ARRET
N°
[C]
C/
S.A.S. T.F.B
copie exécutoire
le 30/06/2022
à
AARPI EPILOGUE
Me FABING
MVH/IL/MR
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 30 JUIN 2022
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N° RG 21/01303 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAYD
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 08 FEVRIER 2021 (référence dossier N° RG 19/00084)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [I] [C]
né le 01 Octobre 1963 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
concluant par Me Anne-Lise RIVIERE de l'AARPI EPILOGUE, avocat au barreau de LAON
ET :
INTIMEE
S.A.S. T.F.B agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée, concluant et plaidant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l'audience publique du 19 mai 2022, devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Marie VANHAECKE-NORET indique que l'arrêt sera prononcé le 30 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Marie VANHAECKE-NORET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 30 juin 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Vu le jugement en date du 8 février 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Laon, statuant dans le litige opposant M. [I] [C] (le salarié) à son ancien employeur, la société SARL TFB (la société), a dit le licenciement du salarié justifié pour faute grave, l'a débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, de sa demande au titre des sommes retenues pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés incidents, de sa demande au titre du harcèlement moral, a condamné la société à payer au salarié les sommes précisées au dispositif de la décision à titre de rappel d'heures supplémentaires (1496,89 euros), des congés payés y afférents (149,69 euros), d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (300 euros), a débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 9 mars 2021 par voie électronique par M. [I] [C] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 10 février précédent;
Vu la constitution d'avocat de la société TFB, intimée, effectuée par voie électronique le 8 avril 2021 ;
Vu les conclusions enregistrées notifiées par voie électronique via le RPVA le 6 avril 2022 par lesquelles le salarié appelant, contestant les griefs énoncés dans la lettre de licenciement et leur qualification de faute grave aux motifs d'une part que le refus de prendre son poste était légitime dès lors que l'employeur n'a pas respecté les restrictions de la médecine du travail, d'autre part qu'aucun retard ne peut lui être imputé, enfin qu'il avait une ancienneté conséquente et aucun antécédent disciplinaire, soutenant avoir été victime de harcèlement moral sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave était fondé et l'a débouté de ses demandes d'indemnités de rupture, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre des sommes retenues pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents, de sa demande au titre du harcèlement moral, prie la cour statuant à nouveau de ces chefs, de condamner la société TFB à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses conclusions devant lui être allouées à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (15114,72 euros), d'indemnité légale de licenciement (1521,96 euros), d'indemnité compensatrice de préavis (5038,24 euros), au titre des sommes retenues pendant la période de mise à pied conservatoire (707, 77 euros), en réparation du harcèlement moral subi (15000 euros), à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (2000 euros) ainsi qu'aux dépens ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022 via le RPVA aux termes desquelles la société intimée et appelante incidente, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que les faits énoncés au soutien du licenciement sont établis et constitutifs de faute grave, subsidiairement que le salarié ne démontre pas un préjudice d'une ampleur telle qu'il justifierait le quantum de dommages et intérêts sollicité, que M. [C] n'établit pas de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral et que les situations ou décisions dénoncées sont objectivement justifiées et étrangères à tout harcèlement, soutenant que les heures supplémentaires doivent s'apprécier annuellement selon les dispositions de la convention collective de sorte que la demande est infondée, prie la cour de dire M. [C] mal fondé en ses moyens et prétentions, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, de dire le licenciement justifié pour faute grave, de dire que le salarié a été rempli de ses droits s'agissant du paiement des heures supplémentaires, de dire que le salarié n'a pas été victime de harcèlement moral, en conséquence de confirmer le jugement entrepris sauf à l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au versement de sommes au titre des heures supplémentaires non réglées, des congés payés incidents et en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner en conséquence la restitution par l'appelant de la somme nette de 1584,28 euros correspondant à l'exécution provisoire de la première instance, de condamner M. [C] à lui payer une indemnité de 2000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 mai 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 19 mai suivant ;
Vu les conclusions transmises le 6 avril 2022 par l'appelant et le 27 avril 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
SUR CE, LA COUR
M. [I] [C], né en 1963, a été engagé à compter du 9 novembre 2015 par la société TFB en qualité de chauffeur routier et ce dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de trois mois.
A l'issue de ce contrat, les relations de travail se sont poursuivies sans durée déterminée.
La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport trouve à s'appliquer.
