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12/07/2024 | FRANCE | N°22/13246

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 12 juillet 2024, 22/13246


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/13246 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKD2E







CPAM DU VAR





C/



Consorts

[K]

La société [14] prise en la personne de Me [I]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Julie ANDREU



- La société [14] prise en la personne de Me [I

],





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 02 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01371.



APPELANTE



CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]



non comparant



d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/13246 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKD2E

CPAM DU VAR

C/

Consorts

[K]

La société [14] prise en la personne de Me [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Julie ANDREU

- La société [14] prise en la personne de Me [I],

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 02 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01371.

APPELANTE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

INTIMES

Madame [Z] [N] épouse [K], demeurant [Adresse 13] - [Localité 9]

représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean eudes MESLAND-ALTHOFFER, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [U] [K], demeurant [Adresse 4] - [Localité 6]

représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean eudes MESLAND-ALTHOFFER, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [T] [K], demeurant [Adresse 13] - [Localité 9]

comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean eudes MESLAND-ALTHOFFER, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [L] [K], demeurant [Adresse 3] - [Localité 2]

représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean eudes MESLAND-ALTHOFFER, avocat au barreau de MARSEILLE

La société [14] prise en la personne de Me [I], mandataire ad hoc de la société [11] , demeurant [Adresse 1] - [Localité 7]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [K], né le 29 janvier 1942, a été employé par la société [12] devenue la société [11] (dite [15]), du 4 novembre 1974 au 31 juillet 1988, en qualité de technicien de fabrication.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var a pris en charge au titre du tableau 30B des maladies professionnelles, à une date qui n'est pas justifiée, la pathologie 'épaississements pleuraux' déclarée le 18 février 1998, puis a fixé le 21 octobre 1998 à 8% son taux d'incapacité permanente partielle, taux porté à 10% par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité en date du 3 juillet 2006.

Il est décédé le 4 septembre 2017.

Mme [Z] [N], sa veuve, a demandé le 12 septembre 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie du Var de reconnaître le caractère professionnel d'une seconde maladie, en joignant un certificat médical initial daté du 7 août 2017, mentionnant une 'tumeur bronchique de type épidermoïde'.

Cette caisse a attribué le 24 mai 2018 à Mme [Z] [N] la rente de conjoint survivant.

La société [11] a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés le 31 mars 2016, par suite du jugement du tribunal de commerce de Paris, en date du 31 mars 2016, prononçant la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire.

Le président du tribunal de commerce de Paris a désigné par ordonnance en date du 30 mars 2017 la société [14] prise en la personne de Me [I], en qualité de mandataire ad hoc de la société [11], 'dans le cadre des procédures en vue d'obtenir des dommages et intérêts qui sont diligentées par les anciens salariés ou leurs ayants droit, adhérents du [10] dont les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les cours d'appel ainsi qu'éventuellement devant la Cour de cassation et ce, pour la durée de la procédure et des actions s'y rapportant' en précisant que 'cette désignation sera valable pour toutes les actions intentées avant le 31 décembre 2020".

Mme [Z] [N] veuve [K] a saisi le 12 juin 2018 un tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable l'employeur de son mari dans la maladie 'tumeur bronchique de type épidermoïde'.

Messieurs [U] [K] et [T] [K], tous deux fils du défunt, ainsi que Mme [L] [K], sa petite-fille, sont intervenus volontairement à la procédure.

Par jugement en date du 2 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la caisse primaire d'assurance maladie du Var tirée de la prescription de l'action de la faute inexcusable,

* dit la caisse primaire d'assurance maladie du Var irrecevable en ses prétentions tendant à confirmer que le certificat médical initial du 7 août 2017 est un certificat d'aggravation de la maladie professionnelle 30B du 7 janvier 1998,

* dit la caisse primaire d'assurance maladie du Var irrecevable en ses prétentions tendant à juger que la prescription biennale est opposable à l'action en demande de reconnaissance de la maladie professionnelle des consorts [K],

* dit que la maladie professionnelle (tumeur bronchique de type épidermoïde) de [R] [K], constatée médicalement le 7 août 2017 est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [11],

* fixé au maximum la majoration de la rente de conjoint survivant servie à Mme [N],

* dit que cette majoration de rente doit être calculée sur la base du salaire de 43 796.13 euros ,

* alloué à la succession de [R] [K], l'indemnité forfaitaire,

* fixé ainsi qu'il suit les préjudices de [R] [K]:

- au titre du déficit fonctionnel temporaire: 1 300 euros,

- au titre des souffrances endurées: 60 000 euros,

- au titre du préjudice esthétique: 4 000 euros,

* fixé ainsi qu'il suit les préjudices des ayants droit de [R] [K]:

- 37 000 euros à Mme [Z] [N] veuve [K],

- 12 000 euros à M. [U] [K],

- 12 000 euros à M. [T] [K],

- 7 000 euros à Mme [L] [K],

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Var fera l'avance des sommes ainsi allouées,

* dit que les sommes alloués porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,

* condamné la société [14] prise en la personne de Me [I], mandataire ad hoc de la société [11] aux dépens.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var a interjeté appel par lettre recommandée avec avis de réception, expédiée le 4 octobre 2022, cet appel étant limité à l'indemnité allouée au titre du des souffrances endurées.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 4 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dispensée de comparution, sollicite l'infirmation du jugement sur l'indemnisation des souffrances endurées et demande à la cour de la ramener à de plus justes proportions.

Elle lui demande en outre de rejeter la demande de préjudice d'agrément non sollicitée en première instance et de confirmer le jugement sur les montants allouées au titre du préjudice esthétique et du préjudice moral de la veuve.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 31mai 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [Z] [N] veuve [K], M. [U] [K], M. [T] [K], Mme [L] [K], formant implicitement appel incident, sollicitent la réformation du jugement en ses dispositions relatives aux indemnisations des souffrances endurées et du préjudice esthétique de [R] [K] ainsi que du préjudice moral de Mme [Z] [N] veuve [K].

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de fixer:

* au titre des préjudices subis par [R] [K], les indemnisations suivantes:

- des souffrances physiques: 70 000 euros,

- de la souffrance morale: 70 000 euros,

- du préjudice d'agrément: 30 000 euros,

- du préjudice esthétique: 10 000 euros ,

* l'indemnisation du préjudice moral de Mme [Z] [N] veuve [K] à la somme de 50 000 euros,

et de condamner 'la partie succombante' à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [14] prise en la personne de Me [I], mandataire ad hoc de la société [11] selon la déclaration d'appel, bien que régulièrement convoquée à l'audience du 5 juin 2024, par l'avis de fixation daté 3 novembre 2023, dont elle a accusé réception le 6 novembre 2023, n'y a pas été représentée.

MOTIFS

Compte tenu des conclusions respectives des parties, le litige en cause d'appel est circonscrit aux indemnisations des préjudices suivants de [R] [K]:

* souffrances endurées physiques et morales,

* préjudice esthétique,

ainsi que du préjudice moral de sa veuve.

1- sur les indemnisations des préjudices extra patrimoniaux de [R] [K] (devant être versées sa succession):

* sur les souffrances endurées: physiques et morales:

Pour fixer à la somme de 60 000 euros l'indemnisation des souffrances physiques et morales, les premiers juges ont retenu qu'il est décédé le 4 septembre 2017 d'une tumeur bronchique de type épidermoïde provoquée par une exposition régulière à l'amiante, alors qu'il était âgé de 75 ans, le diagnostic ayant été posé le 7 août 2017, qu'il a subi des souffrances physiques importantes (choc septique sur ischémie digestive, interventions chirurgicales ou examens invasifs) et morales liée à l'angoisse d'une mort imminente vécue sur cette période durant environ un mois.

Exposé des moyens des parties:

La caisse conteste cette évaluation en se prévalant du 'référentiel Mornet' et du 'référentiel indicatif de l'indemnisation des cours d'appel', en arguant que pour une cotation médico-légale de 7/7 l'indemnisation est de 35 000 euros.

Les consorts [K] se prévalent des deux arrêts de l'assemblée plénière de la Cour de cassation pour soutenir que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que les victimes ou leurs ayants droit peuvent obtenir réparation complémentaire des souffrances endurées physiques et morales endurées après consolidation.

Ils argent qu'indemniser les préjudices extrapatrimoniauxpar une somme inférieure ou égale au barème du F.I.V.A reviendrait à priver de sens le contentieux en reconnaissance de la faute inexcusable qui s'inscrit nécessairement dans une dynamique de prévention des risques des entreprises, et soulignent qu'au regard de son âge (75 ans) et de la gravité de sa pathologie (100%) l'indemnisation aurait au moins été égale à 85 610 euros.

Ils soulignent qu'au cours de l'hiver 2017, [R] [K] a consulté pour une sorte de bronchite avec toux trainante et que le scanner thoracique réalisé en février a confirmé l'opacité suspecte parenchymateuse occupant presque la totalité du lobe inférieur gauche, qu'il a alors subi une lobectomie inférieure gauche dans le cadre d'une hospitalisation du 15 au 22 août 2017, et a, à nouveau, été hospitalisé en urgence le 31 août 2017 pour une brutale douleur abdominale, qu'une première intervention chirurgicale a alors été tentée, puis une seconde le 3 septembre mais qu'il est décédé le lendemain des suites de son cancer pulmonaire ayant incontestablement muté au niveau digestif.

Ils chiffrent les souffrances endurées physiques à la somme de 70 000 euros et à la même somme les souffrances morales en arguant de la certitude d'une atteinte corporelle avérée à l'issue fatale, et qu'il a vécu l'annonce de sa maladie comme un véritable traumatisme, qu'il était âgé de 75 ans et dynamique et s'est vu diminuer petit à petit avec une sensation d'étouffement de plus en plus importante et des douleurs croissantes.

Réponse de la cour:

Lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, à une indemnisation complémentaire du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

Par deux arrêts en date du 20 janvier 2023 (pourvois n°21-23.947 et 20-23.673), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que désormais la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, en revenant sur sa jurisprudence antérieure selon laquelle la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent et n'admet que la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

Selon les articles L.434-1 et L.434-2 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu à l'article R.434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

Il s'ensuit que cette rente présente un caractère forfaitaire et global, et qu'elle n'indemnise pas les souffrances endurées postérieurement à la date de consolidation alors que l'évolution inéluctable de la pathologie génère des souffrances et que les soins qui continuent à être prodigués en induisent également.

Dans ses arrêts, du 20 janvier 2023, l'assemblée plénière a en effet rappelé que le Conseil d'Etat juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L.431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

En l'espèce, la caisse n'a pas instruit la demande de reconnaissance de la seconde maladie professionnelle dont a été victime [R] [K] et n'en n'a pas reconnu le caractère professionnel, qui l'a été par le jugement frappé d'appel, non critiqué à cet égard pas plus qu'en ce qui concerne la reconnaissance du taux d'incapacité permanente de 100% avant le décès.

S'agissant des souffrances endurées, il y a lieu effectivement de distinguer:

* d'une part les souffrances physiques liées à la fois aux manifestations de la maladie, aux examens pratiqués que ce soit pour le diagnostic ou en thérapie, antérieures à la date de consolidation et également celles postérieures à cette date, dont la réparation n'est pas prise en compte au titre de la rente,

* d'autre part les souffrances morales caractérisées par la conscience par la victime de la gravité de son état et la crainte d'une évolution négative avec le risque de développer des formes plus graves de cette maladie à plus ou moins brève échéance, et la surveillance médicale à laquelle la victime est soumise, induisant des examens et traitements réguliers, ne peut que contribuer à activer sa perception du caractère inéluctable de son décès.

L'indemnisation de ces souffrances ne peut résulter de l'application de 'barèmes' et doit se faire au regard des éléments soumis à l'appréciation du juge, étant observé que ceux issus du dossier médical présentent un élément purement objectif, et qu'il n'y a pas eu en l'espèce d'expertise médicale et par conséquent aucune quantification de taux.

Le certificat médical initial daté du 7 août 2017 mentionne comme date de la première constatation médicale de la maladie le même jour.

Pour autant le compte rendu du scanner du thorax sans injection, réalisé le 2 juin 2017, a mis en évidence une 'opacité parenchymateuse à contours spicule d'allure suspecte au niveau du segment postérieur du lobe inférieur gauche' et le compte rendu d'hospitalisation daté du 23 août 2017 (hospitalisation du 15/08/2017 au 22/08/2017) fait ressortir que [R] [K] a présenté au cours de l'hivers écoulé une sorte de bronchite avec toux traînante, que suite au scanner , le 'PET scan' a retrouvé un 'renforcement du radio traceur au niveau de cette opacité avec atteinte ganglionnaire médiastinale homolatérale', et que lors de l'intervention chirurgicale du 16/08/2017 il a été réalisé 'lobectomie inférieure gauche avec une lymphadenectomie importante médiastino-hilaire', l'état du patient ayant nécessité un transfert en réanimation polyvalente.

Il est justifié par le compte rendu d'hospitalisation daté du 04/09/2017 que [R] [K] a postérieurement été hospitalisé du 01/09/2017 au 04/09/2017 pour 'choc septique sur ichémie digestive', après survenance brutale le 31/08/2017 à 19h00 d'une douleur abdominale et que le scanner addomibo -pelvien injecté a révélé un 'thrombus dans l'artère mésentérique supérieure avec ischémie mésentérique artérielle débutante'. Il en a alors été opéré(thrombectomie mésentérique supérieur avec résection de 1.3m d'intestin grêle d'aspect nécrotique). Le 03/09/2017 un épanchement pleural hydroaérique gauche a été redrainé, il a à nouveau été tenté une intervention chirurgicale, mais son état de santé s'est révélé au-delà de toutes ressources thérapeutiques et il est décédé le lendemain matin.

Ainsi, ces éléments médicaux versés aux débats établissent sur la période trois mois à compter des premières manifestations de la maladie, médicalement constatées, devant être situées au 2 juin 2017, l'existence de souffrances physiques endurées par [R] [K], en lien à la fois avec les manifestations de sa tumeur bronchique et le type de prise en charge médicale induit jusqu'à son décès le 4 septembre 2017, ce qui justifie de procéder à une indemnisation globale des souffrances physiques.

Les premiers juges n'ont pas évalué distinctement l'indemnisation des souffrances physiques endurées, que la cour chiffre au regard à la fois de la nature de la nature de la prise en charge médicale et des soins, précédemment décrits, de la durée de trois mois d'intenses souffrances liées à la pathologie dont le diagnostic est quasi simultané à la mise en évidence des premiers symptômes, de la nature des soins, et également de la poursuite de la dégradation de l'état de santé après le début de prise en charge, avec des traitements invasif itératifs.

Compte tenu de ces éléments la cour fixe l'indemnisation des souffrances physiques endurées à 50 000 euros.

Concernant les souffrances morales, liées à l'annonce du diagnostic d'une maladie incurable le en juin 2017, leur indemnisation doit prendre en considération d'une part l'âge de [R] [K], soit 75 ans, la date de son décès survenu trois mois plus tard, mais aussi la circonstance qu'il faisait l'objet d'examens réguliers depuis sa précédente maladie professionnelle en lien également avec son exposition professionnelle à l'amiante, et que le second diagnostic, dont il ne pouvait ignorer les perspectives, n'a pu qu'activer une angoisse liés à la nature de la prise en charge à venir et son issue fatale.

Les attestations de ses proches attestent du reste de l'impact sur son psychisme de l'annonce du diagnostic.

La cour chiffre compte tenu de ces éléments l'indemnisation de ces souffrances morale à la somme de 40 000 euros eu égard à l'évolution trés rapide et irréversible.

En conséquence, par réformation de ce chef du jugement, la cour fixe à la somme totale de 90 000 euros l'indemnisation des souffrances endurées.

* sur le préjudice esthétique:

Pour fixer à 4 000 euros l'indemnisation de ce poste de préjudice, les premiers juges ont retenu que [R] [K] a subi une lobectomie inférieure gauche ayant provoqué une cicatrice importante et qu'il avait l'apparence d'une personne particulièrement affaiblie par la maladie.

Exposé des moyens des parties:

Les consorts [K] demandent à la cour de porter l'indemnisation de ce poste de préjudice à

10 000 euros en invoquant que la lobectomie inférieure gauche a provoqué une cicatrice disgracieuse visible et que l'apparence physique de [R] [K] était extrêment diminuée.

