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28/09/2001 | FRANCE | N°99/01685

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre commerciale, 28 septembre 2001, 99/01685


COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2001 RG : 99/01685 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 12 mars 1999 PARTIES EN CAUSE : APPELANT Maître ROY Robert Mandataire judiciaire de nationalité française 9 Avenue de Soissons 02400 CHATEAU THIERRY "agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Alain X..., fonctions auxquelles il a été nommé par jugement du Tribunal de Commerce de SOISSONS en date du 7 juin 1996". Comparant concluant par Me CAUSSAIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me BEJIN (avocat au barreau de SAINT-QUE

NTIN)

ET : INTIMEE SA. CREDIT LYONNAIS 19 Bd des Italie...

COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2001 RG : 99/01685 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 12 mars 1999 PARTIES EN CAUSE : APPELANT Maître ROY Robert Mandataire judiciaire de nationalité française 9 Avenue de Soissons 02400 CHATEAU THIERRY "agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Alain X..., fonctions auxquelles il a été nommé par jugement du Tribunal de Commerce de SOISSONS en date du 7 juin 1996". Comparant concluant par Me CAUSSAIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me BEJIN (avocat au barreau de SAINT-QUENTIN)

ET : INTIMEE SA. CREDIT LYONNAIS 19 Bd des Italiens 75002 PARIS "prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège". Comparante concluante par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE (avoué à la Cour) et plaidant par Me BOURDET de la SCP LECLERCQ CARON (avocats au barreau d'AMIENS) DEBATS : A l'audience publique du 12 juin 2001 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président, siégeant en vertu des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 28 septembre 2001, pour prononcer arrêt. GREFFIER : Mme Y.... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE M. le Président en a rendu compte à la Cour composée de : M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de Chambre, M. Z... et Mme ROHART-MESSAGER, Conseillers, qui en a délibéré conformément à la loi. PRONONCE : A l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2001, l'arrêt a été rendu par M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de chambre qui a signé la minute avec Mlle A..., Greffier. DECISION

La Cour statue sur l'appel interjeté par Me ROY, ès qualités de liquidateur de M. X... d'un jugement du Tribunal de Commerce de SOISSONS du 12 mars 1999 qui l'a débouté de ses demandes dirigées contre le CREDIT LYONNAIS. *

Vu les conclusions de l'appelant du 19 juin 2000 par lesquelles il prie la Cour de : - déclarer recevable et fondé son appel, - infirmer le jugement,

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code Civil, - dire que la "restructuration" financière de l'entreprise en nom personnel de M. Alain X... effectuée par le CREDIT LYONNAIS a constitué un abus, et que cet abus est à l'origine du passif généré par la poursuite d'activité du susdit, - dire que le CREDIT LYONNAIS est responsable d'un octroi abusif et fautif de crédit, - dire que le préjudice subi par la procédure collective s'élève à la somme de 12.716.134,55 F, - condamner le CREDIT LYONNAIS au paiement de dommages-intérêts de ce montant à son profit avec intérêts au taux légal ne serait-ce qu'à titre de dommages-intérêts compensatoires à compter de la délivrance de l'assignation du 18 mars 1997 et jusqu'à parfait règlement, - condamner le CREDIT LYONNAIS au paiement d'une indemnité de 200.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel, et en prononcer distraction au profit de Me CAUSSAIN, avoué. [*

Vu les conclusions du CREDIT LYONNAIS du 25 février 2000 par lesquelles il prie la Cour de : - déclarer Me ROY, ès qualités, irrecevable en son appel, - l'y déclarer mal fondé, - le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, - confirmer le jugement, - condamner Me ROY, ès qualités, à lui payer la somme de 100.000 F sur le fondement de l'article du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction sera ordonnée pour ces derniers au profit de la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE, avoué. *] SUR CE, LA COUR

Attendu que par acte authentique du 6 décembre 1989 le CREDIT AGRICOLE de L'UNION NORD EST consentait à M. X... un prêt de dix

millions de F au taux annuel de 9 % remboursable en trimestrialités de 34.282,33 F destinés à financer l'achat des murs et d'un fonds de commerce de pharmacie ainsi que des travaux ;

Que par ailleurs une ouverture de crédit d'un montant de 500.000 F lui était consentie, au taux de 9,95 % ;

Que M. X... rencontrait des difficultés de trésorerie fin 1992, début 1993 ; que le CREDIT AGRICOLE refusant de restructurer le prêt, il prenait contact avec le CREDIT LYONNAIS lequel après avoir reçu un bilan prévisionnel de la STE PHARMACONSEIL acceptait de reprendre les emprunts en cours, c'est-à-dire d'apurer la créance du CREDIT AGRICOLE et de lui fournir un nouveau financement ;

Qu'ainsi le CREDIT LYONNAIS lui octroyait d'une part un prêt de 5 millions de F remboursable sur 12 ans et générant un taux d'intérêt de 10 % l'an outre 1,25 % au titre de la commission d'engagement ;

Que cette restructuration opérée dans le courant de l'année 1993 aboutissait à des remboursements mensuels de 148.386,24 F alors que les remboursements mensuels dus à l'origine du CREDIT AGRICOLE étaient de 108.846,98 F ;

Que M. X..., qui ne parvenait pas à régler les mensualités, mettait en vente son fonds de commerce le 12 septembre 1995, puis, ne trouvant aucun amateur procédait le 20 octobre 1995 à une déclaration de cessation des paiements ; que par jugement du même jour le Tribunal de Commerce de SOISSONS ouvrait son redressement judiciaire ; que par jugement du 3 mai 1996 il reportait au 1er juin 1995 la date de cessation des paiements et que le 7 juin suivant, il prononçait sa liquidation judiciaire et désignait Me ROY ès qualité de liquidateur ;