En dernier lieu, le salaire mensuel brut de base de M. [C] s'élevait à 1559,70 auquel s'ajoutaient des heures d'équivalence majorées de 25 % et des heures supplémentaires grands routiers.
M. [C] a été placé en arrêt de travail qui a fait l'objet de prolongations du mois de novembre 2017 jusqu'au 7 avril 2018.
Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 mai 2018 par lettre du 24 avril précédent, reporté à sa demande au 15 mai 2018 par lettre du 27 avril précédent, mis à pied à titre conservatoire le 24 avril 2018, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 mai 2018, motivée comme suit :
«'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.
Le 23 avril 2018, à 6 heures 30, vous avez refusé de prendre votre poste de travail sous, prétexte que le camion, qui vous était attribué, ne respectait pas vos restrictions médicales.
Or, le camion était muni d'une boîte de vitesse automatique.
De plus, vous étiez affecté à des livraisons qui ne nécessitaient ni manutention, ni effort de poussées ou de tractions de charges lourdes. . .
Vos restrictions médicales étaient donc parfaitement respectées.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'un tel comportement constitue un acte d'insubordination, que nous ne pouvons tolérer.
Par ailleurs, le lendemain, le 24 avril 2018, vous vous êtes présenté à votre poste de travail à 8 heures, alors que vous commenciez à 6 heures 30 ceci sans aucune explication.
Cette conduite met en cause la bonne marche de la société et aucun élément ou justification n'a pu nous être apporté de nature à modifier notre appréciation des faits.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte-tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date d'envoi de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Vous pourrez vous présenter à réception de la présente au bureau de la Direction pour percevoir les sommes restant dues au titre de salaire et d'indemnité de congés payés et retirer votre certificat de travail et votre attestation POLE EMPLOI.
Par ailleurs, nous vous demandons de bien vouloir restituer à la société tout matériel en votre possession nous appartenant et notamment les clés d'accès à l'entreprise et la carte de gazole.
Enfin, vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.
(...)'».
Contestant la légitimité de son licenciement, sollicitant la reconnaissance d'un harcèlement moral et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [I] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon, qui, statuant par jugement du 8 février 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.
Sur les heures supplémentaires
Poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, la société TFB fait valoir que conformément à la convention collective des transports routiers (article XIV), les heures supplémentaires s'apprécient annuellement, que s'il est arrivé que M. [C] accomplisse plus de 220 heures certains mois, il est aussi arrivé qu'il en effectue moins sans subir de diminution de rémunération.
Les dispositions conventionnelles invoquées par l'employeur sont celles de l'article 14 de l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'ARTT permettant aux entreprises de transports de mettre en oeuvre un dispositif de modulation du temps de travail sur tout ou partie de l'année.
Toutefois et ainsi que relevé à juste titre par les premiers juges, il n'est versé par la société TFB aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un accord d'annualisation ou de modulation du temps de travail, tel que prévu par ces dispositions conventionnelles, prévoyant un décompte des heures supplémentaires sur une autre période de référence que la semaine. Le contrat de travail prévoit que la rémunération est convenue pour un horaire mensuel de 220 heures et précise 'soit une durée hebdomadaire de 50,77 heures par semaine'.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
La cour constate que M. [C] verse aux débats un tableau récapitulatif du nombre d'heures supplémentaires accomplies certaines semaines qui sont spécifiées, sur la période comprise en décembre 2015 et avril 2018, et selon lequel il a effectué un total de 197,76 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société verse un récapitulatif des heures de service mensuelles sur la période considérée, non étayé par des relevés d'heures et qui n'est pas en cohérence avec les bulletins de paie produits ; ainsi en septembre 2017, selon ce récapitulatif M. [C] a effectué 230 heures (soit 10 heures de plus que l'horaire mensuel) or il résulte du bulletin de paie que seules 220 heures ont été payées.
En conséquence, la société ne justifie pas des horaires effectivement accomplis et ne contredit pas les éléments du salarié.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris qui a fait droit à la demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents de M. [C].
Sur la légitimité du licenciement
M. [C], rappelant que le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste de travail avec des restrictions, fait valoir que le 23 avril 2018 l'employeur lui a demandé d'effectuer en violation de ces restrictions une tournée impliquant de la manutention de palettes avec efforts de poussée et de traction et de conduire un véhicule non adapté à son état de santé. Il soutient que dans ces conditions, c'est légitimement qu'il a refusé d'effectuer la mission assignée. Il indique que l'employeur, qui supporte la charge de la preuve de la faute grave ne le contredit pas factuellement.
S'agissant du second grief, il énonce en substance qu'il lui a été indiqué le 23 avril 2018 de rentrer chez lui puisqu'aucun travail ne pouvait lui être donné et qu'il s'est donc présenté le lendemain à son poste à l'heure 'normale', que s'il lui avait été demandé de prendre son poste à 6h30 la durée minimale de repos hebdomadaire n'aurait pas été respectée, que l'employeur n'établit pas qu'il l'avait informé de la mission qui lui était affectée ce jour là et de l'heure de départ prévue.
La société TFB soutient établir que le camion et la tournée attribués à M. [C] était compatibles avec les préconisations de la médecine du travail, que le salarié refusant d'accomplir son travail a abandonné son poste et fait preuve d'insubordination la contraignant à rappeler un chauffeur qui était en repos.
Elle fait valoir que M. [C], sachant parfaitement que le 24 avril le même camion lui était attribué, s'est présenté en retard à son poste, que la prise de poste s'effectue toujours avant 7 heures 30, que le salarié ne peut invoquer le non-respect du repos hebdomadaire dès lors qu'il a refusé de travailler la veille.
Sur ce,
La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et lie les parties et le juge, telle que reproduite précédemment articule deux griefs
- le refus injustifié de prendre son poste le 23 avril 2018
- le fait de se présenter avec retard à son poste le lendemain sans explication.
Sur le premier grief
Il est constant que suivant avis du médecin du travail du 19 septembre 2016, M. [C] a été jugé apte à son poste de chauffeur routier poids-lourds avec les restrictions énoncées de la manière suivante 'pas de manutention répétée de charges lourdes, pas d'effort de poussée ni de traction de charge lourde ; un poste de chauffeur PL avec boîte de vitesse automatique sans manutention comme celui qu'il occupait précédemment, convient'.
Cet avis a été réitéré dans les mêmes termes par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise du 9 avril 2018 et encore le 23 avril suivant.
La société produit les différentes lettres de voiture concernant les marchandises à livrer le 23 avril 2018, des documents relatifs au suivi des marchandises entre leur expéditeur et les dépôts d'enlèvement et du livreur, les attestations de M. [Y] (directeur général délégué de la société Pall-Ex), Mme [Z] (client Castel Diffusion), M. [M] (client [X] et [R]), de plusieurs chauffeurs salariés (MM [A], [N] qui a remplacé M. [C] au 'pied levé', [S] et [W]) ainsi que les caractéristiques techniques du véhicule.
Ces éléments concordants permettent d'établir que
- le camion porteur attribué à M. [C] le jour des faits litigieux était équipé d'une boîte de vitesse automatique et d'un système de charge et décharge à quai motorisé,
- la tournée qui lui était assignée était limitée au département de l'Aisne et ne nécessitait pas de 'découcher',
- le chargement avait été assuré par les caristes du 'Hub' de Bourges exploité par la société Pall-Ex et il était procédé aux déchargements chez les clients par leur propre personnel et avec leur matériel.
Il en résulte que la mission assignée à M. [C] et le camion avec lequel il devait effectuer sa tournée ne le contraignaient pas à effectuer de la manutention ni n'impliquaient les gestes et postures interdits par le médecin du travail.
M. [A] dont il n'est pas anodin de rappeler la corpulence (1,80 mètre et 136 kilos) témoigne que le coin couchette équipant le cabine du camion en cause est parfaitement adapté ce qui contredit les assertions du salarié étant relevé d'une part qu'il ne résulte pas des avis du médecin du travail portés à la connaissance de l'employeur des recommandations particulières quant à la configuration ou l'aménagement de l'intérieur de la cabine et d'autre part que les éléments médicaux versés par M. [C], selon lesquels il était affecté d'une maladie de la coiffe des rotateurs, ne corroborent pas l'existence des difficultés alléguées à accéder au coin couchette ou à se mouvoir dans la cabine.
Les attestations de M. [E] qu'il produit aux débats se trouvent contredites par les éléments de l'employeur au nombre desquels figurent notamment le témoignage de M. [N], rappelé en urgence pour assurer sa tournée le 23 avril 2018, qui confirme que les marchandises ont été livrées à quai et déchargées par les clients sans manutention de sa part ni effort de poussée ou de traction ainsi que le témoignage de M. [S] qui considère que les livraisons en camion porteur (le type du véhicule affecté à M. [C]) se font plus facilement qu'avec un semi-remorque.
Il ressort ainsi que l'employeur établit que le camion et la tournée assignés au salarié était compatibles avec les préconisations du médecin du travail de sorte que le refus opposé par M. [C] n'était pas légitime ni justifié par les raisons qu'il invoque étant observé que l'obligation de se conformer aux restrictions émises par le médecin du travail n'imposait pas à la société d'affecter tout le temps le même véhicule au salarié.
Le grief est démontré par la société.
Sur le second grief
La société verse aux débats les relevés d'heures de chauffeurs roulant avec un véhicule porteur, les attestations de MM [O], [S] et [W], éléments qui confirment que les missions avec de tels véhicules imposent une prise de poste entre 6 et 7 heures, analyse que les éléments du salarié ne remettent pas en cause. Il ressort de l'attestation de M. [O] qui n'est pas factuellement contredite que M. [C] avait été informé le vendredi précédant qu'il serait affecté la semaine suivante sur un poste de conduite en porteur ce qui impliquait d'être présent avant 8 heures.
En conséquence, il apparaît que le salarié bien qu'informé de ses missions et de ses horaires de travail s'est présenté avec retard le 24 avril 2018. C'est en vain qu'il invoque les règles applicables au repos hebdomadaire dès lors qu'il est acquis qu'il n'a pas travaillé le 23 avril.
Ce grief est également établi par la société.
Cependant si au vu des éléments produits, les griefs énoncés dans la lettre de licenciement apparaissent établis et de nature à constituer une cause réelle de licenciement, il n'apparaît cependant pas qu'ils aient revêtu, en raison notamment de l'absence de précédentes sanctions disciplinaires, du caractère isolé de l'insubordination constatée et du fait que l'entreprise a pu rapidement y remédier en faisant appel à un autre chauffeur, une gravité suffisante pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la qualification de faute grave et de juger désormais que le licenciement est justifié pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.
M. [C] peut par conséquent prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à une indemnité de licenciement.
Son salaire mensuel brut en ce compris les heures majorées contractuelles (heures d'équivalence et heures supplémentaires 'grand routier') s'élevait à 2519,12 euros.
Ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement, non spécifiquement critiqués dans leur quantum, seront précisés au dispositif ci-après.
M. [C] ne demande pas au dispositif de ses dernières conclusions de condamnation de la société au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Par ailleurs, seule la faute grave justifie la retenue de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire.
En conséquence et conformément à la demande telle que formée au dispositif des conclusions de M. [C], il convient de condamner la société à lui payer la somme de 707,77 euros à titre de rappel de sommes retenues pendant la période de mise à pied conservatoire.
La demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime doit en revanche être rejetée.
Sur le harcèlement moral
M. [C] expose que l'employeur a fait preuve à son égard d'un 'comportement discriminatoire s'apparentant à du harcèlement' (sic), qu'en effet lorsqu'il a informé la direction de son arrêt de travail en septembre 2016, il a reçu un courrier faisant part des doutes du dirigeant sur la véracité de son affection doublé d'un appel téléphonique de M. [D] qui l'a traité de 'fainéant', qu'il s'est défendu par deux courriers, qu'ensuite de cet échange, il a été mis à l'écart des plusieurs événements organisés par l'entreprise pour les salariés et n'a pas reçu de cadeaux de fin d'année ce qui marque le traitement particulier qui lui était réservé. Il ajoute que lui a été à plusieurs reprises affecté un véhicule à boîte manuelle contrairement aux préconisations du médecin du travail et que l'employeur n'a pas tenu compte des avis récurrents de la médecine du travail. Il indique également que son employeur l'affublait d'un surnom ('noix de coco') et tenait des propos discriminatoires à son encontre. Il rapporte encore que l'employeur a refusé de lui serrer la main pour le saluer, qu'il lui était reproché injustement de circuler trop rapidement dans l'enceinte de la société.
La société réfute tout harcèlement moral.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1154-1du même code, le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu'ils émanent de l'employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d'un abus d'autorité, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
La cour relève que M. [C] bien qu'invoquant une discrimination, ne précise pas expressément le motif prohibé sur lequel repose les agissements dénoncés et ne forme qu'une demande de réparation du harcèlement moral.
Le salarié verse notamment aux débats le courrier de l'employeur en date du 8 septembre 2016 faisant part de son 'étonnement' et de ses doutes sur l'avis d'arrêt de travail réceptionné deux jours auparavant, les deux courriers qu'il a adressés en réponse les 10 et 12 septembre suivant reprochant notamment dans cette seconde correspondance à son employeur de l'avoir traité de fainéant au téléphone, les attestations de MM. [U] et [V] qui décrivent un dirigeant irrespectueux et colérique, proférant des insultes, M. [U] rapportant que M. [C] était surnommé par ce dernier 'noix de coco' et M. [V] ayant entendu M. [D] s'emporter en le qualifiant d' 'abruti', une attestation de M. [E] qui estime que M. [C] n'a pas récupéré son poste tel qu'il était avant son arrêt de travail et qu'il s'agit d'une punition.
Le salarié présente ainsi des éléments de fait qui sont de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs à tout harcèlement moral.
La société justifie avoir respecté les préconisations émises par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise de M. [C] du 9 avril 2018 lesquelles ne lui imposaient pas ainsi qu'il a été précédemment retenu de fournir au salarié toujours le même véhicule, ce dernier employé comme chauffeur routier pouvant être amené à conduire des camions porteurs ou semi-remorque à condition qu'ils soient équipés d'une boîte de vitesse automatique, condition à laquelle il a été satisfait au vu des pièces soumises à l'appréciation de la cour.
Il est justifié également que M. [D] a contesté immédiatement par courrier avoir traité M. [C] de 'fainéant'.
Il apparaît aussi que l'arrêt de travail reçu du salarié le 6 septembre 2016 était libellé comme un arrêt de 'prolongation' alors que l'intéressé n'avait pas été précédemment absent pour maladie et qu'il s'agissait en outre d'un arrêt prescrit pour accident du travail ou maladie professionnelle alors que l'employeur n'avait pas connaissance de la reconnaissance de la pathologie de M. [C] comme couverte par la législation sur les risques professionnels intervenue très antérieurement à son embauche. Dans ces conditions, il n'était pas illégitime que l'employeur s'interroge sur la nature de l'arrêt de travail et demande des explications par courrier au salarié.
La société justifie par ailleurs que M. [C] a été convié aux moments de convivialité qu'elle organisait, dont le dernier remonte au mois de septembre 2017.
Elle produit aux débats l'attestation de M. [G] dont il résulte que les salariés absents, comme M. [C], lors de la distribution des cadeaux de fin d'année n'en recevaient pas non plus.
L'employeur souligne à juste titre que seuls MM [U] et [V] indiquent avoir été témoins de propos litigieux tenus par le dirigeant à l'endroit de M. [C] alors que M. [E], délégué du personnel et salarié durant 8 ans, qui pourtant atteste en faveur de M. [C] ne fait pas état d'un tel comportement ; il est en outre versé diverses attestations dont la teneur est de nature à démentir l'attitude insultante prêtée à M. [D].
Enfin, il est démontré que la vitesse dans l'enceinte de la société, une fois le portail et la barre de seuil franchis, était limitée à 10 km/h. Le rappel de cette règle par l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, s'inscrit dans l'exercice normal de son pouvoir de direction.
Ainsi, la société TFB contredit les éléments du salarié et établit que les agissements que ce dernier dénonce étaient justifiés objectivement et non constitutifs de harcèlement moral.
Pour ces motifs, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a débouté M. [C] de sa demande de réparation.
Sur la restitution sollicitée par la société TFB
La société demande à la cour de condamner M. [C] à lui restituer les sommes qu'elle a versées en exécution du jugement entrepris.
Toutefois, eu égard à la solution donnée au présent litige et les dispositions de première instance ayant prononcé une condamnation de la société n'étant pas infirmées, il convient de rejeter cette demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront confirmées.
Succombant partiellement à hauteur de cour, la société TFB sera condamnée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [C] une somme que l'équité commande de fixer à 1500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel.
Partie perdante, la société TFB sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 8 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Laon sauf en ce qu'il a dit bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [I] [C] et a intégralement débouté ce dernier de ses demandes au titre des indemnités de rupture et de la mise à pied conservatoire ;
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Dit le licenciement de M. [I] [C] prononcé par la société TFB justifié pour cause réelle et sérieuse mais non pour faute grave ;
Condamne la société TFB à verser à M. [I] [C] les sommes suivantes
- 1 521,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 5038,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 707,77 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Déboute la société TFB de sa demande de restitution ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne la société TFB aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.