COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2022
N°2022/
NL/FP-D
Rôle N° RG 19/09429 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENH7
SAS INTEL CORPORATION SAS
C/
[L] [I]
Copie exécutoire délivrée
le :
15 DECEMBRE 2022
à :
Me Jonathan ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Sébastien BADIE, avocat au barreau D'AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00705.
APPELANTE
SAS INTEL CORPORATION venant aux droits de la société INTEL MOBILE COMMUNICATION FRANCE SAS, demeurant [Adresse 2] / France
représentée par Me Jonathan ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE,
et par Me Jean-sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Audrey CAGNIN, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [L] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et par Me Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de GRASSE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022..
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le groupe Intel est spécialisé dans le développement et la production de processeurs d'une part, et dans le développement et la commercialisation de logiciels et services d'autre part.
La société Intel Mobile Communications était une filiale du groupe Intel. Elle avait pour activité au sein de cinq sites, dont un site situé Sophia-Antipolis, le développement de solutions de connectivité et des puces pour mobiles.
La société Intel Corporation, qui était également une filiale du groupe Intel a pour activité le développement de plateformes pour les terminaux mobiles (téléphones; tablettes).
Suivant contrat à durée indéterminée, la société Intel Mobile Communications, venant aux droits de la société Infineon, a engagé M. [I] en qualité d'ingénieur développement, statut cadre position II indice 125, à compter du 1er janvier 2013 au sein du site de Sophia-Antipolis avec une reprise d'ancienneté au 19 octobre 1998 moyennant un salaire mensuel brut de 5 483.32 euros outre un bonus annuel.
La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie a été applicable à la relation de travail.
En dernier lieu, M. [I] a perçu un forfait de 6 285.82 euros.
Au début de l'année 2016, le groupe Intel, invoquant un manque de compétitivité a souhaité se retirer d'une partie de ses activités de la mobilité (téléphones; tablettes) et restructurer son activité recherche et développement pour se redéployer vers une activité de fourniture de solutions de plate-forme connectées.
Le 28 juin 2016, la société Intel Mobile Communications a présenté, dans le cadre d'une réunion d'information et de consultation du comité d'entreprise, un projet de réorganisation entraînant la fermeture du site de Sophia-Antipolis et la suppression de l'emploi de M. [I].
Un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en place pour chacune des deux filiales du groupe Intel.
Au cours de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la société Intel Mobile Communications, cette dernière a informé les institutions représentatives du personnel que deux repreneurs s'étaient manifestés en vue d'un reclassement externe de salariés concernés par la suppression des sites, soit la société Arm intéressée par les compétences d'une équipe de 60 personnes sans transfert de contrats de travail d'une part, et la société Renault spécialisée dans le secteur automobile avec transfert de contrats de travail d'autre part.
En outre, il a été décidé que les salariés non compris dans le périmètre de reprise auraient la possibilité de bénéficier d'un reclassement externe anticipé (procédure de Leave of Absence désignée LOA) de juin 2016 au 30 septembre 2016, et du 02 au 15 janvier 2017.
La procédure prévue était la suivante: la demande de LOA du salarié devait être validée par le comité d'entreprise et expressément autorisée par la direction de la société Intel Mobile Communications; le contrat de travail du salarié en LOA était suspendu jusqu'à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, puis la société Intel Mobile Communications notifiait au salarié son licenciement pour motif économique en cas d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par la Direccte, aucune rupture n'intervenant et le salarié réintégrant son poste en cas de non homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.
Le 03 janvier 2017, M. [I], qui n'était pas concerné par le périmètre de reprise, a sollicité un reclassement en LOA.
Le contrat de travail a été suspendu à compter du 13 janvier 2017.
M. [I] a conclu un contrat à durée indéterminée avec la société Sequans pour un emploi d'ingénieur IC, niveau ingénieur senior coefficient 180, au sein d'établissements situés en région PACA, à compter du 13 janvier 2017.
Le 30 juin 2017, la Direccte a homologué le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intel Mobile Communications.
Par courrier du 06 juillet 2017, la société Intel Mobile Communications a informé M. [I] de cette homologation en ajoutant qu'il ne pourra adhérer au congé de reclassement que dans le cas où il est en période d'essai chez son nouvel employeur dans le cadre du reclassement par anticipation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2017, la société a notifié au salarié son licenciement pour motif économique reposant sur une réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité et pour impossibilité de reclassement.
