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25/07/2024 | FRANCE | N°20/00821

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 25 juillet 2024, 20/00821


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 25 JUILLET 2024



N° 2024/ 131



RG 20/00821

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOVQ







SAS POLYCEO (DERICHEBOURG ENVIRONNEMENT)





C/



[M] [Z]

















Copie exécutoire délivrée le 25 juillet 2024 à :



-Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V357



- Me Mickael BENAVI, avocat au barrea

u de MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00724.





APPELANTE



SAS P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 25 JUILLET 2024

N° 2024/ 131

RG 20/00821

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOVQ

SAS POLYCEO (DERICHEBOURG ENVIRONNEMENT)

C/

[M] [Z]

Copie exécutoire délivrée le 25 juillet 2024 à :

-Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V357

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00724.

APPELANTE

SAS POLYCEO (DERICHEBOURG ENVIRONNEMENT), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Lucile MONTY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [M] [Z], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 25 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2024

Signé par Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suite à des transferts conventionnels successifs, M. [M] [Z] était engagé par la société Méditerranéenne de Nettoiement (groupe Nicolin), selon contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juin 2004, en qualité d'agent d'exploitation.

La convention collective nationale applicable était celle des activités de déchet du 11 mai 2000.

Promu à un poste d'agent de maîtrise d'exploitation, le salarié occupait à compter du 22 décembre 2014, le poste de responsable d'exploitation, niveau IV, coefficient 167, avec reprise d'ancienneté au 19 octobre 1999, selon avenant.

Le salarié faisait l'objet d'un transfert conventionnel auprès de la société Polyceo du groupe Derichebourg, par avenant à effet au 1er septembre 2017.

Le salarié était convoqué le 22 novembre 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 29 novembre suivant, avec mise à pied conservatoire. Il était licencié pour faute grave par lettre recommandée du 8 décembre 2017.

M. [Z] saisissait le 5 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du l7 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«Juge le licenciement de Monsieur [Z] sans cause réelle et sérieuse.

Fixe l'ancienneté de Monsieur [X] [T] à 6 ans et ll mois.

Fixe le salaire mensuel moyen de Monsieur [Z] à 3.915,00 €

Condamne la SAS Polyceo (Derichebourg Environnement) à verser à Monsieur [M] [Z]:

- 20.749 € au titre de l'indemnité conventionnelle pour licenciement

- 7.830 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 783 € au titre des congés payés afférents

- 18.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1.650 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 165 € de congés payés afférents

- 1.305€ de rappel de prime l3ème mois

- 130,50 € de congés payés afférents

- 1.200 € au titre de l'article 700 du CPC

Dit que 1e présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par 1'article R1454-8 du code du travail ;

Condamne la SAS Polyceo à délivrer à Monsieur [M] [Z] un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale résultant de la présente condamnation outre l'attestation Pôle Emploi conforme.

Déboute Monsieur [Z] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Polyceo de 1'intégralité de ses demandes ;

Ordonne le remboursement par la société Polyceo aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de SIX mois d'indemnités de chômage.

Condamne la société Polyceo aux entiers dépens y compris les frais d'Huissier ».

Par acte du 17 janvier 2020, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 octobre 2020, la société Polyceo demande à la cour de :

« Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 17 décembre 2019 en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [Z] dénué de cause réelle et sérieuse

Confirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Marseille du 17 décembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, pour irrégularité de procédure et pour travail dissimulé.

En conséquence :

Dire et Juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] est fondé ;

Débouter Monsieur [Z] de ses entières demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

Allouer 3 mois de salaire à Monsieur [Z] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (11.745 €) ;

En tout état de cause :

Débouter Monsieur [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois et des congés payés y afférents ;

Débouter Monsieur [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté et des congés payés y afférents ;

Débouter Monsieur [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Débouter Monsieur [Z] de sa demande de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé;

Débouter Monsieur [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Débouter Monsieur [Z] au paiement de la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile, ainsi aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre-Yves Imperatore, membre de la SELARL Lexavoué Aix En Provence, Avocats associés aux offres de droit. ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 2 mars 2021, [Z] demande à la cour de :

«Confirmer le jugement déféré

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger le licenciement irrégulier, illégitime et abusif

Et par conséquent,

Condamner la Société Polyceo au paiement de :

Rappel de salaire mise à pied conservatoire 1 650.00 €

Incidence congés payés y afférents 165.00 €

Rappel prime de 13ème mois du 1er janvier au 31 décembre 2017 3 915.00 €

Incidence congés payés y afférents 391.00 €

Prime d'ancienneté de novembre 2017 à février 2018 2 349.00 €

Incidence congés payés y afférents 235.00 €

DI au titre du licenciement illégitime et abusive 90 000.00 €

Indemnité compensatrice de préavis 7 830.00 €

Incidence congés payés y afférents 783.00 €

Indemnité conventionnelle de licenciement 20 749.00 €

DI violation d'une obligation de sécurité de résultat10 000.00 €

DI au titre du travail dissimulé 23 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du CC distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 3 915.00 € ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le travail dissimulé

Le salarié soutient que la société a volontairement dissimulé des heures de travail supplémentaires sous la forme d'une prime exceptionnelle. Il indique que l'objet de la prime n'est corroboré par aucun document matériel, tel qu'un accord d'entreprise, une note de service, des mails ou autres, qu'elle a été versée en octobre 2017 alors que les salariés étaient en grève.

La société fait valoir que la prime visait à récompenser la participation du salarié et son implication dans le cadre du marché public transféré vers la société et souligne que des heures supplémentaires lui ont été rémunérées.

Elle précise que le versement de primes exceptionnelles relève du pouvoir de direction de l'employeur, et qu'elles n'ont pas à être documentées.

Selon l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire à l'obligation d'établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli

Toutefois le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En l'espèce, les bulletins de salaire des mois de septembre à décembre 2017 mentionnent des heures supplémentaires à 125 % et des heures majorées à 150 % et le salarié ne produit aucun élément de nature à démontrer que la prime exceptionnelle de 1224,67 € versée seulement au mois d'octobre 2017 correspondrait à des heures supplémentaires non rémunérées.

Il s'ensuit que cette prime exceptionnelle présente un caractère discrétionnaire et sans aucune périodicité, le fait générateur de son versement n'étant pas déterminé à l'avance s'agissant de l'implication du salarié dans le démarrage du marché public.

Il est relevé par ailleurs que le mouvement de grève du mois d'octobre 2017 a affecté essentiellement les éboueurs salariés de la société, au vu des articles de presse produits par le salarié et qu'il ne peut en être tiré une quelconque incidence sur le versement d'une prime exceptionnelle au responsable d'exploitation.

En conséquence, en l'absence de la démonstration de l'existence d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, l'infraction n'est pas caractérisée et le jugement entrepris, qui a débouté le salarié sur ce point, doit être confirmé.

Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels,

- des actions d'information et de formation,

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Le salarié soutient qu'à plusieurs reprises, il a fait l'objet d'agressions verbales et de menaces de mort sur son lieu de travail, qu'il a dû travailler dans des conditions d'insécurité chronique, sans que son employeur ne prenne les mesures préventives qui s'imposaient.

L'appelante réplique que le salarié ne démontre pas avoir alerté la société et indique que les faits dont ce dernier se prévaut sont antérieurs à son embauche au sein de la société Polyceo, et ne sauraient relever de sa responsabilité.

Le salarié produit un compte rendu de visite du 12 juillet 2017 de la médecine du travail mentionnant une 'agression verbale avec menace crédible de mort' (pièce 28).

Il s'avère toutefois que cette agression est antérieure au transfert du contrat de travail du salarié à la société Polyceo, et cette seule pièce est insuffisante pour établir que les faits se seraient poursuivis au-delà de cette date et sur son lieu de travail, le salarié n'ayant au surplus pas informé la société d'une telle situation.

De même, il ne justifie pas de la dégradation de ses conditions de travail, ni de la dissimulation d'heures supplémentaires de travail en primes exceptionnelles.

Dès lors, le salarié doit être débouté de cette demande et le jugement entrepris, confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

« Nous faisons suite à l'entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 29 novembre 2017, auquel nous vous avions convoqué par courrier recommandé du 22 novembre précèdent, et pour lequel vous étiez assisté par Monsieur [B], salarié de notre société.

Aux termes de ce courrier, vous a, concomitamment été notifiée votre mise à pied à titre disciplinaire pendant toute la durée de la procédure engagée à votre encontre.

Pour rappel, vous avez été engagé en qualité de Responsable d'exploitation, sous contrat à durée indéterminée à effet du 1er septembre 2017 avec une reprise d'ancienneté du 19 octobre 1999.

A ce titre, vous avez un rôle de réfèrent auprès des équipes placées sous votre responsabilité. Vous êtes également tenu de faire respecter les consignes internes en vigueur au sein de notre société et de les appliquer en premier lieu. Plus encore, vous vous devez d'avoir un comportement exemplaire.

Lors de cet entretien du 30 novembre 2017, faisant suite à l'altercation violente du 22 novembre 2017 dont vous vous êtes rendu coupable, nous vous avons exposé les faits suivants :

En effet, ce 22 novembre vers 9h50, Monsieur [L], exerçant un poste d'Equipier de collecte vous a fait part de sa volonté, pour des raisons médicales d'être positionné sur un poste de conducteur.

Après renseignements pris auprès de l'assistante, vous avez reçu Monsieur [L] dans votre bureau et l'avez informé qu'un tel changement de poste nécessitait l'accord préalable de la Médecine du travail.

En attendant qu'un rendez-vous soit fixé, vous avez indiqué à Monsieur [L] qu'il était contraint de continuer à exercer ses fonctions d'Equipier de collecte.

Refusant catégoriquement cette décision, Monsieur [L] vous a rétorqué en refermant la porte de votre bureau « on va s'arranger entre hommes ».

Le ton est alors monté et des bruits de bagarre se sont fait entendre à l'étage ou vous vous trouviez (meubles déplacés, cris). Interloqué par ces bruits, le Directeur d'agence présent dans son bureau voisin a immédiatement pénétré dans le bureau et découvert une scène surréaliste faisant manifestement suite à une bagarre (essoufflement des protagonistes, désordres).

Monsieur [L] s'est alors plaint d'avoir été frappé.

De votre côté, haletant et pâle, vous n'avez ni affirmé ni nié avoir brutalisé Monsieur [L]. Le Directeur d'agence, tentant d'apaiser la situation a demandé à Monsieur [L] de le suivre jusqu'à son bureau.

Toujours très remonté, Monsieur [L] lui a tenu à votre égard des menaces exprimées en ces termes « je vais le planter » « je sais où il habite ce drogué. Ça ne va pas se passer comme ça». Monsieur [L] a réitéré ses dires selon lesquels vous l'aviez agressé physiquement.

Cet événement nous a conduit à vous remettre sur le champ une mise à pied à titre conservatoire.

Une telle attitude de la part d'un membre de l'encadrement n'est pas acceptable.

Lors de notre entretien, vous avez affirmé qu'en reculant pour rejoindre votre fauteuil, vous vous étiez cogné sur un autre fauteuil provoquant le bruit sourd entendu. Selon vos dires, Monsieur [L] aurait alors profité de la situation, en criant qu'il venait d'être agressé. Cette explication est incompatible avec les constats faits par la Direction, lorsqu'elle a pénétré dans votre bureau.

Par ailleurs, le Médecin traitant de Monsieur [L] a estimé que son état de santé nécessitait un arrêt de travail de quelques jours, attestant que votre comportement a manifestement été disproportionné et contraire à vos prérogatives et nos exigences.

Outre le fait que vos fonctions de Manager vous imposent de faire preuve d'exemplarité vis-à-vis de vos collaborateurs, vous vous devez d'être en capacité de gérer les situations de conflits avec retenue et maîtrise.

Force est de constater, que cela n'a pas été le cas lors de l'événement du 22 novembre dernier. Nous ne pouvons à l'évidence admettre un tel comportement de la part d'un Responsable d'exploitation.

Aussi, considérant que les faits reprochés rendent impossible la poursuite de notre collaboration, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Ce dernier vous dispense d'effectuer la durée du préavis.

Nous vous informons également, eu égard à la gravité des faits qui vous sont reprochés, que les jours de mise à pied à titre conservatoire ne vous seront pas rémunérés.

Vous ne ferez plus partie du personnel de la Société à réception de la présente».

a) Sur la régularité de la procédure

Le salarié soutient que le signataire de la lettre de licenciement, M. [U] ne disposait pas du pouvoir spécial pour licencier et qu'il était placé sous l'autorité de son supérieur hiérarchique.

M. [U] était directeur d'agence au sein de la société.

Si ce dernier était hiérarchiquement rattaché au directeur des activités de la société, lui-même placé sous l'autorité du directeur général de la société, ses fonctions prévoyaient toutefois qu'il pouvait exercer son pouvoir disciplinaire dans le respect des règles définies avec son responsable hiérarchique au vu de l'avenant à son contrat de travail du 2 octobre 2017 (pièce appelante 14).

En conséquence, ce dernier n'avait pas besoin de disposer d'une délégation spéciale.

Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

b) Sur le bien fondé du licenciement

La société reproche au salarié des violences physiques perpétrées sur M. [L].

Elle fait valoir que les coups portés étaient d'une telle violence qu'ils ont entraîné un arrêt de travail de huit jours pour accident du travail, le caractère professionnel de l'accident ayant été reconnu le 15 février 2018 par la CPAM.

Elle souligne que ce manquement à ses obligations contractuelles est également une violation des dispositions de l'article 6 du règlement intérieur de la société et qu'en raison de son obligation légale de sécurité à l'égard des salariés, elle se devait de prendre des mesures de protection.

Elle conteste enfin les témoignages produits, relevant que l'attestation de M. [U] n'est pas impartiale et objective, ce dernier ayant saisi la juridiction prud'homale à son encontre antérieurement à la rédaction de celle-ci.

Le salarié souligne que la relation des faits retranscrite dans la lettre de licenciement est erronée et ne correspond pas à la réalité, ayant toujours eu un comportement exemplaire.

Il fait valoir que M. [L], qui s'est saisi d'une opportunité, est à l'origine de l'altercation dont il se prétend victime, a menti à sa direction et n'a jamais témoigné sur les faits dans le cadre de la présente procédure, ni déposé plainte.

Le salarié souligne que le fait que ce dernier soit en accident du travail n'est pas suffisant pour établir le déroulement des faits, tels qu'exposés dans la lettre de licenciement et précise que la société a souhaité frapper les esprits dès sa prise de pouvoir sur le nouveau marché dont elle était adjudicataire.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La société produit l'arrêt de travail de M. [L] du 23 novembre, la déclaration d'accident de travail et la notification de prise en charge du 15 février de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel du sinistre déclaré (pièces 6-7-10).

Toutefois, il est constaté qu'aucun motif ne figure sur l'arrêt de travail et la société ne justifie d'aucun certificat médical de M. [L] confirmant l'existence de violences physiques ou d'une incapacité totale de travail, ni ne produit de témoignages pouvant confirmer lesdites violences physiques telles que relatées dans la lettre de licenciement, notamment de la victime alléguée.

De même, les éléments recueillis par la CPAM ne sont pas versés au dossier.

Ces pièces sont par ailleurs contredites par l'attestation de M. [K], témoin immédiat de l'altercation, qui indique : « j'étais employé dans la société Derichebourg de 2014 à 2018 comme responsable. Je venais voir M. [U] (...) Lorsque je suis passé devant la porte de M. [Z] j'ai vu qu'il ouvrait cette dernière et demandait à la personne de sortir de son bureau. Aussitôt, M. [L] referma la porte en disant « on va s'arranger entre hommes » alors je suis entré dans le bureau et M. [L] était derrière la porte et M. [Z] à son opposé. Quand il m'a vu rentrer, M. [L] s'est mis à crier qu'il avait été frappé. Au vu du fait que j'ai très rapidement ouvert vers la porte du bureau et au vu du positionnement des deux personnes dans la pièce, il était impossible que M. [Z] ait pu agresser M. [L] comme il le prétendait, de plus, il n'y avait aucun désordre dans le bureau aucune trace d'agression sur M. [L] qui semblait plus énervé (...).M. [U] a demandé à M. [Z] ce qu'il se passait, ce dernier a répondu qu'il ne savait pas » (pièce 31).

Le témoignage de M. [U], ancien directeur d'agence, corrobore l'attestation sus-visée : « c'est sur ma demande que M. [L] a été planifié comme éboueur sur un PEC. [C] [Z] a fait son travail de responsable en recevant ce salarié, connu pour ses emportements et ses menaces (je l'avais d'ailleurs sanctionné quelques semaines plus tôt), pour confirmer son poste de chauffeur sur PEC. Devant son refus ferme et emporté, M. [L] a profité du trouble autour de cette situation pour dire que M. [Z] l'avait frappé. Je suis personnellement intervenu dès les premiers bruits en provenance du bureau de mon responsable d'exploitation et je n'ai constaté aucune trace de violence sur M. [L]. Par ailleurs, ce dernier que j'ai entretenu immédiatement ne s'est plaint d'aucun mal. Ces deux salariés ont été mis à pied après consultation de la direction générale et de la RRH. Au cours de son entretien disciplinaire, M. [Z] n'a pas reconnu avoir porté des coups mais s'être emporté verbalement face aux menaces de M. [L]. En ma qualité de directeur, j'ai consulté le DG [E] [N] et le nouveau directeur d'activité [V] [I]. Monsieur [N] a souligné l'engagement et les qualités humaines de M. [Z]. Mais il souhaitait faire un exemple pour frapper les esprits dès le démarrage du marché. Il a donc décidé de licencier, sans aucune indemnité qu'il viendra chercher aux prud'hommes si besoin, des dires mêmes d'[E] [N]. Le courrier de licenciement est à ma signature mais la rédaction est RH, sous validation du DG» (pièce 14).

Ce témoignage ne saurait être remis en cause en raison du litige avec la société. Par ailleurs, les multiples autres témoignages produits en des termes élogieux attestent que M.[Z] était respectueux des autres salariés.

En l'état de ces éléments, la faute grave reprochée au salarié n'est pas établie et c'est à juste titre que les premiers juges ont dit le licenciement non causé.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application de l'article L1332-3 du code du travail ,en l'absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n'était pas justifiée et M. [Z] est fondé à percevoir, par voie de confirmation, le salaire correspondant ainsi que l'indemnité de congés payés afférents.

Les indemnités de rupture ont été calculées par les premiers juges conformément aux dispositions conventionnelles et ne font l'objet d'aucune critique.

La société indique que le salarié ne justifie pas de la réalité de l'étendue du préjudice qu'il aurait subi, et à titre subsidiaire demande qu'il ne soit alloué que trois mois de salaire au salarié à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié réplique qu'il justifie de son indemnisation auprès des services de pôle emploi à compter du 22 décembre 2017.

Le salarié, âgé 57 ans au moment de la rupture, et employé dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, avait 18 années complètes d'ancienneté.

L'article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 prévoit une indemnité comprise entre 3 mois et 14,5 mois.

La cour fixe à la somme de 51 000 euros, le préjudice subi par M. [Z], et infirme sur ce point la décision.

Sur les primes

Le salarié prétend que la société ne lui a pas versé ses primes d'ancienneté et de 13e mois conformément à l'article 3.16 de la convention collective applicable et qu'il peut revendiquer sa prime conventionnelle d'ancienneté.

La société fait valoir que le salarié ne peut prétendre à la prime de 13e mois puisqu'il n'était pas présent à l'effectif de l'entreprise au 31 décembre de l'année de référence conformément à la convention collective des déchets applicable.

S'agissant du rappel de la prime d'ancienneté pour la période de novembre 2017 à février 2018, la société estime qu'elle n'est pas justifiée, eu égard au comportement violent du salarié.

S'agissant de la prime d'ancienneté

La convention collective prévoit en son article 3.15 : Prime d'ancienneté :

Au salaire mensuel conventionnel des personnels des niveaux I à IV s'ajoutent les primes d'ancienneté suivantes :

' 2 % après 2 ans de présence dans l'entreprise ; (...)

' 15 % après 16 ans de présence dans l'entreprise ;

' 16 % après 20 ans de présence dans l'entreprise.

Pour la détermination de l'ancienneté, il est tenu compte de la présence au titre du contrat en cours, ainsi que des périodes de travail en contrat à durée déterminée avant l'embauche en contrat à durée indéterminée, sous réserve que les interruptions entre les contrats n'aient pas excédé 12 mois consécutifs».

Le salarié, qui avait le niveau IV et une ancienneté de 18 ans, devait donc bénéficier d'une prime de 15% de son salaire mensuel (0,150).

L'examen des bulletins de salaire révèle que :

- pour le mois de septembre 2017, le salarié a perçu une prime d'ancienneté de 557,90 € sur la base d'un salaire de 3719,33 € x 0,150 (heures supplémentaires et majorations comprises).

- pour le mois d'octobre 2017, il a perçu une prime d'ancienneté de 502,42 € sur la base d'un salaire de 3 349,45 € x 0,150 (heures supplémentaires et majorations comprises).

- pour le mois de novembre 2017, il a perçu une prime d'ancienneté de 597,30 € sur la base d'un salaire de 3 982 € x 0,150 (heures supplémentaires et majorations comprises) (pièce intimé 15)

Le salarié a donc été rempli de ses droits sur cette période.

Concernant le mois de décembre 2017, il n'a perçu qu'une prime d'ancienneté de 32,71 € compte tenu du retrait de salaire de la mise à pied, alors qu'il aurait dû percevoir la somme de 352,96 €.

La société lui est donc redevable de la somme de 320,25 € (déduction faite de la somme de 32,71€) outre les congés afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.

S'agissant du 13e mois

La convention collective prévoit en son article 3.16 : Treizième mois:

« Une prime, dite de treizième mois, est versée aux personnels ayant au moins 6 mois consécutifs d'ancienneté dans l'entreprise et étant présent à l'effectif de l'entreprise au 31 décembre de l'année de référence.

Cette prime équivaut à 1 mois de salaire. En cas d'embauche en cours d'année, elle est versée prorata temporis (...) ».

Dans la mesure où la rupture est prononcée aux torts de l'employeur et que le préavis se terminait le 8 février 2018, le salarié faisait toujours partie de l'entreprise au 31 décembre 2017.

En conséquence, la demande du salarié doit être accueillie.

Sur les autres demandes

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, et les créances indemnitaires à compter de la décision déférée.

Il y a lieu de faire droit à la demande de délivrance d'un bulletin de salaire récapitulatif et des documents de rupture, conformes au présent arrêt, mais l'astreinte n'est pas nécessaire.

La société Polyceo qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée en appel à payer au salarié la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du rejet des demandes relatives aux primes d'ancienneté et de 13ème mois;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Polyceo à payer à M. [M] [Z] les sommes suivantes:

- 51 000,00 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 320,25 € au titre de la prime d'ancienneté

- 32,02 € au titre des congés payés afférents

- 3 915,00 € au titre du 13e mois

- 391,00 € au titre des congés payés afférents

- 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018 et celle de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dûs pour une année entière,

Ordonne à la société Polyceo de remettre à M. [Z] un bulletin de salaire récapitulatif, et les documents de rupture, conformes au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Polyceo aux dépens d'appel.

LE GREFFIER Pour Mme MARTIN empéchée,

Mme MARTI en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00821
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;20.00821 ?
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