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04/09/2024 | FRANCE | N°20/06525

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 04 septembre 2024, 20/06525


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2024



N° 2024/ 283









Rôle N° RG 20/06525 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGBDS







[U] [N]





C/



[J] (Décédé) [W]

[T] [W]



[I] [W]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Benjamin TAIEB

Me Lise KLINGUER



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/00782.





APPELANTE



Madame [U] [N]

née le 31 Mai 1956 à [Localité 6] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]



représentée et assistée ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 283

Rôle N° RG 20/06525 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGBDS

[U] [N]

C/

[J] (Décédé) [W]

[T] [W]

[I] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Benjamin TAIEB

Me Lise KLINGUER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/00782.

APPELANTE

Madame [U] [N]

née le 31 Mai 1956 à [Localité 6] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Benjamin TAIEB, avocat au barreau de NICE

INTIMÉS

Monsieur [T] [W], pris en sa qualité d'héritier de Monsieur [F] [W] (décédé)

né le 19 Mai 1960 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Monsieur [I] [W] es qualité d'héritier de Monsieur [J] [W],

né le 18 Juin 1987 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024

Signé par Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, pour le Président empêché et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 16 juin 2014, M. [F] [W] a viré sur le compte bancaire de Mme [U] [N], compagne de son fils [J], une somme de 25 000 €.

Mme [N] a procédé à des virements mensuels de 300 € sur le compte bancaire de M. [F] [W], avant de cesser tout versement à compter du 15 avril 2016.

Le 24 septembre 2018, M. [F] [W] a mis en demeure Mme [N] de lui restituer la somme de 19 900 €.

Il est décédé le 24 décembre 2018.

Par acte du 30 janvier 2019, MM. [J] [W] et [T] [W], agissant en qualité d'héritiers de M. [F] [W], ont assigné Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 19 900 € ainsi que des dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- condamné Mme [N] à restituer à MM. [W], agissant en qualité d'héritiers de feu [F] [W], la somme de 19 900 €, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2018 ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par MM. [W] ;

- condamné Mme [N] à payer à MM. [T] [W], ensemble, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formée de Mme [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [N] aux entiers dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que l'existence d'un contrat de prêt entre M. [F] [W] et Mme [N] est établie par la remise, non contestée, des fonds et l'intention de les restituer, caractérisée par les versements mensuels réalisés par Mme [N] jusqu'au 15 avril 2016.

Il a également retenu qu'aucune preuve n'étant rapportée d'une renonciation de M. [F] [W] au remboursement des sommes prêtées, Mme [N] est tenue au paiement du solde restant dû, soit la somme de 19 900 €.

Par acte du 16 juillet 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [N] a relevé appel de cette décision en visant tous les chefs de son dispositif, à l'exception de celui par lequel le tribunal a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par MM. [W].

M. [J] [W] est décédé le 30 octobre 2022.

M. [I] [W], pris en sa qualité d'héritier de M. [J] [W], a repris l'instance, par des conclusions d'intervention volontaire régulièrement notifiées le 6 mai 2024.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 mai 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 14 septembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [N] demande à la cour de :

' infirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il l'a condamnée à restituer à MM. [W] la somme de 19 900 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2018, à leur payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, avec exécution provisoire ;

' confirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- condamner MM. [W] à lui payer 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter, en conséquence, MM [W] de l'ensemble de leurs demandes.

Elle fait valoir que la preuve de la remise des fonds ne suffit pas pour établir l'obligation de les restituer en l'absence de contrat de prêt ou d'écrit valant reconnaissance de dette.

Elle considère que l'intention libérale d'[F] [W] est caractérisée dès lors qu'à la suite de l'arrêt des versements, il ne lui a jamais réclamé la somme restant due alors qu'ils vivaient dans la même demeure. Elle soutient également que M. [F] [W] a lui-même sollicité l'arrêt des virements en raison des importants travaux de rénovation réalisés par ses soins dans la villa, des services qu'elle lui a rendus et des liens affectifs les unissant.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés et d'appel incident, régulièrement notifiées le 6 mai 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [T] [W], agissant en qualité d'héritier de M. [F] [W] et M. [I] [W], pris en sa qualité d'héritier de M. [J] [W], lui-même héritier de M. [F] [W], demandent à la cour de :

' recevoir M. [I] [W], en son intervention volontaire ;

' confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

' infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

' condamner Mme [N] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

' débouter Mme [N] de toutes ses demandes ;

' débouter Mme [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

' dire et juger que les condamnations seront réparties conformément aux règles de la dévolution successorale établie suivant acte notarié à intervenir en l'étude de Me Azuelos-Issert.