Le 07 août 2017, M. [I] a adhéré au congé de reclassement.
Le 20 septembre 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse pour contester le licenciement et obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de congé de reclassement, de l'allocation différentielle, d'un rappel de salaire, de dommages et intérêts pour perte d'actions, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 1er septembre 2018, la société Intel Corporation a absorbé la société Intel Mobile Communications.
Par jugement rendu le 15 mai 2019, le conseil de prud'hommes a:
- condamné la société Intel Corporation à payer au salarié les sommes suivantes:
* 37.800 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 18.144 euros au titre de la capitalisation du congé de reclassement,
* 12.530,73 euros au titre de l'allocation différentielle prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi,
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la société Intel Corporation aux dépens.
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La cour est saisie de l'appel formé le 13 juin 2019 par la société Intel Corporation.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 30 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Intel Corporation (qui vient aux droits de la société Intel Mobile Communications) demande à la cour:
oDe recevoir la société Intel Corporation SAS venant aux droits de la société Intel Mobile Communications France SAS en ses écritures,
oDe les dire bien fondées,
oDe réformer partiellement le jugement entrepris,
oDe dire et juger en conséquence que le licenciement de Monsieur [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,
oDe dire et juger que les critères d'ordre des licenciements ont été respectés,
oDe dire et juger qu'il n'y a pas eu exécution déloyale du contrat de travail,
oDe dire et juger que le salarié a été rempli de ses droits au titre de la prime de projet et des dispositions du Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
oDe dire et juger qu'il n'y a pas lieu à indemnisation au titre des actions gratuites,
oDe dire et juger qu'il n'y a pas eu suppression illicite d'un avantage en nature,
oDe débouter en conséquence Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes et prétentions et de rejeter son appel incident,
oA titre reconventionnel, de condamner Monsieur [I] à indemniser la société Intel Corporation SAS venant aux droits de la société Intel Mobile Communications France
SAS à hauteur de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
oA titre reconventionnel, de condamner Monsieur [I] à rembourser à la société la, somme de 5.704,92 € nets à titre de trop-perçu de prime avec intérêts au taux légal depuis le 20 août 2018,
oDe le condamner aux entiers dépens éventuels de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 03 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [I] demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Grasse le 15 mai 2019 en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;
L'INFIRMER sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Grasse le 15 mai 2019 en ce qu'il a condamné la société au titre du congé de reclassement ;
L'INFIRMER sur le quantum de la condamnation retenu à ce titre ;
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Grasse le 15 mai 2019 en ce qu'il a condamné la société à la somme de 12.530,73€ bruts au titre de l'allocation différentielle ;
L'INFIRMER pour le surplus,
Statuant à nouveau :
A titre principal
JUGER le licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire
JUGER que la société SAS INTEL CORPORATION n'a pas respecté l'application des critères d'ordre.
En tout état de cause :
JUGER que la société SAS INTEL CORPORATION a arbitrairement exclu le concluant du bénéfice intégral de la prime dite " projet "
JUGER que la société SAS INTEL CORPORATION a exclu illégalement le concluant du bénéfice intégral de la capitalisation du congé de reclassement,
JUGER que le concluant a subi un préjudice du fait de l'impossibilité de percevoir la valeur ajoutée attachée à l'octroi d'actions en considération du licenciement sans cause réelle et sérieuse, rendant impossible la vente des actions.
Dès lors :
FIXER le salaire moyen du concluant à la somme de 7.335,90€ bruts
CONDAMNER la SAS INTEL CORPORATION à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou non-respect de l'application des critères d'ordre (19 ans d'ancienneté) : 88.030 80€ nets
Indemnité congé de reclassement PSE: 21.127 39 € bruts
Allocation différentielle PSE : 12.530 73€ bruts
Rappel de salaire sur Prime projet (2ème versement) :14.143€ bruts
Dommages et intérêts au titre des actions perdues : 18.923 08€ nets
Dommages et intérêts exécution déloyale du contrat et préjudice distinct : 14.671 80€ nets
En tout état de cause .
DEBOUTER la SAS INTEL CORPORATION au titre de ses demandes reconventionnelles.
CONDAMNER la SAS INTEL CORPORATION à la somme de 8.868,51€ nets au titre de la compensation injustement pratiquée.