La caisse ne conteste pas l'indemnisation retenue par les premiers juges.

Réponse de la cour:

Les éléments de nature à établir l'existence du préjudice esthétique sont trés limités, en ce que la cicatrice résultant de la lobectomie n'est pas décrite et qu'il est par ailleurs indéniable que l'aspect physique de [R] [K] était trés marqué par sa maladie.

L'indemnisation retenue par les premiers juges en l'état de ce peu d'éléments est justifiée, les consorts [K] n'en soumettant pas d'autres à l'appréciation de la cour.

Elle doit être confirmée.

* sur le préjudice d'agrément:

Les consorts [K] demandent à la cour de fixer l'indemnisation du préjudice d'agrément à la somme de 30 000 euros en arguant qu'il n'est pas réparé par la rente, que [R] [K] pratiquait la pêche avec ses amis et en alléguant que ce préjudice n'a pas été discuté en première instance.

La caisse s'oppose à cette demande en soulignant d'une part l'absence de factures ou de licences de club ou d'autres activités et d'autre part qu'il s'agit d'une demande nouvelle.

Il ne résulte pas du jugement entrepris que les consorts [K] aient sollicité l'indemnisation d'un préjudice d'agrément.

Si cette prétention, nouvelle en cause d'appel, présente un lien de connexité étroit pour concerner l'indemnisation d'un préjudice qui semble avoir été relié par les ayants droit à une perte de la qualité de vie que la rente n'indemnise pas, pour autant ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure, lesquelles doivent être prouvées.

La participation régulière de [R] [K] à une activité de pêche ne peut résulter de la seule attestation de son fils, partie à la procédure qui y affirme uniquement et de façon non circonstanciée que son père a 'progressivement réduit puis cesssé les activités quotidiennes qui lui procuraient de la joie, telles que les promenades le long de la corniche avec ses anciens camarades du chantier ainsi que la pratique de la pêche côtière'.

Ils doivent être déboutés de cette demande.

2- sur l'indemnisation du préjudice moral de Mme [Z] [N] veuve [K]:

Pour fixer à 37 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral, les premiers juges ont retenu que le couple s'était marié en 1961, soit depuis 56 ans et qu'elle a assisté à la dégradation progressive de l'état de santé de son époux jusqu'à son décès à l'âge de 75 ans.

Cette indemnisation est contestée uniquement par Mme [Z] [K], qui fait état de grandes difficultés pour reprendre goût à la vie et chiffre son préjudice à 50 000 euros.

La caisse réplique que la somme ainsi sollicitée paraît disproportionnée et sollicite confirmation du jugement.

Pour l'indemnisation du préjudice moral du conjoint survivant, incluant celui lié à l'accompagnement de fin de vie, il doit être tenu compte à la fois de la durée de la vie maritale (56 ans), de l'âge des époux (soit 75 ans pour [R] [K] et 78 ans pour son épouse) et de la famille qu'ils avaient créée, ayant eu deux enfants (M. [U] [K] né en 1961, et M. [T] [K], né en 1965) ainsi qu'une petite-fille née en 2001 (Mme [L] [K]).

Compte tenu de ces éléments, l'indemnisation retenue par les premiers juges de 37 000 euros pour l'indemnisation du préjudice moral de Mme [Z] [K] est justifiée et doit être confirmée.

La caisse primaire d'assurance maladie succombant en son appel doit être condamnée aux dépens y afférents.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [K] les frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour leur défense en cause d'appel, ce qui justifie la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie du Var à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour hormis l'indemnisation des souffrances physiques et morales de [R] [K],

- Le réforme de ce chef,

Statuant à nouveau des chefs ainsi réformés et y ajoutant,

- Fixe l'indemnisation des souffrances endurées physiques et morales de [R] [K] à la somme de 90 000 euros,

- Dit que cette somme devra être versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Var entre les mains du notaire chargé du règlement de la succession de [R] [K],

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Var de l'intégralité de ses demandes,

- Déboute les consorts [K] du surplus de leurs demandes indemnitaires ainsi que de celle afférente au préjudice d'agrément de [R] [K],

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var à payer aux consorts [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/13246
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.13246 ?
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