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12/07/2024 | FRANCE | N°22/05249

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 12 juillet 2024, 22/05249


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/05249 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGKG







Association [7]





C/



URSSAF PACA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Luc ALEMANY





- URSSAF PACA venant aux droits de l'URSSAF de [Localité 8]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de Toulon en date du 10 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01560.





APPELANTE



Association [7], demeurant [Adresse 5]



représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/05249 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGKG

Association [7]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Luc ALEMANY

- URSSAF PACA venant aux droits de l'URSSAF de [Localité 8]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de Toulon en date du 10 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01560.

APPELANTE

Association [7], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Rémi BOUBALS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA venant aux droits de l'URSSAF de [Localité 8],

demeurant [Adresse 6]

représentée par Mme [K] [S] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale et d'allocations familiales, d'assurance chômage et garantie des salaires et sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, au sein de l'association [7] [la cotisante], l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur [l'URSSAF] lui a notifié une lettre d'observations datée du 11 juillet 2017, comportant treize chefs de redressement, avec rappel de cotisations et contributions pour un montant total de 15 330 euros, outre un rappel de contributions d'assurance chômage et de cotisations AGIS d'un montant total de 2 743 euros.

Après échanges d'observations, dans le cadre desquelles l'inspecteur du recouvrement a annulé les chefs de redressement n°1, 2, 3, 6, 8 et 9, maintenu les chefs de redressement n°4 (d'un montant de 545 euros), 5 (d'un montant de 345 euros) et 13 (d'un montant 2 099 euros), et ramené à 6 699 euros le chef de redressement n°11, l'URSSAF lui a notifié une mise en demeure datée du 15 novembre 2017 d'un montant total de 21 627 euros, dont 19 057 euros au titre des cotisations et 2 570 euros de majorations de retard.

Par courrier du 27 avril 2018, l'URSSAF a annulé cette mise en demeure, puis lui en a notifié une seconde, datée du 17 mai 2018, d'un montant total de 14 680 euros, dont 13 276 euros au titre des cotisations et 1 404 euros de majorations de retard

En l'état d'un rejet implicite par la commission de recours amiable, la cotisante a saisi le 24 avril 2018 un tribunal des affaires de sécurité sociale, puis à nouveau le 24 octobre 2018, après réception de la seconde mise en demeure.

Par jugement en date du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, après avoir joint les recours, a:

* débouté la cotisante de l'ensemble de ses prétentions,

* confirmé les chefs de redressement n°4, 5, 11 et 13,

* condamné la cotisante au paiement de la seconde mise en demeure pour son montant résiduel de 11 673.58 euros de cotisations et contributions sociales et de 1 343 euros de majorations de retard,

* condamné la cotisante à payer à l'URSSAF la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la cotisante aux dépens.

La cotisante a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, cet appel étant limité aux chefs du jugement ayant confirmé le chef de redressement n°11 et aux condamnations prononcées à son encontre.

Par conclusions remises par voie électronique le 6 juillet 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour, statuant de nouveau de:

* lui donner acte de l'annulation de la mise en demeure du 15 novembre 2017,

* annuler le redressement n°11 d'un montant de 5 166 euros,

* condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 24 mai 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* débouter la cotisante de l'ensemble de ses demandes,

* condamner la cotisante au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

La lettre d'observations comporte treize chefs et points de redressement ainsi détaillés:

* numéro 1: rémunérations non déclarées: rémunérations non soumises à cotisations, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 2: taux réduits artistes du spectacle, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 3: forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance au 01/01/2012, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 4: forfait social-assiette générale-cas général d'un montant total de 545 euros (années 2015 et 2016),

* numéro 5: CSG-CRDS, indemnités liées à la rupture conventionnelle d'un montant total de 345 euros (années 2015 et 2016),

* numéro 6: erreur matérielle de report ou de totalisation-assiette CNCS, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 7: assujettissement et affiliation au régime général; travailleurs à domicile, d'un montant total de 3 352 euros (années 2014 et 2015), non contesté par la cotisante,

* numéro 8: contribution FNAL: employeurs affiliés aux caisses de congés payés, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 9: versement transport: assiette adhérent caisse congés payés du bâtiment, annulé par l'inspecteur du recouvrement,

* numéro 10: migrant: cotisation maladie des non résidents-artistes et mannequins, d'un montant de 13 euros (année 2015), non contesté par la cotisante,

* numéro 11: frais professionnels-déduction forfaitaire spécifique- règles de non cumul: artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques, régisseurs de théâtre, d'un montant initial total de 6 925 euros, pour les années 2014, 215 et 2016, ramené à 6 699 euros,

* numéro 12: avantage en espèce: place de parking, annulé par l'inspecteur du recouvrement.

* numéro 13: frais professionnels non justifiés: place de parking, d'un montant total de 2 099 euros (Années 2013, 2014 et 2015).

En cause d'appel, le litige est circonscrit au chef de redressement n°11.

Pour valider ce chef de redressement, les premiers juges ont retenu que:

* le salarié pouvant bénéficier de l'indemnité de grand déplacement est celui qui effectue des déplacements de son domicile vers un autre lieu de travail qu'habituel, et que les indemnités ainsi versées par la cotisante n'ont pas le caractère de frais professionnel,

* s'agissant du cumul des frais professionnels et de la déduction forfaitaire spécifique, au visa de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié, de l'article 5 annexe IV du code général des impôts ainsi que des instructions fiscales des 9 mars 1990 et 17 avril 1990, une tournée théâtrale suppose le déplacement collectif d'une troupe en vue de représentations en des lieux différents, comprenant plusieurs représentations programmées, selon un calendrier dont les salariés sont informés, et faisant l'objet d'une information aux représentants du personnel, alors qu'une représentation ne peut, à elle seule, constituer une tournée théâtrale, que plusieurs représentations qui ne s'intègrent pas dans un programme de représentations, ne sont pas constitutives d'une tournée, et que la cotisante n'établit pas que les salariés concernaient étaient en situation de tournées théâtrales.

Exposé des moyens des parties:

La cotisante conteste que les conditions de l'exonération des défraiements versés à ses collaborateurs (artistes ou non) en situation de déplacement, à plus de 50 km et à 1,5 h de trajet entre le domicile et le lieu de travail, notamment dans le cadre d'une tournée, ne seraient pas remplies.

Concernant les salariés ne bénéficiant pas de la déduction forfaitaire spécifique, ayant travaillé en situation de déplacement, elle soutient qu'ils remplissent les critères de la situation de déplacement lorsqu'ils travaillent au [7] en arguant que par application des dispositions de la convention collective, ils se trouvent nécessairement en situation de grand déplacement du fait de leur empêchement de regagner leur domicile chaque jour, et que l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 retient que le salarié est présumé empêché lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50km.

Concernant les salariés bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique, elle conteste la définition de la notion de tournée théâtrale retenue par les premiers juges en arguant que l'article 9 du décret du 20 décembre 2002 vise comme exception à la règle du non-cumul d'une déduction forfaitaire spécifique et de l'exclusion de l'assiette des cotisations des sommes versées au titre du remboursement des frais professionnels, les indemnités journalières de 'défraiement' versées aux artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques ainsi qu'aux régisseurs de théâtre qui participent à des tournées théâtrales.

Elle argue que la tournée théâtrale comprend une période de création/production, de répétition et enfin de représentation, le tout constituant un ensemble indivisible pour soutenir que sur la période contrôlée et pour les salariés pratiquant la déduction forfaitaire spécifique, les critères de la tournée permettant de bénéficier du cumul déduction forfaitaire spécifique/exonération des remboursements sont réunis, et souligne que l'URSSAF a procédé à des réintégrations pour certains artistes/salariés intervenus dans le cadre de la tournée '[Localité 4]', de la tournée '[T]', de la tournée 'Dreck'.

Elle soutient que les documents qu'elle verse aux débats caractérisent également l'existence d'une tournée pour les salariés/artistes intervenus dans le cadre de la tournée 'Koltes' et 'Dans la solitude des champs de coton'.

A titre subsidiaire, elle argue que si la qualification de tournée n'était pas retenue, en cas de cumul de défraiement et de la déduction forfaitaire spécifique, l'arrêté du 25 juillet 2005 permet dans son annexe le cumul de frais de défraiement avec les allocations de 'saison' allouées aux artistes, musiciens, chefs d'orchestre et autres travailleurs du spectacle qui sont engagés dans les théâtres municipaux ou les théâtres bénéficiant de subventions des collectivités territoriales, pendant la durée de la saison, ainsi que, le cas échéant, les remboursements de leurs frais de déplacement, et qu'il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de la saison, pour soutenir que son activité s'inscrivant dans une mission de service public de promotion et développement de la culture sur l'ensemble du territoire national, et bénéficiant du label de 'Scène nationale' attribué par le Ministère de la culture ainsi que de subventions diverses (Métropole [Localité 8] Provence Méditerranée, département du Var, région Sud et Etat, via la direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d'Azur), le chef de redressement doit être annulé.

L'URSSAF réplique que les indemnités de grand déplacement ne pouvaient être allouées en franchise de cotisations pour couvrir les frais de déplacement domicile/lieu de travail habituel des salariés ne bénéficiant pas de la déduction forfaitaire spécifique, et que pour certains autres salariés, il ne pouvait y avoir cumul de la déduction forfaitaire spécifique et des indemnités de défraiement en dehors de toute situation de tournée théâtrale, ni application du cumul de la déduction forfaitaire spécifique et des 'allocations de saison' sans que soit établie l'existence de frais de double résidence.

Elle soutient que la cotisante opère une confusion entre les remboursements de frais de transport pour les déplacements domicile/lieu de travail et les indemnités de grand déplacement, et qu'en réalité elle a pris en charge des frais de transport en commun entre le domicile et le lieu de travail, pour lesquels il existe une prise en charge obligatoire de 50% du prix des titres d'abonnement souscrits par les salariés entre le domicile et le lieu de travail, exclue de l'assiette des cotisations sociales.

Concernant les salariés bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique, elle soutient que la règle du cumul de la déduction forfaitaire spécifique et des indemnités journalières de défraiement versées aux artistes et régisseurs est limitée aux déplacements collectifs d'une troupe lors d'une tournée, que la notion de tournée théâtrale est restrictive, alors qu'il résulte de la lettre d'observations que la cotisante a appliqué ce cumul en 2014 et 2015 pour des répétitions et des représentations réalisées au sein du Théâtre Liberté à [Localité 8].

Elle souligne que le redressement porte exclusivement sur les répétitions ayant eu lieu au [7] et soutient que le bénéfice du cumul n'est pas applicable aux indemnités versées pendant les répétitions.

Elle oppose au subsidiaire développé par la cotisante que l'allocation de saison est une indemnité versée aux artistes, musiciens, chefs d'orchestre engagés par des théâtres municipaux ou des théâtres bénéficiant de subventions, mais qu'elle ne concerne pas les théâtres privés. Elle ajoute que cette subvention est destinée à compenser les frais de double résidence exposés par les artistes lorsqu'ils sont engagés pour des spectacles dans des villes différentes de leur lieu de résidence habituel et que l'employeur doit justifier des frais de double résidence en fournissant des pièces justificatives. Elle en tire la conséquence que les indemnités litigieuses ne sont pas des allocations de saison mais des indemnités journalières de défraiement versées en compensation des frais de nourriture exposés par les salariés, alors que la qualification d'allocation de saison n'est pas applicable aux défraiements destinés à compenser des frais de repas dans le cadre de tournées théâtrales.

Réponse de la cour:

Dans sa rédaction applicable, l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Bien que les constatations de l'inspecteur du recouvrement soient énoncées succinctement et globalement, il résulte de la lettre d'observations qu'il a constaté que 'l'employeur allouait des défraiements en exonération de charge à ses artistes ou techniciens en tournée', et que 'l'étude exhaustive des documents fournis par l'employeur des défraiements perçus en fonction des spectacles donnés et des lieux de ces derniers a permis de révéler des anomalies liées à l'application des déductions forfaitaires spécifiques aux artistes en tournée et de l'application de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif à l'exonération des frais professionnels'.

Il a considéré qu'une 'confusion était opérée entre une disposition essentiellement d'ordre fiscal et impactant l'assiette sociale au niveau de la déduction forfaitaire spécifique et le traitement social d'un défraiement pour repas au regard des la situation de déplacement. Cette confusion était renforcée par la dérogation liée aux instructions fiscales des 9 mars 1990 et 17 avril 1990 permettant le cumul de charge des défraiement et de l'application de la déduction forfaitaire spécifique pour les artistes en tournée'.

Le chef de redressement contesté concerne ainsi, en réalité des frais professionnels versés, en franchise de cotisations sociales, à des salariés relevant de deux situations différentes:

* celle de salariés ne remplissant par les conditions de la déduction forfaitaire spécifique, pour lesquels le redressement porte uniquement sur leur absence caractère de frais professionnels,

* celle de salariés bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique et cumulativement de frais de déplacement.

1- sur le redressement des frais professionnels versés à des salariés ne bénéficiant pas de la déduction forfaitaire spécifique:

L'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, précise en son article 1er qu'ils s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L.311-3 du dit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant.

Il résulte de l'article 5 de l'arrêté précité du 20 décembre 2002, modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005, applicable en l'espèce qu'en ce qui concerne les indemnités forfaitaires de grand déplacement, en métropole, 'le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller). Toutefois, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement'.

Les indemnités de repas, 'destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant prévu au 1° de l'article 3 du présent arrêté' 'lorsque le travailleur salarié ou assimilé (est) en déplacement professionnel et empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle'. 'Les indemnités de mission destinées à compenser les dépenses supplémentaires de logement et du petit déjeuner' (...) 'sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas par jour' un certain montant.

Il s'ensuit effectivement que le salarié est présumé être en grand déplacement:

* lorsqu'il accomplit une mission professionnelle et qu'il est empêché de regagner sa résidence du fait de la distance d'au moins 50km (trajet aller) séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement et de temps de transports en commun ne permettant pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller),

* les dépenses sont nécessaires à l'accomplissement de la mission imposée par l'employeur, ce qui implique qu'elles ne résultent pas d'un choix personnel.

Il résulte du préambule du titre VIII (déplacements et tournées, voyages) de la convention nationale collective pour les entreprises artistiques et culturelles, relatif aux définitions que:

'- le petit déplacement est un déplacement hors des sites de l'entreprise, tel que les conditions de travail interdisent au salarié de regagner son domicile ou les sites de l'entreprise pour le repas,

- le grand déplacement (à défaut de zone géographique précisée dans l'accord d'entreprise, tel que prévu à l'article VIII. 1. 1A) est caractérisé par l'impossibilité pour un salarié de regagner chaque jour son lieu de domicile du fait de ses conditions de travail.

L'empêchement est présumé lorsque 2 conditions sont simultanément réunies :

- la distance lieu de domicile du salarié vers le lieu de travail est supérieure ou égale au seuil conventionnel de distance (trajet aller) de 40 kilomètres ;

- les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller et retour).

Toutefois, sans conditions de distance ou de temps de transport, lorsque le salarié est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement.

La tournée est entendue comme un déplacement collectif organisé par l'employeur dans le but de préparer (repérages, répétitions, résidences...) ou donner la représentation d'une oeuvre de l'esprit, mettant le salarié dans l'impossibilité de regagner chaque jour son lieu de domicile.

Les repérages effectués par une seule personne pour préparer une tournée relèvent des conditions prévues pour la tournée'.

Toutefois, ces définitions de la convention collective ont pour objet de définir les articles suivants de son titre VIII, dont celles relatives au temps de travail et au montant de l'indemnité conventionnelle que l'employeur doit verser à ses salariés.

Il s'ensuit que si l'article VIII.2.1 de cette convention, relatif à la nature de l'indemnité de déplacement dispose que 'l'indemnité due est l'indemnité de grand déplacement quand les conditions du grand déplacement, telles que définies au préambule, sont réunies' pour autant cette disposition conventionnelle ne peut concerner l'exclusion de l'assiette des cotisations et contributions sociales des dites indemnités conventionnelles versées par l'employeur, laquelle relève exclusivement de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié précité.

De plus, il résulte de l'article VIII-1.1 de la convention nationale pour les entreprises artistiques et culturelles, dont se prévaut la cotisante, relatif au 'décompte des temps de trajet, temps de travail effectif', que 'le ou les lieux habituels d'exécution du travail doivent être indiqués dans le contrat de travail. A défaut, le siège social est réputé être le lieu habituel d'exécution du travail'.

Il en résulte que selon les dispositions conventionnelles, le lieu habituel du travail est en l'espèce celui du Théâtre Liberté à [Localité 8].

La cotisante ne justifie pas pour les salariés listés dans les tableaux synoptiques intégrés dans ses conclusions pages 8 à 12, portant sur les années 2014, 2015 et 2016, qui n'ont pas bénéficié de la déduction forfaitaire spécifique, qu'ils se trouvaient alors en situation de grand déplacement au sens des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002.

Le redressement est donc justifié concernant ces salariés ainsi que retenu par les premiers juges.

2 - sur redressement des frais professionnels versés à des salariés bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique:

Selon l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005, les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l'article 5 de l'annexe IV du code précité. (...)

L'assiette des cotisations est alors constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au travailleur salarié ou assimilé à titre de remboursement des frais professionnels, à l'exception de celles versées, d'une part, à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé et, d'autre part, de celles versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes. La liste limitative de ces exceptions est jointe en annexe du présent arrêté.

L'application de ces dispositions s'entend sans préjudice des dispositions du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Sont au nombre des professions listées par l'ancien article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, ouvrant droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels,

* les artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques,

* les artistes musiciens, choristes, chefs d'orchestre, régisseurs de théâtre.

L'annexe de l'arrêté précité du 25 juillet 2005, relative aux allocations et indemnités versées au titre des remboursements de frais professionnels admis à être déduits de l'assiette de cotisations en cas de déduction forfaitaire spécifique autorisée aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, liste au I, au nombre des 'allocations et indemnités versées à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé':

'2° - les indemnités journalières de « défraiement » versées aux artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques ainsi qu'aux régisseurs de théâtre, qui participent à des tournées théâtrales',

' 4°-les allocations de « saison », allouées aux artistes, musiciens, chefs d'orchestre et autres travailleurs du spectacle qui sont engagés par les casinos, les théâtres municipaux ou les théâtres bénéficiant de subventions des collectivités territoriales pendant la durée de la saison ainsi que, le cas échéant, les remboursements de leurs frais de déplacement. Il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de la saison'.

Il résulte par ailleurs des instructions fiscales des 9 mars 1990 et 17 avril 1990, que la déduction forfaitaire spécifique peut être cumulée, pour la fraction n'excédant pas la limite fixée par l'annexe salaires à la convention collective applicable, avec les indemnités de grand déplacement allouées aux artistes des tournées théâtrales ainsi qu'aux régisseurs participants à ces tournées, ainsi qu'aux indemnités de défraiement perçues par les artistes chorégraphiques au service du directeur des tournées théâtrales, sous réserve du déplacement effectif de la troupe.

Ces instructions instaurent ainsi une tolérance administrative, laquelle est nécessairement d'interprétation stricte.

La cour vient de juger que la notion de grand déplacement applicable, pour ce qui est de la franchise d'exonération au principe général de l'assujettissement de l'ensemble des revenus et gains perçus par le salarié posé par l'article l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale (pour les cotisations sociales) et L.136-2 du code de la sécurité sociale (dans ses rédactions applicables pour la contribution sociale), est celle stipulée par l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 et non point la définition conventionnelle de l'indemnité de grand déplacement, que l'employeur a versée.

La cotisante verse aux débats uniquement les contrats de travail de:

* Mme [G] pour le spectacle 'Dans la solitude des champs de coton' des 7 septembre 2016 et 26 octobre 2016 qui stipulent que le lieu d'exécution est au Théâtre Liberté à [Localité 8] (article 10), lequel est aussi le lieu des représentations, comme indiqué également dans le dernier contrat du 18 novembre 2016,

* M. [R], pour le spectacle 'Dreck de Roberts Scheider' du 10 décembre 2015, qui fixe le lieu des répétitions à [Localité 8] au Théâtre Liberté (article 2) et précise les dates des 13 représentations /tournées en 2015 dont 2 représentations à [Localité 8] au Théâtre Liberté (10 et 11 février),

* messieurs [P] [D] et [Z] [B], pour le spectacle '[T]/Menuhin' des 2 mars 2015, qui fixent le lieu des répétitions à [Localité 8] au Théâtre Liberté (article 2) et précisent les dates des 13 tournées dont 2 représentations à [Localité 2] (23 et 24 avril 2015) et [Localité 3] (9 au 11 avril 2015),

* M. [J] du 14 octobre 2015 pour le spectacle '[Localité 4]' qui fixe le lieu des 13 représentations, lesquelles sont toutes hors [Localité 8] (du 2 novembre au 2 décembre 2015).

Il résulte des tableaux insérés dans la lettre d'observations que:

* le redressement n'a pas porté sur un spectacle auquel M. [B] ou Mme [G] ont participé,

* concernant M. [R], le redressement ne porte que sur des spectacles dont le lieu de représentation est le Théâtre Liberté à [Localité 8], ce qui n'est pas contredit par les pièces versées aux débats par la cotisante,

* concernant M. [J] le redressement porte, sauf dans un cas, sur des spectacles dont le lieu de représentation est le Théâtre Liberté à [Localité 8].

Il s'ensuit que les redressements ainsi retenus sont justifiés dés lors que ces artistes ne se trouvaient pas en situation de grand déplacement au sens des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002.

S'agissant du redressement au titre de M. [J], sur le lieu de représentation Festival d'[Localité 1], l'inspecteur du recouvrement a considéré qu'il ne correspondait pas à une tournée.

Le lieu de ce spectacle n'est pas mentionné dans le contrat précité versé aux débats.

Par contre, il résulte de la convention de coproduction de ce spectacle conclue avec le Festival d'[Localité 1] le 19 décembre 2014 et de son annexe 1 que des répétitions, générale et création auront lieu en juillet 2015 au Festival d'[Localité 1].

Compte tenu de la particularité de ce Festival, les répétitions, la générale et la création présentent un caractère indivisible et indissociable caractérisant en ce lieu une situation de grand déplacement, pour plusieurs représentations, dans le cadre d'une troupe comportant notamment deux acteurs, un metteur en scène, et dans le cadre d'une tournée en des lieux différents, d'autant qu'il résulte de cette même annexe que les répétitions de ce spectacle se situaient en amont, du 25 avril au 30 avril 2015 et du 28 mai au 1er juillet 2015 au Théâtre Liberté.

Contrairement à ce qui est allégué par l'URSSAF, la représentation hors du Théâtre Liberté d'un spectacle correspond à une situation de déplacements collectifs dans le cadre d'une tournée théâtrale, peu important à cet égard le nombre d'acteurs concernés, une troupe théâtrale incluant outre les acteurs notamment le metteur en scène ainsi que les divers salariés du théâtre oeuvrant à la réalisation du spectacle.

Ce redressement au titre du spectacle au Festival d'[Localité 1] n'est pas justifié, et n'est pas concerné par les cas des 3 salariés sur lesquels l'inspecteur du recouvrement a fait droit à la contestation de la cotisante dans sa réponse du 13 septembre 2017.

Concernant les autres redressements pour les salariés listés dans les tableaux les pièces 25, 28 et 30 versées aux débats par la cotisante qui sont des dossiers présentant les spectacles '[T]/Menuhin', 'Dreck' et 'dans la solitude des champs de coton' sont inopérantes à contredire les redressements retenus au titre des frais professionnels, alors qu'elle ne justifie pas, bien qu'il ne soit pas contesté, qu'elle a été sur la période concernée par le redressement, bénéficiaire de subventions de collectivités territoriales, que les sommes versées au titre des frais professionnels, à ses salariés bénéficiaires de la déduction forfaitaire spécifique, ont été notoirement inférieures à la réalité des frais exposés, faute de soumettre à l'appréciation de la cour le moindre élément à cet égard, permettant de considérer que ces indemnités versées s'analyseraient en allocations de saison.

Le chef de redressement concernant ses salariés bénéficiaires de la déduction forfaitaire spécifique

est donc justifié hormis en ce qui concerne M. [J] pour les répétitions et représentations au festival d'[Localité 1], étant observé que l'absence de toute précision du montant du redressement y afférent ne permet pas à la cour d'arrêter les comptes entre les parties.

Le jugement doit en conséquence être réformé en ce qu'il a validé intégralement le chef de redressement n°11 et condamné la cotisante au paiement du montant de la seconde mise en demeure.

L'URSSAF devra procéder à un nouveau calcul de ce chef de redressement.

Succombant principalement en ses prétentions la cotisante doit être condamnée aux dépens, ce qui fait obstacle à ce qu'elle puisse utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF les frais exposés pour sa défense.

PAR CES MOTIFS,

- Réforme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour concernant le chef de redressement n°11, et la condamnation de l'association [7] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 11 673.58 euros de cotisations et contributions sociales et 1 343 euros de majorations de retard,

Statuant à nouveau des chefs réformés, et y ajoutant,

- Dit le chef de redressement n°11 justifié hormis en ce qui concerne les frais professionnels de M. [J] au Festival d'[Localité 1],

- Dit que l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur doit procéder à un nouveau calcul du montant de ce chef de redressement et des majorations y afférentes, en excluant les dits frais,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes et prétentions,

- Condamne l'association [7] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/05249
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.05249 ?
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