CONDAMNER la SAS INTEL CORPORATION à payer à Monsieur [I] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 03 octobre 2022.
MOTIFS
1 - Sur le licenciement
Pour soutenir que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié invoque l'absence de motif économique et le non respect de l'obligation de reclassement.
1.1. Sur le motif économique
Selon les dispositions de l'article L.1233-16 du même code, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.
L'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable dispose:
'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.'
La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi.
Pour l'appréciation du bien-fondé du motif économique du licenciement tiré d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, il revient au juge de vérifier l'existence d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève.
Le juge doit vérifier le lien causal nécessaire mais ne se prononce pas sur la valeur du choix effectué par l'employeur.
Lorsqu'il n'est pas établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne des suppressions d'emplois, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, le licenciement est cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement complétée par les écritures de la société Intel Corporation que le licenciement repose sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société Intel Mobile Communications dans le domaine d'activité de la mobilité par une réorganisation de l'entreprise, cette réorganisation entraînant la suppression du poste de M. [I].
Au soutien de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié fait valoir que le motif économique n'est pas justifié; que la situation de la société Intel Mobile Communications et celle du groupe Intel ne laissaient présager aucune difficulté économique à venir, ni aucune menace sur la compétitivité de la société Intel Mobile Communications; que la fermeture de sites, dont celui de Sophia-Antipolis où était affecté M. [I], permettait seulement la réalisation d'économies.
La société Intel Corporation s'oppose au moyen en faisant valoir que le motif économique du licenciement est justifié en ce que le groupe Intel devait transformer son objet principal compte tenu des changements fondamentaux dans l'industrie informatique; que le secteur de la mobilité, vers lequel s'est dirigé Intel après une diminution du marché du PC, est un marché à très faible prix de vente moyen; que la division de la partie mobile a accusé une baisse de 8% de son chiffre d'affaires en 2015; que la perte enregistrée dans cette activité s'établit à 3.2 milliards de dollars euros 2015; que cette activité n'a pas cru comme attendu; que le groupe Intel a pris beaucoup de retard par rapport à ses concurrents sur le marché des tablettes et des téléphones faute d'avoir pu créer des puces compétitives; que les résultats sont donc décevants et ne compensent pas le déclin du marché du PC; que la réorganisation vise à sauvegarder sa compétitivité et à anticiper des difficultés économiques à venir et à se placer sur le marché de la 5G et de l'internet des objets connectés; qu'il convient de créer des hubs, induisant des fermetures de sites de recherche et développement pour optimiser le travail d'équipe ainsi que cela ressort du rapport établi pas le cabinet Deloitte qui conclut à l'existence d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise.
La cour constate d'abord que les parties s'accordent à dire que le périmètre d'appréciation du motif économique est le groupe Intel dont l'activité repose en dernier lieu sur le développement de solutions de connectivité et des puces pour mobiles.
Il appartient donc à la cour d'apprécier s'il existe une menace qui pèse sur la compétitivité du groupe Intel dans le domaine de la mobilité nécessitant une réorganisation entraînant la suppression de l'emploi de M. [I] du fait de la fermeture du site de Sophia-Antipolois.
Il convient de relever après analyse des pièces du dossier que l'appelante se prévaut de sa pièce n°6 qui correspond à un document rédigé en anglais non traduit hormis quelques paragraphes produits en une seconde pièce n°6.
Dans ses écritures, l'appelante tire les conséquences suivantes de l'analyse de ces documents:
- le groupe Intel a terminé son exercice 2015, par rapport à 2014, avec un chiffre d'affaires en baisse de 1%, un bénéfice d'exploitation en baisse de 9% et un bénéfice net en baisse de 2%;
- la division 'Client Computing Group' qui concerne la partie mobile (tablettes, téléphones et PC) a accusé uen baisse de 8% de son chiffre d'affaires en 2015, cette division générant en 2015 près des trois cinquièmes des revenus d'Intel
Or, force est de constater que la société Intel Corporation ne produit aucun autre élément relatif à la période antérieure à 2015 dans le domaine de la mobilité.
En outre, il résulte de la traduction partielle de la pièce n°6 que le président directeur général d'Intel a déclaré: 'Nos résultats 2015 démontrent que Intel évolue et que notre stratégie fonctionne. Cette année, nous continuerons à stimuler la croissance en alimentant l'infrastructure pour un monde de plus en plus intelligent et connecté'.
Ainsi, la direction du groupe Intel ne fait en aucun cas état d'une perte de compétitivité du groupe Intel dans le secteur de la mobilité qui constitue ici le noeud du litige.
Et la cour constate que le surplus des pièces produites par la société Intel Corporation correspond à des articles d'analystes (pièce n°7 et 17) qui, faute de précision sur la qualité et l'objectivité des auteurs, ne sont pas de nature à justifier l'affirmation de la société Intel Corporation selon laquelle la perte cumulée dans le secteur des activités mobiles entre 2013 et 2015 s'établit à 10.22 milliards de dollars.
La société Intel Corporation ne produit aucune pièce objective relative aux parts de marché du groupe Intel.
Et le rapport Deloitte n'est pas plus susceptible de faire la preuve d'une menace sur la compétitivité de la société Intel Mobile Communications dès lors que les énonciations qui y figurent ne sont étayées par aucun élément objectif.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le groupe Intel a fait le choix d'orienter ses activités vers de nouveaux domaines.
Mais la preuve de l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité de la mobilité du groupe Intel dont la société Intel Mobile Communications à l'occasion de ce choix n'est pas rapportée.
Le moyen est donc fondé ce dont il résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse de ce chef.
1.2. Sur l'obligation de reclassement
L'article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable dispose:
'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'
Le groupe de reclassement est composé des entreprises dont les activités ou l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
La recherche d'un poste de reclassement doit porter sur des emplois aussi comparables que possible à celui précédemment occupé par le salarié concerné, relevant de la même catégorie, ou sur des emplois équivalents, mais également sur tout autre emploi pouvant être proposé au salarié, parmi les tâches existantes dans l'entreprise, même de catégorie inférieure, sans limite, et moyennant la mise en oeuvre de mesures telles que des mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ou la réalisation d'efforts de formation ou d'adaptation au travail, au besoin en assurant au salarié une adaptation à l'évolution de son emploi
L'obligation de reclassement étant individuelle à chaque salarié, l'employeur est tenu de rechercher, pour chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, en considération de sa situation particulière, avant la notification du licenciement, toutes les possibilités de reclassement envisageables au sein de l'entreprise ou du périmètre de reclassement, et il lui appartient de justifier, par des éléments objectifs, des recherches qu'il a effectuées en ce sens et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié dans un emploi équivalent, de même catégorie, voire de catégorie inférieure.
En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Intel Mobile Communications a été soumise à une obligation de reclassement nonobstant le reclassement externe par anticipation de M. [I].
Le salarié fait valoir à l'appui de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse que la société Intel Mobile Communications ne lui a fait aucune proposition de reclassement.
La société Intel Corporation s'oppose au moyen en faisant valoir:
- que le salarié n'a pas retourné le formulaire de reclassement à l'étranger;
- qu'elle a effectué des recherches scrupuleuses de reclassement de M. [I] mais qu'elle se sont révélées vaines ainsi que cela résulte des registres du personnel de la société Intel Mobile Communications et de la société Intel Corporation;
- que seul un poste d'ingénieur technico-commercial, qui n'avait rien à voir avec les compétences du salarié, était disponible au sein de la société Intel Corporation .
La cour relève après analyse des pièces du dossier que la société Intel Corporation ne produit aucun élément de nature à laisser présumer que M. [I] n'avait pas les compétences pour occuper le poste d'ingénieur technico-commercial disponible, étant précisé que l'appelante se borne à procéder par la seule voie de l'affirmation.
Il s'ensuit que la société Intel Mobile Communications a manqué à son obligation de reclassement, de sorte que le moyen est fondé et que là encore, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En définitive, et au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
2 - Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [I], qui était employé dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés et qui disposait d'une ancienneté de plus de deux ans, a droit en vertu des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail antérieures à celles issues de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité mise à la charge de la société Intel Corporation qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute versée à M. [I] (6 285.82 euros), de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle (il a été engagé par la société Sequans en qualité d'ingénieur senior coefficient 180) et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, la cour dit que le préjudice subi par M. [I] consistant en la perte de son emploi a justement été apprécié par le conseil de prud'hommes de sorte que le jugement déféré est confirmé de ce chef.
3 - Sur les critères d'ordre
L'article L.1233-5 du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose :
'Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.
Pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l'article L. 1233-24-4.
Dans le cas d'un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.
Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret.'
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice dont la réparation est comprise dans sa demande de dommages-intérêts consécutive à un licenciement pour motif économique.
En l'espèce, comme il a été précédemment dit, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et la cour a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [I] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, à supposer que la société Intel Mobile Communications n'a pas respecté les critères d'ordre et qu'il est établi que le salarié a subi un préjudice du fait de ce manquement, le salarié a été indemnisé de ce chef.
En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre.
4 - Sur l'indemnité additionnelle du congé de reclassement
L'article 4.2.3.9 du projet de réorganisation des activités d'Intel Mobile Communications France (Livre 1) intitulé 'Capitalisation du congé de reclassement' dispose:
'Les salariés qui réussiraient à se reclasser en externe (hors du groupe Intel) ou à reprendre/créer une entreprise avant l'expiration de leur congé de reclassement pourront bénéficier d'une indemnité additionnelle à ce titre égal à 40 % du montant brut qu'ils auraient perçu au titre du congé de reclassement (hors durée du préavis).
Cette indemnité additionnelle sera versée en cas d'embauche en contrat à durée indéterminée ou en cas de conclusion d'un contrat à durée déterminée (ou d'un contrat d'intérim) d'une durée au moins égale à 12 mois, sur présentation d'un justificatif. Elle sera également versée en cas de création d'entreprise.
Exemple : le congé de reclassement ayant une durée de 12 mois, un salarié dont le préavis aurait une durée de 3 mois, et qui se reclassait dans les conditions évoquées ci-dessus 4 mois après la notification de son licenciement percevrait indemnité additionnelle brute égale à 0,80x0,4x8 soit 2,56 mois de salaire.
Cette indemnité additionnelle sera versée lors du solde de tout compte'.
En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande en paiement qu'il a adhéré au congé de reclassement et qu'il est donc créancier d'une indemnité additionnelle.
La société Intel Corporation s'oppose à la demande de M. [I] en soutenant que 'son argumentation est franchement scandaleuse'; que M. [I] n'a pas droit à l'indemnité additionnelle en ce qu'il a été licencié pour motif économique et qu'il a retrouvé un emploi dès le mois de janvier 2017; que le congé de reclassement est réservé au salarié privé d'emploi; que les représentants du personnel ont été informés dès le mois de décembre 2016 que l'adhésion au congé de reclassement des salariés reclassés par anticipation interviendrait uniquement à titre conservatoire ainsi que cela résulte du compte-rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 03 février 2017; que la direction a indiqué par courriel du 15 mai 2017 au délégué syndical que les salariés reclassés par anticipation ne seraient pas éligibles au congé de reclassement.
La cour relève après analyse des pièces du dossier qu'aucune disposition, et notamment aucune disposition du Livre 1, ne prévoit une exclusion du congé de reclassement lorsque le salarié a bénéficié d'un reclassement externe par anticipation.
A supposer que la question du bénéfice du congé de reclassement à l'égard des salariés reclassés en externe par anticipation a fait l'objet de discussions, force est de constater que ce point n'a été repris dans aucune disposition conventionnelle.
Et la cour dit que le courriel du 15 mai 2017 dont se prévaut la société Intel Corporation est dépourvu de force probatoire dès lors que M. [I] verse aux débats un échange de courriels du 21 octobre 2016 duquel il ressort que M. [F], en qualité de responsable des ressources humaines au sein de la société Intel Mobile Communications, a indiqué à des salariés qu'en cas de reclassement par anticipation le droit à capitalisation du congé de reclassement était acquis en cas de validation du plan de sauvegarde de l'emploi, de notification du licenciement et d'adhésion au congé de reclassement.
Dès lors, M. [I], dont il n'est pas contesté qu'il a adhéré le 07 août 2017 au congé de reclassement, et nonobstant le fait qu'il a sollicité un reclassement par anticipation en externe le 03 janvier 2017 et qu'il a ainsi conclu un contrat à durée indéterminée avec la société Sequans pour un emploi d'ingénieur IC à compter du 13 janvier 2017, est fondé à réclamer une indemnité additionnelle au titre de la capitalisation du congé de reclassement dont le montant n'est pas discuté par la société Intel Corporation même à titre subsidiaire.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé de ce chef.
5 - Sur l'allocation différentielle
L'article 4.2.4 du Livre 1, intitulé 'Allocation différentielle' dispose:
' (...)
En cas d'embauche du salarié licencié pour motif économique à l'extérieur du groupe Intel sur un poste dont la rémunération annuelle forfaitaire de base brute serait à un temps de travail identique inférieure à celle qu'il percevait au cours des 12 derniers mois ou des 3 derniers mois (montant le plus favorable étant retenu) précédant la date de notification du licenciement pour motif économique la société s'engage à verser au salarié une allocation différentielle d'un montant de base égale à 400 € bruts, pendant 12 mois.
Le montant de base de l'allocation différentielle pourra être augmenté en utilisant le montant restant au titre du congé de reclassement du salarié dans le cas où ce dernier réussit à se reclasser avant la fin de son congé de reclassement. Dans tous les cas, l'allocation différentielle ne pourra excéder 1500 € bruts par mois sur 12 mois'.
En l'espèce, M. [I] fait valoir à l'appui de sa demande en paiement qu'il justifie des conditions d'attribution de l'allocation différentielle.
La société Intel Corporation s'oppose à la demande en soutenant que M. [I] n'était pas éligible au congé de reclassement; qu'il ne remplit pas les conditions d'attribution de l'allocation différentielle relative à la perte de rémunération; que sa rémunération au sein de la société Sequans est plus élevée que celle qu'il percevait au sein de la société Intel Mobile Communications.
La cour indique que, comme il a été précédemment dit, M. [I] est éligible au congé de reclassement, peu importe qu'il a été reclassé par anticipation.
Ensuite, il ressort des dispositions précitées que l'allocation différentielle est attribuée au salarié dont la rémunération annuelle en reclassement externe est inférieure à celle qu'il percevait au sein de la société Intel Mobile Communications; que la rémunération de référence au sein de la société Intel Mobile Communications est soit la rémunération durant les douze derniers mois, soit la rémunération des trois derniers mois, seul le montant le plus favorable étant retenu.
La cour constate que M. [I] a établi, sur la base des bulletins de salaire délivrés tant par la société Intel Mobile Communications que par la société Sequans (qui sont versés aux débats) un décompte qu'il a inséré à ses écritures; qu'il en ressort que sa rémunération au sein de la société Sequans est inférieure à celle qu'il percevait au sein de la société Intel Mobile Communications; que la différence de rémunération s'établit ainsi à la somme de 12 530.73 euros; qu'en tenant compte de son indemnité de congé de reclassement à hauteur de 40%, et du plafond prévu à hauteur de 1 500 euros par mois sur 12 mois, l'allocation différentielle s'établit à la somme de 12 530.73 euros.
La société Intel Corporation ne produit aucun élément justificatif à l'appui de ses assertions et du décompte qu'il insère à ses écritures.
Dans ces conditions, la cour valide le décompte de M. [I] en ce qu'il est justifié par des éléments objectifs et confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Intel Corporation au paiement de la somme de 12.530.73 euros au titre de l'allocation différentielle prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi.
6 - Sur le solde de la prime projet
Suivant acte du 08 août 2016 signé le 20 septembre 2016, il a été stipulé au profit du salarié une prime de projet dans les termes suivants:
'Intel propose de vous verser une prime de projet d'un montant de 28 286 euros en contrepartie de votre contribution à la réussite des différentes étapes importantes du projet sur lequel vous êtes assigné(e) conformément aux Conditions générales du programme énoncées ci-après.
Le projet sur lequel vous êtes assigné(e) comporte plusieurs étapes liées à sa réalisation et cette prime vous est attribuée en contrepartie de votre contribution à ces différentes étapes. (...).
Le paiement de la prime de projet se fera à la fin du trimestre d'achèvement de l'étape concernée, ou figurera dans votre feuille de paie finale, quelle que soit la date intervenant la première. Cette prime de projet est assujettie aux retenues fiscales applicables.
(...)'.
En l'espèce, M. [I] fait valoir à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 14 143 euros à titre de solde de la prime de projet qu'il a déjà perçu la somme de 14 143 euros en janvier 2017; que les conditions d'attribution de cette prime sont imprécises; qu'il n'a pas perçu le second versement de la prime de projet.
La société Intel Corporation s'oppose à la demande en soutenant qu'aucun avenant au contrat de travail n'a été conclu; que le salarié n'a pas droit à la prime de projet en ce qu'il a été reclassé par anticipation et qu'il n'était donc pas présent à la date l'achèvement du projet au mois de septembre 2017.
La cour relève après analyse des pièces du dossier que
- l'acte instituant la prime de projet s'analyse en un avenant au contrat de travail;
- le salarié n'était pas en situation de ne pas connaître le projet afférent à la prime en litige, ni les conditions de son versement, puisqu'il admet que la prime de projet en cause est relative à un projet qui a donné lieu à un premier versement au mois de janvier 2017 d'un montant de 14 143 euros ;
- ainsi, il restait un solde sur cette prime de projet d'un montant de 14 143 euros puisque cette prime s'établit à la somme totale de 28 286 euros (et non 52 656 euros comme indiqué par erreur dans le décompte du salarié en page 54 de ses écritures);
- le salarié a conclu un contrat de travail avec la société Sequans dans le cadre de son reclassement par anticipation à compter du 13 janvier 2017 et la société Intel Mobile Communications lui a notifié son licenciement pour motif économique par courrier du 27 juillet 2017.
Il apparaît donc que le salarié était parfaitement informé des conditions de versement de la prime de projet en litige qui repose sur des éléments objectifs ainsi que cela ressort des stipulations de l'avenant reproduites ci-dessus.
En outre, le salarié ne faisait plus partie des effectifs de la société Intel Mobile Communications à la date d'achèvement du projet qui se situait nécessairement après le mois de janvier 2017, étant rappelé que la condition d'attribution de la prime de projet réside dans la 'contribution' du salarié à la réussite du projet, cette contribution du salarié étant impossible après le 13 janvier 2017, date de son engagement au sein de la société Sequans.
Le salarié ne justifie d'ailleurs par aucun élément qu'il a poursuivi sa collaboration au sein de la société Intel Mobile Communications à partir du moment où il a été engagé par la société Sequans.
La cour dit en conséquence que le salarié n'a pas contribué à la réussite du projet postérieurement au mois de janvier 2017.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'est pas fondé à réclamer le solde de la prime de projet, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de chef.
7 - Sur la perte des actions
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
La perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
En l'espèce, M. [I] sollicite le paiement de la somme de 18 923.08 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance, du fait du licenciement abusif, de percevoir le montant des actions Intel qu'il détient. Il fait valoir que ces actions faisaient partie intégrante de sa rémunération et qu'il subit un préjudice distinct né de cette perte.
La société Intel Mobile Communications s'oppose à la demande en soutenant que les actions ne sont pas un élément de rémunération et qu'aucun manquement ne peut lui être imputé.
La cour relève après analyse des écritures et des pièces du dossier:
- que le salarié affirme qu'il était titulaire de 492 actions (des RSU pour 'Restricted Stocks Units') qu'il détenait pour une valeur de 18 923.08 euros;
- qu'il se borne à verser aux débats à l'appui de sa demande, outre des pièces relatives à la valeur de l'action Intel et à la valeur du dollar au 13 novembre 2017, une pièce n°8j intitulée 'Extrait RSU en date du 4 septembre 2017' dont l'analyse fait ressortir qu'elle est rédigée en langue anglaise.
Or, et nonobstant l'absence de traduction assortissant cette pièce n°8j, il est aisé de constater qu'elle porte la mention 'as of 09/04/2017', ce dont il se déduit que cette pièce se réfère à une situation au 09 avril 2017.
Dès lors, le salarié ne justifie pas qu'il avait définitivement acquis les actions en cause à la date de son licenciement qui lui a été notifié par courrier du 27 juillet 2017.
Dans ces conditions, la perte de chance alléguée n'est pas établie de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire.
8 - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables susceptibles de caractériser une inégalité de traitement. Si cette différence de traitement est établie, l'employeur doit rapporter la preuve que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs.
Il appartient donc dans un premier temps au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité alléguée.
En l'espèce, M. [I] fait valoir au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail que la société Intel Mobile Communications:
- ne lui a communiqué aucune information à compter de son départ en LOA;
- a modifié à volonté le périmètre de reprise pour l'adapter aux souhaits du repreneur et a donc placé M. [I] dans l'impossibilité de savoir si son poste était inclus dans la reprise;
- a fait preuve d'une inégalité de traitement entre les salariés en ce qui concerne la perte du bénéfice de la capitalisation du congé de reclassement, la distribution des RSU et le versement de la seconde partie de la prime projet.
La société Intel Corporation s'oppose à la demande en soutenant que la demande n'est pas fondée en l'absence de faute imputable à l'employeur.
D'abord, la cour constate que le salarié, lorsqu'il invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, ne fournit aucun élément de fait susceptible de caractériser l'inégalité alléguée, étant précisé que dans ses écritures, le salarié se borne à procéder par la voie de l'affirmation et qu'il ne renvoie la cour à aucune des ses volumineuses pièces.
Le fait d'écrire que 'la société a fait preuve ainsi qu'il a été démontré Supra d'inégalité de traitement entre les salariés' est un moyen inexploitable pour la cour en l'état dès lors que le salarié n'a pas cru utile de préciser à quels développements précédents dans ses 62 pages de conclusions il faisait référence.
Et s'agissant des autres faits, qui sont relatifs au défaut d'information durant son reclassement anticipé et à la modification du périmètre de reprise, le salarié se borne tout autant à procéder par la voie de l'affirmation et ne renvoie pas plus la cour à aucune des ses volumineuses pièces.
Dans ces conditions, la cour dit que les faits invoqués ne sont pas établis de sorte que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement de la société Intel Mobile Communications à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
9 - Sur la demande de la société Intel Corporation
L'article 564 du code de procédure civile dispose:
'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
En vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions qui sont énoncées au dispositif des conclusions.
En l'espèce, et à titre reconventionnel, la société Intel Corporation sollicite au dispositif de ses conclusions, et pour la première fois en cause d'appel, le paiement de la somme de 5 704.92 euros nets en remboursement d'un trop-perçu lors du versement des primes APB et QPB.
Le salarié oppose une fin de non-recevoir en ce que la demande est nouvelle.
La société Intel Corporation conclut à la recevabilité de sa demande nouvelle en soutenant qu'elle vise à opposer compensation aux prétentions du salarié.
Force est de constater que dans le dispositif de ses conclusions, la société Intel Corporation ne sollicite aucune compensation, ce dont il résulte que sa nouvelle prétention ne vise pas à opposer compensation.
Le salarié est donc bien-fondé en sa fin de non-recevoir tiré de la nouveauté de la demande.
En conséquence, la cour dit que la demande est irrecevable.
10 - Sur la retenue postérieure au jugement
Le salarié conclut à la condamnation de la société Intel Corporation à lui payer la somme de 8 868.51 euros nets 'au titre de la compensation injustement pratiquée'.
Il expose que la société Intel Corporation a déduit cette somme des sommes dues au titre de l'exécution provisoire du jugement.
La société Intel Corporation, qui admet avoir procédé à cette retenue, soutient qu'elle est créancière du salarié à titre de trop-perçu des primes APB et QPB; qu'elle a réclamé ce remboursement au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 août 2018 complété par deux autres courriers recommandés des 10 décembre 2018 et 27 février 2019; que le salarié n'a répondu à aucune de ces correspondances; qu'il n'a jamais contesté le principe de sa dette; que toutes les informations relatives à cette dette lui ont été communiquées.
La cour relève après analyse des pièces du dossier que le bulletin de paie du mois de juillet 2019 porte la mention d'une retenue intitulée 'reprise trop perçu' d'un montant de 8 868.51 euros.
Force est de constater que la société Intel Corporation ne justifie par aucun élément du fondement de cette retenue et ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir la réalité de la créance alléguée, les courriers de réclamation invoqués étant à eux seuls inopérants.
Dans ces conditions, et en ajoutant au jugement déféré, condamne la société Intel Corporation à payer à M. [I] la somme de 8 868.51 euros en remboursement de la retenue sur la fiche de paie du mois de juillet 2019.
11 - Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Intel Corporation les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Intel Corporation est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
DECLARE irrecevable la demande de la société Intel Corporation en remboursement d'un trop-perçu,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Intel Corporation à payer à M. [I] la somme de 8 868.51 euros en remboursement de la retenue sur la fiche de paie du mois de juillet 2019,
CONDAMNE la société Intel Corporation à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,
CONDAMNE la société Intel Corporation aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT