ARRET
No
Société VP SECURITE
C /
X...
gh / pc
COUR D'APPEL D'AMIENS
5ème CHAMBRE SOCIALE- cabinet A
PRUD'HOMMES
ARRET DU 25 MARS 2008
************************************************************
RG : 07 / 01058
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES de SAINT QUENTIN (REFERENCE DOSSIER No RG 06 / 00090) en date du 29 janvier 2007
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Société VP SECURITE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domicilié en cette qualité audit siège :
... 02100 SAINT- QUENTIN
NON COMPARANTE
REPRESENTEE concluant et plaidant par Me Virginie MAX CARLI, avocat au barreau de CRETEIL
ET :
INTIMEE
Madame Sidonie X...
... 62124 YTRES
COMPARANTE
assistée, concluant, par M. VISTICOT Alain délégué syndical
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Décembre 2007 ont été entendus :
- Mme HAUDUIN, conseiller en son rapport
- l'avocat de l'appelante en ses conclusions et plaidoirie et l'intimée et son représentant en ses conclusions et observations.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Mme DARCHY, Présidente de Chambre, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 10 décembre 2007,
Mmes SEICHEL et HAUDUIN, Conseillers,
qui a renvoyé l'affaire à l'audience du2 5 Mars 2008 pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie et en a délibéré conformément à la Loi
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme CAMBIEN
ARRET : CONTRADICTOIRE
PRONONCE :
A l'audience du 25 mars 2008, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme HAUDUIN, Conseiller ayant assisté aux débats et au délibéré et Mme CAMBIEN, Greffier présente lors du prononcé
*
* *
DECISION :
Vu le jugement en date du 29 janvier 2007 par lequel le conseil de prud'hommes de SAINT QUENTIN statuant dans le litige opposant Madame Sidonie X... à son ancien employeur la société VP SÉCURITÉ, a dit le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à verser à l'intéressée diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour rupture illégitime, indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur ce préavis, rappel de salaire durant la période de suspension du contrat de travail, congés payés y afférents, dommages et intérêts pour préjudice moral, indemnité pour non respect des temps de pause et indemnité procédurale ;
Vu l'appel interjeté le 2 mars 2007 par la société employeur de cette décision qui lui a été notifiée le 26 février précédent ;
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 4 décembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
Aux termes de conclusions enregistrées au greffe le 26 novembre 2007 et soutenues oralement à l'audience, la société VP SÉCURITÉ, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, contestant que les conditions de l'article L. 122-12 alinéa 2 soient réunies suite à la perte du marché du site de VERRERIES DE MASNIERES au profit de la société ARTOIS SÉCURITÉ et que la salariée puisse se prévaloir de l'application de l'article 8 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité faute de justifier d'une présence effective sur ce site durant une période minimale de quatre mois, faisant valoir que le licenciement notifié à l'intéressée pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave est fondé sur ses refus illégitimes et réitérés de rejoindre son nouveau poste sur le site Delcar à SAINT QUENTIN en violation de la clause de mobilité géographique contractuelle, que la salariée ne peut prétendre au paiement des salaires correspondant à la période durant laquelle elle a refusé de travailler, ni à ceux afférents au préavis et enfin que l'intéressée, qui ne réalisait pas une durée quotidienne de travail supérieure à 12 heures, était libre de prendre tous les temps de pause qu'elle souhaitait, demande à la cour de débouter Madame X... de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner à lui rembourser les sommes réglées dans le cadre de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges et à lui verser, à hauteur des montants repris au dispositif de ses écritures, diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, dommages et intérêts et indemnité procédurale ;
Aux termes de conclusions enregistrées au greffe le 5 novembre 2007 et soutenues oralement à l'audience, Madame X..., réfutant les moyens et l'argumentation soutenus par la partie appelante, sollicite la confirmation du jugement déféré sauf à élever le quantum des dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice moral à la somme de 15. 000, 00 et à lui allouer une indemnité procédurale d'un montant de 1. 500, 00 euros ;
SUR CE, LA COUR :
Attendu que Madame Sidonie X..., embauchée à compter du 13 septembre 2001 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'agent d'exploitation affectée sur le site de VERRERIES DE MASNIERES par la société SECURIFRANCE devenue VPI SÉCURITÉ puis VP SÉCURITÉ, a bénéficié à l'issue de son congé maternité le 3 mai 2003 d'un congé parental d'éducation et ce jusqu'au troisième anniversaire de son enfant dernier né ; que son employeur, invoquant la perte du marché de VERRERIES DE MASNIERES, l'a lors de l'entretien du 24 novembre 2005 affectée sur le site Delclar à SAINT QUENTIN ; que suite à ses refus de rejoindre cette nouvelle affectation, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 janvier 2006 par lettre du 23 janvier précédent, puis licenciée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 février 2006 motivée comme suit :
" Vous ne vous êtes pas présentée le mardi 31 janvier 2006 au siège de la société VP SÉCURITÉ sis 177, rue JF Kennedy à SAINT QUENTIN (02100) pour l'entretien auquel nous vous avions convoqué en date du 23 janvier 2006.
Cette absence n'ayant aucune incidence sur le déroulement de la procédure engagée, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, nous vous précisons qu'ils sont les suivants :
A la suite de votre congé parental d'éducation, nous vous avons convoqué pour le jeudi 24 novembre 2005 afin d'organiser votre reprise d'activité professionnelle au sein de notre société.
Lors de cette entrevue, nous vous avons remis en main propre votre planning du mois de décembre 2005 et relatif au site de DELCAR que vous avez accepté.
Par courrier du 1er décembre 2005 et contre toute attente, vous avez manifesté refus de respecter votre planning excipant du fait que vous souhaitiez récupérer le poste que vous occupiez avant votre départ en congé parental d'éducation, à savoir, les Verreries de Masnières.
Bine que nous vous ayons indiqué, à plusieurs reprises, que nous n'assurions plus les prestations de surveillance et de gardiennage des Verreries de Masnières et, qu'à ce titre, nous étions dans l'impossibilité de satisfaire votre demande, vous avez réitéré votre refus de travailler sur les sites sur lesquels vous étiez programmé, violant délibérément vos obligations professionnelles et contractuelles.
En effet, nous vous avions déjà rappelé que l'article 3 de votre contrat de travail, dûment signé et accepté par vous sans aucune réserve, édicte :
"... L'intéressée est amenée à travailler de jour comme de nuit, ainsi que les samedis, dimanches et jours fériés (article. 7. 01. de le convention collective).
Le travail est exécuté conformément au planning.
Votre activité s'exercera sur n'importe quel poste, en fonction des besoins du service.
En raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d'assurer un service de jour comme de nuit et quelque soit le jour de la semaine.
En conséquence, le fait pour l'intéressé d'être employée indistinctement, soit de jour, soit de nuit, soit alternativement de nuit ou de jour, constitue une modalité normale de l'exercice de sa fonction. "
Vous n'ignorez d'ailleurs pas que les dispositions susmentionnées ne sont que la résultante des obligations de notre profession figurant dans la Convention Collective des Entreprises de Prévention et de Sécurité (no3196) et reprises également dans le règlement intérieur.
Par nature, la mobilité de nos activités fait que les emplois de notre personnel de sécurité empruntent cette caractéristique consubstantielle à laquelle il est impossible de renoncer.
Vous savez pertinemment que la mention de votre affectation sur le site de Verreries de Masnières visée à votre contrat de travail n'est qu'indicative et ne saurait valoir exclusivité surtout à propos d'emplois mobiles par nature.
Nous avons essayé de vous en convaincre en portant à votre connaissance les arrêts de la Cour de Cassation (soc. 3 juin 2003, no01-43573 ; Soc. 21 janvier 2004, no02-12712) disposant que " la mention du lieu d'exécution du lieu du travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement sur ce lieu. "
Malgré l'évidence et tous les efforts que nous avons entrepris pour vous faire entendre raison, vous avez persisté dans votre refus de travailler et vos absences récurrentes, depuis le 5 décembre 2005, ont perturbé l'organisation de l'entreprise ce qui ne pouvait être toléré plus longtemps d'autant que nos différentes sommations à reprendre le travail sont restées vaines.
Compte tenu de ce qui précède et afin de vous permettre d'effectuer votre préavis de deux mois, vous trouverez ci- joint votre planning des mois de février et mars 2006 pour le site de DELCAR.