Que le CREDIT LYONNAIS procédait à une déclaration de créance à hauteur de 17.863.717,97 F et que sa créance était admise à hauteur de 10.389.115,73 F ;

Que la STE INTERFIMO déclarait sa créance pour un montant de 11.594.592,22 F suite au règlement effectué au CREDIT LYONNAIS en qualité de caution ;

Que l'état des créances s'élevait au total à la somme de 14.462.997,60 F et que l'actif réalisé était d'un montant de 7.700.000 F ;

Que par acte du 18 mars 1997 Me ROY ès qualités assignait le CREDIT LYONNAIS pour soutien abusif de crédit et demandait sa condamnation à 12.716.134,55 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. [*

Attendu que Me ROY soutient que le CREDIT LYONNAIS a agi avec une imprudence fautive, que les prêts accordés étaient anormalement élevés par rapport à la taille de l'entreprise et inadaptés à ses besoins ; qu'il indique que l'examen des bilans et des ratios aurait dû amener le CREDIT LYONNAIS à refuser tout crédit ; que le CREDIT LYONNAIS aurait dû examiner le budget prévisionnel avec attention et s'interroger sur l'hypothèse retenue d'une augmentation de 6 % du chiffre d'affaires ;

Qu'il souligne plus particulièrement que la STE PHARMACONSEIL avisait le 2 avril 1993 le CREDIT LYONNAIS que la restructuration envisagée n'était réalisable que si le chiffre d'affaires augmentait de 6 % comme M. X... le supposait. *]

Attendu que le CREDIT LYONNAIS soutient que lors de l'octroi des prêts M. X... ne se trouvait pas en état de cessation des paiements que l'analyse des documents comptables démontrerait que l'ensemble des indicateurs économiques de l'entreprise de M. X... était en amélioration en 1992 et que l'aggravation de la situation était due à une régression du chiffre d'affaires non prévisible ;

Qu'il rappelle que le Tribunal de Commerce de SOISSONS a reporté la date de cessation des paiements de M. X... au 1er juin 1995 soit

à une date de deux ans postérieure à l'octroi des prêts et qu'en conséquence Me ROY ès qualités ne pourrait affirmer qu'en juin 1993 M. X... se trouvait en état de cessation des paiements. *

Mais attendu que la date à laquelle le tribunal a fixé la date de cessation des paiements et sans influence en matière de recherche de responsabilité à l'encontre des organismes dispensateurs de crédit ; que ceux-ci ont le devoir de s'informer sur la situation financière réelle des entreprises auxquelles ils accordent leur concours ; que commet une faute la banque qui accorde des crédits alors que ceux-ci constituent une charge insupportable, incompatible avec la rentabilité de l'entreprise ;

Qu'afin que la Cour soit parfaitement informée de la situation financière de l'entreprise de M. X... en juin 1993, date à laquelle le CREDIT LYONNAIS a consenti des prêts ainsi que de ses perspectives de rentabilité, il convient de désigner expert avec mission telle que précisée au dispositif. PAR CES MOTIFS

La COUR ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Reçoit l'appel en la forme ;

Avant dire droit ;

Désigne en qualité d'expert M. Eric B..., ... ; dans sa négative rechercher si le crédit accordé se rattachait à une politique de redressement présentant des chances raisonnables et s'il était adapté ou disproportionné à la taille de l'entreprise, - rechercher s'il était raisonnable de prévoir une augmentation de 6 % du chiffre d'affaires de M. X... ou si cette hypothèse était irréaliste ou même risquée, - rechercher si les crédits accordés étaient compatibles

avec le niveau des fonds propres, le fonds de roulement, l'évolution du chiffre d'affaires et si la charge des frais financiers était susceptible de créer un déficit structurel de trésorerie interdisant toute rentabilité, - fournir tous éléments permettant de chiffrer le préjudice subi par les créanciers de M. X... et calculer l'éventuelle augmentation du passif résultant d'une prolongation de l'activité de M. X... en raison des crédits accordés par le CREDIT LYONNAIS, - faire toutes observations utiles, - répondre aux dires des parties ;

Dit que Me ROY, ès qualités devra, dans le délai d'un mois à compter de l'invitation faite par le secrétaire-greffier de la Cour, consigner une provision de 25.000 F à valoir sur la rémunération de l'expert ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au Conseiller de la Mise en Etat et déposer son rapport au secrétariat-greffe de la Cour dans les six mois à compter du jour où il aurait été avisé de la consignation ;

Dit que faute par l'expert d'accepter sa commission ou de remplir sa mission dans le délai prévu, il sera remplacé sur requête de la partie la plus diligente ou d'office par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat de la 4ème Chambre de la Cour sous le contrôle duquel cette mesure d'instruction sera diligentée ;

Réserve les dépens.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99/01685
Date de la décision : 28/09/2001
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Situation de l'entreprise irrémédiablement compromise

La date à laquelle le Tribunal a fixé la date de cessation des paiements est sans influence en matière de recherche de responsabilité à l'encontre des organismes dispensateurs de crédit. Ceux-ci ont le devoir de s'informer sur la situation financière réelle des entreprises auxquelles ils accordent leurs concours. La banque qui accorde des crédits alors que ceux-ci constituent une charge insupportable, incompatible avec la rentabilité de l'entreprise commet une faute


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2001-09-28;99.01685 ?
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