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10/05/2022 | FRANCE | N°19/08284

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 10 mai 2022, 19/08284


ARRET

N°254





URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS





C/



Société INGEROP







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 10 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 19/08284 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HSFC



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 23 octobre 2019





PARTIES EN CAUSE :



r>
APPELANT





L'URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

293 Avenue du Président Hoover

BP 20001

59032 LILLE CEDEX







Représenté et plaidant par Me...

ARRET

N°254

URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS

C/

Société INGEROP

JR

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 10 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 19/08284 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HSFC

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 23 octobre 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

L'URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

293 Avenue du Président Hoover

BP 20001

59032 LILLE CEDEX

Représenté et plaidant par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE,

ET :

INTIMEE

La Société INGEROP CONSEIL ET INGENIERIE, venant aux droits de la société INGEROP MANAGEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

18 Rue des deux gares

92500 RUEIL MALMAISON

Représentée et plaidant par Me Nastasya COFFOURNIC substituant Me Quentin FRISONI de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Février 2022 devant Madame Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Mai 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. [V] [T]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [H] [L] en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

La société Ingerop Management a fait l'objet d'un contrôle par l'Urssaf Nord Pas-de-Calais concernant l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par lettre du 12 septembre 2016, l'Urssaf Nord Pas-de-Calais a notifié à la société Ingerop Management une lettre d'observations comprenant 4 chefs de redressement, entraînant un rappel de cotisations et contributions à hauteur de 32 539 euros.

Suite aux observations de la société Ingerop Management, l'Urssaf a ramené les régularisations à la somme de 29 657 euros.

Le 23 novembre 2016, l'Urssaf a mis en demeure la société Ingerop Management de payer la somme de 33 677 euros, soit 29 657 euros de cotisations et 4 020 euros de majorations.

La société Ingerop Management s'est acquittée de la somme de 29 657 euros le 11 janvier 2017.

Par courrier du 20 janvier 2017, la société Ingerop Management a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf afin de contester le redressement dans sa totalité.

Le 31 octobre 2017, la commission de recours amiable de l'Urssaf a rejeté le recours de la société Ingerop Management et a confirmé le redressement.

La société Ingerop Management a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable le 24 janvier 2018.

En application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, les instances en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale au 31 décembre 2018 ont été transférées au 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Lille.

Le tribunal de grande instance de Lille, par jugement du 23 octobre 2019, a :

dit la procédure de contrôle régulière sur la forme ;

annulé le chef de redressement n°2 ;

débouté la SAS Ingerop Management de sa demande de remboursement ;

condamné la SAS Ingerop Management à payer à l'Urssaf la somme de 6 485 euros en cotisations, en deniers ou quittances ;

renvoyé l'Urssaf à recalculer les majorations de retard ;

laissé à chacune des parties la charge de ses dépens ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que la présente décision sera notifiée par le greffe de la juridiction.

l'Urssaf a, le 2 décembre 2019, interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par courrier recommandé du 30 octobre 2019, dont elle a accusé réception le 4 novembre 2019.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 18 mai 2021, date à laquelle un renvoi a été ordonné à l'audience des plaidoiries du 8 février 2022.

L'Urssaf, aux termes de ses écritures récapitulatives développées oralement à l'audience, demande à la cour de :

- dire son appel recevable,

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement n° 2 ,

statuant à nouveau, confirmer le poste de redressement n° 2,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la société Ingerop Conseil et Ingenierie de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Ingerop Conseil et Ingenierie aux entiers dépens de l'instance,

Subsidiairement, si la cour juge son appel irrecevable,

- déclarer la société Ingerop Conseil et Ingenierie irrecevable en son appel incident,

- la débouter de l'ensemble de toutes ses demandes,

- dire que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Au soutien de ses demandes, l'Urssaf expose en substance, les éléments suivants :

L'appel a été régularisé au vu du jugement, dont la première page contient une erreur matérielle, mais le corps du jugement et son dispositif visent bien la société ayant contesté le redressement.

L'erreur de dénomination est donc purement matérielle et n'affecte pas la régularité de l'appel.

L'Urssaf ajoute que la société Ingerop Conseil et Ingenierie est intervenue volontairement, et l'éventuelle irrégularité est donc couverte par cette intervention.

L'Urssaf ajoute qu'à suivre le raisonnement de la société Ingerop Conseil et Ingenierie, le jugement a été rendu contre une personne qui n'existait plus à la date de l'audience et il est par conséquent nul et de nul effet.