Nous attirons votre attention sur le fait que pendant votre préavis vous restez tenu de l'ensemble des obligations de votre contrat de travail, notamment au strict respect des horaires et du planning. " ;
Attendu que contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits tant durant l'exécution du contrat de travail qu'au moment de la rupture de celui- ci, Madame Sidonie X... a saisi le conseil de prud'hommes de SAINT QUENTIN, qui, par jugement du 29 janvier 2007, dont appel, s'est déterminé comme indiqué ci- dessus ;
Attendu que l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et dont l'identité est maintenue, l'affectation de certains salariés à l'exécution du marché ne suffisant pas à caractériser une telle entité économique ; que la vente d'une partie du fonds de commerce de surveillance et de gardiennage dans l'arrondissement d'ARRAS par la société VP SÉCURITÉ à la société ARTOIS PICARDIE et l'identité de dirigeants de ces deux sociétés ne permettent pas davantage, en l'absence d'autres éléments, de retenir que les conditions d'application de l'article susvisé sont réunies en l'espèce ;
Attendu en revanche, qu'il résulte des dispositions de l'accord du 5 mars 2002 applicable aux entreprises de surveillance relatif à la reprise du personnel affecté à un site et dont le marché change de prestataire, que les salariés concernés, qui remplissent des conditions d'ancienneté minimale de six mois et d'affectation minimale de quatre mois sur le site, doivent être informés par leur employeur (entreprise sortante) dans les cinq jours de la perte du marché et de leur situation à venir, l'entreprise sortante pouvant faire le choix de conserver tout ou partie du personnel en vue de l'affecter à d'autres marchés ;
Qu'en l'espèce, Madame X..., qui à la date du transfert intervenu le 31 octobre 2004 avait une ancienneté supérieure à six mois pour avoir été embauchée à compter du 13 septembre 2001 et affectée dès le début des relations contractuelles sur le site de Verreries de Masnières et ainsi remplissait également la condition exigée d'un service d'une durée minimale de quatre mois, l'article2. 4. 1 de l'accord précité n'exigeant pas que cette durée de quatre mois précède immédiatement la date de ce transfert, était en conséquence susceptible d'être transférée conformément à l'application de l'accord susvisé ; qu'il ne ressort pas des éléments du dossier qu'elle a fait l'objet d'un information individuelle par son employeur la société VP SÉCURITÉ de la perte du marché de Verreries la Masnières dans le délai de cinq jours stipulé à l'article 2. 3 de l'accord du 5 mars 2002, ni d'ailleurs dans les jours qui ont suivi, l'employeur établissant uniquement avoir avisé la salariée de sa situation au cours de l'entretien ayant eu lieu le 24 novembre 2005, faisant suite à la lettre de celle- ci indiquant à son employeur son intention de reprendre ses fonctions à l'issue de son congé parental, entretien au cours duquel l'intéressée se voyait proposer une affectation sur le site DELCLAR à SAINT QUENTIN ;
Que l'inobservation par l'employeur de la procédure d'information conventionnelle préalable prévue par l'accord du 5 mars 2002 qui constitue une garantie de fond accordée au salarié a pour effet de rendre sans cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par le refus de la salariée non transférée d'être affecté sur un autre site dans des conditions constitutives au surplus d'une modification de son contrat de travail, celui- ci stipulant en effet dans son article 4 une affectation à Verreries de Masnières avec possibilité de déplacements à titre temporaire dans le NORD PAS DE CALAIS, la PICARDIE et l'ILE DE FRANCE mais n'entraînant pas de changement de résidence, cette disposition ne pouvant s'analyser en une clause de mobilité opposable à la salariée ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'allouer à la salariée en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail en considération de l'ancienneté de l'intéressée et de l'effectif de l'entreprise des dommages et intérêts destinés à réparer l'illégitimité de la rupture et exactement évalués par les premiers juges ;
Attendu que la salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à l'Assédic des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ;
Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a octroyé à Madame X... une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés sur ce préavis, non contestés dans leur quantum ;
Que la demande en paiement du préavis non exécuté formée par la société VP SÉCURITÉ sera en conséquence rejetée ;
Attendu que l'employeur, en choisissant en toute connaissance de cause d'écarter Madame X..., alors en congé parental, de la liste des salariés transférés et de laisser celle- ci dans l'ignorance du transfert du marché et en proposant à l'intéressée à son retour de congé la poursuite de son contrat de travail dans des conditions entraînant de profondes modifications de ce contrat (lieu, répartition des horaires dans s'agissant des jours de la semaine, travail de nuit), a fait subir à la salariée par son comportement un préjudice moral distinct de celui- ci réparé au titre de l'illégitimité de la rupture, préjudice exactement apprécié et évalué par les premiers juges dont la décision sera ainsi confirmée ;
Attendu que la salariée est en droit de prétendre au paiement du rappel de salaires augmenté des congés payés pour les mois de décembre 2005 et janvier 2006 correspondant à une période durant laquelle elle a été, du fait de son employeur, mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; que par ces motifs substitués, le jugement sera confirmé ;
Attendu qu'en cause d'appel, l'employeur ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges s'agissant de l'octroi à la salariée de dommages et intérêts destinés à réparer l'impossibilité pour celle- ci de disposer de temps de pause organisés durant lesquels elle pouvait vaquer à ses occupations personnelles sans avoir rendre des comptes à son employeur ; que les moments durant lesquels l'intéressée est présente pour parer à une éventuelle intervention et n'est pas occupée à l'exécution de tâches précises, ne pouvant être considérés comme revêtant la nature de temps de pause, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef de demande ;
Attendu que la société appelante, qui succombe, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et de celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée sur ce même fondement à verser à Madame X... une indemnité dont le montant sera précisé au dispositif ci- après et à supporter les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 29 janvier 2007 par le conseil de prud'hommes de SAINT QUENTIN en toutes ses dispositions sauf à préciser que le licenciement a été notifié par lettre du 6 février 2006,
Y ajoutant :
Condamne la société VP SECURITE à rembourser à l'Assédic concernée les indemnités de chômage versées à la salariée depuis le jour de son licenciement dans la limite de six mois,
Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement du 29 janvier 2007 pour les autres sommes,
Condamne la société VP SÉCURITÉ à verser à Madame Sidonie X... la somme de 1. 500, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société VP SÉCURITÉ aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.