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03/09/2024 | FRANCE | N°24/01353

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 03 septembre 2024, 24/01353


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 03 SEPTEMBRE 2024



N° 2024/01353



N° RG 24/01353 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNUDR













Copie conforme

délivrée le 03 Septembre 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



















Décision déférée à la Cour :



Ord

onnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024 à 11H15.







APPELANT



Monsieur [U] [K]

né le 03 Août 2003 à [Localité 5] (Turquie)

de nationalité Turque, demeurant Actuellement au CRA de [Localité 6] -

Comparant e...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 03 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/01353

N° RG 24/01353 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNUDR

Copie conforme

délivrée le 03 Septembre 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024 à 11H15.

APPELANT

Monsieur [U] [K]

né le 03 Août 2003 à [Localité 5] (Turquie)

de nationalité Turque, demeurant Actuellement au CRA de [Localité 6] -

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024;

Assisté de Me Domnine ANDRE, avocate au barreau d'Aix en Provence, avocate commise d'office, et de Monsieur [Z] [J], interprète en langue Turque, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tous deux présents au siège de la cour;

INTIMÉ

Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône

Représenté par Monsieur [O] [R], présent au siège de la cour;

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté;

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 03 Septembre 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024 à 15h42,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 26 juillet 2022 par le préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à Monsieur [U] [K] le 19 août 2022 par lettre recommandée avec accusé non réceptionnée ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 2 août 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée à Monsieur [U] [K] le 3 août 2024 à 9h01;

Vu l'ordonnance du 02 Septembre 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [U] [K] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours ;

Vu l'appel interjeté le 02 Septembre 2024 à 15H21 par Monsieur [U] [K] ;

Monsieur [U] [K] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'Je suis kurde. J'ai une adresse en France chez ma soeur, j'ai une attestation d'hébergement de mon beau-frère qui habite à [Localité 6]. J'ai fait appel car après ma détention je suis allé au CRA. A 2 reprises, le 1er juge a ordonné ma remise en liberté, après recours je suis resté au CRA. Après 30 jours, j'aimerais partir par mes propres moyens, je ne peux pas retourner, rester 30 jours. L'OQTF ne m'a pas été notifiée. Mon adresse, c'était le centre de réfugiés, je n'ai jamais eu connaissance de ce courrier. La seule notification c'est le rejet de la CNDA. J'ai mes parents, frères et soeurs en Turquie mais j'ai une soeur en France. J'ai une petite amie. Lors des 3 audiences, j'ai précisé que si la France me renvoyait, je partirais par mes propres moyens dans un autre pays car ma vie est en danger en Turquie. La dernière fois, le représentant de la préfecture précisait que je n'avais pas les documents pour l'assignation à résidence.'

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la remise en liberté du retenu ou, à défaut, son assignation à résidence. A ces fins, elle soutient que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est irrecevable car non accompagnée des pièces justificatives utiles, à savoir la délégation de signature établie au profit du signataire de l'acte et la copie actualisée du registre de rétention. Enfin, elle estime que la préfecture n'a pas accompli les diligences nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement dans les meilleurs délais, aucun vol vers la Turquie n'étant prévu en dépit d'une décision d'irrecevabilité de la demande de réexamen de la demande d'asile de l'étranger datant du 21 août dernier.

Le représentant de la préfecture a été régulièrement entendu. Il déclare : 'Sur le 1er moyen, la requête comporte les pièces nécessaires, ce moyen reste trop vague, je vous demanderai de le rendre irrecevable. Sur les diligences de l'administration, pour faire simple du 06 août au 29 août, nous ne pouvions pas effectuer de diligences car il y avait une demande d'asile. Un vol était prévu le 16 août mais annulé au vu de la demande d'asile.

Il a bien un passeport en cours de validité, mais la demande d'asile n'a pas permis qu'il prenne ce vol. Je vous demande de bien vouloir confirmer la décision du JLD.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'

Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'

L'ordonnance querellée a été rendue le 2 septembre 2024 à 11h15 et notifiée à Monsieur [U] [K] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le même jour à 15h21 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation faute de pièces justificatives utiles

Aux termes de l'article R742-1 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.

La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'

Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.'

L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

En l'espèce, la requête en prolongation de la rétention du 1er septembre 2024 a été signée par Mme [I] [P], responsable de la section éloignement de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, la procédure comporte l'arrêté n°13-2024-03-22-00005 du 22 mars 2024 portant délégation de signature au profit de l'intéressée aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention en prolongation de la rétention. En outre, il est établi que l'arrêté susvisé a été publié le 22 mars 2024 au recueil des actes administratifs n° 13-2024-075 de la préfecture des Bouches-du-Rhône.

De la même manière, la copie actualisée du registre de rétention, mentionnant les différentes décisions judiciaires rendues, la demande d'asile faite le 6 août dernier et la notification faite le 29 août 2024 à l'étranger de la décision d'irrecevabilité prise par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), figure bien au dossier de la procédure.

Les moyens seront donc rejetés.

3) Sur le moyen tiré du défaut de diligences de l'autorité préfectorale

Selon les dispositions de l'article L742-4 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'

Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du CESEDA de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger.

En l'espèce, le préfet a saisi le consulat de Turquie d'une demande de laissez-passer consulaire par mail du 2 août 2024 à 14h33, soit la veille du placement en rétention. Les mesures tendant à l'exécution de la mesure d'éloignement ont ensuite été légitimement suspendues à la suite de la requête de l'appelant tendant réexamen de sa demande d'asile faite auprès de l'OFPRA le 6 août 2024. Celui-ci a déclaré cette demande irrecevable par décision du 21 août 2024, notifiée au retenu le 29 août 2024.Or, le même jour à 12h02, l'administration a sollicité un routing de vol vers la Turquie, l'original du passeport de M. [K] ayant été remis aux fonctionnaires de police le 7 août dernier.

Le préfet justifie donc de diligences tendant à l'exécution de la mesure d'éloignement.

Le moyen sera donc rejeté.

4) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence

Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'

Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'

L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.

En l'espèce, si M. [K] a remis à l'administration l'original de son passeport, il a clairement exprimé en procédure son refus de retourner en Turquie et ne justifie pas être admissible dans un autre Etat. Sa volonté de se conformer à la mesure d'éloignement n'est donc pas établie, alors qu'elle constitue une condition préalable à toute assignation à résidence, dont l'objet est aussi d'exécuter l'arrêté portant obligation de quitter le territoire.

Dès lors, faute de garanties sérieuses de représentation, ses demandes de mise en liberté et d'assignation à résidence seront rejetées.

Aussi, l'ordonnance entreprise sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé par Monsieur [U] [K],

Rejetons les moyens soulevés,

Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [U] [K]

né le 03 Août 2003 à [Localité 5] (Turquie) (99)

de nationalité Turque

Assisté de , interprète en langue turque.

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 03 Septembre 2024

À

- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

- Maître Domnine ANDRE

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 03 Septembre 2024, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [U] [K]

né le 03 Août 2003 à [Localité 5] (Turquie) (99)

de nationalité Turque

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/01353
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;24.01353 ?
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