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06/08/2024 | FRANCE | N°22/14372

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 06 août 2024, 22/14372


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 06 AOUT 2024

N° 2024/219









Rôle N° RG 22/14372 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHVC







S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES

Mutualité MUTUALITE FRANCAISE PACA





C/



[X] [K]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Etienne de VILLEPIN

-Me Fabienne DARBOISSE








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Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 30 Août 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/02642.





APPELANTES



S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Etienne de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 06 AOUT 2024

N° 2024/219

Rôle N° RG 22/14372 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHVC

S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES

Mutualité MUTUALITE FRANCAISE PACA

C/

[X] [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Etienne de VILLEPIN

-Me Fabienne DARBOISSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 30 Août 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/02642.

APPELANTES

S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Etienne de VILLEPIN de la SELAS VILLEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Mutualité MUTUALITE FRANCAISE PACA, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Etienne de VILLEPIN de la SELAS VILLEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [X] [K]

née le [Date naissance 1] 1969 à , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Fabienne DARBOISSE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Emmanuelle FINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 puis prorogé au 06 août 2024.

ARRÊT

contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 août 2024.

Signé par Mme TOULOUSE Présidente de chambre M. Jean-Wilfrid NOEL, Président légitimement empêché et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [X] [K] a été soignée par le docteur [H] salarié du Centre Dentaire Mutualiste de [Localité 4] (06) pendant plusieurs années.

La pose de plusieurs dents sur pivot a été effectuée.

Se plaignant que ses dents soignées bougeaient, qu'elle était victime de douleurs à répétition et de fièvre, elle a consulté un autre dentiste.

Elle a estimé alors que les soins prodigués n'étaient pas conformes aux données acquises de la science et qu'elle avait subi un préjudice important.

Le docteur [H] a effectué une déclaration de sinistre à sa compagnie d'assurance la MATMUT qui a mandaté le docteur [D] aux fins d'expertise extrajudiciaire. Ce dernier a rendu 3 rapports.

Mais la tentative de règlement amiable n'ayant pas abouti, Mme [X] [K] a saisi le juge des référés de Grasse qui par ordonnance du 15 juin 2016 a :

- mis hors de cause le docteur [W] [H],

- déclaré recevable et bien fondé l'intervention volontaire de la Mutualité Française PACA, employeur du chirurgien dentiste et de l'Inter mutuelles entreprise, son assureur,

- les a condamnés à payer à Mme [X] [K] la somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

- ordonné une expertise et commis pour y procéder le docteur [B] (remplacé ensuite par le docteur [F]).

L'expert [F] a déposé son rapport le 26 décembre 2017, en tenant compte des conclusions de ses experts sapiteurs, le docteur [V], gastro-entérologue, et le docteur [Y], ORL.

Les parties se sont mis d'accord pour demander un complément d'expertise amiable pour compléter le rapport d'expertise judiciaire et ont confié au docteur [D] une nouvelle mission d'expertise.

Par ordonnance de référé du 19 septembre 2019, le juge des référés de Grasse a :

- condamné in solidum la Mutualité Française PACA et l'Inter mutuelles entreprise à verser à Mme [X] [K] la somme de 80 000 euros d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;

- condamné in solidum la Mutualité Française PACA, et l'Inter mutuelles entreprise à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 29 juin 2020 Mme [X] [K] a assigné au fond devant le tribunal judiciaire de Grasse la Mutualité Française PACA, l'Inter mutuelles entreprise et la CPAM aux fins d'obtenir l'indemnisation de son entier préjudice.

Par jugement mixte du 30 août 2022, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- déclaré la Mutualité Française PACA et l'Inter mutuelles entreprises responsables des préjudices subis par Mme [X] [K] du fait des fautes et manquements commis par le docteur [H], son préposé, dans les soins dentaires prodigués ;

- réservé la demande au titre des dépenses de santé futures correspondant au renouvellement des prothèses sur implants ;

-condamné la Mutualité Française PACA, et l'Inter mutuelles entreprise in solidum à payer à Mme [X] [K] au titre des :

- Dépenses de santé actuelles : 33 666,00 euros

- Frais divers : 29 512,00 euros

- Perte de gains professionnels actuels : 14 792,98 euros

- Perte de gains professionnels futurs : 490 170,22 euros

- Incidence professionnelle : 15 000,00 euros

- Déficit fonctionnel temporaire : 17 520,00 euros

- Souffrances endurées : 40 000,00 euros

- Préjudice esthétique temporaire : 8 000,00 euros

- Déficit fonctionnel permanent : 45 000,00 euros

- Préjudice esthétique permanent : 1 500,00 euros

- Préjudice d'agrément : 2 500,00 euros ;

