salaire.
- En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, en considération de l'ancienneté de la salariée dans une entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire brut mensuel à temps complet, la cour confirme le jugement ayant fixé à la somme de 8 672,46 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande plus ample qui n'est pas justifiée dans son quantum.
IV. Sur les autres demandes
L'employeur devra procéder à la régularisation de la situation de Mme [U] auprès des organismes sociaux sur la base d'un temps plein et remettre à cette dernière les bulletins de paie rectifiés également sur cette base, une attestation Pôle Emploi mentionnant le motif de rupture, un certificat de travail, et un solde de tout compte rectifié.
Ces chefs de jugement sont donc confirmés, étant observé que Mme [U] ne réclame plus d'astreinte, laquelle avait en tout état de cause été rejetée par le juge.
V. Sur la garantie des AGS CGEA
Les créances sollicitées par Mme [U] au titre de l'exécution de son contrat de travail qui sont nées pour partie postérieurement à l'adoption du plan de redressement et les créances sollicitées au titre de la rupture du contrat de travail qui sont nées postérieurement au mois suivant le plan de redressement ne sont pas garanties par les AGS CGEA conformément à l'article L.3253-8 du code du travail.
VI. Sur les autres demandes
Il est équitable de condamner en cause d'appel la société à verser à Mme [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société doit en outre être condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement entrepris SAUF s'agissant du motif de rupture du contrat de travail,
Statuant à nouveau
Dit que la prise d'acte de Mme [E] [U] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 18 février 2014,
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Précise que la garantie des AGS n'est acquise que pour les créances salariales et indemnitaires antérieures au 2 juin 2008, date d'ouverture de la procédure collective,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic Délégation AGS CGEA de Marseille,
Condamne la société Service Intervention Group à payer Mme [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Service Intervention Group aux dépens d'appel.
LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,
Mme De REVEL en ayant délibéré