ARRET
N° 536
Etablissement Public FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA)
C/
Société [7]
CPAM DE LA SOMME
EW
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 07 JUILLET 2022
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N° RG 20/04778 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3WT
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 31 août 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Etablissement Public FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA) subrogé dans les droits de Monsieur [G] [J]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée et plaidant par Me Mario CALIFANO de l'ASSOCIATION CALIFANO-BAREGE-BERTIN, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0172
ET :
INTIMES
Société [7]
M.P : Monsieur [G] [J]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Non-comparante, non-représentée
Avisé de l'audience par renvoi contradictoire ordonné à l'audience du 21 octobre 2021
Ayant pour avocat Me Chantal BONNARD, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE LA SOMME
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Mme LESOBRE, dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 24 Mars 2022 devant Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
Le prononcé de la décision initialement prévu au 21 juin 2022 a été prorogé, après avis aux parties, au 07 juillet 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 31 août 2020 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens, statuant dans le litige opposant le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) à la société [7], en présence de la CPAM de la Somme, a:
- dit que la maladie professionnelle du 18 juillet 2016 de Monsieur [G] [J], prise en charge par la CPAM de la Somme, est due à la faute inexcusable de la société [7],
- fixé au taux maximum la majoration de l'indemnité en capital, ou, le cas échéant, de la rente servie à Monsieur [G] [J]
- fixé la réparation des préjudices de Monsieur [G] [J] aux sommes suivantes:
souffrances endurées:15200,00 euros,
préjudice moral: 30000,00 euros,
- dit que la CPAM de la Somme versera ces indemnités au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) , subrogé dans les droits de Monsieur [G] [J],
- dit que la CPAM de la Somme pourra récupérer auprès de la société [7] les sommes mises à sa charge à raison de la faute inexcusable de cette dernière et immédiatement le capital représentatif de la majoration de rente,
- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamné la société [7] à payer au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la société [7] aux dépens de l'instance,
Vu l'appel de ce jugement relevé le 17 septembre 2020 par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA)
Vu les conclusions visées le 24 mars 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ( FIVA) prie la cour de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) présentées au titre de la majoration de rente de Monsieur [G] [J], et des préjudices esthétique et d'agrément,
et statuant à nouveau sur ce point,
- juger que la majoration de la rente servie à Monsieur [G] [J] devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de la victime, en cas d'aggravation de son état de santé,
- juger qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,
- fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [G] [J] comme suit:
préjudice moral:30000,00 euros,
souffrances physiques: 15200,00 euros,
préjudice d'agrément:15200,00 euros,
préjudice esthétique:1000,00 euros,
TOTAL: 61400,00 euros,
- juger que la CPAM de la Somme devra verser cette somme au FIVA , créancier subrogé, en application de l'article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,
y ajoutant,
- condamner la société [7] à payer au FIVA une somme de 2000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile,
Vu les conclusions visées le 24 mars 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de la Somme prie la cour de:
- dire que l'appel du FIVA ne porte que sur la majoration de rente et sur l'indemnisation du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique,
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes du FIVA,
Vu la non représentation à l'audience de la société [7], bien que régulièrement avisée de celle-ci par renvoi contradictoire ordonné à l'audience du 21 octobre 2021,
***
SUR CE LA COUR,
La CPAM de la Somme a été destinataire d'une déclaration de maladie professionnelle effectuée le 28 juin 2016 par Monsieur [G] [J], ancien salarié de la société [7] en qualité de monteur, faisant état d'un «'carcinome épidermoïde lobaire supérieur droit'», constatée par certificat médical initial relevant un «'carcinome épidermoïde primitif lié à l'amiante'».
Après instruction et avis du CRRMP de Tourcoing Hauts de France, la CPAM de la Somme a notifié par courrier en date du 7 avril 2017 à Monsieur [G] [J] une décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles': cancer broncho pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante.
La date de consolidation de l'état de santé de Monsieur [G] [J] a été fixée au 19 juillet 2016, et un taux d'incapacité permanente partielle de 67% a été fixé par le médecin conseil pour l'indemnisation des séquelles résultant de la pathologie.
A la suite de cette décision, le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ( FIVA)a versé à Monsieur [G] [J] une indemnisation en réparation de l'ensemble de ses préjudices en lien avec l'amiante.
Le FIVA, en sa qualité de subrogé dans les droits de Monsieur [G] [J] a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Amiens d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de la société [7].
Par jugement rendu le 31 août 2020, le tribunal judiciaire d'Amiens, devenu compétent pour connaître du litige, a':
- reconnu la faute inexcusable de la société [7],
- fixé au maximum la majoration de rente servie à Monsieur [G] [J],
- fixé le préjudice moral et les souffrances endurées par celui-ci ,
- dit que la CPAM de la Somme devra verser ces indemnités au FIVA en sa qualité de subrogé dans les droits de Monsieur [G] [J], et que la CPAM de la Somme pourra récupérer auprès de l'employeur les sommes mises à sa charge en raison de sa faute inexcusable, ainsi que le capital représentatif de la majoration de rente,
- rejeté les demandes faites au titre du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément.
Le FIVA conclut à l'infirmation du jugement déféré s'agissant de l'évolution de la majoration de rente de Monsieur [G] [J] ainsi que du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique.
Il demande à la cour de dire que la majoration de la rente servie à Monsieur [G] [J] devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de la victime, en cas d'aggravation de son état de santé, et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.
Il sollicite par ailleurs l'indemnisation du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique subis par Monsieur [G] [J] suivant les montants repris au dispositif de ses écritures.
La CPAM de la Somme s'en rapporte à l'appréciation de la Cour s'agissant des demandes du FIVA.
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Aux termes de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à ce dernier la réparation de son préjudice d'agrément si elle justifie de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie, de ses souffrances physiques et morales non déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, de son préjudice esthétique, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités professionnelles, qu'elle peut également être indemnisée d'autres chefs de préjudice à la condition qu'ils ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale tels que notamment le préjudice sexuel, le besoin d'assistance par une tierce personne avant consolidation, le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, et les préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents de la victime tel que celui résultant de la nécessité pour la victime d'adapter son logement ou son véhicule à son handicap voire même de la nécessité pour elle de se procurer un nouveau logement ou un nouveau véhicule adaptés à ce handicap.
- Sur la majoration de la rente :
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a , par application de l'article L452-2, fixé au taux maximum le majoration de l'indemnité en capital ou , le cas échéant, de la rente servie à Monsieur [G] [J].
En revanche et par infirmation de la décision déférée ayant rejeté la demande du FIVA sur ce point, la cour dira que la majoration de la rente servie à Monsieur [G] [J] devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de la victime, en cas d'aggravation de son état de santé, et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.
- Sur le préjudice d'agrément:
Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
Ce préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure.
En l'espèce, le certificat médical établi le 1 er juin 2017 par le docteur [H] indique , s'agissant de Monsieur [G] [J] :'»....il continue à faire régulièrement de l'exercice, de la marche, du vélo d'appartement, de l'élliptique...'»
En considération de cet avis médical, non remis en cause par le courrier établi par Monsieur [G] [J] lui-même et en l'absence d'autre élément, le préjudice d'agrément invoqué n'est pas établi.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande faite de ce chef par le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [G] [J].
- Sur le préjudice esthétique :
Le FIVA fait valoir à l'appui de la demande d'indemnisation de ce poste de préjudice que Monsieur [G] [J], suite à son intervention chirurgicale, présente une cicatrice de quelques centimètres au niveau dorso-latéral droit.
En l'absence toutefois de toute pièce de nature à justifier de ce préjudice, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande faite sur ce point.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'équité.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du FIVA l'ensemble des frais irrépétibles exposés en appel.
La société [7] sera condamnée à lui verser une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le surplus des demandes faites sur ce fondement sera rejeté.
- Sur les dépens :
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante , conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
'
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision déférée excepté du chef de l'évolution de la majoration de la rente,
STATUANT A NOUVEAU de ce seul chef,
DIT que la majoration de la rente servie à Monsieur [G] [J] devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de la victime, en cas d'aggravation de son état de santé,
DIT qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,
DEBOUTE le FIVA de ses demandes contraires,
CONDAMNE la société [7] aux dépens.
CONDAMNE la société [7] à payer au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ( FIVA) une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel
Le Greffier,Le Président,