ARRET
N°
[D]
[T]
C/
[G]
[C] ÉPOUSE [G]
CD/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TRENTE JUIN
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/00816 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H74A
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [I] [D]
né le 28 Mai 1976 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [X] [T]
née le 18 Décembre 1989 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Francis SONCIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
APPELANTS
ET
Monsieur [M] [G]
né le 15 Janvier 1963 à PNOM PENH (Cambodge)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Madame [R], [Z], [W], [H] [C] épouse [G]
née le 11 Octobre 1962 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentés par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric BENOIST avocat au Barreau de Paris
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 05 mai 2022, l'affaire est venue devant Madame Christina DIAS DA SILVA, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 30 juin 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Par acte notarié du 24 novembre 2018, M. [I] [D] et Mme [X] [T] ont acheté à M. [M] [G] et à Mme [R] [C] une maison d'habitation située [Adresse 3].
Invoquant l'existence de vices affectant cette maison ils ont, par exploit du 9 décembre 2019, fait assigner les vendeurs aux fins de les voir condamner à leur payer la somme de 6.270 euros au titre des travaux réalisés, celle de 950,54 euros au titre du constat d'huissier et de l'expertise, celle de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure.
Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Saint Quentin a :
- débouté M. [I] [D] et Mme [X] [T] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [I] [D] et Mme [X] [T] à payer à M. [M] [G] et Mme [R] [C] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 11 février 2021, M. [I] [D] et Mme [X] [T] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 25 avril 2022, ils demandent à la cour de :
- infirmer l'intégralité du jugement,
- statuant à nouveau,
- juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leur fins, moyens et prétentions,
- constater que la maison vendue par M. [M] [G] et Mme [R] [C] est affectée de vices cachés,
- en conséquence,
- condamner in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] à leur payer la somme de 6.270 euros au titre des travaux réalisés, celle de 950,54 euros au titre du coût du constat d'huissier et de l'expertise et celle de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouter M. [M] [G] et Mme [R] [C] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] à leur payer la somme de 3.513 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, M. [M] [G] et Mme [R] [C] demandent à la cour de :
- déclarer les appelants mal fondés en leur appel,
- écarter des débats les pièces adverses n° 23, 24, 26, 27 et 28,
- débouter M. [I] [D] et Mme [X] [T] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner M. [I] [D] et Mme [X] [T] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2022 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du même jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur la demande de rejet de pièces
M. [M] [G] et Mme [R] [C] demandent à la cour d'écarter des débats les pièces adverses n° 23, 24, 26, 27 et 28 dont ils soutiennent qu'il s'agit d'attestations dénuées de toute force probante.
Il appartient cependant à la cour d'apprécier si les attestations non conformes aux dispositions prévues par l'article 202 du code de procédure civile présentent ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Les pièces litigieuses ont été régulièrement communiquées avant la clôture de l'instruction. Dès lors la demande tendant à les écarter des débats doit être rejetée.
- sur la garantie des vices cachés
Au soutien de leur appel les consorts [D] [T] font valoir que la maison d'habitation qu'ils ont acheté aux consorts [G] [C] est affectée de vices cachés au rez de chaussée et plus précisément dans la cuisine ; qu'ils se sont aperçus de leur existence lors de la réalisation de travaux de rénovation constatant alors d'importants désordres remettant en cause la structure même de la maison et menaçant leur sécurité. Ils ajoutent que les vendeurs connaissaient parfaitement l'existence de ces désordres et doivent les indemniser de leur préjudice subi.
Les consorts [G] [C] s'opposent à leurs demandes expliquant que les acheteurs ont réalisé des travaux de démolition et de rénovation d'ampleur dans les lieux avant l'acte de vente sans leur accord et qu'ils avaient donc connaissance des désordres qu'ils invoquent. Ils précisent que la preuve n'est pas rapportée de l'antériorité du vice prétendu.
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du même code précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Enfin en vertu de l'article 1643 du même code le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En l'espèce les appelants ne produisent aux débats en pièce 2 qu'un extrait de l'acte de vente daté du 24 novembre 2018, les pages versées aux débats ne contenant aucune clause de non garantie des vendeurs stipulant que les acquéreurs prendraient l'immeuble dans son état actuel avec tous ses vices et ses défauts. De leur coté les consorts [G] [C] ne soutiennent pas que cet acte contiendrait une telle clause d'exclusion de garantie.
Il ressort du procès verbal de constat d'huissier daté du 20 décembre 2018 les constatations suivantes :
'Les faux plafond de la cuisine et des toilettes du rez de chaussée ont été déposés.
Dans l'angle droit de la pièce au-dessus de la cuvette des toilettes, la dalle du plafond s'est affaissée.
Je mesure un affaissement d'environ sept centimètres par rapport au reste du plafond.
Je constate que la poutre de soutènement du plafond située à droite du tuyau d'évacuation de 100 millimètres de diamètre est coupée.
Cette découpe grossière semble avoir été effectuée afin de faire passer un tuyau de 40 millimètres de diamètre en provenance de la salle de bain de l'étage.
(...)
Un morceau de bois en travers de la dalle affaissée est fixée devant l'évacuation de 100 millimètres de diamètre.'
L'huissier précise dans son procès verbal de constat qu'il est ensuite monté à l'étage dans la salle de bain située juste au dessus de la future cuisine et de la cuvette des toilettes et a trouvé un sol recouvert de carrelage ancien outre le tuyau de descente en PVC visible du rez de chaussée. Il indique que la surface au sol de cette zone n'est pas plane et que l'affaissement du sol autour de l'évacuation est visible à l'oeil nu.
