ARRET
N° 163
[Z]
C/
[W]
CPAM DU HAINAUT
EW
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 25 AVRIL 2022
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N° RG 20/02344 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HXDL
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (Pôle Social) EN DATE DU 11 mai 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Maître [C] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sté GLE DISTRIBUTION
Immeuble Trade Center (3ème étage)
100 rue Pierre Dubois
59500 DOUAI
Représenté et plaidant par Me Flore AUBIGNAT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Juliette BARRE de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMES
Monsieur [J] [W]
1 rue Venant
59161 RAMILLIES
Représenté et plaidant par Me Marie-Laure BOVAY, avocat au barreau de PARIS substituant Me Frédéric LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS
La CPAM DU HAINAUT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
63 rue du Rempart
BP 60499
59321 VALENCIENNES CEDEX
Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 17 Janvier 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Avril 2022.
Le délibéré de la décision initialement prévu au 04 Avril 2022 a été prorogé au 25 Avril 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 25 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 11 mai 2020, par lequel le Pôle social du tribunal judicaire de Douai, statuant dans le litige opposant Monsieur [J] [W] à la société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GLE DISTRIBUTION, en présence de la CPAM du Hainaut, a :
- rejeté la demande de la société GLE DISTRIBUTION, consistant à limiter à hauteur de 50% l'indemnisation de Monsieur [J] [W]
- fixé l'indemnisation complémentaire de Monsieur [J] [W] comme suit:
40000,00 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées,
3000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
23611,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
34102,50 euros au titre des frais d'assistance à tierce personne avant consolidation,
2040 euros au titre des frais exposés non pris en charge
4000 euros au titre du préjudice sexuel,
- condamné Maître [C] [Z] , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GLE DISTRIBUTION à payer à Monsieur [J] [W] la somme totale de 106753,70 euros,
- débouté Monsieur [J] [W] de sa demande d'indemnisation de préjudice esthétique temporaire , d'agrément et résultant de la perte ou de la diminition des possibilités de promotion professionnelle
- rappelé que la CPAM du Hainaut versera directement à Monsieur [J] [W] les sommes dues au titre de l'indemnisation comlémentaire , après avoir déduit la provision de 5000 euros allouée par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Douai du 30 mars 2016,
- rappelé que la CPAM du Hainaut pourra recouvrer le montant de l'indemnisation complémentaire accordée à Monsieur [J] [W] à l'encontre de la société GLE DISTRIBUTION prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [C] [Z]
- condamné Maître [C] [Z] , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GLE DISTRIBUTION à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Maître [C] [Z] , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GLE DISTRIBUTION aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Vu la notification du jugement à Maître [C] [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire , le 27 mai 2020, et l'appel relevé par celui-ci le 12 juin 2020,
Vu les conclusions visées le 17 janvier 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] , en sa qualité de liquidateur judiciaire, prie la cour de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
- rejeté la demande de la société GLE DISTRIBUTION, consistant à limiter à hauteur de 50% l'indemnisation de Monsieur [J] [W]
- fixé l'indemnisation complémentaire de Monsieur [J] [W] comme suit:
40000,00 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées,
3000 euros au titre du préjudice esthétique
23611,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, en se fondant sur un taux journalier de 25 euros,
34102,50 euros au titre des frais d'assistance à tierce personne avant consolidation, en se fondant sur un taux horaire de 15 euros,
2040 euros au titre des frais d'assistance à expertise
4000 euros au titre du préjudice sexuel,
statuant à nouveau,
- dire et juger que l'indemnisation de Monsieur [J] [W] au titre de ses préjudices personnels sera limitée à 50% de ceux-ci,
- allouer à Monsieur [J] [W] une somme qui ne saurait excéder 8660,23 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- allouer à Monsieur [J] [W] une somme qui ne saurait excéder 17305,60 euros euros au titre de l'assistance par tierce personne,
- allouer à Monsieur [J] [W] une somme qui ne saurait excéder 17500 euros au titre des souffrances endurées,
- allouer à Monsieur [J] [W] une somme qui ne saurait excéder 2000 euros au titre du préjudice esthétique,
- débouter Monsieur [J] [W] de ses demandes formées au titre du préjudice sexuel, de la perte de chance de promotion professionnelle, du préjudice d'agrément, et plus généralement de toutes demandes plus amples ou contraires,
- dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions visées le 17 janvier 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles Monsieur [J] [W] prie la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé Monsieur [J] [W] en l'ensemble de ses demandes
- dire Monsieur [J] [W] fondé à obtenir l'indemnisation intégrale de ses préjudices
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a:
* rejeté toute demande de la société GLE DISTRIBUTION, tendant à la réduction du droit à indemnisation de Monsieur [J] [W],
* alloué la somme de 40000 euros à Monsieur [J] [W], au titre des souffrances endurées,
* alloué la somme de 2040 euros à Monsieur [J] [W], au tire des frais exposés non pris en charge,
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [J] [W] de sa demande d'indemnisation du préjudice esthétique temporaire, d'agrément et résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à Monsieur [J] [W] les sommes suivantes:
3000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
23611,20 euros au titre du déficit fonctionnel
34102,50 euros au titre des frais d'assistance à tierce personne avant consolidation,
4000 euros au titre du préjudice sexuel,
statuant à nouveau,
- déclarer recevable et bien fondé Monsieur [J] [W] en l'ensemble de ses demandes
- déclarer Monsieur [J] [W] fondé à obtenir l'indemnisation intégrale de ses préjudices,
- fixer l'indemnisation des préjudices de Monsieur [J] [W] comme suit:
préjudices couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :
préjudice esthétique temporaire: 3000 euros
préjudice esthétique permanent: 6000 euros,
préjudice d'agrément: 10000 euros
perte de possibilité de chance de promotion professionnelle: 20000 euros
préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale:
déficit fonctionnel temporaire: 25902 euros
tierce personne temporaire:61663,20 euros
préjudice sexuel: 8000 euros,
- fixer le préjudice total de Monsieur [J] [W] à la somme totale de 176605,20 euros
- ordonner à la CPAM du Hainaut de faire l'avance de cette somme de 176605,20 euros,
- condamner Maître [C] [Z] à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Vu les conclusions visées le 17 janvier 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM du Hainaut indique s'en remettre à la sagesse de la cour sur l'évaluation des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur [J] [W],
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SUR CE LA COUR,
Monsieur [J] [W], salarié de la société GLE DISTRIBUTION en qualité de chef d'équipe de couverture, a été victime le 30 mars 2009 d'un accident du travail, objet d'une déclaration en ces termes: « Monsieur [W] était sur l'échafaudage et fixait l'écran de sous-toiture. Il s'est penché pour agrafer l'écran en bout d'échafaudage et a perdu l'équilibre, puis a basculé par-dessus le garde corps( selon explications des deux employés présents au moment de la chute) »
Le certificat médical initial établi le jour de l'accident a constaté l'existence d'un traumatisme crânien, de multiples fractures, d'un hémopneumothorax, d'une rupture de rate et de diverses plaies et hématomes.
La CPAM du Hainaut a pris en charge d'emblée l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'état de santé de Monsieur [J] [W], a été déclaré consolidé le 8 avril 2013, avec notification d'un taux d'IPP de 40%, porté à 60% par décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 17 mars 2015.
Le 17 mars 2013, la CPAM du Hainaut a été saisie par Monsieur [J] [W] d'une demande en reconnaissance de faute inexcusable de son employeur, la société GLE DISTRIBUTION.
Après échec de la procédure de conciliation,le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes, par jugement rendu le 30 mars 2016, a :
- dit que l'accident dont Monsieur [J] [W] a été victime le 30 mars 2009 est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société GLE DISTRIBUTION,
- limité la majoration de la rente servie par la CPAM du Hainaut à Monsieur [J] [W] à 20% en raison de la faute inexcusable commise par ce dernier et dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle de son taux d'IPP,
- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [E] [R] avant dire droit sur la liquidation des préjudices personnels de Monsieur [J] [W],
- alloué à Monsieur [J] [W], une somme de 5000 euros à valoir sur la liquidation de ses préjudices personnels,
- condamné la société GLE DISTRIBUTION à rembourser à la CPAM du Hainaut le montant des provision, majoration de rente et indemnisations dont elle aura effectué l'avance.
Suivant arrêt rendu entre les parties le 28 septembre 2018, la Cour d'appel de Douai a confirmé le jugement précité, sauf à dire que l'instance sera reprise à l'initiative des parties.
Par jugement rendu entre les parties le 29 juillet 2019, le pôle social du tribunal de garnde instance de Douai a débouté Monsieur [J] [W] de sa demande de complément d'expertise et ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de conclure après dépôt du rapport d'expertise du docteur [R].
Suivant jugement dont appel rendu le 3 février 2020, le pôle social du tribunal judicaire de Douai, devenu compétent pour connaître du litige, a statué sur la liquidation des préjudices de Monsieur [J] [W] comme indiqué précédemment.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société visant à limiter à hauteur de 50% l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [J] [W] , et à ce que l'indemnisation des préjudices personnels de celui-ci soit limitée à 50%.
Elle fait valoir que la faute inexcusable de Monsieur [J] [W] tenant au fait qu'il a retiré volontairement son harnais en dépit de la non conformité de l'échafaudage qu'il connaissait, a été définitivement consacrée, et doit emporter limitation de l'indemnisation de ses préjudices personnels à hauteur de 50%.
Elle conclut par ailleurs à la réduction des sommes allouées à Monsieur [J] [W] aux montants repris dans le dispositif de ses écritures, et au rejet de ses prétentions au titre du préjudice sexuel, des frais d'assistance, de la perte de chance de promotion professionnelle et du préjudice d'agrément.
Monsieur [J] [W] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de réduction de son droit à indemnisation formée par l'employeur, ainsi que du chef des indemnisations allouées au titre des souffrances endurées et des frais exposés non pris en charge.
Il indique que la faute de la victime n'a pour effet que de diminuer le montant de la rente accident du travail retenue, et ne peut exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.
Par appel incident, il conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté des demandes faites au titre du préjudice esthétique temporaire, d'agrément et résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, et sollicite la réévaluation des postes de préjudice suivants: assistance par tierce personne , préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice sexuel, préjudice d'agrément, perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle.
Il sollicite en conséquence que l'indemnisation de son préjudice soit portée à la somme totale de 176605, 20 euros.
La CPAM du Hainaut s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant à l'évaluation des préjudices extra patrimoniaux subis par Monsieur [J] [W] .
***
* Sur la demande de l'employeur visant à la réduction du droit à indemnisation de Monsieur [J] [W] compte tenu de la faute retenue à son encontre:
Il résulte des articles L 452-2, L 452-3 et L453-1 du code de la sécurité sociale qu'en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la faute inexcusable de la victime peut justifier la réduction de la majoration de sa rente d'accident du travail, mais non la réduction des indemnités lui revenant .
Ainsi, la faute commise par la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable, mais a pour seul effet de permettre à la caisse de limiter la majoration de la rente attribuée à la victime et non une réduction des autres postes de préjudice personnel.
Il s'ensuit que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande faite par l'employeur tendant à la réduction du droit à indemnisation de Monsieur [J] [W] eu égard à la faute inexcusable commise par celle-ci.
*Sur la liquidation des préjudices de Monsieur [J] [W] :
Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à ce dernier la réparation de son préjudice d'agrément si elle justifie de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie, de ses souffrances physiques et morales non déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, de son préjudice esthétique, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités professionnelles, qu'elle peut également être indemnisée d'autres chefs de préjudice à la condition qu'ils ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale tels que notamment le préjudice sexuel, le besoin d'assistance par une tierce personne avant consolidation, le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, et les préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents de la victime tel que celui résultant de la nécessité pour la victime d'adapter son logement ou son véhicule à son handicap voire même de la nécessité pour elle de se procurer un nouveau logement ou un nouveau véhicule adaptés à ce handicap.
- sur les souffrances physiques et morales endurées:
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire, sollicite l'infirmation du jugement déféré sur ce point et l'allocation à Monsieur [J] [W] d'une somme qui ne saurait excéder un montant de 17500 euros.
Monsieur [J] [W] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Aux termes de son rapport déposé le 17 juin 2019, le docteur [E] [R], expert, évalue à 5,5 dans l'habituelle séquence de sept termes les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [J] [W], en retenant en l'espèce un polytraumatisme sévère, avec perte de connaissance initiale, un traumatisme crânien, de multiples fractures des membres, de la clavicule gauche, du coude gauche, des plaies multiples et hématomes,pneumothorax, rupture de rate et du pancréas, ayant justifié un temps de stomie , une splénectomie, un long temps d'immobilisation , plusieurs séjours hospitaliers et une longue rééducation avec complication algoneuro dystrophique.
En considération de ces éléments, les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances endurées par Monsieur [J] [W] en lui allouant une somme de 40000 euros.
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
- sur le préjudice esthétique temporaire et permanent:
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire, sollicite l'infirmation du jugement déféré sur ce point et l'allocation à Monsieur [J] [W] d'une somme qui ne saurait excéder un montant de 2000 euros.
Monsieur [J] [W] sollicite égalementl'infirmation du jugement de ce chef, faisant grief aux premiers juges de ne pas avoir retenu l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, alors que les cicatrices conservées par lui à titre définitif étaient discernables, boursouflées et pigmentées durant la période qui a suivi l'accident, et qu'il a nécessairement subi un préjudice esthétique temporaire durant plus de quatre années.
Il sollicite l'allocation d'une somme de 3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, et celle de 6000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [E] [R], expert, évalue à 2,5 dans l'habituelle séquence de sept termes le préjudice esthétique subi par Monsieur [J] [W] compte tenu de l'aspect hypotrophique et hypotonique du membre supérieur gauche avec une chute et une amyotrophie de l'épaule gauche.
L'expert note encore sur le plan cicatriciel une longue cicatrice de laparotomie médiane à la fois sus et sous ombilicale de 23 centimètres de long, une cicatrice du flanc gauche, une longue cicatrice linéaire du coude gauche de 24 centimètres de long, outre une cicatrice de 4 centimètres du bord ulnaire du poignet gauche et une cicatrice visible horizontale de 8 centimètres de l'occiput.
Si l'expert n'a pas opéré de distinction entre le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique définitif, il n'est pas contestable qu'un préjudice esthétique temporaire existait avant consolidation pour Monsieur [J] [W], tenant notamment à la présence de cicatrices dont une à l'arrière de la tête altérant sensiblement son apparence physique.
En considération de ces éléments, la cour, par infirmation du jugement déféré, allouera à Monsieur [J] [W] une somme de 1500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et portera à 4000 euros la somme allouée à Monsieur [J] [W] au titre du préjudice esthétique définitif.
- Sur le préjudice d'agrément:
Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir.
Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure.
En l'espèce, Monsieur [J] [W] fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté la demande faite à ce titre et sollicite une indemnisation de 10000 euros .
Il fait valoir que l'expertise effectuée montre qu'il pratiquait de manière hebdomadaire le jardinage et le bricolage, que ces activités sont désormais rendues plus difficiles, qu'il ne peut plus pratiquer sans difficulté le cyclisme ou la pêche et ne peut plus profiter des parcs d'attraction comme auparavant.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire conclut au rejet de cette prétention et à la confirmation du jugement de ce chef.
Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [E] [R], expert, indique que Monsieur [J] [W] pratiquait de façon hebdomadaire le jardinage et le bricolage et que ces activités sont rendues plus difficiles par les séquelles fonctionnelles du membre supérieur gauche.
En outre, les témoignages de Madame [F] [W], fille de Monsieur [J] [W], et de son épouse confirment que celui-ci est limité dans sa pratique dominicale du cyclisme en raison des séquelles affectant son bras, et que la pratique régulière de la pêche et du bricolage par l'interessé est devenue difficile.
En considération de ces éléments, la limitation de la pratique régulière antérieure des activités de cyclisme, pêche , jardinage et bricolage est avérée s'agissant de Monsieur [J] [W].
Par infirmation du jugement déféré, la cour lui allouera une somme de 5000 euros en indemnisation de ce chef de préjudice.
- Sur la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle:
L'article L 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que la victime de faute inexcusable peut obtenir réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
Monsieur [J] [W] fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande faite à ce titre, et sollicite pour ce poste de préjudice une indemnisation de 20000,00 euros.
Il fait valoir qu'alors âgé de 42 ans, il exerçait la profession de couvreur zingueur au sein de la société GLE DISTRIBUTION sous contrat à durée indéterminée.
Il indique qu'il aspirait à évoluer au sein de son entreprise pour devenir chef d'équipe, et que son expérience accumulée au cours de cinq années en qualité de couvreur zingueur était un atout majeur pour postuler au poste de chef d'équipe.
Il ajoute que compte tenu des séquelles de l'accident, il n'a jamais pu reprendre son activité professionnelle, qu'il a perdu toute chance de promotion professionnelle en raison de son handicap ayant conduit à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé le 21 juin 2016.
Il précise avoir pu à ce jour reprendre une activité professionnelle d'agent de conditionnement au sein de l'association Les Papillons blancs du Cambrésis.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire conclut au rejet de cette prétention et à la confirmation du jugement de ce chef.
Elle fait valoir que Monsieur [J] [W] ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'il existait pour lui avant son accident du travail du 30 mars 2009 une chance réelle et sérieuse de promotion au sein de l'entreprise.
La cour relève que la société GLE DISTRIBUTION faisait l'objet d'une procédure collective lors de l'accident subi par Monsieur [J] [W] , et que celui-ci ne justifie par aucun élément de ce qu'il existait avant l'accident du travail du 30 mars 2009, une chance réelle et sérieuse de promotion au sein de son entreprise ou à l'extérieur de celle-ci.
Le jugement déféré sera par voie de conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [J] [W] de la demande d'indemnisation faite de ce chef.
- Sur les frais d'assistance par un médecin conseil:
Les frais d'assistance de la victime par son médecin, lors des opérations d'expertise, sont la conséquence directe de l'accident du travail, ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur.
En l'espèce, il est justifié par Monsieur [J] [W] , suivant note d'honoraires produite aux débats, de frais engagés à ce titre à hauteur de 2040 euros.
Le jugement déféré sera par voie de conséquence confirmé en ce qu'il a alloué une somme de 2040 euros à Monsieur [J] [W] à ce titre.
- Sur le déficit fonctionnel temporaire:
Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à sa consolidation.
Elle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante .
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a indemnisé les préjudices de Monsieur [J] [W] sur la base de 25 euros par jour et sollicite l'application d'un taux journalier de 23 euros.
Monsieur [J] [W] sollicite pour sa part une évaluation à hauteur totale de 25902 euros.
Les premiers juges ayant fait une juste appréciation du préjudice subi de ce chef au regard des conclusions de l'expert désigné , la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a alloué à Monsieur [J] [W] à ce titre une somme de 23611,20 euros.
- Sur les frais d'assistance par une tierce personne :
Monsieur [J] [W] fait grief aux premiers juges de l'avoir indemnisé à ce titre sur la base d'un taux horaire de 15 euros, qu'il estime insuffisant, et sollicite une indemnisation sur la base d'un coût horaire de 24 euros, soit une somme totale de 61663,20 euros.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire conclut à l'infirmation du jugement déféré de ce chef et à l'allocation d'une somme de 14777,75 euros, sur la base d'un taux horaire de 13 euros, sans prise en compte des congés payés.
Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [E] [R], expert, indique que les conséquences du polytraumatisme subi par Monsieur [J] [W] avec immobilisation, difficulté fonctionnelle persistante du membre supérieur gauche, associées aux troubles neuropsychologiques et aux longues hospitalisations ont nécessité une aide quotidienne de la part de son épouse de 3 heures jusqu'au 28/08/10 puis de 1h30 du 11/09/10 au 18/09/11.