Ils soutiennent que la somme de 25 000 €, versée par M. [F] [W] à Mme [N], correspond à un prêt, dont l'existence est établie par l'aveu judiciaire qu'en a fait Mme [N] dans ses conclusions devant le premier juge ainsi que par les paiements mensuels volontaires réalisés jusqu'en avril 2016.

Selon eux, Mme [N] ne rapporte pas la preuve de l'accord de M. [F] [W] pour la cessation des remboursements, que ce soit à à la faveur d'une intention libérale, ou d'une volonté d'opérer compensation avec des frais des rénovation ou des services qu'elle lui aurait rendus.

Ils soutiennent que le coût de la rénovation de l'immeuble a été pris en charge par M. [J] [W], alors compagnon de Mme [N], et que la participation financière de Mme [N] aux dépenses de la famille et aux soins de M. [W] est la contrepartie de son hébergement à titre gratuit ainsi que des dépenses supportées par M. [F] [W] pour son entretien.

Sur la demande de dommages et intérêts, ils considèrent que la résistance de Mme [N] est abusive dès lors que M. [F] [W] avait besoin des sommes prêtés pour compléter sa faible retraite.

Motifs de la décision

Sur l'intervention volontaire

En application des articles 325 et suivants du code de procédure civile, l'intervention volontaire principale n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant et si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

L'instance est interrompue par le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible et peut être volontairement reprise par une intervention de l'ayant droit de la personne décédée.

Tel est le cas en l'espèce de M. [I] [W], qui est intervenu en qualité d'héritier de M. [J] [W], décédé en cours d'instance.

Sur la demande principale

Les contrats conclus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, soit au 1er octobre 2016, demeurent soumis à la loi ancienne.

En l'espèce, l'obligation contractuelle alléguée est intervenue au cours de l'année 2014, de sorte qu'elle est antérieure au 1er octobre 2016.

En application de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En matière de prêt, il appartient au prêteur de prouver la remise de la somme d'argent et l'intention de la prêter.

Cette preuve ne peut être déduite de la seule remise de fonds à une personne, ni de l'absence d'intention libérale du remettant ou de réponse du prétendu emprunteur à la mise en demeure de celui qui se dit prêteur.

L'article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée, impose la preuve par écrit sous signature privée ou authentique de toute obligation portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (1 500 €).

Cependant, selon l'article 1356 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, l'aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l'a fait.

En conséquence, l'exigence d'un écrit cède en cas d'aveu judiciaire, preuve parfaite dont la force probante s'impose au juge.

L'aveu judiciaire peut donc être utilisé par une partie pour suppléer un écrit.

Il se définit comme toute déclaration faite en justice par la partie ou son fondé de pouvoir spécial, de nature à favoriser la partie adverse et résultant de la volonté non équivoque de son auteur de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques.

L'aveu peut être déduit de conclusions déposées devant les premiers juges, même s'il n'est pas repris dans les dernières conclusions d'appel.

En l'espèce, aucune des parties ne conteste que M. [F] [W] a remis à Mme [N], le 16 juin 2014, une somme de 25 000 € par virement bancaire.

La remise des fonds est ainsi établie.

En revanche, aucun écrit émanant de Mme [N] n'est produit pour établir que celle-ci s'est engagée à rembourser cette somme de 25 000 €.

Les consorts [W] soutiennent que les conclusions de Mme [N] devant le premier juge, contiennent un aveu judiciaire de l'existence entre elle et M. [W] d'un prêt à rembourser en intégralité.

Dans ses conclusions récapitulatives devant le tribunal, Mme [N], évoquant la remise de la somme de 25 000 €, indique 'il était convenu que Mme [N] rembourse cette somme sous la forme de virements mensuels d'un montant de 300 € sans qu'aucun acte juridique ne soit toutefois établi entre les parties' et 'à compter du 15 juillet 2014, Mme [N] versait mensuellement 300 € à M. [F] [W] jusqu'au 15 avril 2016".

