ARRET
N°
S.C.I. JMT
C/
S.E.L.A.R.L. GRAVE RANDOUX
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG
TRESOR PUBLIC CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
S.E.L.A.R.L. GRAVE RANDOUX MANDATAIRE JUDICIAIRE
PM/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEPT JUILLET
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/01020 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HVAN
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 2] DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. JMT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant la SCP BEJIN CAMUS BELOT, avocats aux barreaux deLAON et [Localité 2]
APPELANTE
ET
S.E.L.A.R.L. GRAVE RANDOUX Es qualité de liquidateur de [K] [Y] fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal Judiciaire de Saint Quentin du 29 Juin 2020.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant la SCP BEJIN CAMUS BELOT, avocats aux barreaux deLAON et [Localité 2]
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG La Société INTRUM DEBT FINANCE AG, société par actions de droit suisse, ayant son siège social [Adresse 13], immatriculée au RCS de ZUG, Suisse sous le numéro CHE 100 023 266, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole inscrite au RCS de REIMS sous le numéro 394 157 085, dont le siège social est [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, en vertu d'un bordereau de cession de créances du 19 Juin 2015
Industriestrasse 0113C, CH
[Adresse 10] (Suisse)
Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de [Localité 2]
TRESOR PUBLIC CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 15]
[Localité 2]
Assigné à étude le 29/04/2020
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. GRAVE RANDOUX MANDATAIRE JUDICIAIRE , es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de 'SCI JMT' ayant son siège [Adresse 8], fonctions auxquelles elle a été nommée aux termes d'un jugement de liquidation judiciaire rendu par le tribunal judiciaire de [Localité 2] en date du 29/06/2020.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me la SCP BEJIN-CAMUS-BELOT, avocats aux barreaux de LAON et de [Localité 2]
PARTIE INTERVENANTE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 12 mai 2022 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de M [L] [U] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 07 juillet 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la Présidente étant empêchée la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA , Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION
La CRCAM du Nord Est a consenti à la SCI JMT 5 prêts immobiliers.
Indiquant être cessionnaire de la créance de la CRCAM du Nord Est à l'encontre de la SCI JMT au titre de ces différents prêts, la société Intrum Debt Finance AG a, par acte d'huissier du 2 août 2018, fait délivrer à la SCIi JMT un commandement de payer valant saisie immobilière des immeubles situés commune de [Localité 2] lot n°1:[Localité 9], cadastré section AO n° [Cadastre 4] pour une contenance de 63 centiares ; lot n° 2 :[Adresse 12], cadastré section BZ n° [Cadastre 6],pour une contenance de 86 centiares; et le sixième indivis d'une partie d'un immeuble sis à [Adresse 14], cadastré section BZ n° [Cadastre 7] pour 30 centiares.
Ce commandement de payer a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 2] le 17 septembre 2018 volume 2018 S n°20.
La SCI JMT n'ayant pas satisfait à la demande en paiement de la société Intrum Debt Finance AG, la procédure de saisie immobilière a été poursuivie.
Par acte d'huissier du 8 novembre 2018, le créancier poursuivant a fait assigner la SCI JMT à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de [Localité 2] à l'audience d'orientation.
Cette assignation a été dénoncée au Trésor public, créancier inscrit par acte d'huissier du 9 novembre 2018.
La société Intrum Debt Finance AG a déposé le cahier des conditions de vente le 13 novembre 2018.
Par jugement d'orientation du 27 janvier 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de [Localité 2] a :
-Débouté la SCI JMT de l'ensemble de ses demandes et contestations ;
-Constaté que les conditions des articles L 311-1 et suivant du code des procédures civiles d'exécution sont réunies :
-Constaté que la créance de la société Intrum Debt Finance AG était, au jour de la délivrance du commandement de payer le 2 août 2018, d'un montant total de 312.935,06 € ;
-Ordonné la vente forcée des immeubles situés commune de [Localité 2] lot n°1:[Localité 9], cadastré section AO n° [Cadastre 4] pour une contenance de 63 centiares ; lot n° 2 :[Adresse 12], cadastré section BZ n° [Cadastre 6],pour une contenance de 86 centiares; et le sixième indivis d'une partie d'un immeuble sis à [Adresse 14], cadastré section BZ n° [Cadastre 7] pour 30 centiares ;
-Dit que l'adjudication aura lieu aux enchères publiques à l'audience d'adjudication du 27 avril 2020 à 9h30 ;
-Fixé sous le ministère de Maître [N] [X] les dates et heures de visites ;
-Dit que Maître [N] [X] pourra , si besoin est, se faire assister d'un serrurier et de la force publique ;
-Dit que les occupants des biens saisis devront être informés des visites trois jours au moins avant la date prévues pour celle-ci ;
-Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente ;
-Rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2020, la SCI JMT a interjeté appel de ce jugement et par ordonnance du 7 mai 2020 elle a été autorisée à assigner la société Intrum Debt Finance AG à jour fixe devant la cour.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 15 novembre 2021 ci-dessous littéralement reproduites, la SCI JMT demande à la cour de :
'1° ) Déclarer recevable et fondé son appel ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a énoncé :
'- déboute la SCI JMT de l'ensemble de ses demandes et contestations
- constate que les conditions des articles L 311-1 et suivants du code des procédures civiles d'Exécution sont réunies
- constaté que la créance de la société INTRUM DEBT FINANCE AG était, au jour de la délivrance du commandement de payer du 02.08.2018 d'un montant de 312 935.06 €;
- ordonné la vente forcée des immeubles situés commune de [Localité 2] (Aisne) Lot 1 : 57 rue du Colonel Fabien cadastré section AO n°[Cadastre 4] pour une contenance de 63ca ; lot 2 : [Localité 11], cadastré section CZ n°[Cadastre 6] pour une contenance de 86ca ; et le 1/6° indivis d'une partie d'un immeuble situé à [Adresse 14], cadastré section BZ n°[Cadastre 7] pour 30ca
- dit que l'adjudication aura lieu aux enchères publiques à l'audience d'adjudication du 27 avril 2020 à 9 H 30
- dit que l'immeuble pourra être visité sous le ministère de Me [N] [X]
- dit que Me [N] [X] pourra, si besoin est, se faire assister d'un serrurier et de la force publique
- dit que les occupants des biens saisis devront être informés des visites trois jours au moins avant la date prévue pour celles-ci
2° ) Statuant de nouveau,
Vu les moyens d'irrecevabilité de nullité d'assignation et (ou) de caducité soulevés par Intrum,
- Dire que ceux-ci ne sont pas fondés ni causés, et ce avec toutes suites et conséquences de droit;
- Débouter par voie de conséquence la société INTRUM DEBT FINANCE AG de l'ensemble de ses moyens d'irrecevabilité, moyens de nullité, moyens de caducité, fins de non recevoir et autres, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
3° ) Vu la déclaration de créance formée par Intrum par courrier recommandé AR du 31.08.2020 aux termes duquel il est demandé l'admission à titre privilégié à la liquidation judiciaire de SCI JMT de la somme de 326 945.27 € en principal outre intérêts,
- Vu par ailleurs les conclusions n° 2 devant la cour en date du 18.05.2021 déposées au nom de la société INTRUM DEBT FINANCE AG aux termes desquelles il est demandé que la créance de la société INTRUM DEBT FINANCE AG soit fixée sur la liquidation judiciaire de SCI JMT à la somme de 312 935.06 €,
- Dire et juger que Intrum ne saurait formuler des demandes à l'identique aussi bien devant le Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de SCI JMT que devant la cour, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
Par voie de conséquence, et à défaut de la formulation de toutes précisions utiles de la part de la société INTRUM DEBT FINANCE AG sur la juridiction compétente pour statuer ce que de droit sur la demande en fixation de créance, débouter, à tout le moins en l'état, Intrum de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre ;
4° ) Au fond, et statuant de nouveau
- Déclarer irrecevable et en tous les cas non fondée la procédure de saisie immobilière initiée à la requête de la société INTRUM DEBT FINANCE AG inscrite au RCS de ZURICH sous le n° CH-020-3-020-910-7,
Par ailleurs, vu les dispositions de l'article 117 du CPC,
-Dire et juger que la société INTRUM DEBT FINANCE AG inscrite au RCS de ZURICH sous le N° CH -020-3-020-910-7 n'a pas la personnalité morale ;
- Dire et juger que l'irrégularité de la procédure tendant à l'inexistence de la personne morale qui déclare agir en Justice constitue une irrégularité de fond et droit être prononcée sans qu'il y ait lieu d'établir un grief et ne peut être couverte, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
- Ordonner l'annulation du commandement de saisie immobilière en date du 02.08.2018 ainsi que tous les actes subséquents, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
- Débouter par voie de conséquence Intrum de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
5° ) Par ailleurs, vu les décomptes de créance produits aux débats par le créancier saisissant,
Vu le jugement de liquidation judiciaire rendu par le Tribunal Judiciaire de [Localité 2] en date du 29.06.2020 à l'égard de SCI JMT,
- Dire et juger que l'action ne peut tendre qu'à la fixation de la créance éventuelle détenue par, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné SCI JMT au paiement de diverses sommes au profit de la société INTRUM DEBT FINANCE AG , et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
6°) Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable au Centre des Finances Publiques de [Localité 2], et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
7°) Condamner la société INTRUM DEBT FINANCE AG au paiement d'une indemnité de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société INTRUM DEBT FINANCE AG aux entiers dépens de première instance et d'appel, et en prononcer distraction au profit de Me Dominique Anne ANDRE, Avocat'.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 17 janvier 2021, la société Intrum Debt Finance AG demande à la Cour de :
- Déclarer nulle l'assignation délivrée le 28 Avril 2020 à la requête de la SCI JMT ;
- A titre subsidiaire, déclarer caduc l'appel de la SCI JMT ;
En tout état de cause,
- Déclarer la SCI JMT irrecevable et en tout cas mal fondée en tous ses moyens, fins et prétentions;
En conséquence,
- L'en débouter ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- En tant que de besoin et y ajoutant, fixer sa créance à la liquidation de la SCI JMT à la somme de 312.935,06 €, somme arrêtée à la date de la délivrance du commandement de payer au 2 août 2018 ;
- Condamner la SCI JMT à lui verser la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'emploi des dépens d'instance et d'appel, en ce compris les frais de commandement,
de procès-verbal descriptif et de diagnostics techniques de l'immeuble, en frais privilégiés de vente.
La SCI JMT a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de [Localité 2] du 29 juin 2020 et la SELARL Grave-Randoux a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 15 novembre 2021, la SELARL Grave-Randoux ès qualités de liquidateur de la SCI JMT est intervenu volontairement en la cause et demande à la cour de :
- Déclarer recevable et fondée son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI JMT, ;
- Lui donner acte de ce qu'elle entend faire sienne l'argumentaire soulevé par son administrée, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
- Dire et juger que son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI JMT couvre les irrégularités, nullités, caducités et autres susceptibles d'être opposées à la SCI JMT par la société Intrum Debt Finance AG, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;
- Condamner la société Intrum Debt Finance AG aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Dominique Anne André, avocat.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 27 avril 2022, la clôture a été prononcée et l'affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l'audience du 12 mai 2022.
Au cours de son délibéré, la cour a invité les parties à s'expliquer par message RPVA sous quinze jours:
- sur les conséquences de l'application de l'article L641-9 du code de commerce sur la recevabilité des conclusions de la SCI JMT ;
- sur les conséquences de l'absence de prétentions développées par la SELARL Grave Randoux tant dans le corps que dans le dispositif de ses conclusions au regard des dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
- sur les conséquences de l'application combinée des articles 542 et 954 du code de procédure civile depuis la réforme de la procédure d'appel issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 et l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020.
En réponse, la SCI JMT et la SELARL Grave-Randoux par courrier RPVA du 23 mai 2022 ci-dessous littéralement reproduit ont fait observer :
'Je prends connaissance du « courrier divers » en date du 12.05.2022 émanant du Greffier de la 1° Chambre Civile de la CA AMIENS, auquel il m'appartient de répondre « sous 15 jours », ce en ma qualité de Conseil et pour le compte de :
- SCI JMT ayant siège [Adresse 8]
- la SELARL GRAVE RANDOUX, Mandataire Judiciaire exerçant [Adresse 3], es qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de SCI JMT, fonctions auxquelles elle a été nommée aux termes d'un jugement de liquidation judiciaire rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINT QUENTIN en date du 29.06.2020.
1°) Dans un premier temps, le Greffe m'interroge « sur les conséquences de l'application de l'article L 641-9 du Code de Commerce sur la recevabilité des conclusions de SCI JMT ».
Il ressort des dispositions de l'article L 641-9 du Code de Commerce que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le Liquidateur ».
En d'autres termes, il se pose la question de savoir si SCI JMT, agissant en vertu de ses droits propres, est habile à contester la créance déclarée par INTRUM DEBT FINANCE AG.
Il ressort d'un avis autorisé (cf. J.C. Proc. Coll. Fasc. 2392 § 238) ce qui suit :
« Il faut distinguer entre les actions tendant à contester le passif ' droit propre du débiteur- et celles tendant à recouvrer les créances ' action de nature patrimoniale qui échappe à ce dernier..».
Et c'est ainsi qu'il a été jugé (cf. CASS. COM. 18.09.2012 n° 11-17546, Juris Data n° 2012-020822) que, « si le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens par sa liquidation judiciaire a le droit propre de contester son passif, aucun droit propre ne fait échec à son dessaisissement pour l'exercice des actions tendant au recouvrement de ses créances».
En d'autres termes :
- le recouvrement des créances entre dans la seule compétence du Liquidateur Judiciaire
- la contestation d'une créance déclarée entre dans les droits propres du débiteur en liquidation judiciaire parallèlement aux pouvoirs détenus par le Liquidateur Judiciaire.
Au cas particulier, la SCI JMT entend contester la déclaration de créance faite par INTRUM DEBT FINANCE AG. SCI JMT est habile à le faire.
2°) Dans un second temps, le Greffier m'interroge « sur les conséquences de l'absence de prétentions développées par la SELARL GRAVE RANDOUX tant dans le corps que dans le dispositif de ses conclusions au regard des dispositions des articles 4 et 954 du Code de Procédure Civile ».
Il ressort effectivement de l'arrêt de la 2° Chambre Civile de la Cour de Cassation du 17.069.2020 (n° 18-23626, Juris Data n° 2020-013427) qu'il résulte des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile que, lorsque l'appelant (sic) ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la Cour d'Appel ne peut que confirmer le jugement'.
Et il est vrai que, au regard des conclusions d'intervention volontaire en appel n° 1 en date du 14.01.2021, la SELARL GRAVE RANDOUX ès qualités de Liquidateur Judiciaire de SCI JMT ne demandait pas expressément l'infirmation du jugement dont appel, puisque la SELARL GRAVE RANDOUX demandait que son intervention volontaire soit déclarée recevable et bien fondée et qu'il lui soit donné acte es qualité « de ce qu'elle entendait faire sien l'argumentaire soulevé par son administrée, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ».
Il se pose donc la question de la détermination des conséquences devant être tirées des conclusions d'intervention volontaire de la SELARL GRAVE RANDOUX dès lors que celle- ci n'a pas demandé expressément « l'infirmation » du jugement dont appel.
D'abord, il échet d'attirer l'attention sur le fait que l'arrêt de la Cour Suprême du 17.09.2020 ne concerne que l'appelant.
En effet, il ressort de la teneur de cet arrêt qu'il résulte des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile que la Cour d'Appel ne peut que confirmer le jugement lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement.
Or, la SELARL GRAVE RANDOUX n'était pas appelante du jugement dont appel, mais «intervenante volontaire » en cause d'appel.
Cet arrêt ne saurait donc la concerner ès qualités directement.
Par ailleurs, il ressort de cet arrêt que « l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du Décret n° 2017-891 du 06.05.2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ».
En d'autres termes, les déclarations d'appel antérieures au 17.09.2020 ne sauraient être concernées par cette Jurisprudence.
Or, au cas particulier, l'appel de SCI JMT est antérieur à la date du 17.09.2020, sauf erreur de ma part, dès lors que la déclaration d'appel de SCI JMT (mon document n° 24) a été glissée dans le dossier de plaidoiries qui a été remis en son temps entre les mains de la 1° Chambre Civile de la CA AMIENS.
3° ) Dans un troisième temps, il m'est demandé par le Greffier de m'expliquer « sur les conséquences de l'application combinée des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile depuis la réforme de la procédure d'appel issue du Décret n° 2017-891 du 06.05.2017 et l'arrêt de la Cour de Cassation du 17.09.2020 ».
Ce point concerne aussi bien les conclusions déposées au nom de SCI JMT que les conclusions d'intervention volontaire déposées au nom de la SELARL GRAVE RANDOUX es qualité de Liquidateur Judiciaire de SCI JMT.
En ce qui concerne les conclusions d'intervention volontaire en appel n° 1 déposées au nom de la SELARL GRAVE RANDOUX es qualités portant la date du 14.01.2021, j'y ai répondu (cf. supra).
En ce qui concerne les conclusions récapitulatives en appel (conclusions récapitulatives en appel n° 6 du 15.11.2021) déposées au nom de SCI JMT, je rappelle que, à la lecture du dispositif de ces conclusions (§1), SCI JMT a demandé expressément l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a énoncé ' ».
En d'autres termes, les prescriptions ressortant de l'arrêt de la Cour de Cassation du 17.09.2020 ont été respectées.
En d'autres termes, SCI JMT est habile à demander l'infirmation du jugement dont appel.'
La déclaration d'appel ayant été signifiée au Trésor public selon acte d'huissier déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire, conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile, il convient de statuer par décision rendue par défaut.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur l'intervention volontaire de la SELARL Grave Randoux :
Conformément aux dispositions de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dés lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni partie, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
En l'espèce, la société JMT ayant été placée en liquidation judiciaire, son liquidateur la SELARL Grave Randoux a intérêt à intervenir en la cause et son intervention volontaire doit donc être déclarée recevable.
Sur les conséquences de l'ouverture d'un procédure de liquidation judiciaire sur la recevabilité des conclusions de la société JMT, de celles de l'application des articles 4 et 954 du code de procédure civile et celle de l'application combinée des articles 542 et 954 du code de procédure civile :
Selon l'article L 641-9 du code de commerce, la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ces biens et ses droits et actions sont exercés par le liquidateur.
Par ailleurs, l'article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions d'appel contiennent, en tête, les indications prévues à l'article 961.Elle doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués, au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il résulte des dispositions de cet article que les formules telles que 'adjuger le bénéfice de ses précédente conclusions' ou 'déclare faire sienne l'argumentation de...' autrefois utilisées ne peuvent plus être employées et que dans leurs conclusions les parties doivent expressément énoncer les moyens qu'elles invoquent sans pouvoir procéder par voie de référence.
De plus, il est considéré que les 'demandes' par lesquelles il est demandé à la juridiction de 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile mais un résumé des moyens et ne doivent pas donner lieu à mention au dispositif de la décision.
Enfin, selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à la réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Depuis la réforme de la procédure d'appel issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, il est considéré ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 qu'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
Toutefois, ce même arrêt précise qu'afin de ne pas priver les parties d'un procès équitable, il ne saurait être appliqué aux déclarations d'appel antérieures au 17 septembre 2020.
En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que la SCI JMT ayant été mise en liquidation judiciaire le 29 juin 2020, cette liquidation la prive de l'administration et de la disposition de ses biens de sorte qu'elle a perdu sa capacité à agir et n'a plus qualité pour poursuivre la présente procédure.
Il en résulte que les conclusions que la SCI JMT a signifiées antérieurement à sa liquidation judiciaire le 4 mars 2020 sont devenues irrecevables et que les conclusions qu'elle a signifiées postérieurement à sa liquidation judiciaire le 15 novembre 2021 sont à plus forte raison irrecevables.
La SELARL Grave Randoux est certes volontairement intervenue en la cause mais dans le dispositif de ses conclusions, elle ne demande à la cour que de lui donner acte de ce qu'elle entend faire sien l'argumentaire soulevé par son administrée, et ce avec toutes suites et conséquences de droit et de dire et juger que son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI JMT couvre les irrégularités, nullités, caducités et autres susceptibles d'être opposées à la SCI JMT par la société Intrum Debt Finance AG, et ce avec toutes suites et conséquences de droit.
De plus, les conclusions de la SELARL Grave Randoux ne contiennent aucune discussion des prétentions et des moyens soulevés par son administrée et dans le corps de ses écritures, qui ne contiennent aucune rubrique 'discussion', elle se contente d'indiquer qu'elle entend faire sien l'argumentaire de son administrée alors de surcroît que cet argumentaire est développé dans des conclusions irrecevables.
En application de l'article 659 du code de procédure civile, ces conclusions de la SELARL Grave Randoux ne saisissent la cour d'aucune demande sur laquelle elle doit statuer.
En outre, la demande tendant à dire et juger que son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI JMT couvre les irrégularités, nullités, caducités et autres susceptibles d'être opposées à la SCI JMT par la société Intrum Debt Finance AG, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ne constitue pas une prétention sur laquelle il doit être statué.
Au demeurant quand bien même 'cette demande' aurait pu constituer une prétention, il sera observé qu'elle ne fait l'objet du développement d'aucun moyen dans le corps des conclusions où elle n'est pas abordée.
Nonobstant le fait qu'il ne peut être fait grief à la SELARL Grave Randoux ès qualités de ne pas avoir demandé ni l'infirmation ni l'annulation du jugement dans ses conclusions dès lors que la déclaration d'appel est antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020 précité, il ne peut être statué que sur les seules demandes saisissant la cour, soit celles émanant de la société Intrum Debt Finance AG.
Sur la nullité de l'assignation à jour fixe :
Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir à peine de nullité l'objet de la demande et un exposé des moyens en fait et en droit.
Par ailleurs, il résulte de l'article 114 du code de procédure civile qu'une irrégularité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
Selon les articles 117 et 119 du code de procédure civile, seules constituent des irrégularités de fond pouvant être invoquées sans rapporter la preuve d'un grief :
- le défaut de capacité d'agir en justice,
- le défaut de pouvoir d'une des parties figurant au procès comme représentant soit une personne morale, soit une personne atteinte d'une incapacité d'exercice,
- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que la société Intrum Debt Finance AG invoque à juste titre que l'assignation à jour fixe qui lui a été délivrée énumère les prétentions de la société JMT sans exposer son argumentation et qu'en outre, cette assignation lui a été délivrée le 29 avril 2020 alors que l'ordonnance ayant autorisé son assignation à jour fixe avait prévu que l'assignation devait être délivrée au plus tard avant le 12 mars 2020.
Le non-respect d'un délai imparti pour assigner ne constitue pas une irrégularité de fond énuméré par l'article 117 précité dont la liste est limitative. Il s'analyse en une irrégularité de forme, de même que le défaut de motivation de l'assignation invoqué.
Ces deux irrégularités de forme n'ont manifestement causé à la société Intrum Debt Finance AG aucun grief dès lors que la société JMT a ultérieurement explicité son argumentation par de longues conclusions auxquelles la société Intrum Debt Finance AG a été en mesure de répondre.
Dès lors la demande de nullité de l'assignation formée par la société Intrum Debt Finance AG doit être rejetée.
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
L'article 919 du code de procédure civile dispose que la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe doit être présentée au premier président au plus tard 8 jours après la déclaration d'appel.
Toutefois, en application de cet article, il est considéré :
- que le non-respect de ce délai ne peut être sanctionné que par le refus du premier président d'autoriser l'assignation ;
- que le premier président, peut, sans recours et au mépris des exigences de l'article 919, faire droit à une requête présentée au-delà du délai de 8 jours.
Par ailleurs, il résulte de l'article 918 du code de procédure civile que la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe doit notamment contenir les conclusions sur le fond.
En outre, l'article R 322 -19 énonce notamment que le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe.
En application des articles 918 et R 322 -19 précités, il est considéré que l'appel d'un jugement d'orientation est irrecevable dès lors que la requête aux fins d'autorisation à jour fixe ne contient pas les conclusions sur le fond de l'appelant.
En l'espèce, la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe datée du 27 février 2020, jour de l'appel, a été enregistrée au RPVA par le greffe le 3 mars 2020 de sorte qu'elle a été déposée dans le délai de 8 jours imparti.
Il est cependant constant que la requête de la société JMT ne contient pas ses conclusions sur le fond ni un exposé sommaire des prétentions que la société JMT avait présenté en première instance et n'indique même pas qu'elle entend développer devant la cour la même argumentation qu'en première instance.
Il s'ensuit que la requête litigieuse ne saurait être considérée comme valant conclusions et l'appel de la société JMT doit donc être considéré comme irrecevable.
Sur la demande de fixation de la créance en tant que de besoin formée par la société Intrum Debt Finance AG :
Le premier juge n'ayant pas prononcé de condamnation à l'encontre de la société JMT au titre de la créance de la société Intrum Debt Finance AG mais simplement constaté cette créance, ce qui est assimilable à une fixation de la créance, il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a constaté le montant de la créance et de procéder à une fixation de cette créance.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
S'agissant d'une procédure de saisie immobilière, le premier juge a justement estimé que les dépens de première instance devaient être employés en frais privilégiés de partage et il convient de dire que les dépens d'appel seront également employés en frais privilégiés de vente en ce compris les frais de commandement, de procès verbal descriptifs et de diagnostics techniques de l'immeuble.
L'équité commandant de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de rejeter les demandes formées à ce titre pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il en a fait de même pour la procédure de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort:
Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL Grave Randoux ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI JMT ;
Déclare irrecevable l'appel formé par la SCI JMT ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Dit que les dépens d'appel en ce compris les frais de commandement, de procès verbal descriptifs et de diagnostics techniques de l'immeuble seront employés en frais privilégiés de vente.
LA GREFFIEREP/LA PRESIDENTE
EMPECHEE