ARRET NoABELLANC/SA SENIOR ET CIEJPA/PCCOUR D'APPEL D'AMIENS5ème chambre sociale cabinet APRUD'HOMMESARRET DU 05 SEPTEMBRE 2006**************************************************************** * * **RG : 06/00212jugement DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BEAUVAIS (REFERENCE DOSSIER No RG 02/00292) en date du 03 mars 2005 PARTIES EN CAUSE :APPELANTMonsieur Jean-Marie ABELLAN696, Route de Vaux 60100 CREIL
COMPARANT
assisté concluant et plaidant par Me ORLIAC collaborateur de Me Michel BARTHELOT DE BELLEFONDS, avocat au barreau de PARIS
ET :INTIMEESA SENIOR ET CIE (salarié de l'établissement de CREIL)agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domicilié en cette qualité audit siège :. 155 159 RUE DU DOCTEUR bAUER 93400 ST OUEN
NON COMPARANTE
REPRESENTEE concluant et plaidant par Me DEMAISON avocat au barreau de PARISDEBATS :
A l'audience publique du 02 Mai 2006, devant M. F..., Conseiller faisant fonctions de Président de Chambre , siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :- M. F... en son rapport,- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives,- Mme CARRARA Anne X... en qualité de témoin à la demande de l'appelant.M. F... a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 05 Septembre 2006 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ,GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme CAMBIENCOMPOSITION DE LA COUR LORS DU Y... :
M. F... en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet A de la Cour composée en outre de :Mmes Z... et HAUDUIN,
Conseillers qui en a délibéré conformément à la LoiARRET :
CONTRADICTOIREPRONONCE :
Le 05 Septembre 2006, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. F..., Conseiller faisant fonctions de Président de Chambre, désigné par ordonnance de M. le Premier Président en date du 26 juin 2006 et Mme A..., Greffier présente lors du prononcé. ** *DECISION :Vu le jugement en date du 3 mars 2005 par lequel le conseil de prud'hommes de BEAUVAIS, statuant dans le litige opposant Monsieur Jean-Marie B... à son ancien employeur, la SA SENIOR ET CIE, a dit le licenciement du salarié justifié non pour faute grave mais pour cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement de différentes sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement, rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes;Vu l'appel interjeté par Monsieur B... le 29 mars 2005 de cette décision qui lui a été notifiée le 11 mars précédent ;Vu le rétablissement de l'affaire au rôle de la cour après radiation pour défaut de diligences des parties prononcée par arrêt du 29 novembre 2005; Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 2 mai 2006 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel;Vu les conclusions enregistrées au greffe le 4 janvier 2006 , soutenues oralement à l'audience, aux termes desquelles Monsieur B..., contestant la réalité et le sérieux des griefs énoncés dans la lettre de notification de la rupture, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations mises à la charge de son employeur, l'infirmer pour le surplus et condamner ce dernier à
lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.122-14-4 du code du travail, préjudice moral et indemnité par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;Vu les conclusions en date du 2 mai 2006, reprises oralement à l'audience, par lesquelles la société, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante aussi bien en ce qui concerne la prescription de certains faits que pour ce qui a trait à leur réalité et à leur caractère de gravité, sollicite pour sa part l'infirmation du jugement déféré en ce que celui-ci a écarté la qualification de faute grave, le débouté de l'ensemble des demandes, fins et conclusions du salarié, subsidiairement la fixation de l'indemnité de licenciement à la somme de 1109,70 euros, l'évaluation des dommages et intérêts au minimum légal et la condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;SUR CE, LA COURAttendu que Monsieur Jean-Marie C..., engagé le 3 septembre 1998 en qualité de chargé de mission par la SA SENIOR ET CIE, devenu ensuite responsable logistique statut cadre, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 février 2002, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 février 2002, motivée comme suit: A la suite de notre entretien du 15 février 2002 à 15 heures, nous avons pris la décision de vous licencier en raison d'un ensemble de faits graves qui vous sont directement imputables.En raison de pertes de 3 M/F de masse salariale sur le circuit-colis, en 2001, service dont vous êtes responsable ( cadre supérieur/ coeff. 490), notre DG a dû intervenir fin d'année auprès de votre encadrement d'équipe pour analyser les problèmes. Depuis des mutations inter-service ont eu lieu, les langues se délient .û concernant la
sécurité, chargé de l'entretien et bien sûr, en tant que manager du respect des consignes dans votre département; il s'avère que plusieurs accidents ont eu lieu dernièrement. Savoir : le personnel continu à ne pas mettre de chaussures de sécurité û un blessé le 28.01 û les consignes sont de renvoyer le personnel ou bien de faire procéder aux avertissements après une première intervention des managers. Nous ne connaissons pas d'intervention de votre part et nous assistons à un laisser-faire . Dans le même registre, en plus grave, concernant le broyeur à carton, plusieurs managers sont choqués de voir les hommes grimper et dégager les cartons avec le bras, ce qui est strictement interdit! Vous n'êtes pas intervenu sauf de mettre un affichage c'est strictement interdit . Une machine (tapis roulant) a été déplacée, une salariée s'est blessée car le tapis empiétait l'espace, à hauteur d'homme (14. 