Il résulte de ces conclusions, dénuées d'ambiguïté, que Mme [N] ne conteste pas avoir initialement convenu avec M. [W] qu'elle lui rembourserait la somme de 25 000 € par échéances mensuelles de 300 € chacune.

Par cette déclaration, Mme [N] a reconnu devoir à M. [W] la somme de 25 000 €.

L'aveu par lequel une personne reconnaît qu'elle doit une certaine somme à son créancier ne porte pas sur un point de droit, mais sur un point de fait, à savoir le montant de la somme due.

Cependant, si l'aveu judiciaire fait pleine foi contre son auteur, l'article 1356 alinéa 3 précise que 'il ne peut être divisé contre celui qui l'a fait'. Tel est le cas lorsque l'aveu d'un fait est assorti de précisions complémentaires qui commandent les conséquences qui peuvent en être tirées.

En l'espèce, dans les conclusions précitées, Mme [N] indique, après avoir reconnu l'existence de l'emprunt, que M. [W] a renoncé aux remboursements à compter d'avril 2016 en partie dans une intention libérale, en partie afin de compenser des dépenses engagées par ses soins en sa faveur, à savoir la rénovation du bien immobilier dans lequel elle demeurait, ainsi que l'aide qu'elle lui a apportée au quotidien pour son entretien.

L'aveu de Mme [N] s'accompagne donc d'un fait distinct, en ce que si l'intéressée reconnaît sa dette, elle ajoute ne plus rien devoir en raison d'une compensation convenue avec son créancier et de l'intention libérale de ce dernier à son égard.

Cependant, la règle de l'indivisibilité de l'aveu judiciaire ne s'applique pas lorsque le fait distinct du fait principal est démontré inexact ou n'est pas démontré.

Doit ainsi être considéré comme divisible l'aveu d'une dette assorti d'une compensation, car il s'agit de prétendre à une créance de nature différente, ce qui constitue un fait distinct qui n'est pas une suite naturelle de la première opération reconnue.

Il appartient donc à Mme [N], pour faire échec à l'aveu judiciaire contenu dans ses conclusions devant le premier juge, de rapporter la preuve de la compensation qu'elle invoque ou de l'intention de M. [W] de renoncer, à la faveur d'une intention libérale, au remboursement de la somme de 19 900 € correspondant au solde de l'emprunt après déduction des sommes remboursées.

Or, Mme [N] ne produit aucune pièce démontrant que M. [W] lui a demandé de mettre un terme aux virements mensuels de 300 € sur lesquels ils s'étaient accordés au titre du remboursement de sa dette.

Elle prétend que avoir négligé d'exiger un écrit en raison de l'impossibilité morale procédant des liens affectifs qui les unissaient.

L'article 1348 ancien du code civil, prévoit une exception à l'obligation de produire un écrit lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique.

Cette exception correspond aux situations dans lesquelles, pour le demandeur, il aurait été offensant ou déplacé à l'égard du receveur des fonds, de se montrer méfiant en exigeant la rédaction d'un écrit.

En l'espèce, l'existence d'une vie commune n'est pas contestée, pas plus que la relation affective entretenue par Mme [N] avec le fils de M. [F] [W].

Cependant, une telle relation, bien qu'empreinte d'affectif, ne caractérise pas un obstacle moral empêchant de formaliser un accord par écrit, d'autant que le montant total de la somme restant due, qui s'élève à 19 900 €, était conséquent, et, au regard de la modicité des ressources de Mme [N], suffisant pour dissiper ses scrupules à l'obtention d'un document écrit permettant de la libérer de son engagement.

Par ailleurs, et en tout état de cause, l'impossibilité morale a, tout au plus pour effet de dispenser le débiteur de produire un écrit, mais le fait juridique qui en est l'objet n'en doit pas moins être établi par d'autres modes de preuve. Or, en l'espèce, Mme [N] ne produit aucune pièce étayant son allégation selon laquelle M. [W] a renoncé à percevoir le remboursement de la somme prêtée.

Le fait qu'il n'a pas immédiatement réclamé la reprise des versements est insuffisant pour établir qu'il y a renoncé, à la faveur d'une intention libérale, ce d'autant qu'il lui a adressé le 24 septembre 2018, avant l'expiration du délai de prescription de la créance, une mise en demeure de payer.

Quant à la compensation alléguée, les attestations de la nièce et de la soeur de Mme [N] sont, à elles-seules, insuffisantes pour démontrer l'existence d'une créance de cette dernière sur M. [W] au titre de travaux ou de l'aide accordée pour son entretien, et la volonté de ce dernier de consentir à la compensation de cette créance avec la sienne.

Ainsi, Mme [O] [V] déclare que : 'ma soeur s'est complètement investie dans cette tâche pour redonner un 'coup de jeunesse et propreté dans la maison (rénovation, peintures, papier peint, décoration, aménagement, relooking de la cuisine) et le jardin, toujours avec l'accord de M. [W]. Elle ajoute que 'elle s'occupait de 'papi' au quotidien, celui-ci très âgé, lui préparant des repas équilibrés, s'occupant de son linge et de celui de toute la famille, lui coupait les cheveux' ajoutant 'tout ce qu'une belle fille attentionnée fait !, créant un lien affectif durable'.

De même, Mme [D] [V] expose que sa tante 's'est lancée dans des travaux de rénovation assez importants de la maison qui commençait à vieillir : peinture du sol au plafond de toute la maison, rénovation cuisine chambre ..', précisant qu'elle assumait ces travaux seule.

De telles déclarations sont insuffisantes pour établir la preuve d'une intention de M. [W] d'opérer une quelconque compensation.

Outre que Mme [N] vivait gracieusement au domicile de ce dernier et avait un intérêt direct et personnel à l'amélioration de son cadre de vie, elle ne démontre ni que la valeur des améliorations, dont la teneur précise n'est pas établie par les termes très généraux des deux attestations produites, atteint celle de sa dette, ni que celles-ci n'étaient pas la contrepartie de l'absence de participation financière à ses frais de logement.

S'agissant de l'aide quotidienne consentie au titre de l'entretien de M. [W], l'attestation de Mme [O] [V] est, à elle-seule, insuffisante pour considérer que cette aide a excédé sa légitime contrepartie à la vie de la famille, et ce, quand bien même aucun lien de droit ne l'unissait à M. [W] ou son fils, le témoin précisant qu'elle se chargeait de 'tout ce qu'une belle fille attentionnée fait'.

En conséquence, Mme [N] ne démontre pas que les travaux allégués et les services rendus à M. [W] constituaient la contrepartie de la remise de la somme de 19 900 €, représentant le solde de l'emprunt, ni que M. [W] était d'accord pour opérer une quelconque compensation à ce titre.

Les faits distincts du fait principal, à savoir la volonté d'opérer compensation et l'intention libérale, étant inexact, l'aveu de l'existence d'un prêt doit être maintenu et l'affirmation selon laquelle Mme [N], emprunteur, se serait libérée de sa dette, doit être écarté.

Enfin, en l'absence de demande visant à obtenir des délais de paiement, la modicité des ressources de Mme [N] est inopérante.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [N] à payer à MM [W], pris en leur qualité d'héritiers de M. [F] [W], la somme de 19 900 €.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

MM. [W] sollicitent 10 000 € à titre de dommages-intérêts au titre d'une résistance abusive de Mme [N].

La défense à une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Le seul rejet des prétentions d'un plaideur, y compris par confirmation en appel d'une décision de première instance, ne caractérise pas automatiquement un abus, pas plus que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits, sauf s'il est démontré que le plaideur ne peut, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions.

En l'espèce, MM. [W] ne caractérisent aucune circonstance établissant le caractère abusif de l'exercice par Mme [N] de son droit de défendre à l'action

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

Mme [N], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à MM. [W] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit M. [I] [W] en son intervention volontaire aux fins de reprise de l'instance interrompue par le décès de M. [J] [W] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [U] [N] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

Condamne Mme [U] [N] à payer à M. [T] [W] et M. [I] [W], agissant en qualité d'héritiers de M. [F] [W], ensemble, une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

Condamne Mme [U] [N] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/06525
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;20.06525 ?
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