Soit une somme totale de 697 961,20 euros en réparation de son entier préjudice corporel (hors dépenses de santé futures réservées), étant précisé qu'il conviendra de déduire de cette somme les provisions d'un montant total de 127 500,00 euros d'ores et déjà allouées (sous réserve de leur versement effectif) ;

soit une somme restant due de 570 461,20 euros ; (il me semble que j'ai 200 euros d'écart dur le calcul 570 661,20)

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes- Maritimes ;

- fixé la créance de la CPAM du Var agissant pour le compte de la CPAM des Alpes- Maritimes:

* à la somme de 4 448,04 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

* à la somme de 3 691,38 euros au titre des dépenses de santé futures ;

soit une somme totale de 8 139,42 euros ;

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé à l'audience de plaidoirie à juge unique du jeudi 17 novembre 2022 à 9 heures ;

- révoqué l'ordonnance ayant fixé la clôture au 19 avril 2022 et la nouvelle clôture fixée au 20 octobre 2022 ;

- fait injonction à Mme [X] [K] de justifier du coût de remplacement des prothèses sur implants, en ventilant la part prise en charge par la CPAM et sa mutuelle et la part restant effectivement à sa charge ;

- dit qu'il sera tiré toutes conséquences du défaut de production des pièces sollicitées ;

- réservé les demandes parties au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

Par déclaration au greffe du 28 octobre 2023 la SA Inter mutuelles entreprises et la Mutualité française PACA ont interjeté un appel limité de la décision.

Mme [X] [K] a formé un appel incident.

La clôture de l'instruction est en date du 12 mars 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2023, la SA Inter mutuelles entreprises et la Mutualité française PACA demandent à la cour de :

- surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice de Mme [X] [K] jusqu'à la production des relevés de prestations de la CPAM du Var, comprenant les indemnités journalières, de la MDPH et de la simulation de la future retraite de Mme [X] [K],

- réformer sur la liquidation dans les conditions suivantes :

- date de consolidation : 08 décembre 2016

- Dépenses de santé futures : A justifier suivant jugement

- Assistance Tierce Personne : 13 euros x 4 h / semaine x 309 semaines

- Préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

- Souffrances endurées 4/7 : 10 000 euros

- Perte de gains professionnels actuelle : Néant sauf à justifier par les relevés des sommes perçues pendant cette période en produisant tous les relevés de prestations de la CPAM. Une somme d'indemnités journalières de 13 463,90 euros (à déduire) étant justifiée pour les 555jours d'arrêts

- Perte de gains professionnels future :

* A titre principal : Néant

* A titre subsidiaire : Sur justificatifs

- Incidence professionnelle : Néant

- Déficit fonctionnel permanent :

* A titre principal : 3% 1 700 euros /point soit 5 100 euros

* A titre subsidiaire : 17 %

- Provisions à déduire : 127 500 euros,

- condamner Mme [X] [K] aux entiers dépens.

Elles font valoir en substance que :

- Mme [X] [K] n'a pas produit son dossier médical et il est donc permis de s'interroger sur l'existence d'un possible état antérieur et de l'imputabilité des séquelles décrites ;

- la date de consolidation retenue par le tribunal est erronée et seule la date de consolidation du 8 décembre 2016 retenue par l'expert doit être prise en compte ;

- elle ne justifie pas par des pièces probantes de ses préjudices patrimoniaux de pertes de gains;

- elle ne subit aucune inaptitude au travail et ne justifie pas d'une impossibilité d'exercer pour l'avenir une activité professionnelle ;

- le docteur [S] a précisé dans son rapport qu'une diminution très modérée du champ d'aptitude de Mme [X] [K] ne pouvait à elle seule empêcher une reprise du travail, ni diminuer ses revenus de moitié » ;

- subsidiairement, le préjudice perte de gains professionnels future doit être évalué sur la période courant de la décision jusqu'à la date à laquelle la victime aurait normalement pris sa retraite, soit 62 ans ; et la perte annuelle devra ainsi être capitalisée en utilisant le prix de l'euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de la retraite.

- enfin, le taux de déficit fonctionnel permanent imputable de façon certaine, directe et exclusive avec les soins du docteur [H] s'établit à 3 % et non 20% les séquelles gastrique et Orl devant être écartées car le lien de causalité est douteux.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er mars 2024, Mme [X] [K] demande à la cour de :

- dire et juger irrecevable et en tous cas mal fondé l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 30 août 2022 par le tribunal Judiciaire de Grasse ;

En conséquence,

- débouter la SA Inter mutuelles entreprises et la Mutualité française PACA de toutes leurs demandes;

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident ;

En conséquence et statuant à nouveau,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' jugé les appelants entièrement responsables des préjudices subis par Mme [X] [K] du fait des fautes et manquements commis par le docteur [H], son préposé, dans les soins dentaires prodigués ;

' dit et jugé que l'affaire sera jugée en tenant compte des rapports d'expertises médicaux du docteur [D] des 22 février 2010, du 5 décembre 2011, du 26 novembre 2014, du rapport d'expertise judiciaire du docteur [F] du 26 décembre 2017 et du rapport d'expertise amiable du docteur [D] du 6 juin 2018;

' dit et jugé que le docteur [H] a commis des fautes dans l'exécution des soins prodigués ;

' dit et jugé que les conséquences dommageables sur les plans dentaires, ORL et de Gastro-entérologie de Mme [X] [K] sont imputables aux manquements fautifs du docteur [H] ;

' dit et jugé que la date de consolidation de l'état de santé de Mme [X] [K] est le 14 juin 2017 ;

- réformer la décision déférée et condamner solidairement la compagnie d'assurances la SA Inter mutuelles entreprises et la Mutualité française PACA à lui régler les sommes suivantes au titre des postes de préjudices encore querellés :

I ' Préjudices patrimoniaux

A ' Préjudices patrimoniaux temporaires

- au titre de la perte de gains professionnels actuels : 19 834.20 euros ;

- au titre des frais divers :

' 24 264,00 euros au titre de la tierce personne temporaire ;

' 5 320,00 euros au titre des frais de médecin-conseil ;

' 500,00 euros au titre des frais photocopies, courriers, traitement administratif du dossier ;

' 4 000,00 euros au titre des frais de transport.

B ' Préjudices patrimoniaux définitifs (après consolidation)

- au titre des dépenses de santé futures : Réservé

- Au titre de la perte de gains professionnels futurs:

* A titre principal : 636 485,08 euros

- Arrérages échus 59 437,23 euros

- A échoir : 577 047,85 euros

* Et à titre très subsidiaire : 463 370.13 euros

- Arrérages échus 59.437,23 euros

- A échoir : 403.933,50 euros;

- Au titre de l'incidence professionnelle :

* à titre principal 50 000,00 euros

* à titre subsidiaire 55 000,00 euros ;

II-Préjudices extrapatrimoniaux

A -Préjudices extrapatrimoniaux temporaires

- 50 000,00 euros au titre des souffrances endurées ;

-10 000,00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

B- Préjudices extrapatrimoniaux permanents

- 50 000,00 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

-12 000,00 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 2 000,00 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- condamner solidairement la compagnie d'assurances la SA Inter mutuelles entreprises et la Mutualité française PACA à lui régler la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les différents rapports d'expertise doivent permettre de fixer la liquidation de son préjudice corporel car le rapport d'expertise judiciaire n'est pas complet, à l'exception toutefois du rapport [S].

Elle demande à la cour de retenir qu'il existe un lien de causalité direct et exclusif entre les manquements relevés dans l'exécution des travaux litigieux dont le docteur [H] est responsable et les séquelles buccodentaires, ORL et gastriques.

La date de consolidation a été correctement apprécié par le tribunal au 14 juin 2017.

Elle estime subir un préjudice de perte de gains important et rappelle qu'elle exerçait l'activité d'employée de magasin (papeterie/ librairie) au sein du centre commercial Géant de Mandelieu depuis le 15 septembre 2003 et qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire du docteur [T] qu' elle était en incapacité partielle de travail de 2011 à 2015 à raison des faits litigieux et de sa réhabilitation bucco-dentaire.

Elle rappelle qu'elle a été déclarée inapte à son poste de travail en décembre 2015. Elle a multiplié les démarches mais n'a pas retrouvé d'emploi.

Elle fait observer ainsi qu'elle a 54 ans et qu'elle ne pourra ni se reconvertir, ni continuer à travailler.

Enfin, elle rappelle que le 29 septembre 2020, la MDPH lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé jusqu'au 28 septembre 2025 (sans percevoir de prestation).

A titre subsidiaire, elle soutient que pour la période à échoir elle a perdu une chance de continuer à percevoir durant sa vie professionnelle un revenu équivalent à celui qu'elle percevait avant le fait dommageable.

Elle subit par ailleurs une dévalorisation sur le marché du travail mais aussi sociale.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux elle considère qu'ils ont été sous-évalués.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur l'imputabilité des troubles ORL et gastriques fait dommageable

Pour retenir l'imputabilité des troubles ORL et gastriques présentés par Mme [X] [K] aux soins litigieux et à la lourde réhabilitation qu'elle a dû subir, le tribunal a retenu que l'expert judiciaire et le docteur [D] interrogé une troisième fois à la demande de la SA Intermutuelles entreprises avec l'accord de Mme [X] [K], ont confirmé cette imputabilité et n'ont pas été contredit de manière argumenté par les conclusions du docteur [S] qui n'a pas examiné la patiente, a travaillé sur pièces et a retenu de manière paradoxale que ces troubles dont les causes étaient soient propres à Mme [X] [K] soient inconnues disparaîtraient avec des soins de réhabilitation bucco -dentaire adéquate alors même que les sapiteurs ORL et gastro-entérologue constatent que ces pathologies subsistent en dépit de la rééducation bucco -dentaire.

La SA Intermutuelles entreprises et son assureur font grief aux premiers juges d'avoir toutefois écarté un éventuel état antérieur et rappelle que Mme [X] [K] a toujours refusé de communiquer son dossier médical.

Pour autant, c'est de manière pertinente que d'une part, le tribunal a écarté les conclusions de l'avis du docteur [S] missionné par les appelantes qui n'est corroboré par aucun autre élément médical, et que d'autre part, il a rappelé que c'est de la seule initiative des parties que postérieurement au rapport de l'expert [F], le docteur [D] a à nouveau été missionné et a conclu comme l'expert judiciaire a une parfaite imputabilité des troubles ORL et gastriques aux manquements du docteur [H]. En effet, le sapiteur ORL du docteur [F] a considéré que les troubles de l'équilibre vertiges ressentis par Mme [X] [K] étaient apparus en 2013 sans aucun antécédent antérieur, et résultaient d'une contusion du labyrinthe postérieur caractérisée par un syndrome otolitique et une dyréflexie vestibulaire en hautes fréquences qui ont conduit à un traitement par cortisone et une rééducation vestibulaire. Mais avec des séquelles définitives au niveau de l'oreille interne. Le sapiteur gastro-entérologue a noté également que les troubles gastriques (nausées, pesanteurs post-parandiales, ballonnements et alternance de diarrhées et constipation) sont apparus en 2013 et sont en lien avec la prise de médicaments anti-inflammatoires et d'antibiotiques. Il ajoute à cela l'état anxio-dépressif secondairement développé au regard de l'ampleur de la rééducation buccodentaire, rendant nécessaire la prise de médicaments anxiolytiques et antidépresseurs et a conclu a une décompensation du fait de la prise de l'ensemble de ces médicaments, de la gastro-parésie idiopathique présentée par Mme [X] [K].

La cour retiendra également que dés lors que l'avis du docteur [S]non contrdictoirement établi et qui n'est corroboré par aucune pièce médicale, il ne constitue pas une preuve suffisante de nature à contredire l'existence d'un lien de causalité directe et certain entre les troubles ORL et gastriques et le fait dommageable retenus après discussion contradictoires des parties, par les experts judiciaires et amiables.

Enfin, les sapiteurs ORL et gastro-entérologue ont tous deux indiqués que les troubles sont apparus alors qu'aucun antécédent ne pouvait être relevé antérieurement à 2013.

Ainsi la décision de première instance mérite confirmation en ce qu'elle a tenu compte de ces deux pathologies dans l'évaluation des préjudices subis par Mme [X] [K].

Il se déduit également de ces constatations et de cette imputabilité des deux pathologies précitées que la date de consolidation retenue par l'expert judiciaire au 8 décembre 2016 alors qu'il confirme s'en rapporter aux conclusions de ses sapiteurs, est contestable puisque le sapiteur ORL a fixé celle-ci à la date du 14 juin 2017 confirmé en cela par le docteur [D] qui retenant les pathologies ORL comme l'expert [F], a considéré que la date de consolidation devait être fixée suivant les préconisations de l'expert ORL.

La cour confirmera donc tout autant, la décision déférée en ce qu'elle a fixé la date de consolidation au 14 juin 2017.

2-Sur la liquidation du préjudice corporel de Mme [X] [K].

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident médical ( 36 ans), de la consolidation ( 49 ans), de la présente décision (55 ans) et de son activité (employée de magasin), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Il s'agit là d'une appréciation souveraine des juges du fond. Enfin s'agissant des préjudices futurs la cour retient le barème de capitalisation de la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts + 0,30.

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [X] [K] doit être évalué comme suit :

I. Préjudices patrimoniaux

1-1 Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties et s'élève à la somme de 38 114,04 euros.

La part revenant à la victime s'élève à la somme de 33 666 euros pour les dépenses de santé restées à charge.

La part revenant à la CPAM s'élève à la somme de 4 448,04 euros.

Frais divers

Ce poste de préjudice n'est pas contesté en ce qui concerne :

- frais de médecin-conseil : 5 320 euros,

Les parties s'opposent en revanche sur :

- frais de copie de dossier médical : Mme [X] [K] estimant que même si elle ne produit pas de justificatifs au regard de son parcours des soins difficiles elle est fondée à réclamer la somme de 500 euros à ce titre.

Toutefois, la cour ne pouvant statuer de manière forfaitaire ne peut sans aucun élément apprécier de la réalité de ce préjudice et la décision de première instance qui a débouté Mme [X] [K] de sa demande de ce chef doit être confirmée.

- frais de transport : Mme [X] [K] soutient que pour honorer ses différents rendez-vous médicaux elle a été contrainte d'effectuer de nombreux déplacements. Elle ajoute qu'elle s'est rendu de nombreuses fois au domicile professionnel de son médecin conseil et de son conseil afin de faire valoir ses droits.

Cependant, elle n'apporte pas de justificatifs particuliers indiquant qu'elle ne les a pas conservés et que son parcours difficile et parfois chaotique de soins, établit par lui-même ce type de frais et leur quantum.

Toutefois, l'importance des soins et de la durée de ceux-ci ne permettent pas de déterminer comment elle a assuré ces déplacements : voiture, transports en commun etc , ni leur nombre. Il sera observé par ailleurs que Mme [X] [K] demande « la somme forfaitaire de 4.000,00 euros » . Le préjudice s'appréciant in concreto et au regard des justificatifs produits ou à défaut de ce que le dossier révèle. En l'absence des éléments nécessaires à une évaluation concrète la décision de première insatnce qui a débouté Mme [X] [K] de sa demande de ce chef mérite confirmation également.

- Assistance par tierce personne temporaire :

Les parties s'accordent sur le principe de l'indemnisation de ce poste de préjudice 4 h par semaines mais s'opposent sur son étendue et le taux horaire.

L'appelante demande que l'indemnisation soit limitée à la période de 309 semaines contestant la date de consolidation retenue par le tribunal et que le taux horaire ne dépasse pas 13 euros.

Mme [X] [K] sollicite pour sa part que le calcul de l'aide humaine soit fait sur la base d'un taux horaire de 18 euros et sur la période retenue par le docteur [D] de 2011 jusqu'au 14 juin 2017 soit 337 semaines.

Il a été confirmé supra que la date de la consolidation de Mme [X] [K] devait être fixée au 14 juin 2017 aux fins d'inclure ses séquelles ORL.

Par voie de conséquence, la période à retenir pour le calcul de l'aide humaine temporaire sera celle retenue par le tribunal soit de 2011 au 14 juin 2017, soit 336 semaines. Le taux horaire sera par ailleurs retenu à hauteur de ce qui est demandé soit 18 euros et le montant de l'indemnisation à ce titre sera fixé à : 336 sem x 4 h x 18 euros = 24 192 euros.

La décision sera confirmée de ce chef.

Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement et conteste toute perte de gains actuelle. Elle considère que les arrêts de travail imputables s'étalent sur une période du 23 mars 2016 au 13 novembre 2016 soit à une période où Mme [X] [K] ne travaillait plus car elle avait été licenciée le 19 janvier 2016. Subsidiairement, elle retient que Mme [X] [K] a perçu des indemnités journalières et qu'elle ne produit pas l'ensemble des justificatifs des sommes perçues sur la période d'arrêt de travail imputable.

Mme [X] [K] pour sa part fait valoir qu'il résulte du rapport [F] qu'elle était en incapacité de travail de 2011 à 2015 en raison des faits litigieux. Elle a été déclarée inapte à son poste de travail qu'elle occupait depuis le 15 septembre 2003, en décembre 2015. Elle demande donc que sa perte de gains professionnels actuelle soit calculée sur la période de 2011 au 14 juin 2017 et que la cour reprenant le raisonnement du tribunal infirme la décision uniquement en ce qu'elle a fixé ce poste de préjudice à la somme de 14 792,78 euros suivant sa demande alors que c'est à tort et par erreur qu'elle avait déduit les indemnités Pôle emploi qui n'ont pas de caractère indemnitaire comme le lui a rappelé le tribunal.

Il n'est pas contesté que Mme [X] [K] était employée de magasin et qu'en 2010 elle percevait un revenu annuel de 14 647 euros soit 1220 euros par mois.

Le salaire de référence ainsi retenu par le tribunal est bien égal au salaire mensuel net hors incidence fiscale résultant des bulletins de paie ou de l'avis d'imposition.

C'est par ailleurs par des éléments fondés en fait et en droit que la cour adopte que le tribunal a également retenu que la période à indemnisée était la période demandée par Mme [X] [K] l'expert judiciaire ayant constaté que Mme [X] [K] avait été dans l'incapacité d'exercer partiellement son emploi durant les années 2011 à 2015 en raison des soins inadaptés. C'est également avec raison que le tribunal a retenu que le licenciement pour inaptitude en janvier 2016 était imputable aux soins de sorte que l'absence d'activité du licenciement à la date de consolidation du 14 juin 2017 et donc de perte de gains ouvrait droit à indemnisation.

Ainsi sur la base des paramètres indiqués ci-dessus et reprenant le calcul du tribunal, la part de gains actuelle revenant à Mme [X] [K] doit être fixé à la somme de 19 834,20 euros après déduction des indemnités journalières perçues au cours de la période concernée de 13 463, 90 revenant à la CPAM.

1-2 Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé futures

Mme [X] [K] demande à la cour que ce poste de préjudice soit réservé en l'état de la nécessité reconnue par l'expert le 6 juin 2018 du renouvellement des implants. Il s'agit toutefois de réserver la part lui revenant, la CPAM faisant valoir des débours d'ores et déjà à hauteur de 3 691,38 euros.

Les appelantes ne contestent pas la décision de première instance.

Il y a lieu d'observer que ce poste de préjudice ne peut être en l'état du renouvellement des implants au moins une fois, reconnu par l'expert [D], que réservé effectivement et de juger que la somme de 3 691,38 euros retenue par le tribunal constitue une provision à valoir sur la créance de la CPAM à hauteur des débours d'ores et déjà engagés.

Perte de gains professionnels future

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.

Les appelantes font grief aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande de Mme [X] [K] alors qu'il n'est pas démontré qu'elle soit inapte à tout poste de travail, que le certificat d'inaptitude (pièce 140) mentionne qu'elle est « apte à un poste sédentaire  strict » et que l'expert judiciaire a indiqué pour sa part, qu'elle avait « l'obligation de changer d'activité professionnelle devait se soumettre à une obligation de formation pour un reclassement professionnel ». Elle rappelle que le docteur [S] qu'elle a saisi pour avis technique a fixé son DFP à 3% et a indiqué qu'il n'existait aucun empêchement au travail y compris pour un métier de vendeuse. Enfin, elle considère que Mme [X] [K] n'a fait aucune démarche pour satisfaire aux préconisations de l'expert judiciaire et retrouver un emploi adapté.

Subsidiairement, elle demande que la capitalisation soit faite jusqu'à l'âge de la retraite soit 62 ans.

Mme [X] [K] demande pour sa part à la cour de retenir qu'elle est en incapacité de retravailler et que contrairement à ce que prétend l'appelante, les éléments médicaux versés aux débats démontrent que ses séquelles la rendent inapte à toutes activités.

Elle ajoute que la MDPH lui a reconnu le 29 septembre 2020 le statut de travailleur handicapé pour 5 ans et que toute cette situation a entraîné de graves dépressions objectivées par les certificats médicaux qui ont mis en échec toutes ses tentatives de reprises de travail, de sorte qu'elle est fondée à réclamer à titre principal une perte totale de gains professionnels sur la base du salaire de référence retenu de 1 220 euros mensuels et une capitalisation sur la base d'un euro de rente viagère de 39,397 (barème de la Gazette du palais 2022 -1%. A titre subsidiaire, elle revendique une perte de chance de 70% de continuer à percevoir durant sa vie professionnelle un revenu équivalent à ce qu'elle percevait avant le dommage.

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise [T] que le déficit fonctionnel permanent dont Mme [K] reste atteinte entraîne pour elle l'obligation de changer d'activité professionnelle et également d'entreprendre une formation en vue de son reclassement professionnel.

Mme [X] [K] ayant toujours travaillé dans le secteur de la vente, il s'en déduit qu'elle ne peut plus selon l'expert judiciaire exercer sa profession antérieure.

Les pièces versées aux débats démontrent certes qu'elle n'est pas restée inactive et a recherché à retravailler mais toujours dans le secteur de la vente ce qui lui était contre-indiqué. Il n'est dés lors pas étonnant qu'elle n'ait pu maintenir dans la durée ces activités. Pour autant, il ne peut s'en déduire comme elle le fait qu'elle n'est apte à aucune activité professionnelle, seule condition à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels totale.

Ainsi contrairement à ce qu'elle soutient, elle ne démontre pas par les pièces qu'elle verse aux débats qu'elle soit inapte à tout poste de travail. Le fait qu'elle n'ait de formation que dans la vente et n'a pas réussi à maintenir sa reprise d'emploi dans le secteur de la vente, est insuffisant à caractériser une inaptitude à tout poste de travail. Pas plus son âge (elle a à ce jour 54 ans), n'est un élément probant et suffisant pour retenir une inaptitude totale au travail.

En revanche, il est certain que l'accident médical et les séquelles qu'elle conserve tant sur le plan ORL que gastro-entérologique, et les troubles psychiques réactionnels à cette situation qu'elle documente par la production de certificats médicaux, impactent considérablement sa recherche de travail dans un autre secteur d'activité que celui de sa formation initial (elle a un CAP en vente) et son reclassement. Elle subit une évidente perte de chance de travailler et de maintenir la perception de revenus à hauteur de ce qu'elle percevait avant l'accident que la cour évaluera à 70%.

Par voie de conséquence, sa perte de gains professionnels future sera calculée de la manière suivante sur la base du salaire de référence de 1 220 euros mensuels et 14647 euros annuels:

* périodes échus de la consolidation du 14 juin 2017 au jour de l'arrêt le 6 août 2024 soit 85 mois et 22 jours,

((85 mois x 1 220 euros ) + (22/30 x 1220 euros) ) x 70% = 73 216,27 euros.

Il résulte par ailleurs de ses avis d'impositions et des bulletins de salaires produits qu'elle a perçu à titre de salaires sur cette période :

En 2018 : 2 884 euros ; En 2019 : 8 040 euros ; En 2020 : 787 euros ; En 2021 : 3 121 euros ; En 2022 :11 223 euros et en 2023 : 7 818, 33 euros, soit un total de 33 873,33 euros.

Elle a également perçu à titre d'indemnités journalières en 2023 : 2 505, 24 euros.

Ces deux dernières sommes doivent être déduites de la perte de gains échus et il revient à Mme [X] [K] la somme de 36 837,70 euros.

*période à échoir à compter de l'arrêt,

Afin de tenir compte des incidences de la perte de gains sur les droits à la retraite de Mme [X] [K] la cour retiendra une capitalisation viagère sur la base comme indiquée supra du barème de la Gazette du palais 2020 (+0,30) pour une femme âgée de 55 ans au jour où la cour statue.

(14 647 euros x 29. 876 euro de rente) x 70%= 306 315,64 euros.

Au total, la perte de gains s'établit à la somme totale de 379 531,91 euros et la part de la perte de gains professionnels future revenant à Mme [X] [K] s'établit à la somme de 343 153,34 euros.

La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

Incidence professionnelle

S'agissant de sa demande au titre de l'incidence professionnelle, il sera rappelé que ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Les appelantes contestent toute incidence professionnelle.

Or, il sera rappelé que Mme [X] [K] qui était âgée de 47 ans à la consolidation, exerçait la profession d'employé de magasin métier pour lequel elle possédait un diplôme qualifiant et qu'elle exerçait depuis plusieurs années.

Elle est donc fondée à solliciter l'indemnisation d'une incidence professionnelle puisqu'il est également établi de manière certaine qu'elle ne peut plus exercer son métier. Elle subit par ailleurs une réelle dévalorisation personnelle et sociale du fait de ne plus pouvoir s'exprimer par un métier qu'elle appréciait. Elle réclame la somme de 50 000 euros à titre principal qui ne paraît pas excessive et il convient de lui allouer cette somme au titre de la renonciation à l'exercice de son métier et à sa dévalorisation sociale composante du préjudice qui n'a pas déjà été indemnisé par la capitalisation viagère de la perte de gains future.

Ainsi le jugement de première instance qui a fixé ce poste de préjudice à 15 000 euros sera infirmé de ce chef.

II. Préjudices patrimoniaux

2-1 Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il n'est pas contesté par les parties et sera confirmé à hauteur de 17 820 euros.

Souffrances endurées

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Les multiples fractures, les atteintes au rachis dorsal, les troubles neuropsychologiques et la nécessité d'une rééducation fonctionnelle.

L'appelante et Mme [X] [K] font grief au tribunal d'avoir pour l'une sur évalué et pour l'autre sous-évalué le prix de la souffrance et demande respectivement 10 000 euros et la somme de 50 000 euros.

Or c'est par une juste appréciation tant en droit qu'en fait et que la cour adopte que le tribunal a fixé ce poste de préjudice à la somme de 40 000 euros qui sera confirmée.

Préjudice esthétique temporaire

Mme [X] [K] sollicite la somme de 10 000 euros à ce titre estimant que le tribunal a sous-évalué ce poste de préjudice et rappelle qu'elle est restée édentée par intermittence du fait de la difficulté à supporter l'appareil dentaire en bouche et cela sur une période de deux ans.

Toutefois, et elle en convient le tribunal a retenu les conclusions du docteur [D] du 6 juin 2018 qui a fixé à 4/7 l'évaluation de ce poste de préjudice de sorte que la somme allouée en première instance répare intégralement le préjudice subi.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2-2 Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Le taux du déficit fonctionnel a été évalué par l'expert judiciaire [F] à 17%. Le docetur [D] pour sa part a évalué ce taux à 20% tenant compte d'une perte de sensibilité au niveau de la lèvre qui n'avait pas été prise en compte.

C'est là encore par une juste appréciation que le tribunal qui a été suivi par la cour en ce qu'il a déclaré imputables à l'accident médical fautif du docteur [H] les séquelles ORL et gastro-entérologiques, a retenu les conclusions des experts cités et a fixé le taux de DFP à 20%.

Sur la valeur du point les parties s'opposent : 1700 euros pour l'appelante et 2 500 euros pour Mme [X] [K]. La cour retiendra une valeur de 2 250 euros et fixera l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 45 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Préjudice esthétique permanent

Mme [X] [K] rappelant que la rapport de l'expert [F] note qu'elle a perdu un certain volume osseux sous zygomatique à la suite de sa réhabilitation bucco-dentaire demande une indemnisation de ce poste à hauteur de 2 000 euros.

L'expert judiciaire ayant évalué ce poste de préjudice à hauteur de 1/7 il sera fait droit à sa demande et il lui sera alloué la somme de 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident.

Ce poste n'est pas circonscrit à l'impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir; il inclut en effet l'impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

Le docteur [F] a admis l'existence d'une gêne pour les activités que Mme [X] [K] a déclaré à savoir le tennis le ski la course à pied et le hand ball) et dont elle justifie par la production d'attestations convergentes. Ce poste sera évalué à la somme de 5 000,00 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au total, le préjudice corporel de Mme [X] [K] se décompose désormais de la manière suivante :

- dépenses de santé actuelles : 38 114,04 euros, dont 33 666 euros revenant à la victime et 4 448 euros à la CPAM,

- frais divers :

*frais de médecin conseil : 5 320 euros,

*Aide humaine temporaire : 24 192 euros ;

- perte de gains professionnels actuels : 33 298,10 euros dont 19 834,20 euros revenant à la victime et 13 463,90 euros (IJ) revenant à la CPAM ;

- dépenses de santé futures : poste réservé et provision sur la créance de la CPAM ;

- perte de gains professionnels futurs : 379 531,91 euros dont 343 153,34 euros revenant à la victime ;

- incidence professionnelle : 50 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 17 820 euros,

- souffrances endurées : 40 000,00 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 45 000 euros,

- préjudice esthétique permanent : 2 000 euros,

- préjudice d'agrément : 5 000 euros ;

Total du préjudice corporel à la somme de 648 276,05 euros, hors dépenses de santé futures ;

Le montant d'indemnisation revenant à la victime s'établit à la somme de 591 985,54 euros et hors provisions déjà versées .

3-Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

La SA Intermutuelles entreprises et la Mutualité française Paca sont débitrices de l'obligation d'indemnisation et succombent dans leurs prétentions.

Elles supporteront in solidum la charge des entiers dépens d'appel et leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera nécessairement rejetée.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à Mme [X] [K] une indemnité de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qui concerne les sommes allouées au titre des postes de pertes de gains professionnels actuelles et futures, d'incidence, professionnelle, préjudice esthétique permanent et préjudice d'agrément, et les condamnations portant sur le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [X] [K] et sur les sommes lui revenant ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le poste de perte de gains professionnels actuels à la somme de 33 298,10 euros dont 19 834,20 euros revenant à la victime et 13 463,90 euros (IJ) revenant à la CPAM ;

Fixe le poste de perte de gains professionnels future à la somme de 379 531,91 euros dont 343 153,34 euros revenant à la victime ;

Fixe le poste de l'incidence professionnelle à la somme de 50 000 euros,

Fixe le poste de préjudice esthétique permanent à la somme de 2 000 euros,

Fixe le poste de préjudice d'agrément à la somme de 5 000 euros ;

Rappelle pour un meilleure compréhension de la décision que le préjudice corporel de Mme [X] [K] se décompose désormais comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 38 114,04 euros, dont 33 666 euros revenant à la victime et 4 448 euros à la CPAM,

- frais divers :

*frais de médecin conseil : 5 320 euros,

*Aide humaine temporaire : 24 192 euros ;

- perte de gains professionnels actuels : 33 298,10 euros dont 19 834,20 euros revenant à la victime et 13 463,90 euros (IJ) revenant à la CPAM ;

- dépenses de santé futures : poste réservé ( provision sur la créance de la CPAM de 3 691,38 eruos) ;

- perte de gains professionnels futurs : 379 531,91 euros dont 343 153,34 euros revenant à la victime ;

- incidence professionnelle : 50 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 17 820 euros,

- souffrances endurées : 40 000,00 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 45 000 euros,

- préjudice esthétique permanent : 2 000 euros,

- préjudice d'agrément : 5 000 euros ;

Soit au total de 648 276,05 euros, hors dépenses de santé futures :

Fixe le montant d'indemnisation revenant à la victime  à la somme de 591 985,54 euros et hors provisions déjà versées ;

Condamne in solidum la SA Intermutuelles Entreprises et la Mutualité française PACA à payer à Mme [X] [K] la somme de 591 985,54 euros et hors provisions déjà versées ;

Les condamne in solidum à supporter la charge des dépens d'appel ;

Les condamne in solidum à lui payer à Mme [X] [K] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/14372
Date de la décision : 06/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-06;22.14372 ?
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