ARRET
N°
Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT - OPAC DE L'OISE
C/
[O]
VA/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TREIZE SEPTEMBRE
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01067 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAKD
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE COMPIEGNE DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT - OPAC DE L'OISE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Renaud DEVILLERS, avocat au barreau de BEAUVAIS
APPELANTE
ET
Madame [P] [O]
née le 15 Janvier 1993 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Maureen PUPIN, avocat au barreau D'AMIENS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011296 du 02/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)
INTIMEE
DEBATS :
A l'audience publique du 14 juin 2022, l'affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 13 septembre 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
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DECISION :
Par contrat daté du 14 février 2019, l'établissement public Office public de l'habitat-Opac de l'Oise (l'Opac) a donné à bail à Mme [P] [O] un logement social situé [Adresse 5] (60) pour un loyer mensuel de 380,57 €.
Mme [O] vivait avec M. [T] [S], le couple ayant trois puis quatre enfants.
M. [S] a notamment été condamné, entre autres infractions, par jugement du tribunal correctionnel de Compiègne du 22 septembre 2022, à la peine de quatre mois d'emprisonnement pour avoir le 16 novembre 2019 détruit la serrure d'un garage appartenant au gardien de l'immeuble, M. [F], et pour avoir tiré sur une vitre et un volet du logement de celui-ci avec un pistolet Airsoft; le lendemain, 17 novembre 2019.
Le 2 décembre 2019, le bailleur a demandé à Mme [O] de déménager et lui a proposé un autre logement dans une autre localité, à [Localité 9], ce qu'elle a refusé.
Deux autres offres ont été formalisées le 14 janvier 2020, à [Localité 8] et à [Localité 7], également refusées.
Mme [O] a écrit à son bailleur, selon lettre reçue le 13 janvier 2020, pour lui indiquer, outre le fait qu'elle est mère de trois enfants et enceinte du quatrième, que son compagnon avait quitté le logement et qu 'il n'habitera plus jamais avec nous'.
Par acte du 17 novembre 2019, l'Opac a fait assigner Mme [O] en résiliation de son bail pour atteinte à la jouissance paisible des lieux loués et expulsion.
Par jugement du 13 novembre 2021, dont l'Opac a relevé appel, le tribunal judiciaire de Compiègne a débouté 'en l'état' l'Opac de ses demandes et l'a condamné à la somme de 150 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en observant qu'il n'y avait pas eu de nouveaux troubles depuis les évènmemnts des 16 et 17 novembre 2019.
La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.
Vu les conclusions d'appelant responsives n° 4 notifiées par l'Opac le 27 janvier 2022 visant à l'infirmation du jugement et reprenant les demandes faites par l'établissement public en première instance.
Vu les conclusions d'intimé n° 2 notifiées par Mme [O] le 17 janvier 2022 sollicitant la confirmation pure et simple du jugement.
L'instruction a été clôturée le 2 mars 2022.
MOTIFS
Selon l'article 1728 du code civil et selon l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est notamment tenu d'user paisiblement de la chose louée à peine, indique l'article 1729 du code civil, de résiliation de son bail et d'engager sa responsabilité civile.
Il est de jurisprudence constante, sur le fondement des articles 1728 et 1729 du code civil, et de l'article 7, que les juges du fond sont souverains pour apprécier si la ou les fautes reprochées au preneur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du bail, et que la situation s'apprécie lorsque le juge statue.
Par ailleurs, le comportement du ou des locataires par rapport aux autres locataires doit s'apprécier in concreto, en fonction des attentes raisonnables que les voisins peuvent avoir les uns envers les autres et de la configuration des lieux.
Il est également constant en jurisprudence que le locataire répond des personnes qui vivent dans les lieux avec son consentement, notamment des personnes de sa famille (Civ.3e, 17 décembre 2020, arrêt n° 942, cité par l'Opac, pour des violences commises par le fils de la locataire contre un agent du bailleur hors des lieux loués).
L'action est donc parfaitement fondée en son principe.
Il n'est pas contesté que M. [S] a été le concubin de Mme [O] qui le présente comme 'le père de (ses) enfants' ce qui correspond au nom de famille des quatre enfants. Il n'est pas contesté non plus, ce qui ressort de plusieurs pièces versées aux débats, que celui-ci est fragile, impulsif et/ou perturbé psychologiquement. Un an auparavant, le 30 octobre 2018, il agressait et rouait de coup un homme qui s'interposait dans un différend entre lui et un voisin, faits pour lesquels il sera condamné quelques jours plus tard à une peine de huit mois d'emprisonnement (pièce 9).
M. [S] a donc été condamné, entre autres infractions, par jugement du tribunal correctionnel de Compiègne du 22 septembre 2022, à la peine de quatre mois d'emprisonnement pour avoir le 16 novembre 2019 détruit la serrure d'un garage appartenant au gardien de l'immeuble, M. [F], et pour avoir tiré sur une vitre et sur un volet de son logement avec un pistolet Airsoft le lendemain, 17 novembre 2019 (pièce 18).
Selon une 'fiche prévention', le sur-lendemain, 19 novembre 2019, il a mis de la colle super-glue dans la serrure de la porte coupe-feu qui donne accès au local d'entretien utilisé par le gardien.
Il est donc parfaitement légitime que l'Opac cherche à protéger son gardien et à assurer la tranquillité de l'immeuble en éloignant M. [S].
Toutefois, comme l'a relevé le premier juge de façon décisive, plus aucun incident n'est à signaler depuis les faits de novembre 2019 et M. [S] n'habite plus avec Mme [O]. Celle-ci affirme sans être contredite avoir rompu avec lui et avoir de bonnes relations de voisinage et aucune faute personnelle ne lui est reprochée.
Elle a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de Compiègne qui a organisé la séparation par jugement du 6 avril 2021 lui confiant l'autorité parentale exclusive sur les quatre enfants du couple (sa pièce 6).
M. [F], le gardien de l'immeuble agressé les 16 et 17 novembre 2019, atteste de ce que M. [S], en véhicule Kangoo, revient 'les week-end' et 'dernièrement' le week-end du 27-28 novembre 2021, outre que Mme [O] aurait fait des confidences à une voisine selon lesquelles elle attendait de lui un 5e enfant (pièce Opac 24 nouvelle en appel).
Il n'est pas allégué que ces quelques visites soient émaillées d'incidents ou de menaces.
Il est permis de conclure qu'il n'y plus de motif suffisant actuel pour prononcer la résiliation du bail au regard de l'attention que mérite la situation personnelle de Mme [O].
Le jugement sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Compiègne le 21 janvier 2021,
Condamne l'établissement public Office public de l'habitat-Opac de l'Oise aux dépens d'appel,
Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT