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12/05/2022 | FRANCE | N°19/01040

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 12 mai 2022, 19/01040


ARRET

N° 266





S.A.S. WESTHOEK AUTOMOBILES





C/



CPAM DES FLANDRES







VC





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 12 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 19/01040 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HGLB



JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 21 décembre 2017



ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE D

U 31 octobre 2019





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





SAS WESTHOEK AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[MP M. [N] [B]].

301 rue de ...

ARRET

N° 266

S.A.S. WESTHOEK AUTOMOBILES

C/

CPAM DES FLANDRES

VC

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 12 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 19/01040 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HGLB

JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 21 décembre 2017

ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 31 octobre 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SAS WESTHOEK AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[MP M. [N] [B]].

301 rue de BERLIN

59140 DUNKERQUE

Représentée et plaidant par Me Guillaume DERRIEN, avocat au barreau de LILLE substituant Me Emmanuel LACHENY de la SELARL COULON M. & CIE, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0253

ET :

INTIME

CPAM DES FLANDRES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

2 rue de la Batellerie

CS 94523

59386 DUNKERQUE CEDEX 1

Représentée et plaidant par Mme [K] [F] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Novembre 2021 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. Pierre DELATTRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 janvier 2022, le délibéré a été prorogé au 12 mai 2022

Le 12 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Présidente a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 11 février 2016, M. [N] [B], salarié de la société WESTHOEK AUTOMOBILES en qualité de chef d'équipe, a effectué une déclaration de maladie professionnelle relative à des faits de harcèlement moral. Le certificat médical initial en date du 21 décembre 2015 fait état de troubles dépressifs.

Par courrier en date du 11 octobre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (ci-après, la CPAM) a notifié à la société WESTHOEK AUTOMOBILES une décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, après avis favorable rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Tourcoing Nord Pas-de-Calais Picardie le 5 octobre 2016.

Saisi par la société WESTHOEK AUTOMOBILES d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable de la CPAM ayant rejeté sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Nord a, par un jugement rendu le 18 janvier 2018, débouté la société WESTHOEK AUTOMOBILES de sa demande.

Ce jugement a été notifié le 18 juin 2018 à la société WESTHOEK AUTOMOBILES qui en a relevé appel le 25 juin 2018.

En application des articles 12 de la loi du 18 novembre 2016, L142-2 du code de la sécurité sociale, 114 de la loi du 18 novembre 2016, 16 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ainsi que du décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les tribunaux de grande instance et cours d'appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d'admission à l'aide sociale, le dossier de la présente procédure a été transféré par le greffe de la cour d'appel de Douai à la cour d'appel d'Amiens.

Par un arrêt du 31 octobre 2019, la présente cour a :

- infirmé en toutes ses conséquences le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Nord le 18 janvier 2018 ;

Avant dire droit,

- désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Île-de-France pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie dont est atteint M. [N] [B] a été essentiellement et directement causée par son travail habituel au sein de la SAS WESTHOEK AUTOMOBILES ;

- dit que ce comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles prendra connaissance du dossier de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine ;

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, et dit que les débats seront repris à l'audience du 26 mars 2020 à 13h30, la notification du présent arrêt valant convocation d'y comparaître ou de s'y faire représenter.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 1er février 2021 puis à celle du 9 novembre 2021 dans l'attente de l'avis du CRRMP d'Île-de-France .

Le 9 février 2021, le CRRMP d'Île-de-France a rendu un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée. L'avis a été motivé comme suit « Certaines conditions de travail peuvent favoriser l'apparition de syndromes anxio-dépressifs.

L'analyse des conditions de travail telles qu'elles ressortent de l'ensemble des pièces du dossier ainsi que les éléments médicaux transmis en particulier la chronologie d'apparition des symptômes et leur nature permettent de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 21/012/2015 ».

Par conclusions récapitulatives visées par le greffe le 29 octobre 2021 et soutenues oralement à l'audience, la société WESTHOEK AUTOMOBILES demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 18 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en ce qu'il l'a déboutée de sa demande,

Et vu l'effet dévolutif de l'appel, statuant de nouveau,

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes,

- à titre principal, dire et juger que la maladie de M. [N] [B] ne relève pas de la réglementation sur les risques professionnels et dire inopposable à son égard la décision de prise en charge de l'employeur,

- à titre subsidiaire, annuler l'avis rendu le 3 février 2021 par le CRRMP Ile-de-France, saisir à nouveau un second CRRMP qui devra se prononcer sur la prise en charge de la maladie de M. [N] [B] au titre de la réglementation sur les risques professionnels, et surseoir à statuer sur les demandes dans l'attente de l'avis de ce second CRRMP,

- en tout état de cause, condamner la CPAM des Flandres à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.

La société WESTHOEK AUTOMOBILES précise à l'audience que dans le cadre de l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable, le tribunal judiciaire de Lille a annulé l'avis du CRRMP Ile-de-France au motif que deux membres du comité ont siégé au lieu de trois et il a désigné un nouveau CRRMP. Elle maintient néanmoins ses demandes.

Elle soutient essentiellement que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, ce que l'agent enquêteur de la CPAM a d'ailleurs mis en exergue au terme de son enquête ; que le CRRMP ne caractérise pas la réalité des faits de harcèlement et encore moins le lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail ; que le second avis du CRRMP est irrégulier en la forme puisque rendu en l'absence du médecin inspecteur régional du travail et doit être annulé ; qu'il est également critiquable sur le fond ; qu'il a été rendu sans procéder à la moindre enquête, sans prendre connaissance du rapport circonstancié de l'employeur, sans avoir entendu ce dernier et le salarié ; que sa motivation est sommaire. Elle conteste l'évaluation du taux prévisionnel de 25%.

Par conclusions visées par le greffe le 1er octobre 2021 et soutenues oralement à l'audience du 9 novembre suivant, la CPAM demande à la cour de :

- débouter la société WESTHOEK AUTOMOBILES de sa demande d'inopposabilité ;

- dire et juger que c'est à bon droit que le dossier a été transmis au CRRMP du Nord Pas de Calais dont l'avis s'impose à la CPAM ;

- dire que le lien direct et essentiel entre la pathologie de M. [N] [B] et son activité professionnelle est établi ;

- Entériner les deux avis des CRRMP de Tourcoing et d'Ile-de-France.

En conséquence,

- déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [N] [B] ;

- condamner la société WESTHOEK AUTOMOBILES à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM s'en rapporte à justice sur les motifs d'annulation de l'avis du CRRMP d'Île-de-France et rappelle l'indépendance des instances relatives à la faute inexcusable et à l'inopposabilité des décisions de prise en charge des accidents ou maladies professionnelles.

Elle réplique que la seule preuve que le médecin conseil a évalué le taux d'incapacité permanente prévisible à plus de 25 % justifie la saisine du CRRMP ; qu'il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur la justification médicale de ce taux qui n'est pas une décision autonome susceptible en elle-même de faire l'objet d'un recours ; que la présente cour a considéré que la condition du taux prévisible au moins égal à 25 % était remplie en désignant dans son arrêt avant dire droit du 31 octobre 2019 un second CRRMP. Elle rappelle qu'un taux d'incapacité permanente de 30 % a été attribué à la date de consolidation du 6 mars 2017 pour « troubles dépressifs sous traitement psychotrope avec séquelles psychonévrotiques dont ruminations, apathie, perte de poids, troubles du sommeil marqués et troubles de la concentration ».

Elle ajoute qu'il incombait au CRRMP non pas de caractériser le harcèlement moral, mais le lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel du salarié ; que le fait que l'agent enquêteur n'ait pas objectivé de harcèlement moral ne saurait remettre en cause le fait que les deux CRRMP, par des avis concordants et motivés, ont retenu un tel lien.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé des moyens.

MOTIFS

Sur le caractère professionnel de la maladie

En application des dispositions de l'article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale devenu l'article R.142-17-2, la juridiction saisie d'un litige portant sur le caractère professionnel de la maladie déclarée dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale comme en l'espèce s'agissant d'une maladie hors tableau avec un taux d'incapacité prévisible supérieur à 25 % (quatrième alinéa), ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse.

Il y a lieu d'observer que contrairement à ce que soutient la société WESTHOEK AUTOMOBILES, la condition médicale tenant au taux d'incapacité prévisible supérieur à 25 % est suffisamment établie par la mention de ce taux figurant dans le colloque médico-administratif signé le 23 juin 2016 par le médecin-conseil qui retient par ailleurs comme date de première constatation médicale le 9 juillet 2015, soit la date de l'arrêt de travail.

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne peut régulièrement émettre un avis que lorsqu'il est composé conformément à l'article

1°- le médecin-conseil régional mentionné à l' ou un médecin-conseil de l'échelon régional qu'il désigne pour le représenter,

2°- le médecin inspecteur régional du travail mentionné à l' ou le médecin inspecteur qu'il désigne pour le représenter,

3°- un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle nommé pour quatre ans (...).

Lorsqu'il est saisi dans le cadre du troisième alinéa de l'article L.461-1, le comité régional peut régulièrement rendre son avis en présence de deux de ses membres.

En l'espèce, la CPAM ayant pris sa décision de prise en charge de la maladie de M. [B] après avis favorable du CRRMP de Tourcoing Nord Pas-de-Calais Picardie, la présente cour a par un arrêt du 31 octobre 2019, désigné un second CRRMP (Ile de France) en application des articles précités.

Le CRRMP d'Ile de France a rendu un avis le 9 février 2021 en l'absence du médecin inspecteur régional du travail ou de son représentant.

Cet avis est donc irrégulier. Sa nullité ne peut qu'être constatée, tout comme la nécessité de désigner un autre CRRMP.

La cour ne peut en effet statuer sur le caractère professionnel de la maladie sans un avis préalable et régulier d'un CRRMP autre que celui saisi par la CPAM.

Il y a lieu de préciser que selon jugement du 14 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, statuant dans le cadre de l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduite par M. [B], a déjà annulé l'avis du CRRMP d'Ile de France en raison de sa composition irrégulière et a désigné le CRRMP de la région Pays de Loire aux fins de dire si la maladie du 21 décembre 2015 de M. [B] à savoir des « épisodes dépressifs » est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime.

Il convient donc de procéder à la désignation du même CRRMP .

Il est sursis à statuer sur les demandes des parties dans l'attente de l'avis du CRRMP de la région Pays de Loire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la cour du 31 octobre 2019,

Annule l'avis rendu le 9 février 2021 par le CRRMP d'Ile de France irrégulièrement composé,

Avant dire droit,

Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Pays de Loire 7 rue du Président Edouard Herriot BP 73403 44034 Nantes Cedex 1 aux fins de donner son avis motivé sur le point de savoir si la maladie du 21 décembre 2015 dont est atteint M. [N] [B] a été essentiellement et directement causée par son travail habituel au sein de la société WESTHOEK AUTOMOBILES,

Dit que ce comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles prendra connaissance du dossier de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine,

Sursoit à statuer sur les demandes,

Réserve les dépens,

Dit que les débats seront repris à l'audience du 1er décembre 2022 à 13h30, la notification du présent arrêt valant convocation d'y comparaître ou de s'y faire représenter.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/01040
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.01040 ?
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