L'expert précise qu'à compter du 21/09/2011, on peut estimer que l'assistance était beaucoup plus réduite et évaluée à 30 minutes quotidiennes jusqu'à la date de consolidation.
En considération de ces éléments et de ce que le tarif horaire de l'indemnisation doit être fixé à 20 euros au regard du besoin, de la gravité du handicap et de la tierce personne, en intégrant les périodes de congés, soit un besoin de 2569,30 heures, la cour, par infirmation du jugement déféré allouera à ce titre à Monsieur [J] [W] la somme de 51386 euros.
- Sur le préjudice sexuel:
Monsieur [J] [W] fait grief aux premiers juges de l'avoir indemnisé de manière insuffisante s'agissant de ce poste de préjudice, et sollicite une indemnisation à hauteur de 8000 euros.
Il fait valoir que son préjudice sexuel a perduré au delà du mois d' août 2011, qu'il subsiste une gêne lors de l'accomplissement de l'acte sexuel, en lien avec les lésions qu'il a subies et les séquelles qu'il conserve.
Il souligne que contrairement à ce que prétend la société GLE DISTRIBUTION, représentée par son liquidateur, la gêne positionnelle subie caractérise un préjudice sexuel.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par son liquidateur, conclut au rejet de cette prétention, au motif que la gêne positionnelle n'a pas été retenue par l'expert et ne constitue pas un préjudice sexuel au sens de la jurisprudence.
Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [E] [R], expert, indique que le traumatisme, les multiples interventions, l'immobilisation du membre supérieur gauche, les douleurs parieto-abdominales, ont rendu la pratique sexuelle beaucoup plus difficile notamment de type positionnel, pour Monsieur [J] [W].
L' expert ajoute que l'analyse du dossier permet de constater qu'à partir d'août 2011, Monsieur [J] [W] avait pu récupérer une partie de ses possibilités.
En considération de ces éléments et de ce que le préjudice sexuel comprend l'ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle, le préjudice de Monsieur [J] [W] est avéré.
Les premiers juges ayant exactement évalué ce poste de préjudice, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a alloué à Monsieur [J] [W] une indemnisation de 4000 euros de ce chef.
Il résulte de ce qui précède que le préjudice de Monsieur [J] [W] sera fixé, par infirmation de la décision déférée, à la somme totale de 131537,20euros, somme dont la CPAM du Hainaut sera tenue de faire l'avance conformément aux dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, et dont elle pourra récupérer le montant auprès de l'employeur représenté par son liquidateur.
* Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'équité.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [J] [W] l'ensemble des frais irrépétibles exposés en appel.
La société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire sera condamnée à lui verser une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le surplus des demandes faites sur ce fondement sera rejeté.
* Sur les dépens :
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe
INFIRME partiellement la décision déférée , s'agissant de l'indemnisation du préjudice esthétique du préjudice d'agrément, des frais d'assistance par tierce personne et de la fixation du montant total des préjudices de Monsieur [J] [W],
STATUANT A NOUVEAU de ces chefs ,
FIXE l'indemnisation de ces préjudices comme suit:
préjudice esthétique temporaire : 1500 euros
préjudice esthétique définitif : 4000 euros
préjudice d'agrément: 5000 euros
frais d'assistance par une tierce personne: 51386 euros,
soit préjudice total subi par Monsieur [J] [W] : 131537,20 euros,
DIT que la CPAM du Hainaut sera tenue de faire l'avance de la somme totale de 131537,20 euros à Monsieur [J] [W], et qu'elle pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur représenté par son liquidateur,
CONFIRME la décision déférée pour le surplus,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes contraires au présent arrêt,
CONDAMNE la société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] aux dépens nés après le 31 décembre 2018.
CONDAMNE la société GLE DISTRIBUTION, représentée par Maître [C] [Z] à payer à Monsieur [J] [W] une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier,Le Président,