COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUILLET 2024
N°2024/253
Rôle N° RG 22/16464 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKO3G
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]-[Localité 2]
C/
S.A.S. [4]
Copie exécutoire délivrée
le : 30/07/2024
à :
- Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS
- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]-[Localité 2]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 09 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/06838.
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]-[Localité 2], demeurant [Adresse 1]
non comparante, dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
INTIMEE
S.A.S. [4], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Amélie FORGET, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juillet 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juillet 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par déclaration du 28 décembre 2016, M. [R] [W], employé en qualmité de chef d'équipe par la SAS [3], a demandé à la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] la reconnaissance de la maladie professionnelle dont il souffre et décrite par un certificat médical initial du 14 octobre 2016 comme une scapulalgie droite liée à la rupture transfixiante du tendon supra-épineux droit.
Après instruction, la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] a notifié, le 12 juin 2017, à l'employeur la prise en charge de la maladie de M. [W] au titre de la législation sur les risques professionnels selon le tableau des maladies professionelles n° 57 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.
Le 3 août 2017, la SAS [3] a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours, par décision du 25 octobre 2017.
Le 3 novembre 2017, la SAS [3] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.
Par jugement contradictoire du 9 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
- infirmé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM,
- fait droit à la demande de la SAS [3] en inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection déclarée le 28 décembre 2016 par M. [W] auprès de la caisse,
- déclaré inopposable à la SAS [3], avec toutes conséquences de droit, la décision de prise en charge de la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles de l'affection déclarée par M. [W],
- laissé les dépens à la charge de la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2],
- dit n'y avoir lieu à ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a, en effet, considéré que :
- selon les déclarations mêmes du salarié, son activité professionnelle n'était pas de nature à permettre d'obtenir le bénéfice de la présomption d'imputabilité de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale ;
- aucun élément de la procédure ne permet de privilégier la position de la caisse par rapport aux déclarations du salarié et de l'employeur, et d'établir selon que la durée de mouvements ou de maintien de l'épaule sans soutien en abduction est inférieure ou supérieure à deux heures avec un angle supérieur ou égal à 60° et inférieure à une heure avec un angle supérieur ou égal à 90 ° par jour cumulé, alors que la durée de ces mouvements ou de ce maintien constitue une condition de la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 2 décembre 2022, la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] a relevé appel du jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dispensée de comparaître en vertu de l'article 946 du code de procédure civile, par conclusions adressées à la cour le 15 mai 2024, dûment notifiées à la partie adverse, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 25 octobre 2017, déclarer opposable à la SAS [3] la maladie professionnelle de M. [W] et condamner la société aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir, au visa des dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau n° 57 des maladies professionnelles, que :
- l'exposition au risque est justifiée par les déclarations concordantes de l'employeur et du salarié;
- la condition relative à l'exposition professionnelle s'avère par là-même remplie;
- le médecin conseil a considéré que les conditions médicales du tableau étaient remplies; cet avis s'imposait à la caisse.
Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse, développées au cours de l'audience et auxquelles elle s'est expressément référée pour le surplus, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la CPAM aux dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée réplique que :
- la CPAM n'apporte pas la preuve que la condition tenant à l'exposition au risque, telle que prévue au tableau n° 57 A des maladies professionnelles, serait remplie ;
- en effet, elle n'établit pas que M. [W] aurait effectué pendant le délai de prise en charge des travaux visés dans la liste limitative du tableau.
MOTIVATION
Selon les dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
L'objet du litige est, en l'espèce, de déterminer si la maladie déclarée par M. [W] aux termes du certificat médical initial comme 'scapulalgie droite liée à une rupture transfixiante du tendon supra-épineux droit'répond aux conditions posées au tableau n° 57 A des maladies professionnelles.
Selon ce tableau n° 57 A : épaule - rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM
- le délai de prise en charge est d'un an ( sous réserve d'une durée d'exposition d'un an)
- la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies: travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction:
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
Les parties ne remettent en cause, ni la désignation de la maladie, ni le délai de prise en charge. Le débat ne porte que sur la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie.
Comme parfaitement souligné par l'employeur, la charge de la preuve repose sur la CPAM laquelle doit ainsi démontrée que les activités effectuées par M. [W] dans le cadre de sa profession intègrent des mouvements ou le maintien de l'épaule droite sans soutien en abduction selon les précisions du tableau quant à l'angle et la durée du mouvement ou du maintien.
Selon l'enquête administrative effectuée par la caisse, les activités professionnelles de M. [W] sont ainsi décrites :
- travaux de manutention 6 heures par jour: préparer le chantier, réaliser les travaux, remblai et compactage des tranchées, compactage d'enrobé
- travaux administratifs 2 heurs par jour
- exposition aux vibrations: marteau-piqueur, plaque vibrante, tronçonneuse.
Il est encore répondu oui à :
- une activité nécessitant un décollement du bras par rapport au corps, selon un angle de plus 60°, par élévation du membre sur le côté du corps et devant le corps, pour une durée cumulée journalière d'activité comprise entre 2 heures et 3,5 heures ;
- une activité nécessitant un décollement du bras par rapport au corps, le bras se trouvant au-dessus de l'épaule pour une durée cumulée d'activité de moins d'une heure.
Pourtant, dans son questionnaire, le salarié avait répondu à la première proposition ci-dessus que son activité nécessitait un décollement du bras par rapport au corps, selon un angle de plus 60°, par élévation du membre sur le côté du corps et devant le corps, pour une durée cumulée journalière d'activité de moins de deux heures. Sa réponse était par contre conforme à la seconde proposition ci-dessus.
La CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] n'explique pas la raison pour laquelle, en dépit des déclarations du salarié, elle a retenu que l'activité de M. [W] nécessitait un décollement du bras par rapport au corps, selon un angle de plus 60°, par élévation du membre sur le côté du corps et devant le corps, pour une durée cumulée journalière d'activité comprise entre 2 heures et 3,5 heures.
Elle ne produit, à l'appui de sa prétention à se prévaloir de la présomption d'imputabilité de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, aucun autre élément.
Dès lors, les premiers juges ont, à juste titre, retenu qu'elle échouait à apporter la preuve de ce que la condition du tableau n° 57 A au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie soit remplie.
Le jugement est confirmé sauf à rappeler que la juridiction du contentieux de la sécurité sociale n'a ni à infirmer, ni à confirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse puisque l' objet du présent litige est la décision initialement prise par cet organisme, le rejet par la commission de recours amiable de la contestation de celle-ci ayant pour unique conséquence d'ouvrir la voie d'un recours juridictionnel.
La CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] est condamnée aux dépens.
La demande de la SAS [3], fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Y ajoutant
Condamne la CPAM de [Localité 5]-[Localité 2] aux dépens
Déboute la SAS [3] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente