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06/08/2024 | FRANCE | N°23/08702

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 06 août 2024, 23/08702


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT DE RENVOI

DU 06 AOUT 2024



N° 2024/222









Rôle N° RG 23/08702 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLRH2







Association LE BUREAU CENTRAL FRANCAIS





C/



[L] [D]

S.A.R.L. LAS TERRENAS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Serge DREVET

- Me Lionel ALVAREZ




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01077

Arrêt de la Cour d'appel D'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/12...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT DE RENVOI

DU 06 AOUT 2024

N° 2024/222

Rôle N° RG 23/08702 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLRH2

Association LE BUREAU CENTRAL FRANCAIS

C/

[L] [D]

S.A.R.L. LAS TERRENAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Serge DREVET

- Me Lionel ALVAREZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01077

Arrêt de la Cour d'appel D'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/12886

Arrêt en rectification de la Cour d'appel D'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/3472

Arrêt de la Cour de Cassation (PARIS) en date du 25 mai 2023 enregistré sous le n° de pourvoi 517 F-D

APPELANTE

Association LE BUREAU CENTRAL FRANCAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Maître [L] [D] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SARL LAS TERRENAS» selon jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire du tribunal de commerce de Fréjus du 7 février 2022, publié au BODACC le 11 février 2022.

Signification DA en date du 29/08/2023 à personne habilitée.

Signification de DA et de conclusions et pièces en date du 29/08/2023 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 2],

non comparant

S.A.R.L. LAS TERRENAS, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Monsieur Olivier BRUE, Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024, puis porogé au 20 juin 2024 et au 06 août 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 août 2024.

Signé par Mme Elisabeth TOULOUSE Présidente de chambre, M. Jean-Wilfrid NOEL, Président légitimement empêché et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La remorque réfrigérée appartenant à la société Las Terrenas et assurée auprès de la société Axa France Iard, a été percutée, le 22 mai 2016, par un véhicule tiers.

Par ordonnance du 14 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a condamné l'assureur à payer à la société une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Considérant que le véhicule tiers impliqué était un véhicule étranger, la société a, par acte du

30 janvier 2018, assigné le Bureau Central Français ( BCF), devant le tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 3 juillet 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance a :

- dit que le droit à indemnisation de la société Las Terrenas était entier,

- condamné le BCF à lui payer la somme de 155 025,88 euros au titre de ses préjudices, provisions non déduites et rejeté les demandes plus amples et contraires.

Le BCF a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 7 janvier 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement sauf sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant, et statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant, la cour d'appel a fixé le préjudice de la société LasTerrenas à la somme de 6 574,68 euros et a débouté cette dernière de sa demande de condamnation du BCF.

La société Las Terrenas a formé pourvoi contre cette décision.

Le 7 février 2022 la société a fait l'objet d'une procédure collective et maître [D] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par arrêt du 25 mai 2023 la 2 ème chambre de la Cour de cassation a cassé et annulé sauf en ce qu'il dit que le droit à indemnisation de la société Las Terrenas est entier suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, et a remis sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

La cour a au visa de l'article 455 du code de procédure civile jugé que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date. Or pour débouter la société de sa demande de condamnation du BCF, l'arrêt se prononce au visa des conclusions remises le 5 février 2020 par la société en exposant succinctement les prétentions et moyens soutenus par celle-ci et retient que, s'agissant du préjudice économique relatif au coût de remise en état de la remorque, la société qui produit un rapport d'expertise du 4 février 2016, antérieur à la date du sinistre, ne transmet aucune autre pièce afin de chiffrer l'étendue du préjudice, alors que la société avait déposé le 3 avril 2020 de nouvelles conclusions développant une argumentation complémentaire accompagnée d'un rapport d'expertise, daté du 16 juin 2016, se référant expressément au coût de remise en état de la remorque.

La Cour de cassation a ainsi jugé que la cour d'appel n'avait donc pas exposé succinctement les prétentions et moyens figurant dans les dernières conclusions et s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération et a donc violé le texte sus-visé.

Par déclaration de saisine du 30 juin 2023 le BCF a saisi la cour de renvoi.

L'affaire a été fixée suivant la procédure à bref délai à l'audience du 19 mars 2024 conformément aux dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 11 décembre 2023, le BCF demande à la cour de :

- débouter la SARL Las Terrenas de l'intégralité de ses demandes ;

- réformer le jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a statué comme suit :

' dit que le droit à indemnisation de la SARL Las Terrenas est entier suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S,

' condamné le BCF à lui payer la somme de 155 (0)25,88 euros, provisions non déduites, au titre de l'indemnisation des préjudices que la SARL Las Terrenas a subi du fait de cet accident,

' rejeté les demandes plus amples ou contraires,

' condamné le BCF aux dépens dont distraction au profit de maître Lionel Alvarez, pour les frais dont il a fait l'avance, et à payer à la SARL Las Terrenas la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonné l'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter la SARL Las Terrenas de l'ensemble de ses demandes injustifiées et infondées ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SARL Las Terrenas de sa demande injustifiée au titre des frais de remise en état de la remorque ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SARL Las Terrenas de sa demande au titre des primes d'assurances et du coût du compresseur ;

- débouter la SARL Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des frais de remise en état de la remorque ;

- débouter la SARL Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des frais de gardiennage injustifiés, ou à tout le moins, les réduire à de plus juste proportion ;

- débouter Las Terrenas la SARL Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des frais de remorquage non justifiés ;

- débouter la SARL Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des primes d'assurance, et du coût du compresseur ;

- débouter la SARL Las terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des frais de location d'une remorque comme non justifiée,

- débouter la SARL Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice financier et économique dont la réalité n'est pas démontrée,

- A titre subsidiaire, concernant le préjudice financier et économique, si la Cour s'estime insuffisamment éclairée, désigner tel expert qu'il lui plaira pour évaluer et chiffrer le prétendu préjudice subi par la SARL Las Terrenas ;

En toute hypothèse

- condamner la SARL Las Terrenas à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Las Terrenas aux entiers dépens de première instance et d'appel, distractions faites au profit de la SELAS cabinet Drevet, prise en la personne de maître Drevet.

Il fait valoir en substance que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il disposait des éléments pour le condamner à indemniser la SARL Las Terrenas ; la date et le lieu de l'accident ne sont pas établis.

Subsidiairement, il soutient que la SARL Las Terrenas par l'intermédiaire du conducteur du véhicule endommagé, a commis une faute car les feux arrières de la remorque n'étaient pas allumés en contravention des dispositions de l'article R 313-7 du code de la route, ce qui a surpris le conducteur arrière.

Il ajoute que rien ne permet de remettre en cause le constat amiable et que le droit à indemnisation du conducteur de la remorque doit être réduit en conséquence.

S'agissant de la liquidation du préjudice, il doit être réduit à de plus juste proportion. Il considère ainsi que le montant de la remise en état de la remorque n'est pas démontré, l'expertise du 4 février 2016 ne se rapportant pas au litige et que les frais de gardiennage doivent être limités aux seules factures produites.

Il conteste par ailleurs les frais de remorquages qui ne sont pas justifiés de même que les frais de location d'une remorque.

Enfin, le préjudice économique n'est pas démontré puisque la SARL Las Terrenas a repris son activité dès le lendemain de l'accident et n'a subi aucun préjudice de perte de chiffre d'affaires malgré les affirmations de son expert comptable qui prétend qu'elle n'a pu disposer d'un frigo de transport avec vitrine et vendre les jambons haut de gamme.

Il rappelle que seule la perte est indemnisable et qu'il lui appartenait donc de démontrer qu'elle avait subi une perte des ventes ce qu'elle ne fait pas.

Par dernières écritures notifiées par la voie électronique le 10 octobre 2023, la SARL Las Terrena demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes du BCF tendant à remettre en cause le droit entier à indemnisation de la société Las Terrenas suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S en l'état de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 mai 2023 ;

- débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :

' condamné le BCF à lui payer la somme de 155 025,88 euros, provisions non déduites, au titre de l'indemnisation des préjudices qu'elle a subi du fait de cet accident,

' condamné le BCF aux dépens dont distraction au profit de maître Lionel Alvarez pour les frais dont il a fait l'avance, et à lui payer à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- recevoir son appel incident,

