ARRET
N°
[X]
C/
[G]
VA/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TREIZE SEPTEMBRE
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/06561 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HPA2
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERONNE DU VINGT SEPT MAI DEUX MILLE DIX NEUF
PARTIES EN CAUSE :
Madame [W] [X]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me MANDONNET substituant Me Maëva PAINEAU de la SELARL PAINEAU MAÉVA, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANTE
ET
Monsieur [E] [G]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Christian ALARY, avocat au barreau D'AMIENS
INTIME
DEBATS :
A l'audience publique du 14 juin 2022, l'affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 13 septembre 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
Le 24 février 2016, en exécution d'un devis accepté, M. [E] [G], artisan, exerçant sous l'enseigne 'Chauffage-Sanitaire [E] [G]' a procédé à la pose d' une nouvelle chaudière à condensation à gaz naturel avec production d'eau chaude, de type 'ELM Leblanc Mégalis GVA C 21-5M', avec raccordement, nettoyage et traitement de l'installation, au domicile de Mme [W] [X], [Adresse 5] (80).
Mme [X] s'est plainte de dysfonctionnements répétés du sytème de production d'eau chaude : coupures, lenteur d'arrivée, irruption d'eau froide.
Ces plaintes se sont formalisées dans un message du 12 janvier 2018, puis dans premier courrier du 12 février 2018, puis un autre du 12 mars 2018.
M. [G] a procédé en mars 2018, selon facture du 14 mars 2018, à un 'vidage complet du circuit, remplissage avec nettoyant X400, vidange du circuit et remplissage avec produit inhibiteur X100", pour un coût de 496, 28 € TTC, facture non réglée.
Le 17 mai 2018, M. [G] a reconnu que le désembouage n'avait pas résolu le problème et que 'votre installation s'avérait beaucoup plus encrassée qu'on ne l'aurait pensé', ce qui n'est de la faute de personne, précise-t-il, et a proposé un nouveau nettoyage du circuit.
Mme [X] a saisi le tribunal d'instance de Péronne le 2 mai 2018 de diverses demandes de dommages et intérêts.
Par jugement du 27 mai 2019, dont Mme [X] a relevé appel, le tribunal l'a déboutée de ses demandes au motif qu'elle ne produisait 'aucune pièce démontrant la responsabilité de l'entreprise dans les dysfonctionnements apparus plus d'un an après l'installation'.
Elle a fait réaliser divers devis, notamment un devis de désembouage par la société propriétaire de la marque ELM Leblanc pour un montant de 1750, 93 € TTC.
Mme [X] a également provoqué une réunion d'expertise amiable contradictoire, menée par Mme [Z] du Cabinet Polyexpert d'Amiens, le 30 octobre 2019, réunion pour laquelle M. [G] et son expert annoncé ont manqué, faute d'avoir pu obtenir le report du rendez-vous, laquelle visite a confirmé les dysfonctionnements tels que les décrit Mme [X] et leur cause hautement probable, à savoir 'un embouage de l'installation à l'origine d'un encrassement de l'échangeur à plaque et du corps de chauffe'.
La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.
Vu les conclusions n° 5 notifiées par Mme [X] le 4 octobre 2021 visant à l'infirmation du jugement, à la reconnaissance d'un vice caché, à la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 4 933, 23 € contre la récupération de la chaudière, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter des 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir.
A titre subsidiaire, elle estime que M. [G] a engagé sa responsabilité contractuelle et doit être condamné à lui payer la somme de 1 750, 93 € au titre des travaux de reprise à effectuer sur la chaudière (devis ELM Leblanc).
En tout état de cause, il y aurait lieu d'annuler la facture de 496, 28 € et de condamner l'artisan à la somme de 1 500 € de dommages et intérêts 'toute cause de préjudice confondue'.
Vu les conclusions n° 3 notifiées par M. [G] le 27 novembre 2021 sollicitant la confirmation du jugement et estimant irrecevable en tout cas mal fondée, la demande nouvelle en responsabilité contractuelle.
L'instruction a été clôturée le 4 mai 2022.
MOTIFS
Mme [X] fonde sa demande spécialement sur la garantie des vices cachés à laquelle le vendeur est tenu en application de l'article 1641 du code civil et subsidiairement sur la responsabilité contractuelle de l'artisan.
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147), 'le débiteur est condamné, s'il ya lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'inexécution a été empêchée par la force majeure'.
La responsabilité contractuelle peut être invoquée pour la première fois en appel en nouveau soutien de demandes relatives à une mauvaise exécution alléguée d'un contrat.
La cour dispose de quatre avis sur les dysfonctionnements dont Mme [X] se plaint quant à la distribution de l'eau chaude.
M. [G] a procédé à deux nettoyages du circuit, un premier était dans la facture initiale pour 42, 37 € , un second plus sérieux a été fait après les première réclamation de Mme [X], selon facture du 11 janvier 2018, pour un montant de 496, 28 €, sans résorber tout le problème.
Dans son courriel du 17 mai 2018, M. [G] a reconnu que le (second) désembouage n'avait pas résolu le problème et que l'installation s'avérait 'beaucoup plus encrassée qu'on ne l'aurait pensé', ce qui n'est de la faute de personne, précise-t-il, et a proposé un nouveau nettoyage du circuit.
Contrairement à ce que ce soutient M. [G] dans ses conclusions -qui ne cite qu'une partie du texte-, les dysfonctionnements dénoncés par Mme [X] ont été confirmés par le cabinet Polyexpert (Mme [Z]) pour les lavabos de l'évier et de la salle de bains, mais pas pour la douche, laquelle bénéficie d' un robinet thermostatique.
Elle pointe la même cause que M. [G]: un embouage de l'installation à l'origine d'un encrassement de l'échangeur à plaque et du corps de chauffe (page 7). Elle estime que le devis ELM Leblanc du 3 juillet 2020 (1750, 93 € TTC) est adapté.
La cour retiendra ce montant (1750 €) comme montant du préjudice à réparer le cas échéant.
Le technicien mandaté par M. [G], M. [T], du cabinet Sedwick, qui a fait sa visite 'en passage séparé' le 21 novembre 2018, -la partie adverse ayant refusé le report du rendez-vous pour une visite contradictoire-, a trouvé normal le fonctionnement de l'eau chaude au robinet de la cuisine, sans essayer au lavabo de la salle de bains ni de la douche, et n'a pas creusé, en conséquence, la cause des dysfonctionnements allégués (pièce [G] 27).
Pourtant ceux-ci avaient été admis par M. [G] lui-même. Cet avis est de peu de poids.
Le technincien envoyé par ELM Leblanc, M. [F] [C], a fait des préconisations proches de celles de Mme [Z]: 'désembouage du circuit (1 journée de travail), pose d' un pot anti-boues, échangeur à plaques à changer, échangeur thermique à remplacer (ou corps de chauffe) celui en place étant déformé' (pièce [X] 21 et 22).
Ils sont également corroborés par plusieurs témoignages de proches de Mme [X] (attestations [K], [N], [H]).
La cour tient donc pour acquis ces dysfonctionnements.
Elle tient également pour acquis ces trois analyses convergentes (encrassement de l'installation, désembouage insuffisant avec ses conséquences) qui engagent la responsabilité contractuelle du professionnel. Il ne s'agit donc pas d'un vice caché inhérent à la chaudière. Ce fondement est inadapté.
Normalement, le remplacement d'une chaudière, spécialement d'une chaudière à condensation, doit être précédé par un désembouage du circuit de l'installation, ou, tout au moins, par un examen de son opportunité (pièce [X] 27 et 28). En l'espèce, M. [G] a facturé un désembouage léger sans s'assurer de sa suffisance.
La cause des dysfonctionnements est donc double: d'une part un encrassement exceptionnel de l'installation de Mme [X] et un examen trop léger suivi d'un désembouage trop superficiel par M. [G] avant la pose de la nouvelle chaudière.
Le plombier, professionnel, doit veiller à ce que les équipements qu'il installe fonctionnent normalement. Dans ce cadre, il prend et accepte l'installation existante sur laquelle il connecte le nouvel équipement en l'état où elle se trouve. L'embouage du réseau n'était pas imprévisible puisqu'il en a envisagé le principe. Il devait s'assurer de sa mesure véritable.
Il convient donc d'admettre une responsabilité contractuelle de l'entreprise et d'accorder à Mme [X] la somme de 1750 € à titre de dommages et intérêts.
M. [G] sera condamné à cette sommme.
Il n'y a pas lieu d''annuler la facture' de 496, 28 € dont le paiement n'a pas été réclamé, ni avant ni pendant la présente procédure, M. [G] renonçant manifestement à son recouvrement au regard de l'inefficacité du second désembouage.
Les dysfonctionnements sont relativement mineurs et n'ont pas ouvert à d'autres préjudices, lequels ne sont pas circonstanciés. La demande de dommages et intérêts complémentaires sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Péronne le 27 mai 2019,
Déclare recevable le moyen tiré de la responsabilité contractuelle invoqué en appel,
Dit que M. [E] [G], artisan, a engagé sa responsabilité contractuelle,
Condamne M. [E] [G] à payer la somme de 1750 € de dommages et intérêts à Mme [W] [X],
Déboute Mme [W] [X] de ses autres demandes,
Condamne M. [E] [G] aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 1 200 € à Mme [W] [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT