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12/07/2024 | FRANCE | N°22/07052

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 12 juillet 2024, 22/07052


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/07052 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJM5C







S.A.R.L. [9]





C/



SCP [7]

URSSAF PACA

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Mathieu PERRYMOND



- Me Sébastien BADIE


>

- URSSAF PACA







































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 24 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01500.





APPELANTE



S.A.R.L. [9], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Mathieu PERRYMOND, avocat au barreau de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/07052 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJM5C

S.A.R.L. [9]

C/

SCP [7]

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Mathieu PERRYMOND

- Me Sébastien BADIE

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 24 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01500.

APPELANTE

S.A.R.L. [9], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mathieu PERRYMOND, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Nassira GUERNJIACHE, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

LA SOCIETE [7], Venant aux droits de la SCP [4], prise en la personne de Maître [M] [I], mandataire liquidateur de la SARL [9], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [U] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de la garantie des salaires au sein de la société [9] et sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a notifié une lettre d'observations datée du 25 octobre 2016, comportant trois chefs de redressement d'un montant total de 546 113 euros.

Après échanges d'observations dans le cadre desquelles les inspecteurs du recouvrement ont ramené le chef de redressement n°2, seul contesté, de 525 217 euros à 445 407 euros et le montant total du redressement à 466 303 euros, l'URSSAF lui a notifié une mise en demeure datée du 26 décembre 2016, d'un montant total de 539 740 euros (dont 466 302 euros en cotisations et 73 438 euros en majorations de retard).

Après rejet le 29 novembre 2017 par la commission de recours amiable, la société [9] a saisi le 4 juin 2018 un tribunal des affaires de sécurité sociale.

Le tribunal de commerce de Toulon a, par jugements en date des:

* 26 mai 2020, prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société [9],

* 30 juillet 2020, prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de sauvegarde de la société [9] et désigné la société [4], prise en la personne de Me [M] [I] en qualité de liquidateur.

Par jugement en date du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* fixé à la somme de 466 303 euros la créance de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au passif de la liquidation judiciaire de la société [9],

* débouté la société [9] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné Maître [M] [I], es qualité de liquidateur judiciaire aux dépens.

La société [9] a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 13 mai 2022.

Par conclusions n°2 réceptionnées par le greffe le 29 mai 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments la société [9] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour:

* à titre liminaire, de déclarer son appel recevable,

* à titre principal, d'annuler les opérations de contrôle et la mise en demeure du 26 décembre 2016,

* à titre subsidiaire:

- d'annuler le point de redressement n°2, relatif aux sportifs professionnels et au droit à l'image individuelle, ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 29 novembre 2017,

- débouter l'URSSAF de sa demande de fixation de créance,

- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives visées par le greffier le 5 juin 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [7], venant aux droits de la société [4], prise en la personne de maître [M] [I], liquidateur judiciaire de la société [9], sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour:

* à titre principal, d'annuler les opérations de contrôle et la mise en demeure du 26 décembre 2016,

* à titre subsidiaire, de:

- juger n'y avoir lieu à fixation d'une créance,

- débouter l'URSSAF de ses demandes,

- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°3 réceptionnées par le greffe le 3 juin 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur soulève l'irrecevabilité de l'appel.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour, 'statuant à nouveau par adoption ou substitution de motifs', de:

- débouter la société [9] de toutes ses demandes,

- déclarer irrecevable l'argumentation sur l'abus de droit,

et 'en tout état de cause', de:

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner la société [9] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1- sur la recevabilité de l'appel:

Exposé des moyens des parties:

L'URSSAF soulève l'irrecevabilité de l'appel en arguant d'une part de la tardiveté de l'appel formalisé le 16 mai 2022 alors que le jugement a été notifié au mandataire liquidateur le 24 mars 2022, et d'autre part du défaut de qualité de la société appelante, placée en liquidation judiciaire le 30 juillet 2020, dont le mandataire liquidateur est Me [M] [I].

Elle argue que cet appel ne concerne pas un droit propre du dirigeant de la société pour soutenir que celle-ci ne pouvait interjeter appel sans la présence du liquidateur, alors que la liquidation judiciaire est intervenue avant le jugement frappé d'appel, se prévalant à cet égard d'une interprétation a contrario d'un arrêt de la Cour de cassation (Com., 24 mai 2023, n°21-22.398).

La société [9] réplique d'une part que l'appel est recevable pour avoir été interjeté dans le délai légal, soulignant que le point de départ du délai est la date de réception de la notification et non point comme retenue par l'URSSAF celle de l'envoi par le greffe, et qu'en l'absence de date certaine permettant d'établir le point de départ du délai d'appel, l'irrecevabilité soulevée par l'intimée ne peut être accueillie. Elle soutient que son conseil ayant reçu le 25 avril 2022 la notification du jugement, la déclaration d'appel du 16 mai 2022, a été formalisée dans le délai d'un mois.

Elle oppose au moyen tiré du défaut de qualité pour interjeter appel, l'exception à la règle du dessaisissement du débiteur posée par l'article L.641-9 du code de commerce, tenant à la conservation des droits propres du débiteur, dont la faculté pour le débiteur en liquidation judiciaire de se présenter seul pour les actions tendant notamment aux instances en cours ayant pour objectif de fixer une créance au passif. Elle argue que la règle du dessaisissement est une mesure de protection de l'intérêt des créanciers, pour soutenir que le jugement frappé d'appel fixant une créance au passif, seul le détenteur de cet intérêt à agir, à savoir le liquidateur, peut s'en prévaloir et souligne que sa déclaration d'appel est dirigée contre l'URSSAF et son mandataire liquidateur es qualité, lequel conclut à la recevabilité de l'appel et à l'infirmation du jugement.

Le mandataire liquidateur, précisant ne pas être détenteur de la notification du jugement à l'appelante, ne développe pas d'argument sur la tardiveté de l'appel soulevée.

Concernant le moyen tiré du défaut de qualité, il argue que la procédure a trait à une fixation de créance, ce qui génère l'existence d'un droit propre du débiteur en procédure collective, et le rend recevable à formaliser appel du jugement fixant une créance.

Réponse de la cour:

Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

* sur le moyen d'irrecevabilité de l'appel tiré de son caractère tardif:

Selon l'article 528, alinéa 1, du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement et il résulte de l'article 538 du même code que le délai d'appel en matière contentieuse est d'un mois.

Par application de l'article 641 alinéa 2 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de la notification qui fait courir le délai et l'article 642 du même code dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Selon l'article 668 du code de procédure civile, sous réserve de l'article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre, et l'article 669 du même code stipule que la date de l'expédition d'une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission. La date de la remise est celle du récépissé ou de l'émargement. La date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

L'article 932 du code de procédure civile dispose que l'appel est formé par une déclaration que la partie ou son mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour.

En l'espèce, si l'imprimé du greffe de notification du jugement est daté, comme le jugement, du 24 mars 2022, et indique avoir été envoyé ce jour là à l'avocat de la société [9], pour autant en l'absence d'accusé de réception établissant de manière certaine la date à laquelle cette société a réceptionné cette notification, il ne peut être déduit de la seule circonstance que l'appel formalisé par lettre recommandée avec avis de réception dont les mentions de la Poste établissent qu'elle a été expédiée le 13 mai 2022, que le délai d'appel était à cette date expiré.

En l'absence d'avis de réception mentionnant la date de la remise par la Poste à la société [9]

[9] du pli recommandé de notification du jugement, le point de départ du délai d'un mois imparti pour formaliser un appel n'est pas déterminable.

L'URSSAF est par conséquent mal fondée en ce moyen.

* sur le moyen d'irrecevabilité de l'appel tiré du défaut de qualité de l'appelante:

Selon l'article L.641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

(...)

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Par arrêt du 24 mai 2023, la Cour de cassation (Com., n°21-22.398) a dit qu'il résulte de l'article L.641-9 du code de commerce que le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre de se défendre sur le recours formé contre la décision fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier.

En l'espèce, la société [9] a saisi le 4 juin 2018 la juridiction de première instance après rejet par la commission de recours amiable de sa contestation portant sur la mise en demeure du 26 décembre 2016 et le chef de redressement n°2 relatif aux sportifs professionnels: droit à l'image individuelle d'un montant ramené à 445 407 euros par les inspecteurs du recouvrement.

Le jugement prononçant sa liquidation judiciaire en date du 30 juin 2020, l'a donc été alors que la juridiction de première instance était saisie par la société débitrice d'une instance ayant pour objet de statuer sur l'action en recouvrement de l'URSSAF d'une créance, engagée par la notification de la mise en demeure datée du 26 décembre 2016.

Le jugement frappé d'appel du 24 mars 2022 a fixé le montant de la créance de l'URSSAF au passif de la société [9] à la somme de 466 303 euros.

Il est par conséquent exact que l'appel formalisé par la société [9] relève de l'exercice de son droit propre.

De plus la déclaration d'appel désigne en qualité d'intimées, outre l'URSSAF, le mandataire liquidateur.

Il résulte des articles 117 et 121 du code de procédure civile qu'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est entachée d'une irrégularité de fond qui ne peut être couverte.

Selon l'article 1844-7 7°du code civil, la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Il s'ensuit d'une part, qu'à la date de l'acte d'appel, la liquidation judiciaire de la société [9] n'ayant pas été clôturée, celle-ci avait conservé sa personnalité juridique et d'autre part, qu'exerçant un droit propre en contestation de la fixation de créance à son passif opérée par le jugement, elle a qualité pour formaliser l'appel.

L'URSSAF est par conséquent mal fondée en son second moyen.

L'appel de la société [9] doit donc être déclaré recevable.

2- sur le fond:

Pour valider le chef de redressement n°2 relatif au droit à l'image individuelle des sportifs professionnels, les premiers juges ont retenu que:

* lors du contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société [9], dont l'activité consiste à assurer la régie publicitaire de la société [10] et à commercialiser des produits dérivés du sport en général et du rugby en particulier, avait versé des sommes d'argent en contrepartie de l'exploitation du droit à l'image de certains joueurs évoluant dans ce club professionnel,

* ces deux sociétés ont la même société mère (l'Eurl [8]) de manière directe, ou indirecte via la société [6],

* les sociétés propriétaires des droits à l'image n'étaient que de simples intermédiaires par rapport au destinataire final,

* les sommes ont été versées aux sportifs professionnels pour l'exploitation de leur droit à l'image, à l'occasion du travail, peu important qu'elles aient été versées par un tiers et qu'il n'existe pas de lien de subordination entre celui-ci et les sportifs.

Ils ont également considéré que les sommes versées n'ont pas la nature de redevances et doivent être requalifiées en salaires, la marque 'les années [B]' ayant été déposée le 28 avril 2017, soit postérieurement au contrôle qui porte sur les années 2013 à 2015 et ont jugé que les critères cumulatifs permettant de qualifier ces sommes d'avances sur redevances ne peuvent nullement être réunies en l'absence d'exploitation de la marque, d'autant qu'il résulte de l'article 3 alinéa 6 du contrat que ces acomptes sont forfaitaires et sont garantis.

Concernant les redevances versées à certains joueurs par l'intermédiaire d'une société tierce, ils ont retenu que les sociétés propriétaires du droit à l'image, bénéficiaires directes des sommes litigieuses, sont détenues par les joueurs concernés, en leurs qualités d'actionnaires, et ont le caractère de rémunérations, devant être assujetties à cotisations sociales.

Exposé des moyens des parties:

La société [9] argue que le redressement au titre du droit à l'image individuelle de sportifs professionnels, dont elle n'est pas l'employeur, est fondé sur l'insinuation qu'elle serait une société écran, qu'elle serait un paravent de la société [10] et que sa relation contractuelle avec les joueurs dont elle exploite le droit à l'image serait en réalité une relation de subordination entre l'employeur (la société [10]) et un salarié (le joueur) et que les sommes qu'elle a versées le seraient à l'occasion d'un contrat de travail conclu entre la société [10] et le joueur.

Elle soutient que l'URSSAF s'est ainsi nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit, sans pour autant respecter la procédure des articles R.243-30-1 et R.243-60-3 du code de la sécurité sociale, la lettre d'observations ne mentionnant pas la possibilité de saisir le comité des abus de droit et les délais impartis à la personne contrôlée pour ce faire, ce qui entache de nullité les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement, se prévalant à cet égard de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2023 (n°21-17207).

Subsidiairement, elle conteste tout lien de subordination avec les joueurs, soulignant l'absence de contrat de travail, alors que pour que les sommes versées en contrepartie de l'exploitation de l'image ou de la notoriété d'un sportif professionnel soient réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales, il faut qu'elles revêtent la caractéristique de rémunération, et qu'il soit établi qu'elles ont été directement ou indirectement perçues, en tout ou partie, par les joueurs professionnels.

Elle soutient que le contrat de concession de droit à l'image qu'elle a conclu avec la société [10] lui concède une licence exclusive d'utilisation des droits à l'image du sportif qui n'a aucun lien juridique direct avec elle, et argue que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve que les joueurs ont personnellement perçu une rémunération au titre de l'exploitation de leur droit à l'image pour soutenir que les opérations de contrôle et la mise en demeure du 26 décembre 2016 doivent être annulées.

Elle invoque en outre l'indépendance des contrats de droit à l'image et des contrats de travail.

Sans contester l'existence d'un lien capitalistique avec la même société mère, l'Eurl [8], directement en ce qui la concerne, et pour ce qui est de la société [10] au travers de la société [6], elle argue que ce lien ne peut suffire à justifier l'assujettissement à cotisations sociales des sommes qu'elle a versées, au titre de l'exploitation du droit à l'image des joueurs, à des sociétés tierces.

Le mandataire liquidateur se prévaut des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile pour soutenir que le principe de la concentration des moyens invoqué par l'URSSAF n'est pas applicable devant la cour d'appel.

Il précise que la société [9] est détenue à 100% par la société [8] et que la société [10] est elle-même détenue à 51% pour la société [6] qui est une filiale à 99% de la société [8].

Il argue que la société [9] est exclusivement consacrée depuis sa création au développement d'une activité indépendante de celle de la société [10], consistant dans la régie publicitaire de cette dernière, mais également et surtout dans le développement de fonds de commerces indépendants de vente de vêtements et de produits dérivés du sport en général, du rugby en particulier, et qu'elle a conclu avec les sociétés propriétaires des droits sur l'image des joueurs, des contrats de licence de droits d'image ou des autorisations de déposer en son nom propre des marques au nom d'un joueur, pour soutenir que la société [9] n'a aucun contact avec le joueur qui a déjà, et préalablement, cédé son image à une société dont le métier est de gérer au mieux de ses intérêts celle-ci. Il ajoute qu'il est démontré que le joueur ne perçoit pas les sommes versées à titre de redevance, ce qui justifie l'annulation du contrôle.

Subsidiairement, il argue que l'existence d'un lien de subordination entre la société [9] et les joueurs n'est pas établie et que les sommes versées ne l'ont pas été aux joueurs, tout en soulignant que la soumission des sommes versées aux cotisations sociales ne prend pas en compte la notoriété des joueurs telle qu'elle existait avant leur arrivée dans le club.

L'URSSAF oppose au moyen de l'appelante tiré de l'abus de droit le principe de la concentration des moyens, en relevant que la société n'a soulevé devant les premiers juges aucun des nouveaux moyens qu'elle soumet à la cour sur la procédure de contrôle et sur le caractère prétendu incomplet de la mise en demeure (sic), tout en reconnaissant qu'ils concourent à la demande initiale d'annulation du contrôle formulée par la société.

Elle invoque en outre le périmètre de la saisine de la commission de recours amiable pour soutenir que la société a limité son recours au point 2 de la lettre d'observations et qu'elle ne peut huit années après, venir contester la procédure de contrôle et donc les termes de la saisine de la commission de recours amiable.

Elle conteste qu'il ait été fait application des dispositions concernant l'abus de droit implicite, soutenant que les inspecteurs du recouvrement n'ont pas relevé dans la lettre d'observations des actes ayant un caractère fictif comme des actes ayant pour objectif d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles la cotisante est normalement tenue, mais qu'ils ont donné leurs exactes qualifications aux rémunérations relevées en sa comptabilité.

Elle argue que les dispositions de l'article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale ont été modifiées par la loi du 26 décembre 2023, qui a supprimé la référence au comité des abus de droit, pour soutenir que la jurisprudence invoquée par la société, qui est postérieure au contrôle, ne peut avoir de conséquences alors que le texte applicable a été modifié.

Elle souligne que les inspecteurs du recouvrement ont constaté qu'à l'occasion du travail des salariés 'de la société à objet sportif', la société [9] leur verse des redevances et également des acomptes sur redevance pour l'exploitation de marques et de droits d'exploitation concédés par les joueurs, et que le versement de ces sommes, peu important leur dénomination, constitue des salaires à réintégrer dans l'assiette des cotisations, pour être versées en contrepartie du contrat de travail et aux joueurs pour rémunérer l'exploitation de leur image. Elle souligne que les joueurs sont actionnaires des sociétés qui reçoivent les prétendues redevances pour l'exploitation de leur image et allègue que les contrats d'exploitation de l'image des sportifs n'auraient jamais été conclus en l'absence des contrats de travail.

Elle ajoute que les marques doivent être protégées avant toute exploitation, que le dépôt de la marque 'les années [B]' a été postérieur au contrôle, ce qui justifie la requalification de la rémunération forfaitaire préalable à l'exploitation en salaire et souligne que seules des personnes sous contrat avec la société [10] sont rémunérées au titre de cette marque.

Concernant les redevances forfaitaires annuelles versées à certains joueurs par une société tierce qui leur est liée, elle soutient que ces sommes s'analysent en rémunérations devant être réintégrées dans l'assiette des cotisations et contributions CSG-CRDS, hormis pour M. [W]. Elle conteste l'indépendance alléguée par l'appelante des contrats de droits d'image et des contrats de travail, soutenant que ces contrats d'exploitation de l'image des joueurs sont conclus dans la mesure où ils se rapportent au sportif en tant que joueur du [10] et allègue qu'en dehors du cas de M. [E], la totalité des droits à l'image ont pris fin concomitamment à la fin de leur contrat de travail.

Elle argue que les liens capitalistiques étroits existant entre les sociétés [10] et [9], confirment l'absence d'indépendance entre les différents contrats qui ne s'entendent que liés les uns aux autres, que les investigations des inspecteurs du recouvrement établissent que les sociétés propriétaires des droits à l'image, bénéficiaires directes des sommes litigieuses sont détenues par les joueurs concernés, en leur qualité d'actionnaires, pour soutenir que la notion de personne morale entre le club professionnel et le joueur ne fait pas obstacle à la prise en compte de la rémunération versée à la société, peu important que cette rémunération soit qualifiée de dividende ou d'honoraires.

Réponse de la cour:

- sur le principe de la concentration des moyens:

L'URSSAF invoque le principe de la concentration des moyens sans en tirer pour autant de conséquences procédurales en terme de prétentions.

Les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, que lui oppose le mandataire liquidateur, sont insérées dans la section 1 du code de procédure civile relative à la procédure avec représentation obligatoire (titre VI, sous titre I, chapitre I) alors que l'article R.142-11 du code de la sécurité sociale stipule que la procédure d'appel est sans représentation obligatoire.

Elles ne sont donc pas susceptibles de recevoir application dans le cadre du présent litige relevant en cause d'appel de la procédure sans représentation obligatoire

Par contre, l'article 563 du code de procédure civile dispose que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles pièces.

Il s'ensuit que le principe de la concentration des moyens ne fait nullement obstacle à ce qu'un appelant puisse invoquer en cause d'appel de nouveaux moyens, et l'arrêt de l'Assemblée plénière du 7 juillet 2006 (n°04-10.673) que cite l'URSSAF porte sur un arrêt de cour d'appel ayant retenu une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, ce qui implique que le premier jugement était devenu définitif, alors qu'en l'espèce, le jugement du 24 mars 2022 ne l'est pas pour avoir été frappé d'appel.

L'arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2016 (1ère Civ., n°15-16.743) cité par l'URSSAF est de même inopérant pour porter également sur une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée.

Le principe de la concentration des moyens ne fait nullement obstacle à ce qu'un appelant puisse invoquer en cause d'appel de nouveaux moyens.

L'URSSAF procède par confusion entre deux notions juridiques distinctes, celle de l'autorité de chose jugée qui rend irrecevable une nouvelle saisine d'une juridiction fondée sur d'autres moyens, alors que le litige a fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée, et celle de la concentration des moyens en cause d'appel qui n'est prévue que dans les litiges relevant de la représentation obligatoire par les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

L'URSSAF est par conséquent mal fondée à invoquer le principe de la concentration des moyens.

- Sur le périmètre de la commission de recours amiable:

Dans sa rédaction applicable, issue du décret 2016'941 du 8 juillet 2016, l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale disposait que les réclamations relevant de l'article L.142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme et que cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.

Selon l'article R.142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de l'acte de saisine, le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi (...) par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6.

La forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.

La forclusion ne peut être opposée au cotisant ayant introduit une requête contestant une décision implicite de rejet d'un organisme effectuant le recouvrement pour le seul motif de l'absence de saisine du tribunal contestant la décision explicite de rejet intervenue en cours d'instance.

Dans son arrêt du 1er juin 2023 (2e Civ., n°21-21.329) la Cour de cassation a dit qu'il résulte de l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-941 du 8 juillet 2016 applicable au litige, d'une part, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission et, d'autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs du redressement.

En l'espèce, la lettre recommandée avec avis de réception datée du 5 janvier 2017, de la société [9], saisissant la commission de recours amiable de l'URSSAF, fait référence à la mise en demeure datée du 26 décembre 2016, et conteste en conclusions 'l'ensemble des redressements effectués au titre du point 2 de la lettre d'observations en date du 25 octobre 2016, relatif aux sportifs professionnels et au droit à l'image individuelle'.

La lettre d'observations du 25 octobre 2016 porte sur trois chefs de redressement:

* n°1: avantage en nature véhicule: principe et évaluation - hors cas des constructeurs et concessionnaires, d'un montant total de 15 404 euros au titre des années 2013, 2014 et 2015,

* n°2: sportifs professionnels: droit à l'image individuelle d'un montant total de 525 217 euros au titre des années 2013, 2014, et 2015, ramené dans le cadre des échanges d'observations à 445 407 euros,

* n°3: acomptes - avances, prêts non récupérés, d'un montant de 5 492 euros (au titre de l'année 2013).

S'il est exact que le point 2 est le seul chef de redressement contesté devant la commission de recours amiable, pour autant, le moyen tiré de l'abus de droit développé par l'appelante l'est au soutien de sa contestation de ce chef de redressement et elle fonde sa prétention d'annulation des opérations de contrôle et redressement et de recouvrement sur une jurisprudence de la Cour de cassation (2e Civ., 16 février 2023, n°21-17207).

Il s'ensuit que l'URSSAF est mal fondée à opposer au moyen tiré de l'abus de droit, celui du périmètre de la saisine de la commission de recours amiable.

Par ailleurs, l'argument de l'URSSAF tiré de la modification par la loi du 26 décembre 2023 de l'article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale est inopérant pour se heurter au principe de non rétroactivité des lois, posé par l'article 2 du code civil, étant observé qu'il résulte de l'article 5 VI de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023, que les nouvelles dispositions de l'article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale qui en sont issues s'appliquent aux observations notifiées à compter du 1er janvier 2024, alors que la lettre d'observations concernée par le présent litige est datée du 25 octobre 2016.

- Sur l'abus de droit:

L'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. (...).

Selon l'article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi 2009-526 du 12 mai 2009, applicable, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L.752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du premier alinéa, le litige est soumis, à la demande du cotisant, à l'avis du comité des abus de droit. Les organismes de recouvrement peuvent également, dans les conditions prévues par l'article L.225-1-1, soumettre le litige à l'avis du comité. Si ces organismes ne se conforment pas à l'avis du comité, ils doivent apporter la preuve du bien-fondé de leur rectification. En cas d'avis du comité favorable aux organismes, la charge de la preuve devant le juge revient au cotisant.

La procédure définie au présent article n'est pas applicable aux actes pour lesquels un cotisant a préalablement fait usage des dispositions des articles L.243-6-1 et L.243-6-3 en fournissant aux organismes concernés tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de ces actes et que ces organismes n'ont pas répondu dans les délais requis.

L'abus de droit entraîne l'application d'une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, notamment la composition, l'organisation et le fonctionnement du comité des abus de droit.

L'article R.243-60-3 du code de la sécurité sociale, dispose que:

I. - La décision de mettre en 'uvre les dispositions prévues à l'article L.243-7-2 est prise par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement, qui contresigne à cet effet la lettre d'observations mentionnée au premier alinéa du III de l'article R.243-59. Ce document mentionne la possibilité de saisir le comité des abus de droit et les délais impartis à la personne contrôlée pour ce faire.

II. - Le cotisant dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception du document mentionné au I pour demander au service mentionné à l'article R. 155-1 que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit. S'il formule dans ce délai des observations à ce document, il dispose à nouveau d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'organisme de recouvrement à ces observations.

III. - Dans un délai de trente jours, le service mentionné à l'article R.155-1 saisit le comité des demandes recevables et avertit l'organisme.

IV. - L'organisme de recouvrement et le cotisant sont invités à produire leurs observations dans un délai de trente jours ; ils reçoivent communication des observations produites par l'autre partie. Le président du comité peut en outre recueillir auprès du cotisant et de l'organisme tout renseignement complémentaire utile à l'instruction du dossier.

V. - Si le cotisant a formé, devant la commission de recours amiable prévue à l'article R.142-1, une réclamation portant sur une décision de redressement prise dans le cadre de la même procédure que celle qui a donné lieu à la saisine du comité des abus de droit, la commission diffère son avis ou sa décision dans l'attente de l'avis du comité.

VI. - Le président communique l'avis du comité au cotisant et à l'organisme de recouvrement. Celui-ci notifie sa décision au cotisant et, en cas de modification du redressement, lui adresse une mise en demeure rectificative, conformément à l'article L.244-2, dans un délai de trente jours.

Par arrêt en date du 16 février 2023, la Cour de cassation (2e Civ., n°21-17207) a dit qu'aux termes de l'article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R.243-60-1 et R.243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la lettre d'observations n'est pas signée par le directeur de l'URSSAF, ni que le comité des abus de droit n'a pas été saisi.

La cotisante soutenant que l'URSSAF s'est nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit, il incombe à la cour de rechercher dans les éléments ayant conduit les inspecteurs du recouvrement à requalifier les versements en rémunérations l'intention de la société de créer une situation juridique fictive ou de frauder la loi pour éluder des cotisations et/ou contributions sociales qui seraient autrement dues.

Dans le cadre du chef de redressement n°2, les inspecteurs du recouvrement ont constaté:

* dans les grands livres de la société contrôlée des écritures de redevances dans les comptes 651000 et suivants rémunérant des droits à l'image de joueurs de la société [10],

* des écritures relatives à des marques inscrites en compte 205 100, 205 110 et 205 120, concernant trois joueurs, à savoir M. [C], [X] et [W],

et ont distingué trois cas de figure:

- pour messieurs [R] et [C]: ils ont constaté que leurs contrats de cession correspondent à l'exploitation future d'une marque 'les années [B]', et que les sommes versées sur la période contrôlée sont qualifiées par la société d'avances de redevance,

- pour M. [H][W]: ils ont constaté que les sommes ont été versées dans le cadre de la création d'une marque figurative LH à l'effigie du joueur et que la rémunération inscrite dans le contrat est composée d'un pourcentage du chiffre d'affaires ainsi que d'une redevance forfaitaire annuelle minimum garantie compris entre 100 000 et 150 000 euros par an (cette partie du redressement a été annulée dans le cadre de l'échange d'observations)

- certains joueurs ([L], [G], [Z], [K], [A], [E]) ont cédé par l'intermédiaire d'une société tierce mais qui leur est néanmoins liée, l'exploitation de leur droit à l'image moyennant une redevance forfaitaire annuelle.

Ils ont rappelé que les sociétés [9] et [10] ([10]) partagent le même actionnaire principal commun, à savoir l'Eurl [8], et que la société [9] est l'entité qui exploite les différentes boutiques [10], et ont considéré qu'il y a réellement communauté d'intérêt sur la période contrôlée entre les deux sociétés.

Concernant la marque 'les années [B]', ils ont constaté que bien que les contrats aient été conclus au mois de juin 2013, il n'y a, au moment du contrôle, aucune exploitation de la marque, et précisé qu'il résulte de leurs recherches auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, que cette marque n'y a pas été déposée.

Ils en ont tiré la conséquence que les 'acomptes sur redevance' ne peuvent en aucun cas être calculés sur un chiffre d'affaires, relevant par ailleurs qu'ils sont forfaitaires et garantis, et que du fait de la période de reprise de l'acompte résultant de l'article 3, alinéa 6 du contrat, les acomptes versés depuis le mois de juin 2013 ne pourront donner lieu à remboursement dans la mesure où, la marque n'est toujours pas exploitée, alors qu'afin de pouvoir échapper au régime général, les sommes versées dans le cadre d'un contrat de droit à l'image doivent être fonction du produit de la vente ou de l'exploitation.

Ils ont considéré que les sommes n'ont pas la nature de redevances et qu'elles ont donc la nature de rémunérations, relevant également que seules des personnes sous contrat avec la société [10] sont rémunérées au titre de la marque 'les années [B]'.

Concernant les cessions de droit à l'image moyennant redevance forfaitaire annuelle, ils ont 'constaté' que les sociétés propriétaires de ces droits n'étaient que de simples intermédiaires par rapport au destinataire final et que dans ce cas 'la notion de société écran ne peut faire obstacle au redressement'. Ils ont relevé que le contrat de droit à l'image fait référence (par exemple article 2.1 du contrat passé avec [5]) à l'exploitation du droit à l'image individuelle du sportif dans la mesure où il se rapporte au sportif en tant que joueur du [10] et qu'ainsi le contrat de droit à l'image est bien lié au contrat de travail liant le joueur à cette société, tout en précisant que les sommes versées ont un caractère forfaitaire et ne dépendent nullement du chiffre d'affaires réalisé.

Il résulte des éléments ainsi pris en considération par les inspecteurs du recouvrement que:

* pour réintégrer dans l'assiette des cotisations de la société [9], les sommes versées dans le cadre des contrats de cession correspondant à l'exploitation future d'une marque 'les années [B]', ils ont nécessairement retenu que ces contrats rémunérant des droits à l'image de joueurs de la société [10] ont pour objet d'éluder les cotisations et contributions sociales versées à des joueurs salariés d'une société ayant avec la cotisante des liens capitalistiques étroits, ce qui implique qu'ils se sont placés sur le terrain de l'abus de droit,

* pour réintégrer dans l'assiette des cotisations de la société [9], les sommes versées au titre de redevances forfaitaires annuelles par l'intermédiaire d'une société tierce liée à la cotisante, en qualifiant cette société tierce de 'société écran' ils ont également nécessairement retenu le caractère fictif de cette société et des contrats conclus avec elle.

Se plaçant ainsi pour procéder à ce chef de redressement sur le terrain de l'abus de droit, la cotisante devait être informée par la lettre d'observations de son droit de solliciter l'avis du comité des abus de droit, ce qui n'a pas été le cas, et fait grief.

Il résulte de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale que la méconnaissance par l'organisme de recouvrement de la procédure qu'il prévoit n'emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur le fondement de l'abus de droit (2e Civ., 16 février 2023, pourvois n° 21-12.005 et 21-11.600).

La société [9] et son liquidateur doivent donc être déboutés de leurs prétentions portant sur l'annulation des opérations de contrôle, de redressement et de recouvrement, seule l'annulation du point 2 du reversement étant encourue, ainsi que sollicitée à titre subsidiaire.

Par infirmation du jugement entrepris, la cour annule le chef de redressement n°2 ramené à 445 303 euros.

Les chefs de redressement n°1 et 3 n'étant pas contestés, et totalisant la somme de 21 396 euros, celle-ci doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [9].

L'URSSAF succombant en ses prétentions doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la société [9] et de son liquidateur les frais exposés pour leur défense.

L'URSSAF est en conséquence condamnée à leur payer à chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Dit l'appel de la société [9] recevable,

- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs informés et y ajoutant,

- Déboute la société [9] et son liquidateur de leurs prétentions portant sur l'annulation des opérations de contrôle, de redressement et de recouvrement;

- Annule le chef de redressement n°2,

- Fixe à la somme de 21 396 euros la créance de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au passif de la liquidation judiciaire de la société [9],

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à payer à la société [9] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à payer à la société [7], prise en la personne de maître [M] [I], mandataire liquidateur, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux entiers dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/07052
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.07052 ?
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