COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/1352
N° RG 24/01352 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNUDK
Copie conforme
délivrée le 03 Septembre 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024 à 12h25.
APPELANT
Monsieur [J] [O]
né le 10 Août 1990 à [Localité 5] (Pakistan)
de nationalité Pakistanais
Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024;
Déclarant comprendre le français et s'exprimer dans cette langue;
Assisté de Maître Domnine ANDRE, avocate au Barreau d'Aix-en-Provence, commise d'office, présente au siège de la cour;
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône
Représenté par Monsieur [F] [V], présent au siège de la cour;
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté;
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 03 Septembre 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024 à 18h35,
Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu la peine d'interdiction du territoire français prononcée à l'encontre de Monsieur [J] [O] par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Nice en date du 02 novembre 2021;
Vu l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 02 août 2024 portant exécution de la peine susvisée, notifié à Monsieur [J] [O] le 03 août 2024 à 9h20;
Vu la décision de placement en rétention prise le 02 août 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée à Monsieur [J] [O] le 03 août 2024 à 9h20;
Vu l'ordonnance du 02 Septembre 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [J] [O] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours;
Vu l'appel interjeté le 02 Septembre 2024 à 15h02 par Monsieur [J] [O] ;
Monsieur [J] [O] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'Je suis Monsieur [O] et non [N], je suis né le 10 août 1999, je suis né à [Localité 5] au Pakistan, je suis pakistanais. J'ai fait appel car je voulais aller dans un autre pays pour une demande d'asile, j'en ai marre d'être ici. Je n'ai pas de famille en Europe. Sur mes condamnations, je les confirme. J'ai fait ma demande d'asile en Italie, elle a été refusée. Je suis fatigué, j'ai fait 4 ans de prison.'
Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la remise en liberté du retenu ou, à défaut, son assignation à résidence. A ces fins, elle soutient que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est irrecevable car non accompagnées des pièces justificatives utiles, à savoir les justificatifs des diligences de l'administration en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. Enfin, elle estime que la préfecture n'a pas accompli les diligences nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement en ne relançant pas les autorités pakistanaises aux fins de délivrance d'un laissez-passer, se contentant simplement de la sollicitation d'un routing de vol.
Le représentant de la préfecture a été régulièrement entendu. Il déclare: 'Sur l'irrecevabilité de la requête, Maître précise qu'il manque la décision du TC, c'est une pièce utile mais ce point aurait du être débattu lors de la 1ère prolongation. Les diligences ont bien étés effectuées.'
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'
Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'
L'ordonnance querellée a été rendue le 2 septembre 2024 à 12h25 et notifiée à Monsieur [J] [O] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le même jour à 15h02 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.
2) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation faute de pièces justificatives utiles
Aux termes de l'article R742-1 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'
Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.'
Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).
En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet soumet au débat, outre le jugement correctionnel prononçant l'interdiction du territoire français, les justificatifs des diligences accomplies en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. Ainsi, il établit avoir saisi l'ambassade du Pakistan par mail du 2 août 2024 à 11h27, soit la veille du placement en rétention, aux fins d'identification et de délivrance d'un laissez-passer. L'anticipation de cette démarche est de nature à réduire le temps éventuel de rétention. Par ailleurs, les éléments du dossier démontrent qu'il a également interrogé les autorités hongroises, autrichiennes et italiennes aux fins de reprise en charge de l'intéressé à la suite de la consultation positive le 16 juillet 2024 de la borne EURODAC révélant des demandes d'asile dans ces pays, ces derniers ayant toutefois opposé un refus à cette demande. Enfin, il produit au débat le mail émanant des autorités pakistanaises, daté du 20 août 2024, aux termes duquel elles reconnaissent le retenu comme l'un de leurs ressortissants.
Le moyen sera donc rejeté et la requête préfectorale sera déclarée recevable.
3) Sur le moyen tiré du défaut de diligences de l'autorité préfectorale
Selon les dispositions de l'article L742-4 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'
Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du CESEDA de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger.
Les éléments ci-dessus développés établissent la réalité des diligences entreprises par l'administration aux fins d'éloignement de M. [O]. Si les autorités pakistanaises n'ont à ce jour pas délivré de document de voyage, elles ont néanmoins reconnu l'appelant comme leur ressortissant. Surtout, le préfet a sollicité dès le 22 août 2024 un routing de vol, comme le lui demandait par mail du 20 août 2024 l'unité centrale d'identification de la direction nationale de la police aux frontières, chargée d'assister l'administration dans la réalisation des démarches tendant à l'exécution de la mesure d'éloignement vers le Pakistan. Enfin, il sera rappelé qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir relancé l'autorité étrangère alors qu'aucune disposition légale ne le lui impose et qu'il ne dispose à son égard d'aucun pouvoir de contrainte.
Le moyen sera donc rejeté.
4) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence
Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.
En l'espèce, M. [O] ne dispose pas d'un passeport original en cours de validité, pas plus qu'il ne justifie d'un hébergement stable et effectif sur le territoire national.
Dès lors, faute de garanties sérieuses de représentation, ses demandes de mise en liberté et d'assignation à résidence seront rejetées.
Aussi, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel formé par Monsieur [J] [O],
Rejetons les moyens soulevés,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [J] [O]
né le 10 Août 1990 à [Localité 5] (Pakistan)
de nationalité Pakistanaise
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 7]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 4]
Aix-en-Provence, le 03 Septembre 2024
À
- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE
- Maître Domnine ANDRE
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 03 Septembre 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [J] [O]
né le 10 Août 1990 à [Localité 5] (Pakistan)
de nationalité Pakistanaise
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.