ARRET
N°
[E]
C/
S.C.M. IMAGERIE MEDICALE DE LA POLYCLINIQUE DE PICARDIE
copie exécutoire
le 15/06/2022
à
Me BRAILLON
Selarl DELAHOUSSE
LDS/IL/SF
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 15 JUIN 2022
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N° RG 21/00874 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H77U
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 26 JANVIER 2021 (référence dossier N° RG F 17/00620)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [W] [E]
51 rue Chauvelin
Appartement 125
80000 AMIENS
concluant par Me Johanna BRAILLON, avocat au barreau de PARIS
Me Christine ANTONI, avocat au barreau de SENLIS, avocat postulant
ET :
INTIMEE
S.C.M. IMAGERIE MEDICALE DE LA POLYCLINIQUE DE PICARDIE
ZAC Vallée des Vignes
49 rue Alexandre Dumas
80000 AMIENS
représentée, concluant et plaidant par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Amélie WEIMANN, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 27 avril 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Madame Laurence de SURIREY en son rapport,
- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie.
Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 15 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 15 juin 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Mme [E], née le 7 juin 1963, a été embauchée par la SCM Imagerie médicale de la polyclinique de Picardie (la société ou l'employeur) à compter du 17 juin 2002 par contrat à durée déterminée, en qualité de comptable. Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 décembre 2002. Les tâches afférentes à la comptabilité de la SCM étaient partagées entre Mme [R] et Mme [E]. Mme [R] assurait la gestion de la « compta dépenses » tandis que Mme [E] assurait pour la gestion des honoraires : pointage des honoraires reçus dans le logiciel médecine, gestion de la comptabilité recettes et relances aux Caisses pour les impayés.
La salariée a été placée plusieurs fois en arrêt maladie du 15 septembre 2014 au 19 février 2015, puis à compter du 24 novembre 2015.
Le 24 mai 2017, elle a été déclarée inapte à reprendre son poste par la médecine du travail en ces termes : « inapte sans capacité restante, étude de poste et des conditions de travail réalisées le 23/05/17. Rencontre avec l'employeur le 16/05/17. Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L'inaptitude est susceptible d'être en lien avec la maladie professionnelle déclarée en date du 07/03/17 ».
Elle a été convoquée par la SCM Imagerie médicale de la polyclinique de Picardie à un entretien préalable fixé au 6 juillet 2017.
Par courrier du 11 juillet 2017, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 14 décembre 2017, afin de contester son licenciement et voir reconnaître une situation de harcèlement moral.
Le conseil de prud'hommes d'Amiens par jugement du 26 janvier 2021 a :
- jugé Mme [E] recevable mais non fondée en ses demandes ;
- dit qu'elle n'avait pas été victime de harcèlement moral, tant de la part de son employeur que de la part de ses collègues :
- dit que la SCM Imagerie médicale de la polyclinique de Picardie n'avait pas manqué à son obligation de sécurité et que le licenciement de Mme [E] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouté Mme [E] de sa demande de nullité du licenciement fondée sur l'existence d'un harcèlement et l'a déboutée de ses demandes d'indemnité pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SCM Imagerie médicale de la polyclinique de Picardie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens de l'instance à la charge de chacune des parties ;
Par conclusions remises le 12 mai 2021, Mme [E], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- dire qu'elle a été victime de harcèlement moral ;
- prononcer la nullité du licenciement qui lui a été notifié ;
- condamner la SCM Imagerie médicale polyclinique de Picardie à lui verser les sommes suivantes :
- 37 172 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement ;
- 37 172 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner la prise en charge des éventuels dépens par a SCM Imagerie médicale polyclinique de Picardie.
Par conclusions remises le 3 août 2021, la SCM Imagerie médicale polyclinique de Picardie demande à la cour de :
- la juger recevable et bien fondée en ses moyens de défense ;
- débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que Mme [E] n'avait pas été victime de harcèlement moral, tant de la part de son employeur que de la part de ses collègues ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de sécurité et que le licenciement de Mme [E] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 26 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [E] de ses demandes :
- de nullité du licenciement fondée sur l'existence d'un harcèlement ;
- d'indemnité pour licenciement nul ;
- de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance ;
- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel et aux entiers dépens de l'instance d'appel.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par la salariée figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, la salariée valoir que depuis 2009, elle n'a eu de cesse de subir les pressions et invectives de Mme [R] et du Dr [Y], gérant de la société ; qu'elle s'est également retrouvée petit à petit totalement isolée en se voyant réduire voire supprimer certaines des missions qui lui étaient initialement confiées au bénéfice de sa collègue de travail ; qu'elle fait l'objet de griefs injustifiés s'appuyant sur des pièces de complaisance ou dépourvues de toute force probante ; qu'elle n'est pas responsable de la disparition des données informatiques qui lui est reprochée, cette disparition étant le fait de tiers qui se sont introduits en son absence sur son poste de travail informatique ; que l'attitude fautive de la société a incontestablement entraîné une dégradation de ses conditions de travail au sein de l'entreprise au fil des années constatée par la médecine du travail ainsi qu'une altération considérable de son état de santé et qu'elle a tenté en vain de rétablir des relations sereines avec l'employeur par l'intermédiaire de la société Allo médiation puis Médiation Picardie.
Au soutien de ses allégations selon lesquelles elle a subi des pressions et invectives de la part de Mme [R], Mme [E] invoque son dossier médical de la médecine du travail qui fait apparaître, à compter de 2009, des doléances à propos du comportement de sa collègue décrite comme maltraitante et des pressions répétées de l'employeur, l'existence d'un suivi psychologique et de somatisation de son mal être au travail.
La cour constate que salariée ne rapporte et a fortiori ne justifie d'aucun fait précis concernant les agissements imputés à sa collègue Mme [R]. A cet égard, les attestations qu'elle produit qui évoquent des difficultés avec une collègue émanent de personnes qui n'ont rien pu constater personnellement concernant ses relations et conditions de travail et se bornent donc à retranscrire ses propos. Il en va de même du médecin du travail, qui ne peut que faire état de ses doléances quant aux faits rapportés.
Ces faits ne sont donc pas matériellement établis.
La salariée affirme, par ailleurs, avoir signalé à l'employeur une situation de harcèlement moral de la part de Mme [R] et du Dr [Y] par une lettre du 1er juillet 2015. Toutefois, l'employeur, qui a répondu aux autres correspondances de la salariée, le conteste et cette dernière ne rapporte pas la preuve de l'envoi et de la réception de cette lettre.
Ce fait n'est donc pas non plus matériellement établi.
Au soutien de ses allégations selon lesquelles elle s'est retrouvée petit à petit totalement isolée en se voyant réduire voire supprimer certaines de ses missions, Mme [E] produit une lettre du Dr [Y] du 17 mai 2014, demandant aux membres du service comptabilité de lui dresser la liste de leurs tâches et un état de celles-ci, ainsi qu'un courrier de la médecine du travail demandant à l'employeur de lui adresser sa fiche de poste détaillée, l'entretien avec « sa responsable Madame [R] » ne lui ayant pas permis d'avoir une vision très claire de l'ensemble de ses missions.
A l'appui de ses allégations relatifs aux reproches injustifiés concernant la disparition de données informatiques au cours de son congé maladie et les attaques incessantes à ce sujet dont elle a fait l'objet, la salariée verse aux débats des lettres qu'elle a adressées à l'employeur le 27 novembre 2015, des captures d'écran, la note de service du 20 novembre 2015.
Au soutien des allégations de griefs injustifiés à son encontre, elle se prévaut notamment d'une lettre de l'employeur du 20 novembre 2015, résumant le constat du nouvel expert-comptable à propos des difficultés rencontrées dans le traitement de la comptabilité recettes par ses soins et leurs conséquences, déplorant son absence de collaboration avec ce dernier et faisant part de sa déception quant à l'importance de ses carences sa réponse 24 novembre suivant et divers échanges de courriers postérieurs avec l'employeur sur le même sujet.
Elle produit également divers documents médicaux démontrant une dégradation de son état de santé attribuée à ses conditions de travail.
Ces faits, matériellement établis, pris et appréciés dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
L'employeur conteste tout harcèlement moral.
Il expose que dans le courant du mois des mars et avril 2014, il a découvert, à la suite de l'intervention de la société informatique, que la comptabilité recettes dévolue à Mme [E] n'était pas tenue dans les règles ; qu'il a alors changé d'expert-comptable en la personne de M. [D], qui a confirmé l'anomalie en ce que la comptabilité était tenue sous forme de fichiers Excel et non pas selon le logiciel dédié EBP; qu'il n'a directement imputé aucun grief à la salariée mais a pris des mesures afin que la situation, qui pouvait avoir des conséquences graves, soit rétablie ; que c'est dans ce cadre que, comme pour l'ensemble du service comptabilité, il lui a été demandé de fournir la liste de ses tâches et l'état de celles-ci ; qu'il rapporte suffisamment la preuve de la carence de Mme [E] dans le traitement de la comptabilité ; qu'il lui a fait dispenser à deux reprises une formation sur l'utilisation dudit logiciel ; que les prétendues pressions répétées et autres agissements dénoncés à l'endroit de la gérance de la société ne sont absolument pas établis, contrairement à ce qu'affirme Mme [E], qui tente bien maladroitement d'exploiter certains événements qui ne constituent en réalité que la suite logique de la décision de la SCM de changer d'expert-comptable et de veiller, afin d'éviter tout redressement fiscal, non seulement à une comptabilisation pour l'avenir de ses recettes conforme aux dispositions réglementaires, mais également à une reconstitution de la comptabilité pour les trois années antérieures qui n'avaient pas été dressées comme la loi l'imposait ; que Mme [E] a fait preuve de la plus grande mauvaise volonté pour suivre les recommandations et directives de M. [D] ; que le complot invoqué par la salariée qui aurait consisté à manipuler les données comptables en son absence ne repose sur aucune réalité ainsi que le démontre les explications de l'expert-comptable ; que les éléments fournis par la salariée sont dépourvus de valeur probante ; que la dégradation des conditions de travail n'est pas avérée ; que ne l'ayant jamais alerté sur une éventuelle situation de harcèlement moral, elle ne peut lui reprocher de ne pas avoir diligenté d'enquête à ce sujet ; qu'il a accepté de financer une médiation qui a échoué en raison de l'obstination de Mme [E] à invoquer une manipulation des données informatiques et qu'il a respecté la procédure de licenciement pour inaptitude.
Il est établi par la production d'un e-mail de la société VDB, précédent expert-comptable de l'employeur, d'un courrier de la société Picardie informatique du 13 novembre 2014, d'e-mails des 10 avril et 4 juillet 2015, de courriers des 10 novembre 2015 et 15 janvier 2019 de M. [D] que Mme [E], « depuis toujours » n'a pas traité la comptabilité qui lui était confiée selon les règles en vigueur, utilisant un simple tableau Excel au lieu du logiciel EBP dédié, que les explications qu'elle fournit, à savoir que les éléments informatiques et en version papier ont mystérieusement disparu par l'intervention d'un tiers, sont dépourvues de toute crédibilité au regard des données techniques et du fait que le cabinet VDB affirme n'avoir jamais reçu de sa part autre chose que les tableaux Excel, que malgré le dispositif d'aide mise en place (deux nouvelles formations, doublage du poste par l'embauche d'une secrétaire, nombreuses explications, programme détaillé de travail, planification du travail en accord avec Mme [E]), celle-ci, non seulement n'est pas parvenue à utiliser correctement le logiciel et à faire le travail de rattrapage demandé, mais, au contraire, a fait preuve d'une grande inertie, voire d'une obstruction au bon rétablissement de la situation (non-respect des consignes, défaut de communication avec expert-comptable, insertion d'un mot de passe interdisant l'accès du logiciel en son absence...).
En conséquence, Mme [E] ne saurait faire grief à l'employeur de lui reprocher une insuffisance professionnelle imaginaire par le biais d'une machination étant observé qu'à la découverte de la difficulté, qui aurait pourtant pu avoir des conséquences graves pour la société, cette dernière n'a pris aucune mesure disciplinaire à son encontre ni même ne lui a adressé de reproche, imputant la faute au manque de contrôle du cabinet VDB auquel il a cessé de faire appel.
L'édition d'une note de service à l'attention des trois membres du service de comptabilité soulignant l'urgence des travaux demandés, fixant précisément le rôle de chacune d'entre elles et leur demandant de référer immédiatement à M. [D] de toute difficulté technique rencontrée notamment sur le plan informatique, de même que l'édition d'une fiche de poste précise afin de répondre à la demande du nouvel expert-comptable, entrent dans le pouvoir de direction de l'employeur et ne constituent pas une pression managériale excessive.
De même, l'envoi de la note de service par lettre recommandée ne résulte que du refus par la salariée de la signer après remise en main propre.
Les réponses de l'employeur aux différents courriers de Mme [E] ne sont pas dépourvus de courtoisie même s'ils rappellent celle-ci à ses obligations professionnelles et pointent ses carences.
M. [X], qui a remplacé la salariée à compter du mois de juin 2016, expose que la société met à sa disposition tous les outils nécessaires pour la réalisation des tâches qui lui sont confiées, que son travail est contrôlé par M. [D] qui le guide s'il rencontre des difficultés, qu'il travaille dans le même bureau que Mme [R] qui est toujours là pour lui apporter son aide et que l'ambiance de travail est bonne, exempte de tensions.
Le médecin du travail a écrit le 21 juillet 2014 aux Drs [C] et [Y] que Mme [E] lui rapportait depuis plusieurs années des faits laissant supposer des conditions de travail particulièrement dégradées avec une collègue de travail et, durant ses absences, des intrusions sur son ordinateur avec utilisation de son code personnel, leur demandant de procéder rapidement à une évaluation de la situation afin de mettre en place toute action qu'ils jugeraient utile. Toutefois, force est de constater que ce médecin ne se fonde que sur les dires de Mme [E] et qu'il l'a jugée apte à plusieurs reprises postérieurement à cette lettre les 19 février, 5 et 23 mars 2015 après avoir obtenu une fiche de poste détaillée, sans plus faire état d'une situation de harcèlement.
Enfin, l'employeur a accepté de financer les frais de médiation par le biais de l'association Médiation Picardie et les causes de l'échec de cette médiation ne sont pas connues, le principe étant la confidentialité des échanges au cours de ce processus.
Ainsi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'employeur démontre que les faits présentés par Mme [E] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral n'est donc pas établi.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2/ Sur le licenciement :
Dès lors que Mme [E] invoque au soutien de son licenciement l'existence d'une situation de harcèlement moral dont il a été dit qu'elle n'était pas établie, les demandes au titre de la nullité du licenciement ne peuvent qu'être rejetées.
3/ Sur la demande au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :
Mme [E] soutient que, alors qu'elle était soumise depuis des années à des faits de harcèlement moral de la part de sa collègue et d'un de ses gérants, la société n'a pris aucune mesure pour mettre fin à cette situation de détresse, n'a pas diligenté d'enquête concernant les faits exposés et a refusé la médiation proposée et qu'elle lui a ainsi causé un préjudice.
L'employeur répond que la jurisprudence invoquée par la salariée est sans rapport avec cette affaire, qu'elle ne l'a jamais alerté d'une situation de harcèlement moral et que le harcèlement n'étant pas constitué, cette demande doit être rejetée.
La cour rappelle que l'employeur est tenu à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et que, même en l'absence de harcèlement moral constitué, le salarié peut prétendre à la réparation du préjudice causé par la faute de l'employeur qui n'a pas pris les mesures préventives nécessaires, une souffrance au travail pouvant exister indépendamment de tout harcèlement à laquelle l'employeur doit remédier pour rétablir la qualité des conditions de travail.
Au cas d'espèce, la salariée ne justifie pas s'être directement plainte d'une situation de harcèlement de travail mais s'est confiée au médecin du travail qui a répercuté ses propos à l'employeur et lui a demandé de prendre des mesures adéquates.
Si effectivement la situation de harcèlement au travail n'est pas établie et la société s'est employée à apporter de l'aide technique à Mme [E] pour lui permettre de surmonter la difficulté consistant à maîtriser le logiciel EBP et à réparer les conséquences de ses pratiques antérieures irrégulières, elle ne démontre pas avoir pris en compte la dimension de souffrance au travail exprimée par la salariée, attestée par les éléments médicaux produits, et notamment des difficultés relationnelles entre celle-ci et sa collègue Mme [R].
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'employeur au paiement de la somme indiquée au dispositif en réparation du préjudice causé par ce manquement, le jugement étant infirmé de ce chef.
4/ Sur les mesures accessoires :
Au vu de la solution du litige, il est équitable de laisser à chaque partie qui succombe partiellement, la charge de ses dépens et frais de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande présentée au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SCM Imagerie médicale de la polyclinique de Picardie à payer à Mme [E] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
Rejette toute autre demande,
Dit que chacune des parties conservcera la charge de ses dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.