Statuant à nouveau,

- condamner le BCF à lui payer les sommes suivantes :

' 10 119,96 euros au titre de la remise en état de la remorque

' 13 584,96 euros au titre des frais de gardiennage du 12 Août 2017 au mois d'octobre 2019

' 1 227, 54 euros au titre des primes d'assurance

206 770 euros au titre du préjudice économique et financier ;

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur le préjudice économique et financier :

- désigner tel expert qu'il plaira aux fins de chiffrer l'ensemble des préjudices financiers et économiques subis des suites de l'accident survenu le 22 mai 2016 aux frais avancés du BCF,

- condamner le BCF à payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que les demandes de remise en cause de la responsabilité et de l'indemnisation en intégralité du préjudice qu'elle subit ne sont pas touchées par la cassation de sorte qu'elles ont acquis l'autorité de la chose jugée.

Elle démontre l'existence de ses préjudices et en justifie par les pièces qu'elle produit aux débats.

S'agissant du préjudice économique, elle soutient que l'indisponibilité de la remorque lui a fait perdre en chiffre d'affaires démontré par les documents comptables versés aux débats.

Maître [D] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur le périmètre de la cassation et la recevabilité de la demande d'indemnisation contre le BCF

Le BCF fait grief au jugement d'avoir retenu la responsabilité du véhicule étranger et la recevabilité des demandes d'indemnisation de la SARL Las Terrenas à son encontre alors que le lieu de l'accident n'est même pas établi et qu'en toute hypothèse la société a commis une faute limitant son droit à indemnisation.

Or c'est à juste titre que la SARL Terrenas lui oppose l' irrecevabilité des demandes sur la responsabilité et la réduction du droit à indemnisation en l'état du périmètre de la cassation de l'arrêt du 7 janvier 2021.

En effet, la Cour a cassé l'arrêt sauf en ce qu'il dit que le droit à indemnisation de la société Las Terrenas est entier suite à l'accident du 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S.

Il en résulte que les dispositions du jugement confirmés par la cour d'appel reconnaissant que le droit à indemnisation de la société Las Terrenas est entier, sont devenues définitives et ont autorité de la chose jugée.

S'agissant de la recevabilité des demandes formées à l'encontre du BCF, il résulte des pièces produites aux débats que si le constat amiable d'accident n'est pas daté, il fait état d'une collision entre le véhicule de la SARL Las Terrenas tractant une remorque et un véhicule de marque clio conduit par M.[O] [S] (illisible) assuré auprès de la Huk et immatriculé en Allemagne.

Ce constat est corroboré par la facture de remorquage de la société Sodeplex qui mentionne le remorquage de la remorque frigorifique immatriculée [Immatriculation 3] à [Localité 6] à [Localité 4] qui est bien celle qui a été mentionnée sur le constat, daté du 16 juin 2016 et qui évoque un accident le 22 mai 2016.

Ainsi la réalité d'un accident sur le territoire français impliquant un véhicule étranger est établi et le BCF est tenu garantie et la cour examinera la contestation de la liquidation des préjudices subis objet de la cassation.

2-Sur les préjudices subis

- sur la remise en état de la remorque,

La SARL Las Terrenas soutient que le rapport qu'elle a produit et cité dans ses dernières conclusions non prises en compte par la cour d'appel, fait état d'une chiffrage à hauteur de 10 119,98 euros des frais de remise en état de la remorque accidentée.

Le BCF considère que ce rapport non contradictoire qui indique que le chiffrage est à titre d'information et n'est pas pris en compte dans les conclusions, rend la demande sans aucune justification.

Il est exact que le chiffrage de la remise en état du véhicule accidenté ne repose que sur un avis d'expert non contradictoirement établi. En effet il est de jurisprudence constante que si un rapport d'expertise amiable dés lors qu'il a été versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties peut servir de base à l'indemnisation d'un préjudice quand bien même il n'a pas été établi contradictoirement, c'est toutefois à la condition qu'il soit corroboré par d'autres pièces produites.

Or en l'espèce, le rapport de l'expert amiable du 16 juin 2016 est le seul élément produit par la SARL Las Terrenas de sorte que rien ne permet de retenir le montant de cette remise en état et la cohérence de la somme retenue. Enfin, il apparaît que la SARL Las Terrenas du moins pendant un certain temps, a eu recours à la location d'une remorque vitrine et a laissé en gardiennage sa remorque non réparée jusqu'en 2019. Elle demande indemnisation à ces deux titres mais ne produit aucune facture de réparation éventuelle ou même de devis qui aurait permis d'éclairer la cour.

Ainsi, à défaut d'être corroboré par d'autres éléments, le rapport d'expertise du 16 juin 2016 n'est pas suffisamment probant pour faire droit à la demande de ce chef.

La SARL Las Terrenas sera déboutée de sa demande et le jugement mérite confirmation de ce chef.

- sur les frais de gardiennage,

Le BCF fait valoir que la SARL Terrenas n'a jamais rien fait pour voir cesser ces frais de gardiennage et en toute hypothèse la durée de 4 années est excessive.

Il est démontré par la facture de remorquage du véhicule et les factures de gardiennages des établissements Mouttet des 11 août 2017 et 12 octobre 2019 que le véhicule immatriculé [Immatriculation 3] a été déposé puis gardé jusqu'à cette date du 12 octobre 2019.

Il est acquis que ce dépôt a été fait en vue de la réparation de ce véhicule. La question qui est posée à la cour est de savoir si cette réparation ne pouvait pas être effectuée très rapidement ou dans des délais plus court.

Par ordonnance du 14 juin 2017, le juge des référés a accordé à la SARL Las Terrenas une indemnité provisionnelle de 10 000 euros et il n'est pas contesté que cette somme a été versée par son assureur. La société disposait donc à compter de ce moment -là ou dans les semaines qui ont suivi des fonds lui permettant de réparer le véhicule, ce qu'elle n'a pas fait. Par voie de conséquence, les frais de gardiennage imputables à l'accident seront retenus jusqu'au mois d'août 2017 (temps incluant le versement de la somme et l'accomplissement de la réparation) et fixés suivant la facture du 11 août 2017 à la somme de 6 964 euros TTC.

- sur les frais de remorquage,

Le BCF conteste l'indemnisation de ce préjudice.

Or il résulte de la facture du 10 août 2016 versée aux débats que la société Sodeplex a procédé au remorquage du véhicule frigorifique immatriculé [Immatriculation 3] sur appel de la gendarmerie suite à l'accident du 22 mai 2016 pour un montant de 270 euros. Ce remorquage est en lien direct avec l'accident et c'est avec raison que le tribunal a fait droit à son indemnisation.

La décision sera confirmée de ce chef.

- sur les frais de location d'une remorque vitrine

Empêchée dans les premiers mois suivant l'accident d'utiliser sa remorque, la SARL Las Terrenas a été contrainte pour maintenir son activité d'avoir recours à la location d'une remorque.

Le tribunal lui a accordé à ce titre une indemnisation jusqu'au mois de septembre 2016 à hauteur de 6 295,68 euros justifiés par factures de la société Petit Forestier location dont elle demande confirmation.

C'est à tort que le BCF s'y oppose s'agissant de frais en lien direct et certain avec l'accident et l'impossibilité d'utiliser son propre véhicule pendant le temps de l'évaluation du préjudice et de la réparation.

Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- sur les primes d'assurances à la suite de l'immobilisation de la remorque,

La SARL Las Terrenas maintient sa demande de chef rejetée par le tribunal pour insuffisance de preuve mais ne produit pas d'autres éléments en cause d'appel. Or il résulte des 3 pièces produites qu'elle s'est acquittée d'une somme de 1 227,54 euros pour l'assurance d'une caravane sans plus de précisions. Aucun élément ne permet à la cour de rattacher ses avis de cotisations à la remorque accidentée et immobilisée de sorte que la cour ne peut que confirmer le rejet de cette prétention.

- sur le préjudice économique et financier,

A ce titre la SARL Las Terrenas indique qu'elle n'a pu du fait de l'indisponibilité de sa remorque vitrine et de l'impossibilité de louer ce type de véhicule, exploiter dans les mêmes conditions.

Elle a'chiffré'son préjudice en retenant le'chiffre'd'affaires' de l'année 2015 approchant 737 300 euros et les baisses successives des années 2016, 2017 et en évaluant sa perte au taux de marge brut de 44'% soit un total pour les 2 années de 206 770 euros.

Le BCF sollicite le rejet cette demande. Il rappelle qu'au lendemain de l'accident la société a repris son activité en louant une remorque et ne peut se prévaloir d'une perte de chiffre d'affaires.

Le préjudice économique ne saurait consister en une'perte'de'chiffre'd'affaires, mais seulement en une'perte'de marge brute. En effet, sur le'chiffre'd'affaires'réalisé, une entreprise a des coûts et des charges qu'elle doit déduire avant de déterminer ce qu'une opération financière ou commerciale lui rapporte. De ce point de vue, la SARL Las Terrenas réclame désormais une perte de marge brute qu'elle évalue sur les deux années à 44'% de la perte de chiffre d'affaires pour chaque année.

Toutefois, il peut être observé que rien ne permet d'affirmer comme elle le soutient qu'elle était dans l'impossibilité de louer une vitrine et que seule cette impossibilité l'a conduite à revoir à la baisse ses commandes de jambons haut de gamme et donc lui a fait perdre des ventes et du chiffre d'affaires. Il n'est pas plus démontré que cette baisse de chiffre d'affaires bien que réelle ait pour cause l'accident. En effet dés le lendemain de l'accident la société a repris son activité en louant une remorque et qu' ayant perçu une provision de 10 000 euros en 2017 elle disposait de la possibilité de faire réparer sa vitrine ce qu'elle ne fera pas.

Par ailleurs, les appréciations de l'expert comptable produite aux débats s'appuient certes sur la réalité de la baisse d'un chiffre d'affaires et une baisse des achats de son produit haut de gamme mais sont également fortement induites par les déclarations du gérant de la société et ne constituent pas en toute hypothèse une analyse comptable établissant avec certitude que la perte de marge brute est en lien de causalité directe et certaine avec le dommage.

Enfin il sera observé également qu'en 2016 et malgré l'accident non pas de juillet 2016 comme l'indique l'expert comptable mais du 22 mai 2016 le montant du chiffre d'affaires est pratiquement celui enregistré à 25 000 euros prés, l'année 2014 (environ 600 000) de sorte que l'absence de vitrine aurait eu un impact très relatif sur les 7 mois de l' année 2016 après l'accident et qu'enfin en 2017 elle disposait de fonds pour faire réparer sa vitrine.

L'existence même d'un préjudice en lien de causalité direct n'est donc pas démontrée et cela quels que soient les documents comptables et financiers produits par la SARL Las Terrenas, ils ne peuvent permettre d'établir un lien certain entre la baisse d'activité de produits haut de gamme lié à l'immobilisation de la remorque et l'accident.

Il sera ajouté que la mesure d'expertise comptable qui est demandé ne permettra pas plus d'identifier les raisons de cette baisse d'activité de vente de produits haut de gamme de sorte qu'elle ne peut être utile à la solution du litige et sera rejetée.

Le jugement sera par voie de conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de ce chef et la SARL Las Terrenas sera débouté de sa demande de ce chef.

Au total le préjudice de la SARL Las Terrenas s'élève à la somme de 13 529,68 euros que le BCF sera condamné à lui payer déduction faite de la provision versée par son assureur AXA afin d'éviter une double indemnisation d'un même préjudice.

3-Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le BCF succombant principalement en son appel, supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité commande à ce qu'il soit condamnée à payer à la SARL Las Terrenas une somme de 4 000'euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a' condamné le Bureau Central Français à payer à la SARL Las Terrenas la somme de 155 025,88 euros provisions non déduites au titre de l'indemnisation de l'accident';

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant',

Fixe le préjudice de la SARL Las Terrenas à la somme de 13 529,68';

Condamne le Bureau Central Français à payer à la SARL Las Terrenas la somme de 13 529,68 euros de laquelle sera déduite la provision de 10 000 euros versée par son assureur AXA afin d'éviter la double indemnisation d'un même préjudice';

Condamne le Bureau Central Français, à supporter la charge des dépens d'appel';

Le condamne à payer à la SARL Las Terrenas une somme de 4 000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 23/08702
Date de la décision : 06/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-06;23.08702 ?
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