12). A priori, une rectification a été apportée aussitôt mais aucune étude préalable n'a eu lieu, à notre connaissance!û le 4 courant, la responsable comptable m'alerte au sujet de votre listing archives . Dans ce listing, elle constate que 2 cartons comptables et des documents épars appartiennent à son service. Vous êtes garant de ses archives comptables, livrés par cartons pré-conditionnés, numérotés et archivés par le chauffeur interne, sous votre responsabilité, spécialement mandaté par vous après information du service comptabilité. Le stockage, l'archivage et le classement relève de votre responsabilité directe (dépôt 96 courant 2000 û document signé par vos soins) û dépôt 97 remis en mai 2001 (toujours en attente de signature malgré plusieurs relances). Nous nous sommes rendus sur le site, le 6 courant, puis le 15 avec un huissier, afin de constater l'archivage et prendre connaissance des consignes que vous avez dispensées mais aussi constater les pertes, par destruction, de la majorité des archives qui aurait eu lieu, en fait, début septembre
parce que nous constatons un foutoir inimaginable ; vous étiez le seul habilité à organiser les dépôts et donc à donner les consignes de réception et d'archivage. Aucune consigne n'a été donnée aux magasiniers et sauf d' entasser tous les cartons de Saint-Ouen, pêle-mêle dans un local immonde, sans prioriser ni contrôler le type d'archives : il en résulte un éclatement des cartons, des détériorations et un épurement indu ! Le traitement des archives mémoires d'un service comme les catalogues ou les promos n'ont pas le même impact que celles de la comptabilité (à ce titre, je suis effarée de constater la légèreté apportée au traitement de documents confidentiels de l'entreprise û cartons comptables ouverts et reconditionnés) ! Même dans le cas d'archivage simple, la façon de gérer n'est pas concevable ni acceptable. Une benne archive a été commandée début septembre; vous semblez n'avoir fait aucun bilan de l'activité de votre période d'absence ni aucun suivi ultérieur.û vous ne nous donnez aucune explication, malgré des mises en alerte de votre staff, que vous preniez un nombre de CDD fortement supérieur à la capacité des tables de prélèvement. En vérifiant, ces faits s'avèrent répétitifs. Nous n'avons pas eu de réponse à la question sauf que vous vous plaignez de n'avoir pas eu les moyens de pourvoir vos postes en intérim ; ce qui aurait eu comme conséquence d'aggraver les pertes en masse salariale car le salaire chargé génère un coefficient de 1.4, celui de l'intérim de 2.2. Cette option ne réglait, en rien, les problèmes d'organisation ni les problèmes de coûts du circuit colis, finalités de votre mission de cadre supérieur. Le directeur du site a procédé à une formation (fin janvier) des chefs d'équipe et contremaîtres, formation justifiée par les mutations internes (31 01 de 11 heures à 15 heures). Il résulte qu'aucun n'a eu la formation aux logiciels logistique vous dites avoir dispensée ä Sans que ce soit exhaustif, vous auriez promis à
plusieurs reprises des postes CDI au personnel, dans le cadre du plan d'embauche décidé, voire des promotions sans consultation avec la DRH et des primes. Il en résulte des plaintes de certaines personnes qui induisent des pertes de confiance et un mauvais climat social ; ce personnel étant lésé.Dans tous les cas cités, nous observons votre manque de réaction, de suivi des équipes, d'anticipation et de prise au sérieux des faits qui sont préjudiciables à l'entreprise au regard de l'importance de votre service. La dérive est importante sans corrélation avec votre niveau de mission confiée et de responsabilité entreprise (numéro 11 dans l'entreprise).De ces constats, nous ne pouvons que constater la gravité des faits et la légèreté apportée au traitement des dossiers, des hommes et de leur suivi.En raison de quoi, nous vous signalons par la présente votre licenciement pour faute grave... ;Attendu que contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Monsieur B... a saisi le conseil de prud'hommes de BEAUVAIS, qui, statuant par jugement du 3 mars 2005, dont appel, s'est prononcé comme indiqué ci-dessus;Attendu que la faute grave autorisant le licenciement sans indemnité du salarié est constituée par un fait ou un ensemble de faits rendant impossible pendant la durée limitée du préavis la poursuite des relations de travail; que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur et à lui seul;Attendu qu'au vu des pièces et documents produits au cours du débat probatoire, les premiers juges ont à bon droit estimé non établi le grief relatif à la destruction et au traitement des archives; Que Monsieur B... n' a en effet été chargé de l'archivage administratif de l'entreprise qu'à compter du mois de novembre 2001, alors que la destruction des archives incriminée est intervenue au mois de septembre précédent, dans des conditions parfaitement anarchiques et désordonnées, à l'initiative
d'un autre salarié, licencié pour faute grave en raison de ces faits le 23 octobre 2001; que non imputables à Monsieur B..., ces faits, connus de l'employeur depuis plus de deux mois au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et donc prescrits par application des dispositions de l'article L.122-44 du code du travail, ne pouvaient de surcroît être utilement invoqués à l'appui d'une sanction disciplinaire; Que l'état des archives constaté par huissier le 15 février 2002, soit quelques mois à peine après que Monsieur B... se soit vu confier la responsabilité de l'archivage des pièces et documents de l'entreprise, ne peut davantage être imputé à faute au salarié, dès lors d'une part qu'il n'est pas établi que cet état soit le fruit de directives données par celui-ci depuis sa prise de fonction et dans la mesure où d'autre part les éléments du dossier font apparaître que ce dernier à aussitôt fait procéder à un audit sur l'état des archives et leur traitement, avant d'établir et d'adresser, au mois de janvier 2002, à l'ensemble des services concernés, une note, à laquelle était jointe un inventaire, relative au traitement et à la gestion des archives, note, destinée à remédier à la situation constatée, étant observé que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre par l'employeur avant même que les responsables des services concernés n'aient été en mesure de répondre et de donner suite à cette note: Que les griefs relatifs à la sécurité des conditions de travail ne peut davantage être retenu, dès lors que les pièces et documents du dossier font apparaître que Monsieur B..., qui n'avait qu'une mission limitée en ce domaine sous l'autorité du chef d'établissement, mission s'ajoutant à ses autres fonctions et responsabilités, a pris les mesures qui s'imposaient en établissant d'une part une note de service au mois de février 2000 rappelant le port obligatoire des chaussures de sécurité et les sanctions encourues en cas de manquement à cette obligation et
en faisant d'autre part procéder à l'affichage des directives et instructions pour l'utilisation du broyeur, dès l'installation de ce matériel, directives et instructions aux termes desquelles il était notamment clairement rappelé l'interdiction de se pencher ou de procéder à une intervention sur la machine en marche; Que les éléments du dossier ne permettent pas par ailleurs de tenir pour établi que Monsieur B... ait été informé du déplacement du tapis d'emballage décidé par le directeur logistique en concertation avec le service routage; que la faute qui aurait été commise par le salarié en s'abstenant de faire procéder à la sécurisation du tapis ne peut par conséquent être retenue; Attendu que dans ces conditions et en l'absence d'élément de nature à établir que Monsieur B... ait été informé en temps utile par les managers et chefs d'équipe d'éventuels manquements aux consignes et directives par lui délivrées de la part des personnels d'exécution placés sous leur autorité, la preuve d'un comportement fautif du salarié dans l'accomplissement de sa mission relative à la sécurité des conditions de travail ne peut être considérée comme rapportée;Que de la même façon, Monsieur B... ne peut être tenu pour directement responsable d'un sureffectif de personnels engagés sous contrats à durée déterminée par rapport aux besoins de l'entreprise, sureffectif au demeurant non démontré, dès lors que les décisions d'embauche étaient prises en accord avec le directeur logistique, son supérieur hiérarchique , sous le contrôle du service des ressources humaines qui signait tous les contrats de travail, sans qu'aucun reproche n'ait jamais été adressé en temps opportun à Monsieur D... sur ce point;Que le grief relatif à un prétendu défaut de formation du personnel au logiciel logistique ne peut davantage être tenu pour établi au vu des pièces et documents versés aux débats; Attendu qu'à la faveur de ces motifs, le jugement entrepris sera infirmé en ce que celui-ci, après
avoir écarté la qualification de faute grave, a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement;Attendu que justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Monsieur B... peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.122-14-4 du code du travail;Qu'en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt, étant observé qu'il n'est pas justifié en l'espèce d'un préjudice moral autre que celui lié à la perte de l'emploi; Que les sommes dues au salarié à titre de rappel de salaire et congés payés afférents pour la période de mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement ayant été exactement calculées par les premiers juges, la décision déférée sera confirmée sur ces points;Attendu que les conditions d'application de l'article L.122-14-4 du code du travail étant réunies, il convient de faire application de ce texte et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'Assedic concernée les indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations; Qu'il sera fait application en faveur du salarié des dispositions de l'article 700 et il lui sera alloué sur ce fondement, pour l'ensemble de la procédure, une indemnité dont le montant sera précisé au dispositif de l'arrêt; Que l'employeur, qui succombe et supportera les dépens, sera en revanche débouté de sa demande indemnitaire présentée sur le même fondement;
PAR CES MOTIFS Statuant par dispositions nouvelles, tant confirmatives que réformatives et supplétivesDéclare sans cause
réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Jean-Marie E... la SA SENIOR etCIE à payer à Monsieur B... les sommes suivantes:- 1112,75 euros à titre d'indemnité de licenciement,- 10014, 75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,- 1001,48 euros à titre de congés payés sur préavis,- 1859,50 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire;- 185,95 euros à titre de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa lettre de convocation devant le bureau de conciliation,- 22 318,56 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.122-14-4 du code du travail,- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;Condamne la SA SENIOR etamp; CIE à rembourser à l'ASSEDIC concernée les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois de prestations; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires;Condamne la SA SENIOR etamp; CIE aux dépens de première instance et d'appel.LE GREFFIER,
LE PRESIDENT.