COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambres sociales
Antenne des Milles
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Chambre 4-6
N° RG 21/00665 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZF3
Ordonnance n° 2024/M111
APPELANT DEMANDEUR A L'INCIDENT
Monsieur [D] [E], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Fiodor RILOV avocat au barreau de PARIS
INTIMEES DEFENDEURS A L'INCIDENT
Société ARCOLE INDUSTRIES SA, demeurant [Adresse 5]
Représenté par Marie-Alice JOURDE avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.F.A. MJA es-qualité de co-mandataire liquidateur de la société MORY GLOBAL, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Romain CHERFILS avocat au barreau d'Aix en Provence et par Me Vincent JARRIGE avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS es-qualité de co-mandataire liquidateur de la société MORY GLOBAL, demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Romain CHERFILS avocat au barreau d'Aix en Provence et par Me Vincent JARRIGE avocat au barreau de PARIS
CGEA IDF EST pris en la personne de son représentant légal domicilié au siège sis
, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Jean-François JOURDAN avocat au barreau d'Aix en Provence
ORDONNANCE D'INCIDENT
Nous, Philippe SILVAN, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-6 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assisté de Suzie BRETER, Greffier,
Après débats à l'audience du 21 Mai 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 19 Juillet 2024, l'ordonnance suivante :
1. La société Ducros, dépendant de la société de droit allemand DHL, exerçait une activité de messagerie en France. Elle a été cédée à la société Arcole Industries en 2010.
2. En 2011, la société Arcole Industries a repris l'activité de messagerie et d'affrétement du groupe Mory. La société Mory Team a été créée à cette fin.
3. Courant 2012, la société Ducros et la société Mory ont fusionné pour donner naissance à la société Mory Ducros, dont la société Arcole Industries était l'associée majoritaire.
4. Par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Mory Ducrot.
5. Par jugement du 6 février 2014, le tribunal de commerce de Pontoise a arrêté le plan de cession d'une partie des activités de la société Mory Ducros et de ses deux filiales au GROUPE Arcole Industries. La société Mory Global a été créée pour reprendre ces activités. Son capital social était entièrement détenu par la société/Groupe Arcole Industries.
6. Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Mory Global. Par jugement du 31 mars 2015, cette juridiction a prononcé la liquidation judiciaire de la société Mory Global.
7. M.[E], qui exerçait les fonctions de directeur d'agence au profit de la société Mory Global, a été licencié pour motif économique le 27 avril 2015.
8. Le 2 mai 2016, M.[E] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande en contestation de son licenciement motivée par l'existence d'une situation de co-emploi entre la société Mory Global et la société Arcole Industries.
9. Par jugement du 27 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulon a :
- déclaré M.[E] irrecevable en ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M.[E] de ses demandes indemnitaires y afférentes,
- dit et jugé que la qualité de co-employeur n'est pas établie,
- débouté M.[E] de ses demandes indemnitaires y afférentes,
- condamné M.[E] à payer à la société Arcole Industries SA la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M.[E] à payer à la liquidation judiciaire de la société Mory Global la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens de l'instance à la charge de chacune des parties,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rejeté l'exécution provisoire du jugement,
- dit et jugé que le jugement est opposable à l'AGS CGEA IDF Est.
10. Le 15 janvier 2021, M.[E] a fait appel de ce jugement.
11. Selon conclusions d'incident du 19 mars 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.[E] demande de :
- condamner la société Mory Global prise en les personnes de ses liquidateurs judiciaires, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [X] et Maître [O] et la société Arcole Industries de produire, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à l'appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, les documents suivants :
- le Bilan Economique Social et Environnemental déposé par Maître [G], administrateur judiciaire de la société Mory Ducros le 17/12/2013,
- les offres complémentaires d'Arcole Industries reçues le 28 janvier 2014 par les administrateurs de la société Mory Ducros,
- l'offre « Arcole » déposée par le groupe Arcole Industries,
- la requête datée du 30 janvier 2014 déposée par la SA Arcole Industries,
- le plan de cession des actifs de la société Mory Ducros,
- le traité d'apport partiel d'actif par la société DHL Express (France) SAS à la société Arcatime Thouare SAS,
- le projet de protocole d'accord de cession,
- les flux de trésorerie menés par le Groupe DHL,
- le « Transitional Services Agreement »,
- le « Shared Services »,
- les comptes certifiés de la société Arcatime Thouare devenue Ducros Express devenue Mory Ducros devenue Mory Global de sa création à sa liquidation,
- les comptes certifiés de la société Mory Global de sa création à sa liquidation,
- la liste des clients transférés par DHL Express à la société Arcatime Thouare devenue Ducros Express devenue Mory Ducros devenue Mory Global,
- la liste des camions transférés par DHL Express à la société Arcatime Thouare devenue Ducros Express devenue Mory Ducros devenue Mory Global,
- le montant des sommes transférées par DHL Express à la société Arcatime Thouare devenue Ducros Express devenue Mory Ducros devenue Mory Global,
- la liste et l'adresse précise des agences et autres sites exploités par Mory Global depuis la date de sa création,
- tout acte de cession des titres de la société Arcole Industries pour la société Caravelle et/ou une filiale de la société Caravelle entre 2010 et 2015,
- condamner la société Mory Global prise en les personnes de ses liquidateurs judiciaires, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [X] et Maître [O] et la société Arcole Industries à payer à l'appelant une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mory Global prise en les personnes de ses liquidateurs judiciaires, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [X] et Maître [O] et la société Arcole Industries aux entiers dépens.
12. Selon conclusions d'incident en réponse du 16 mai 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELAFA MJA et la SELAS MJS Partners, ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Mory Global, demandent de :
- débouter M.[E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- en tout état de cause,
- débouter M.[E] de sa demande d'astreinte,
- débouter M.[E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[E] aux entiers dépens.
13. Selon conclusions d'incident du 17 mai 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Arcoles Industries demande de :
- Juger que les pièces sollicitées ne sont pas identifiées,
- Juger que les pièces sollicitées ne sont pas nécessaires à la résolution du litige sur le co-emploi,
- Juger que les pièces sollicitées concernent les sociétés DHL et Caravelle qui ne sont pas dans la procédure,
- Juger que les pièces sollicitées concernent Arcatime Thouars, Ducros Express et Mory Ducros qui ne sont pas dans la procédure et ont fait l'objet de liquidation,
- Débouter M.[E] de sa demande en communication de pièces sur incident,
- Condamner M.[E] au paiement de la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande en communication de pièces :
Moyens des parties :
14. Au soutien de sa demande, M.[E] expose que les pièces dont il réclame la communication forcée sont nécessaires pour établir l'inexécution par l'employeur de son obligation de reclassement individuel et qu'elles doivent permettre à la cour d'avoir une présentation complète des circonstances troublantes dans lesquelles Mory Global a été conduite à la fermeture entraînant la perte d'emploi des salariés.
15. En réponse, la société Arcole Industries expose que M.[E] ne rapporte pas la preuve d'un co-emploi entre elle et la société Mory Global, que de nombreux arrêts de cour d'appel, non-frappés de pourvoi, ont écarté l'existence d'un tel co-emploi, que M.[E] n'indique pas en quoi la connaissance des pièces dont il réclame la communication est nécessaire à la solution du litige et qu'elle n'est pas en possession d'une partie d'entre elles.
16. Enfin, la SELAFA MJA et la SELAS MJS Partners, ès qualités, font valoir que la demande en production de pièces doit être légitime, utile à la solution du litige et nécessaire à la manifestation de la vérité, que M.[E] ne produit pas d'élément de preuve sur l'existence d'un co-emploi, que plusieurs juridictions ont déjà écarté les prétentions d'autres salariés fondées sur la violation par la société Mory Global de son obligation de reclassement et que parmi les pièces réclamées par M.[E] , certaines sont mentionnées dans le jugement du 6 février 2014, ont déjà été communiquées à M.[E] ou sont annexées au bilan économique, social et environnemental dressé par l'administrateur judiciaire de la société Mory Global le 18 mars 2015.
Réponse de la cour :
17. L'article 6 du code de procédure civile dispose que, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.
18. L'article 10 du même code énonce que le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction légalement admissibles.
19. Il résulte de l'article 11 du code de procédure civile que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus et que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte.
20. Selon l'article 146 du même code, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver ; en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
21. Par ailleurs, l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa version en vigueur à l'époque du licenciement de M.[E], dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
22. Il est de principe que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
23. En l'espèce, M.[E], débiteur de la charge de l'allégation et de la charge de la preuve, ne présente dans ses conclusions d'incident aucun argument de fait précis de nature à laisser présumer l'existence d'un co-emploi entre la société Arcole Industries et la société Mory Global et ne verse aux débats aucun élément de preuve pertinent à l'appui d'une telle affirmation.
24. De même, il n'explique pas en quoi la connaissance des pièces dont il réclame la communication est indispensable à la manifestation de la vérité.
25. M.[E] sera en conséquence débouté de sa demande en communication forcée.
Sur le surplus des demandes
26. M.[E] , partie perdante qui sera condamnée aux dépens de l'incident, sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et devra payer à la SELAFA MJA et la SELAS MJS Partners, ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Mory Global, et à la société Arcole Industries, chacun, la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS ;
DEBOUTE M.[E] de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNE M.[E] à payer à la SELAFA MJA et la SELAS MJS Partners, ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Mory Global, la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M.[E] à payer à la société Arcole Industries la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M.[E] aux dépens.
Fait à Aix-en-Provence, le 19 Juillet 2024
Le greffier Le magistrat de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
Le greffier