La société Ingerop Conseil et Ingenierie n'est pas intervenue en première instance, ni personnellement ni en qualité de mandataire ad'hoc de la société Ingerop Management, et à aucun moment, le tribunal n'a été informé de ce que la société n'avait plus la personnalité morale.

Subsidiairement, l'Urssaf demande à la cour de constater, en application de l'article 550 du code de procédure civile, la forclusion de l'appel incident qui n'a été formé que le 3 février 2022.

L'Urssaf soutient par ailleurs que le redressement est régulier alors que contrairement à ce que soutient la société, l'inspecteur du recouvrement n'a pas appliqué une méthode d'évaluation forfaitaire, et n'a pas recouru à un échantillon.

Il a calculé le redressement à partir des rémunérations de tous les salariés n'atteignant pas la tranche A et de la masse salariale totale.

Au fond elle soutient que le redressement au titre des indemnités de repas est fondé, alors qu'il repose sur le constat selon lequel la société verse systématiquement chaque mois des indemnités de repas à ses salariés, dont ceux travaillant sur le site de la SNCF rue de Bercy à Paris. Or, la société ne justifie pas remplir les conditions visées par l'arrêté du 20 décembre 2002, les notions de confort de restauration pour le salarié étant indifférente, et de même, l'absence de restaurant d'entreprise ne justifiant pas le versement de la prime.

Il appartenait à la société de démontrer que des contraintes particulières pesaient sur les salariés à l'heure des repas, ce qu'elle n'a pas fait.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, oralement développées à l'audience, la société Ingerop Conseil et Ingenierie demande à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable compte tenu de l'irrégularité de la déclaration d'appel, et par voie de conséquence d'ordonner à l'Urssaf de procéder au remboursement des sommes acquittées au titre du paiement de la mise en demeure effectué par la société le 9 janvier 2017,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°2,

- infirmer le jugement en ce qu'il a

dit la procédure régulière sur la forme,

débouté la SAS Ingerop Management de sa demande de remboursement,

condamné la SAS Ingerop Management à payer à l'Urssaf de 6 485 euros en cotisations, en deniers ou quittance,

Sur la forme

- constater que l'Urssaf a opéré des redressements forfaitaires sans respecter la procédure y afférente et, en conséquence, annuler les chefs de redressement n° 2 et 4,

- en conséquence ordonner le remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire par la société assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de paiement,

Sur le fond

- annuler le chef de redressement n° 2 relatif aux indemnités de repas,

- en conséquence, ordonner le remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire par la société assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de paiement,

En tout état de cause

- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle expose en substance les éléments suivants :

l'Urssaf a régularisé un appel concernant la société Ingerop, alors que la société partie à l'instance est la société Ingerop Management.

Elle estime que l'Urssaf ne peut tenter de rectifier son erreur en indiquant dans ses conclusions que la partie intimée est la CLC EN Ingerop Management anciennement dénommée Ingerop Management, celle-ci ayant été radiée le 28 août 2019.

En réalité, l'Urssaf aurait dû attraire en la cause la société Ingerop Conseil et Ingenierie qui a bénéficié d'une transmission universelle de patrimoine de la société Ingerop Management, laquelle a été dissoute par anticipation le 15 novembre 2018.

Pour fonder sa demande d'annulation des chefs de redressement n° 2 et 4, la société Ingerop Conseil et Ingénierie fait valoir que les inspecteurs du recouvrement auraient dû opérer le redressement sur une base réelle et non forfaitaire.

Elle conteste la motivation du tribunal qui a validé la méthode retenue, en indiquant que les inspecteurs du recouvrement avaient calculé la régularisation au titre des indemnités de repas à partir des journaux et bulletins de paie. Or, l'utilisation d'un ratio constitue par nature une évaluation forfaitaire et donc une méthode illicite de contrôle.

Au fond, elle soutient que les premiers juges ont à juste titre annulé le chef de redressement n° 2 alors qu'elle démontre que pour les salariés en mission rue de Bercy à Paris, le temps de trajet jusqu'au siège de la société, ou leur lieu de résidence, ne leur permet pas de disposer d'une pause déjeuner d'une durée minimum de 20 minutes comme l'exige le code du travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la recevabilité de l'appel

L'Urssaf a régularisé un appel ainsi libellé « Société Ingerop » 18 rue des Deux Gares, 92 500 Ruel Malmaison, jugement du 23 octobre 2019- recours RG 18/00254 notifié le 04/11/2019 »

Toutes les indications sont strictement conformes au jugement rendu.

En effet, la première page de la décision comportait une erreur dans l'identification des parties, la société ayant été désignée sous le nom de Ingerop au lieu de Ingerop Management.

Il apparaît qu'il s'agit d'une erreur matérielle alors que le jugement, dans l'exposé des demandes et des moyens des parties, dans ses motifs et le dispositif vise la société Ingerop Management.

L'acte d'appel est certes entaché d'une erreur matérielle, reprenant celle du jugement, mais l'ensemble des autres indications sont exactes et permettent d'identifier sans ambigüité le jugement concerné.

La société Ingerop Conseil et Ingenierie soutient encore que la société Ingerop Management a perdu sa personnalité juridique et morale depuis le 15 novembre 2018, par l'effet d'une dissolution par anticipation sans liquidation et transmission universelle du patrimoine à elle-même, que la société Ingerop Management est radiée et ne pouvait donc être intimée, et qu'enfin, l'appel aurait dû être dirigé contre Ingerop Conseil Ingenierie.

Il résulte des pièces produites que la société Ingerop Management a effectivement été dissoute selon décision du 15 novembre 2018, et radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 août 2019.

La société Ingerop Conseil Ingenierie aurait dû reprendre l'action engagée par la société dissoute, ce qu'elle n'a pas fait, et au contraire, la procédure s'est poursuivie sur la base des éléments développées au nom de la société dissoute par son conseil.

Il apparaît donc que l'Urssaf était dans l'ignorance de la dissolution de la société Ingerop Management, et le fait qu'un avocat poursuivait la procédure pour le compte de celle-ci ne pouvait que l'induire en erreur.

Il ne peut donc pas être fait grief à l'Urssaf d'avoir interjeté appel contre la société seule partie à l'instance devant le pôle social alors que la société Ingerop Conseil et Ingenierie est intervenue en cause d'appel seulement.

L'appel est par conséquent recevable.

Sur la forme du redressement

En vertu des dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, « à l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou du travailleur indépendant contrôlé, une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L 243-7-2, L 243-7-6 et L 243-7-7 qui sont envisagées.

La Cour de cassation juge de manière constante que les mentions requises par l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale sont des formalités substantielles de la procédure de contrôle et dont le manquement entraîne la nullité des opérations de contrôle.

La lettre d'observations doit comporter la nature du redressement envisagé, le contenu et les modalités d'application des textes invoqués, les assiettes et le montant de ce redressement par année.

Si l'inspecteur du recouvrement a l'obligation de mentionner dans la lettre d'observations le mode de calcul du redressement envisagé, il ne lui est pas fait obligation de donner les indications détaillées sur chacun des chefs de redressement ou sur le mode de calcul adopté pour les chiffrer ni de joindre à ses observations une liste des salariés concernés.

Aucune disposition réglementaire n'impose aux inspecteurs de fournir un détail complet des calculs opérés pour chaque chef de redressement et pour chaque salarié concerné.

En l'espèce, la lettre d'observations vise expressément les fondements juridiques des redressements envisagés, les bases de redressement envisagées par année, et le quantum des redressements.

Elle répond donc aux exigences de forme fixées par l'article R 243-59 et elle est par conséquent régulière.

Les contestations formulées par la société portent en réalité sur le fond, à savoir le montant des redressements, et à supposer établies les contestations qu'elle développe, soit le fait que le calcul des bases plafonnées serait erroné, il s'agit d'une contestation de fond, susceptible de justifier une contestation du montant du redressement, mais pas d'atteindre la régularité formelle de la lettre d'observations.

Les inspecteurs du recouvrement ont estimé devoir notifier un redressement au titre des indemnités de repas versées aux salariés.

Ils précisent dans la lettre d'observations que le chiffrage des sommes à réintégrer dans l'assiette des cotisations a été effectué à partir des journaux et bulletins de paie.

Ils ont ainsi précisé que les bases de régularisation s'élevaient à 12 849,76 euros en 2013, 15 801,06 euros en 2014 et 21 653,70 euros en 2015.

La société soutient que l'Urssaf aurait opéré le redressement sur une base forfaitaire, car lorsque la régularisation ne pouvait être affectée à un salarié précis, le taux de réintégration de l'assiette plafonnée était déterminé à partir du ratio entre les rémunérations des salariés n'atteignant pas la tranche A et la masse salariale totale.

Cette affirmation est démentie par les modalités de calcul des sommes à réintégrer décrit dans la lettre d'observations.

Les sommes réintégrées sont celles figurant sur les bulletins de paie et ne correspondent donc pas à un forfait.

Les inspecteurs du recouvrement ont également réintégré dans l'assiette des cotisations la part patronale finançant les titres restaurants octroyés aux salariés et faisant l'objet d'un cumul avec un remboursement de repas.

Pour calculer la régularisation, ils indiquent avoir pris en compte les éléments suivants

à partir des Grands Livres Généraux de la société, sélection des comptes comptables 625105 « frais de déplacement déclarable », et 625 700 « missions et réceptions »,

sélection des écritures comptables figurant dans ces deux comptes contenant les termes « repas » ou invitation, précisant que cette écriture correspond au remboursement au réel d'un repas sur présentation d'un justificatif,

chiffrage de la régularisation selon le nombre d'écritures relevées.

Au vu des éléments consultés, ils ont déterminé que l'exonération devait être remise en cause pour 151 titres en 2013, 146 en 2014 et 151 en 2015 et ont joint en annexe de la lettre d'observations les écritures retenues.

Une évaluation au réel a ensuite été faite à partir des rémunérations des salariés n'atteignant pas la tranche A et de la masse salariale totale, selon les données de la DADS.

Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Ingerop Conseil et Ingenierie, l'Urssaf n'a pas procédé par voie d'échantillonnage.

En effet, cette procédure telle que définie par l'article R 243-59-2 du code de la sécurité sociale consiste à définir des critères pour définir la population qui sera étudiée, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d'extrapolation envisagée.

En l'espèce, les inspecteurs n'ont pas retenu quelques situation pour ensuite se livrer à une extrapolation, mais ont défini le nombre de salariés n'atteignant pas la tranche A par rapport à la masse salariale totale.

De même, il ne peut être soutenu que cette méthode constituerait une fixation forfaitaire, dès lors que le calcul a été effectué par détermination du nombre de titres restaurants devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations, et à partir des rémunérations.

La procédure est par conséquent régulière et la demande d'annulation des chefs de redressement n° 2 et n° 4 n'est pas fondée.

Le jugement mérite confirmation de ce chef.

Au fond- chef de redressement n° 2 de la lettre d'observations : frais professionnels non justifiés- indemnités de panier

En application des dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents de travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Selon l'article 3 2° de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels, les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

1° indemnité de repas

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas (pour 2013 : 17,70 euros)

2° indemnité de restauration sur le lieu de travail

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas (valeur 2013 : 8,60 euros par repas)

3° indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement lors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas (valeur 2013 : 8,60 euros par repas).

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est placé simultanément au cours d'une même période de travail dans les conditions particulières de travail énoncées au 1°, 2° et 3°, une seule indemnité peut ouvrir droit à déduction.

En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement indiquent avoir constaté que les journaux de paie et les bulletins de salaire faisaient apparaître des versements libellés « indemnités de repas » d'un montant unitaire de 5,28 euros en 2013 et 5,34 euros pour 2014 et 2015, versées par jour travaillé (en moyenne 20 par mois) de manière systématique les mois où il n'est pas attribué de titres restaurant, que ces indemnités ne peuvent correspondre à des remboursements de frais alors que ceux-ci sont directement remboursés par l'intermédiaire d'une base informatique spécifique, et qu'il n'existe pas de corrélation entre les sommes remboursées par le biais de ce logiciel et les sommes figurant sur les fiches de paie.

La société soutient qu'elle était justifiée à verser cette indemnité aux salariés en mission et empêchés de regagner leur domicile pour le déjeuner, et qu'elles constituent bien des frais professionnels devant être exclus de l'assiette des cotisations.

Au vu des contestations développées par la société en réponse à la lettre d'observations, l'Urssaf a fait droit partiellement à celles-ci pour deux salariés, M. [O], Mme [U], prenant en compte les ordres de mission produits par la société.

En revanche, l'Urssaf a maintenu le redressement notifié pour M. [K], considérant qu'il travaillait à Montpellier, à deux kilomètres de son domicile ainsi que pour les salariés intervenant rue de Bercy à Paris, se fondant sur le fait que le siège social est distant de 2 kilomètres, et que par conséquent, les salariés peuvent le regagner au moment du déjeuner, la société ne justifiant pas de conditions de travail particulières au moment de la pause repas.

La société fonde sa demande sur le 3° de l'article 3 de l'arrêté susvisé. Il lui appartient donc de démontrer que les salariés sont en déplacement hors des locaux de l'entreprise et que les conditions de travail leur interdisent de regagner leur résidence ou leur lieu habituel de travail pour le repas, ou qu'il existe un usage imposant de la profession ou des circonstances leur imposant de prendre leur repas dans un restaurant.

La société ne développe aucun argument au titre du redressement opéré pour les indemnités de repas servis à M. [K], salarié affecté sur un site à Montpellier, 12 rue Collin, et dont la résidence est distante de 2 kilomètres.

Le redressement doit par conséquent être validé en ce qu'il a réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes de 950,40 euros en 2013, 1174,80 euros en 2014 et 1121,40 en 2015.

Des salariés interviennent sur un site de la SNCF, rue de Bercy à Paris, tandis que le siège social se trouvait à Paris 11, 35 rue de Chanzy, soit à une distance de deux kilomètres.

La société soutient que le temps de trajet, mesuré par un huissier de justice, interdit aux salariés de regagner leur lieu de travail habituel ou leur résidence, faute de quoi, leur temps de pause dédiée au repas serait inférieure à la durée fixée par le code du travail, soit 20 minutes.

La société ne fournit aucun élément de nature à établir la durée de la pause déjeuner accordée aux salariés intervenant sur le site de la SNCF, et ne la précise même pas.

Pour contester les éléments retenus par la commission de recours amiable tenant au fait que le temps de trajet entre les deux sites représenterait en voiture 6 à 9 minutes, la société produit un constat dressé par un huissier de justice les 17 mai 2018, 18 mai 2018 et 21 mai 2018.

L'huissier indiquait les éléments suivants :

- à pied, l'aller retour demande 43 minutes et 60 secondes en marchant à ce qu'elle qualifie de cadence accéléré

- en bus l'aller retour représente 55 minutes et 12 secondes, précision faite que la circulation était fluide et que le bus circulait dans son couloir,

- en métro, l'aller retour représente 32 minutes et 22 secondes, précision faite que le métro arrivait au quai, et qu'elle n'a pas attendu,

- en voiture, l'aller retour représente 26 minutes et 46 secondes, précision faite qu'aucun salarié utilise son véhicule personnel.

L'huissier ne précise pas dans procès-verbal les heures auxquelles il a effectué ces différents trajets, or, cette précision est importante, la densité du trafic pour les trajets autre qu'à pied, pouvant varier selon les horaires.

Devant la commission de recours amiable, la société avait produit un tableau précisant pour les salariés en déplacement sur le site de la SNCF en retenant un temps de trajet lieu d'affectation, lieu de travail habituel de 20 minutes, et la commission précisait que la vérification faite sur le site « Goog Map » indique un temps de trajet en voiture de 9 minutes, et que le site indiqué par la société,Citymapper estime ce temps de trajet à 6 minutes, ce dont elle déduisait que le temps de trajet indiqué par la société comprenait l'aller et le retour.

La société démontre que le temps aller retour entre le site de la SNCF et le siège social à l'époque du contrôle, en utilisant le moyen de transport le plus long, avec les réserves ci-dessus énoncées, demande environ 1 heure.

Faute de prouver la durée de la pause déjeuner fixée pour ses salariés affectés sur le site de la SNCF, la société ne justifie pas de leur impossibilité de regagner leur lieu habituel de travail ou leur résidence.

Il convient dès lors de valider le redressement et d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur la demande de remboursement formée par la société

La société avait fondé sa demande de remboursement sur l'irrégularité de forme pour les chefs de redressement n° 2 et 4, et en outre sur une contestation de fond pour le chef de redressement n° 2.

Ces demandes n'étant pas fondée, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ingerop Conseil et Ingenierie est condamnée aux entiers dépens.

Demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La société Ingerop Conseil et Ingenierie, déboutée de l'ensemble de ses demandes, est mal fondée à invoquer les dispositions de l'article susvisé.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf les frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer.

En conséquence, la société Ingerop Conseil et Ingenierie est condamnée à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par l'Urssaf,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la procédure de contrôle régulière, et débouté la société de sa demande de remboursement,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Ingerop Conseil et Ingenierie de l'ensemble de ses demandes,

Dit bien fondé le chef de redressement n° 2,

Condamne la société Ingerop Conseil et Ingenierie à payer à l'Urssaf la somme de 33 677 euros dont 29 657 euros au titre des cotisations et 4 020 euros au titre des majorations,

Condamne la société Ingerop Conseil et Ingenierie aux entiers dépens de l'instance,

La condamne à payer à l'Urssaf la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/08284
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.08284 ?
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