Ces constatations attestent de l'existence de vices affectant la solidité de l'immeuble, le rapport établi par l'architecte M. [A] confirmant le risque concernant la solidité du bien et préconisant de réaliser les travaux au plus vite.
Les autres pièces produites aux débats et notamment les attestations de M. [J], gérant de la société SAS CJ mandaté par les acquéreurs pour réaliser des travaux d'agrandissement de la cuisine au rez de chaussée et de réalisation d'une nouvelle salle de bain au premier étage permettent d'établir que ces vices n'étaient pas apparents lors de la vente et qu'ils n'ont été révélés que lors de la dépose par les ouvriers de la société SAS CJ de la cloison des toilettes du rez de chaussée ainsi que du faux plafond de la cuisine et du parquet flottant qui recouvrait le sol carrelé de la salle de bain de l'étage, ces travaux ayant eu lieu postérieurement à la signature de l'acte de vente de l'immeuble.
Les consorts [G] [C] ne peuvent valablement soutenir que les attestations de M. [J] ne sont pas probantes puisque ce dernier a pris soin de rédiger plusieurs courriers pour expliquer ce qu'il a constaté et qu'il a de surcroît, par nouvelle attestation datée du 31 mars 2022, indiqué qu'il 'atteste être à l'origine des attestations établies et remises à MR [D] et Mme [T] ; ces différentes attestations ont été remises aux dates indiquées y compris l'attestation établie le 6 décembre 2018. Je suis conscient des risques encourus pouvant découler d'une fausse attestation et je me tiens à votre entière disposition pour attester ou ré attester les différents événements et leur chronologie.', une photocopie de sa carte d'identité étant jointe à ces attestations.
Les intimés ne sont pas non plus fondés à soutenir que les éléments produits ne permettent pas de dater les travaux réalisés par les acquéreurs avant la signature du contrat de vente. En effet il est prouvé que ces travaux n'ont pas affecté la structure de l'immeuble puisqu'ils n'ont concerné que le traitement des nuisibles qui a nécessité la mise à nue des charpentes et le démontage de 10lames de plancher très infestées afin d'accéder aux solives du plancher pour les traiter ainsi qu'il ressort des factures et de l'attestation de M. [J]. Aucun élément n'est versé aux débats permettant de contredire ces pièces.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'immeuble acheté par les consorts [D] [T] est affecté d'un vice qui préexistait à la vente et qui n'a été révélé que postérieurement, ce vice rendant le bien impropre à l'usage auquel il était destiné puisqu'il affecte sa solidité.
Dès lors les consorts [D] [T] sont fondés à obtenir l'indemnisation de leur préjudice subi, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la question de savoir si les consorts [G] [C] avaient connaissance du vice puisque l'acte de vente ne contient aucune exclusion de garantie.
Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
- sur l'évaluation du préjudice subi
En application de l'article 1644 du code civil l'acheteur qui agit en garantie contre son vendeur, en raison des vices cachés de la chose vendue dispose à son choix de deux actions, rédhibitoire et estimatoire.
Les consorts [D] [T] réclament l'indemnisation de leur préjudice sollicitant la condamnation des consorts [G] [C] à leur verser la somme de 6.270 euros correspondant au coût des travaux de remise en état permettant le renforcement de l'immeuble outre celle de 950,54 euros correspondant aux frais de l'architecte expert et de l'huissier de justice.
Ils justifient ces demandes par la production aux débats des factures correspondantes tandis que les consorts [G] [C] ne versent aucune pièce permettant de contester ces montants et ne peuvent valablement remettre en cause la nécessité d'avoir fait appel à un architecte et à un huissier de justice pour établir l'existence des désordres, l'intervention de ces deux professionnels ayant permis d'éviter le coût nettement plus élevé d'une expertise judiciaire.
Il y a donc lieu de condamner in solidum M. [M] [G] et de Mme [R] [C] à payer à M. [I] [D] et Mme [X] [T] la somme de 6.270 euros au titre des travaux réalisés pour remédier au vice caché affectant la solidité de l'immeuble ainsi que celle de 950,54 euros au titre du coût du constat d'huissier et de l'expertise amiable.
Les consorts [D] [T] font encore valoir que le vice caché leur a causé un préjudice de jouissance.
Il est indéniable que dès lors que les désordres révélés après la vente portent atteinte à la solidité de l'immeuble compte tenu de la menace d'effondrement du plafond, les appelants n'ont pas pu disposer à leur guise de leur nouveau bien dès la signature de l'acte de vente.
Il doit cependant être tenu compte du fait que l'immeuble était dans un état vétuste qui ne permettait pas d'y habiter sans la réalisation de travaux de rénovation.
En conséquence les consorts [G] [C] seront condamnés à leur verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
M. [M] [G] et de Mme [R] [C] qui succombent doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel et ne peuvent prétendre à une indemnité de procédure. Ils doivent de plus être condamnés in solidum à verser aux consorts [D] [T] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande de M. [M] [G] et de Mme [R] [C] tendant à écarter des débats les pièces adverses n° 23, 24, 26, 27 et 28 ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Condamne in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] à payer à M. [I] [D] et Mme [X] [T] la somme de 6.270 euros au titre des travaux réalisés pour remédier au vice caché affectant la solidité de l'immeuble ainsi que celle de 950,54 euros au titre du coût du constat d'huissier et de l'expertise amiable ;
Condamne in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] à payer à M. [I] [D] et Mme [X] [T] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] à payer à M. [I] [D] et Mme [X] [T] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [M] [G] et Mme [R] [C] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE