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18/11/2022 | FRANCE | N°22/01048

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Tarification, 18 novembre 2022, 22/01048


ARRET

N° 252





S.A.S. [5]





C/



Organisme CRAMIF













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 18 NOVEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 22/01048 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILYO



Décision de la CRAMIF EN DATE DU 03 février 2022





PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





La société [5] (SAS), pri

se en son établissement sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]





Représentée et plaidant par Me SOFIANOS, avocat au barreau de PARIS substituant Me ...

ARRET

N° 252

S.A.S. [5]

C/

Organisme CRAMIF

COUR D'APPEL D'AMIENS

TARIFICATION

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 22/01048 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILYO

Décision de la CRAMIF EN DATE DU 03 février 2022

PARTIES EN CAUSE :

DEMANDEUR

La société [5] (SAS), prise en son établissement sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et plaidant par Me SOFIANOS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON

ET :

DÉFENDEUR

La CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ÎLE-DE-FRANCE (CRAMIF), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant par Mme [P] [T] dûment mandatée

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Juin 2022, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président assisté de Mme Véronique OUTREBON et Mme Andréa ANSEL, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.

Monsieur [B] [Z] a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 18 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey VANHUSE

PRONONCÉ :

Le 18 Novembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Renaud DELOFFRE, Président et Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 10 janvier 2019, un agent du service prévention des Risques Professionnels de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie d'île-de-France (CRAMIF) a effectué une visite des locaux de la société [5] à [Localité 6] et a constaté que les salariés étaient exposés à des risques liés aux manutentions lourdes ou répétitives, à l'amiante et aux agents CMR et aux risques liés aux circulations.

A la suite des constatations ainsi effectuées, et conformément à l'article 11 de l'arrêté du 9 décembre 2010, la CRAMIF a notifié à la société [5], une injonction le 21 janvier 2019 lui demandant de réaliser des mesures de prévention concernant ces 3 risques respectivement dans un délai de 1 mois, 6 mois et 2 mois.

Les mesures à prendre au titre de l'injonction portant sur les risques lié aux agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, restant seuls en litige, s'établissaient comme suit':

RISQUE LIE AUX AGENTS CANCEROGENES, MUTAGENES ET TOXIQUES POUR LA REPRODUCTION (CMR) Délai : 6 mois

MESURES A PRENDRE

Prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

Rechercher des mesures de prévention collectives. Les équipements de protection individuelle (EPI), notamment les masques de protection respiratoire, ne sont acceptables que pour les opérations ponctuelles, ou en mesure provisoire avant l'installation de protections collectives.

POSSIBILITES TECHNIQUES

Capter les poussières de bois au plus près de leur point d'émission en équipant, par exemple, les tables de réparation d'un captage en partie basse et en partie arrière relié à une centrale d'aspiration.

Le rejet de l'air vicié se fera à l'extérieur des bâtiments. Le groupe aspirant sera positionné, si possible à l'extérieur sinon dans un local technique. L'installation de ventilation ne doit pas augmenter le niveau sonore dans l'atelier (Le niveau sonore de l'aspiration seule en fonctionnement devra rester inférieur à 75dB(A) au poste de travail). Les équipements sélectionnés seront compatibles avec la réglementation ATEX.

Ou tout autre moyen d'efficacité au moins équivalente. Celui-ci devra être présenté à la CRAMIF avant toute mise en oeuvre.

Par courrier du 18 février 2019, la société [5] a déclaré à la CRAMIF que les mesures étaient réalisées puisque les salariés utilisaient des masques à ventilation d'air assistée et que les mesures d'empoussièrement étaient conformes au valeurs-limites recommandés.

Par courrier du 11 avril 2019, la CRAMIF a répondu à la société [5] que les mesures prescrites par injonction n'étaient pas réalisées.

Ce courrier rappelait que l'injonction demandait la mise en oeuvre de mesures de protection collective notamment un captage des poussières de bois à la source.

Par courrier du 14 octobre 2019, la CRAMIF a rappelé à la société [5] la nécessité de la mise en place de mesures de protection collective.'

Après l'écoulement des délais impartis, les visites de contrôle réalisées les 26 novembre 2019, 14 janvier 2020 et 17 février 2021 ont montré, selon la CRAMIF, la persistance des risques liés à l'amiante et aux agents CMR.

Par courrier du 16 mars 2021, la CRAMIF a relevé que les salariés étaient toujours exposés à l'inhalation de poussières de bois et précisé à la société [5] qu'elle ne peut s'exonérer de la réalisation des mesures de protection collective visées par l'injonction même si le matériel utilisé pour la découpe du bois engendre moins de poussières et malgré l'utilisation d'équipement individuel de protection par ses salariés.

Elle lui demandait en conséquence de prendre toutes mesures appropriées pour limiter les risques dans les plus brefs délais et notamment celles prescrites dans l'injonction et elle lui indiquait qu'elle transmettait son dossier à la Commission Paritaire Permanente de Tarification pour solliciter son avis sur l'imposition d'une cotisation supplémentaire.

Par courrier du 21 mai 2021, la société [5] a indiqué à la CRAMIF que le risque d'exposition des salariés aux poussières de bois était maitrisé compte tenu des mesures de prévention mises en oeuvres (EPI, nouveau matériel de découpe) et des mesures réalisées par l'APAVE concernant l'exposition des salariés aux poussières de bois.

Par courrier du 29 juin 2021, la CRAMIF a précisé à la société [5] que même si les niveaux d'exposition aux poussières de bois avaient diminué, les résultats des mesures mettent en évidence des niveaux de poussières de bois compris entre 43 et 72 % de la VLEP , que le risque reste élevé s'agissant d'un agent cancérogène et que les mesures de protection collective restent les plus efficaces pour réduire le risque d'exposition des salariés au niveau le plus bas possible.

La Commission Paritaire Permanente (CPP) s'est réunie le 29 septembre 2021 et a décidé de l'imposition d'une cotisation supplémentaire de 25% à effet du 10 janvier 2019, avec une majoration de la cotisation supplémentaire portée à 50% à compter du ler avril 2020 et de la majoration à 200% à compter du 10 janvier 2019 en cas de non réalisation des mesures prescrites.

Par courrier du 8 octobre 2021, la CRAMIF informait la société de la décision d'imposition de la cotisation supplémentaire à 25% à compter du 10 janvier 2019 en application de l'arrêté du 9 décembre 2010 et l'informait également du caractère automatique de la majoration à 50% à compter du ler avril 2020 et de la majoration à 200% au-delà d'un nouveau délai de 6 mois en cas de non réalisation des mesures prescrites et qu'elle devait informer la Caisse par courrier recommandé de la mise en oeuvre des mesures figurant dans l'injonction du 21 janvier 2019.

Par courrier du 6 décembre 2021, la société [5] a adressé à la CRAMIF un recours gracieux à l'encontre de cette décision de majoration de cotisation supplémentaire de 25%

Par courrier du 3 février 2022, la CRAMIF l'a informée du rejet de cette demande de recours gracieux compte tenu de la non réalisation des mesures prescrites et le constat de la persistance des risques graves après la nouvelle visite de contrôle en date du 12 janvier 2022.

La société [5] a, par acte délivré le 23 février 2022, assigné la CRAMIF à l'audience du 17 juin 2022 pour demander à la Cour d'annuler la décision du 8 octobre 2021 majorant son taux de cotisations de 25% à effet du 10 janvier 2019 et de juger que la cotisation supplémentaire devait cesser d'avoir effet à compter du 21 février 2021 date de constatation par la CRAMIF de la réalisation de l'injonction du 21 janvier 2019.

A l'audience du 17 juin 2022, elle soutient par avocat ses conclusions récapitulatives enregistrées par le greffe à la date du 17 juin 2022 et par lesquelles elle réitère les prétentions résultant de son acte introductif d'instance.

Elle fait en substance valoir ce qui suit':

L'exposition aux poussières de bois ne concerne qu'un nombre très faible de salariés.

Seuls les postes de réparation des palettes sont concernés. Ces travaux sont réalisés dans un atelier, qui est aéré.

Des restrictions d'accès à cet atelier sont en vigueur afin de limiter le nombre de salariés exposés.

A la suite d'une visite réalisée par un agent du service de prévention des risques professionnels de la CRAMIF, une injonction était adressée à la société [5].

Il était notamment constaté dans cet atelier l'existence de risques liés à l'émission de poussières de bois.

Il était alors demandé à l'employeur la réalisation de la mesure suivante :

« Prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

Rechercher des mesures de prévention collectives. Les équipements de protection individuel (EPO, notamment les masques de protection respiratoire, ne sont acceptables que pour les opérations ponctuelles, ou en mesure provisoire avant l'installation de protections collectives. »

Pièce n° 1 : avertissement de la CRAMIF en date du 21 janvier 2019

Lorsque l'employeur fait l'objet d'une telle injonction, il risque une cotisation supplémentaire s'il ne respecte pas les mesures de prévention prescrites.

Saisie du bien fondé de la cotisation supplémentaire du 8 octobre 2021, la question posée à la juridiction est donc uniquement de savoir si la société a respecté la mesure de prévention suivante :

« Prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

Rechercher des mesures de prévention collectives. Les équipements de protection individuel (EPO, notamment les masques de protection respiratoire, ne sont acceptables que pour les opérations ponctuelles, ou en mesure provisoire avant l'installation de protections collectives. »

Il sera constaté que cette injonction ne prescrit pas la suppression du risque mais uniquement sa réduction par des mesures de prévention collective, sans utilisation d'ÉPI.

Or, a été mis en place par l'employeur un système de nettoyage par aspiration.

Sur le site concerné un aspirateur munis de filtres à haute efficacité est utilisé pour le nettoyage.

L'utilisation des balais est formellement interdite.

Également, les machines utilisées ont fait l'objet d'amélioration afin, encore une fois, de limiter l'exposition au risque.

En effet, les lames ont été remplacées ce qui réduit l'émission de poussières. Il s'agit bien de mesures de prévention collectives.

Une campagne de mesurage des taux d'exposition a été mise en place et les résultats ont été plus que satisfaisants.

Le niveau brut d'exposition, c'est-à-dire sans port des EPI, se situe en dessous du seuil de la valeur limite d'exposition professionnelle.

Cela ressort du rapport de l'APAVE réalisé le 14 janvier 2021.

Pièce n°17 : rapport d'essai de l'APAVE en date du 14 janvier 2021

Au demeurant la CRAMIF a elle-même constaté une réduction des risques liés à l'inhalation des poussières de bois lors de sa visite du 17 février 2021 :

« Nous avons bien pris en compte les mesure permettant de limiter l'émission de poussières de bois par l'utilisation de nouvelles lames, à denture plus fine, pour la scie sabre. »

Pièce n° 10 : courrier de la CRAMIF en date du 16 mars 2021

« Nous constatons effectivement, une baisse des niveaux d'exposition par rapport aux mesures réalisées en 2019, probablement liée aux mesures mises en oeuvre. »

Pièce n° 12 : courrier de la CRAMIF en date du 29 juin 2021

Pourtant, la CRAMIF demandait alors la suppression du risque et non plus sa réduction, ce qui va au-delà de l'injonction du 21 janvier 2019.

Il sera constaté que la CRAMIF a formulé injonction à l'employeur de prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

La CRAMIF mentionnait à cette occasion des possibilités techniques pour parvenir à ce résultat.

Cependant, seule la réalisation de la mesure préconisée par l'injonction doit être évaluée.

La possibilité technique n'est qu'une orientation que l'employeur n'est pas obligé de respecter pour réaliser la mesure demandée.

Or, la CRAMIF a constaté une réduction des risques liés à l'inhalation des poussières de bois lors de sa visite du 17 février 2021.

La CRAMIF a donc constaté que l'injonction de prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois a été respecté par l'employeur.

Dans ces conditions, la mise en oeuvre d'une cotisation supplémentaire ne saurait perdurer au-delà du 17 février 2021, date à laquelle cette mesure a été respectée :

« Art. 16. - En tout état de cause, elle cesse d'avoir effet à partir de la date d'exécution des mesures de prévention. »

Arrêté du 9 décembre 2010 relatif à l'attribution de ristournes sur la cotisation ou d'avances ou de subventions ou à l'imposition de cotisations supplémentaires en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles

Il est donc demandé à la Cour de constater que l'injonction du 21 janvier 2019 a été respectée le 17 février 2021 et en conséquence, juger que la cotisation supplémentaire devait cesser d'avoir effet à compter du 21 février 2021.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 24 mai 2022 et soutenues oralement par sa représentante, la CRAMIF demande à la Cour de':

- constater que la société [5] n'a pas contesté l'injonction devant la DIRECCTE ; constater que l'injonction est devenue défmitive et exécutoire ;

-'constater que les mesures prescrites dans l'injonction n'ont pas été réalisées et que les

risques liés aux manutentions lourdes ou répétitives persistaient à l'expiration du délai fixé dans l'injonction du 21 juillet 2019;

- dire et juger que la décision du 8 octobre 2021 notifiant à la société [5] la cotisation

supplémentaire de 25% à effet du 10 janvier 2019 est justifiée ;

Par conséquent,

-rejeter le recours de la société [5].

Elle fait en substance valoir ce qui suit':

En ce qui concerne la non-réalisation des mesures et la persistance des risques exceptionnels.

La CARSAT a constaté que les salariés de la société [5] étaient exposés à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction : les poussières de bois.

Les travaux exposant aux poussières de bois inhalables figurent sur la liste réglementaire des travaux ou procédés exposant à des agents cancérogènes. Les pathologies provoquées par l'inhalation de poussières de bois peuvent être reconnues comme maladie professionnelle par le régime général de la Sécurité sociale (tableau n°47).

La valeur limite d'exposition professionnelle sur 8 heures (VLEP 8 h) fixée à 1 mg/m3 est contraignante en application de l'article R. 4412-149 du Code du travail.

L'injonction du 21 janvier 2019 préconisait de prévenir le risque d'inhalation des poussières de bois par la mise en place de mesure de protection collective type captage à la source.

A cet égard, le Centre de Mesures et Contrôles Physiques « CMP » de la CRAMIF a réalisé une intervention le 14 janvier 2020 pour conseiller l'établissement de [Localité 6] de la société [5] sur les modalités de captage des poussières de bois à la source sur les postes de réparation et de démontage des palettes.

Ce rapport recommande à la société [5] de s'orienter vers la mise en place de tables aspirantes pour chaque poste de travail. Ainsi, l'ensemble des opérations de réparation des palettes doit pouvoir s'effectuer sur la partie ventilée de la table pour empêcher le salarié d'être exposé aux poussières de bois (Pièce n°6).

La CARSAT a constaté lors des visites des 26 novembre 2019, 14 février 2020, 17 février 2021 et 12 janvier 2022 que l'ensemble des mesures visé dans l'injonction n'avait pas été intégralement réalisé et que les salariés restaient exposés aux risques liés aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (poussières de bois).

En effet, les salariés affectés aux opérations de réparation des palettes sont toujours exposés à l'inhalation de poussières de bois en l'absence de mise en oeuvre de mesures de protection collective.

La configuration des locaux et l'absence de dispositif de ventilation collectif entraînent une pollution de l'air respiré par les salariés.

La société [5] met en avant le fait d'avoir fourni des protections respiratoires individuelles à chaque salarié concerné (masque à ventilation assistée) mais ce type d'équipement ne peut être utilisé en continu.

En effet, les protections respiratoires sont trop contraignantes pour les salariés qui doivent les porter toute la journée. Elles engendrent une fatigue physique et respiratoire et augmente considérablement le rythme cardiaque lorsqu'elles sont portées en continu.

La société [5] ne répond donc pas aux préconisations de l'injonction puisqu'elle n'a pas mis en oeuvre un système de protection collective pour protéger ses salariés de l'inhalation des poussières de bois. Les équipements de protection individuelle pour les salariés exposés ne sont pas suffisants pour répondre aux préconisations de l'injonction.

Par ailleurs, pour tenter de justifier l'exécution complète des mesures, la société [5] a mandaté la société [4], organisme accrédité, pour procéder au contrôle réglementaire des valeurs limites d'exposition des salariés aux poussières de bois.

Les résultats de ce rapport du 3 décembre 2019 ne concernent pas l'établissement de [Localité 6] de la société [5] mais celui de l'établissement de [Localité 7] (62) et ne permettent donc pas de justifier les allégations de la société (Pièce adverse n°9).

En conséquence, la Cour ne pourra que constater l'absence de complète mise en oeuvre des mesures fixées par l'injonction du 21 janvier 2019 par la société [5].

Malgré l'expiration du délai fixé par l'injonction pour réaliser les mesures et malgré les visites réalisées par la CRAMIF au cours desquelles ces mesures n'ont pas manqué d'être rappelées, la CRAMIF n'a pu que déplorer la persistance du risque lié à l'inhalation des poussières de bois au sein de la société [5]

En conséquence, en l'absence d'exécution complète des mesures dans les délais fixés et compte tenu de la persistance des risques liés aux poussières de bois, la CRAMIF était fondée à majorer le taux de cotisation de la société [5].

En ce qui concerne la décision d'imposition de cotisation supplémentaires.

La mesure de prévention prescrite dans l'injonction entraîne une obligation de mise en oeuvre de la part de l'employeur.

Il est de jurisprudence constante que les entreprises ne peuvent se retrancher derrière une réalisation partielle des mesures pour s'exonérer de l'imposition d'une cotisation supplémentaire (Arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 27 mars 2020 ROMANDIS cl CRAMIF Rhône-Alpes - Pièce n°5).

Les Caisses sont donc fondées à imposer une cotisation supplémentaire, dès lors que l'ensemble des mesures n'est pas réalisé à l'expiration des délais fixés par l'injonction.

Il convient de rappeler que le délai fixé par l'injonction pour réaliser les mesures liées au risque CMR était de 6 mois à compter de la réception de l'injonction, soit jusqu'au 21 juillet 2019.

En conséquence, à l'expiration des délais prévus dans l'injonction, les mesures demandées n'avaient pas été réalisées et les salariés étaient toujours soumis à des risques graves d'inhalation des poussières de bois.

En attestent les visites de contrôle réalisées les 26 novembre 2019, 14 février 2020, 17 février 2021 et 12 janvier 2022.

Il apparaît donc incontestablement qu'après l'expiration du délai de réalisation fixé par l'injonction, la société [5] n'avait pas réalisé l'intégralité des mesures prescrites concernant les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

Conformément aux dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 9 décembre 2010, la CARSAT peut imposer, après avis favorable du Comité Technique Régional ou de la commission paritaire permanente, une cotisation supplémentaire pour tenir compte des risques exceptionnels présentés par la société et résultant d'une inobservation des mesures de prévention.

Lors de sa séance du 29 septembre 2021, le Comité Technique Régional a émis un avis favorable à l'imposition d'une cotisation supplémentaire de 25 % à effet du 10 janvier 2019, date de constatation des risques et a fixé au ler avril 2022 le délai au-delà duquel le taux de cotisation serait automatiquement majoré de 50 % si les mesures prescrites n'étaient toujours pas mises en oeuvre.

C'est donc à bon droit que la CRAMIF a notifié à l'établissement de [Localité 6] de la société [5], par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 8 octobre 2021, l'imposition d'une cotisation supplémentaire de 25 % à effet du 10 janvier 2019 (pièce adverse n°14).

Le Président relève d'office qu'il appartenait à la société de présenter les moyens de protection collective devant être mise en 'uvre au lieu et place de celui suggéré par la CRAMIF «' avant toute mise en 'uvre'» et qu'il devait s'agir d'un moyen d'efficacité équivalente et il sollicite sur ce point les observations des parties.

La demanderesse répond par son avocat en faisant référence à son courrier du 21 mai 2020 à la CRAMIF, produit en pièce n° 11, dont il indique qu'il informe la CRAMIF de la mise en place des mesures.

Aucune des parties n'a sollicité auprès du Président la possibilité de faire parvenir à la Cour par note en délibéré de plus amples observations sur les moyens qu'il a relevés d'office.

MOTIFS DE L'ARRET.

A TITRE LIMINAIRE, SUR LE CARACTERE DEFINITIF DE L'INJONCTION DU 21 JANVIER 2019 ET SUR LES CONSEQUENCES DE CE CARACTERE DEFINITIF.

Attendu qu'il résulte des articles 11 et 14 de l'arrêté du 9 décembre 2010 relatif à l'attribution de ristournes sur la cotisation ou d'avances ou de subventions ou à l'imposition de cotisations supplémentaires en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles pris pour l'application des articles articles L. 242-7, L. 422-4 et L. 422-5 du Code de la sécurité sociale lorsque la Caisse régionale a enjoint à un employeur de prendre des mesures de prévention, le recours de l'employeur qui conteste la régularité et le bien fondé de cette injonction doit être porté devant le directeur régional du travail qui a seul qualité pour les apprécier, sous réserve de recours devant la juridiction administrative, le juge de tarification ne pouvant connaître que de la décision de la Caisse fixant la cotisation supplémentaire imposée à l'employeur et non celle enjoignant à celui-ci de prendre des mesures de protection ( Dans ce sens Soc, 22 mars 1973, bull n° 186; tribunal des conflits, 6 mars 1972, rec CE, p. 947; soc, 18 nov. 1976, bull n o 608.)

Attendu qu'il résulte de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III que l'exception d' illégalité ne peut être invoquée à l'égard des actes administratifs non réglementaires devenus définitifs ( Dans ce sens l'arrêt de la 2ème Chambre Civile du 28 octobre 2015 pourvoi n° 14-24.484, Bull. 2015, I, n° 262 Publication : Bull. 2015, I, n° 262 ).

Qu'il s'ensuit que lorsqu'est contesté devant lui un acte devenu définitif' le juge judiciaire ne peut connaître de la régularité ou la légalité d'un acte administratif individuel et qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle ressortissant de la compétence de la juridiction administrative;

Attendu que l'injonction du 21 janvier 2019 prévoit ce qui suit':

RISQUE LIE AUX AGENTS CANCEROGENES, MUTAGENES ET TOXIQUES POUR LA REPRODUCTION (CMR) Délai : 6 mois

MESURES A PRENDRE

Prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois.

Rechercher des mesures de prévention collectives. Les équipements de protection individuelle (EPI), notamment les masques de protection respiratoire, ne sont acceptables que pour les opérations ponctuelles, ou en mesure provisoire avant l'installation de protections collectives.

POSSIBILITES TECHNIQUES

Capter les poussières de bois au plus près de leur point d'émission en équipant, par exemple, les tables de réparation d'un captage en partie basse et en partie arrière relié à une centrale d'aspiration.

Le rejet de l'air vicié se fera à l'extérieur des bâtiments. Le groupe aspirant sera positionné, si possible à l'extérieur sinon dans un local technique. L'installation de ventilation ne doit pas augmenter le niveau sonore dans l'atelier (Le niveau sonore de l'aspiration seule en fonctionnement devra rester inférieur à 75dB(A) au poste de travail). Les équipements sélectionnés seront compatibles avec la réglementation ATEX.

Ou tout autre moyen d'efficacité au moins équivalente. Celui-ci devra être présenté à la CRAMIF avant toute mise en oeuvre.

Qu'il résulte clairement de cette injonction qu'il appartient à la société de prendre toutes dispositions pour réduire les risques pour ses salariés liés à l'inhalation des poussières de bois en mettant en place des mesures de protection collective selon les suggestions contenues à l'injonction ou tout autre moyen d'efficacité au moins équivalente devant être soumis à la CRAMIF avant toute mise en 'uvre et qu'il en résulte également que les mesures de protection individuelle ne sont acceptables que pour les opérations ponctuelles ou en mesure provisoires avant l'installation de protections collectives.

Attendu qu'il est justifié par la CRAMIF que cette injonction a été réceptionnée par la société [5] le 23 janvier 2019 et qu'il n'est pas soutenu et encore moins démontré par cette dernière qu'elle ait engagé un recours gracieux ou hiérarchique auprès de l'autorité administrative et/ou un recours auprès du Tribunal Administratif pour contester l'injonction ce dont il résulte, ce qui n'est d'ailleurs aucunement contesté, qu'elle présente un caractère définitif ce qui fait obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur sa régularité et son bien- fondé ou qu'il soumette au juge administratif une quelconque question préjudicielle sur les obligations imparties à la société.

SUR LA DEMANDE DE LA SOCIETE [5] EN SUPPRESSION DES EFFETS DE LA COTISATION SUPPLEMENTAIRE A COMPTER DU 21 FEVRIER 2021, DATE DE CONSTATATION PAR LA CRAMIF DE LA REALISATION DE L'INJONCTION.

Vu l'article 1315 devenu 1356 du Code civil , ensemble les articles L. 242-5, L. 242-7 , L. 422-1 et L. 422-4 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le troisième de ces textes, que la Caisse régionale peut imposer des cotisations supplémentaires pour tenir compte des risques exceptionnels résultant d'une inobservation des mesures de prévention prescrites en application des deux derniers textes et qu'il appartient à l'employeur d'établir qu'il a exécuté les mesures faisant l'objet de l'injonction.

Attendu en outre qu'il résulte des articles précités que l'employeur qui n'a pas entièrement réalisé les mesures faisant l'objet de l'injonction peut obtenir la suppression totale des cotisations supplémentaires s'il rapporte la preuve de ce qu'à la date du contrôle, les risques d'accident ou de maladie professionnelle avaient disparu ou étaient très faibles ( 2e Civ., 11 juillet 2005, pourvoi n° 04-30.458'; 2e Civ., 27 janvier 2022, pourvoi n° 20-10.478).

Attendu que dans le cas où il n'est pas établi par l'employeur que les risques aient disparu ou soient devenus très faibles, il résulte de l'article L.242-7 du Code de la sécurité sociale que le juge de la tarification, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, a la possibilité de prendre en considération les circonstances et notamment la réalisation partielle des mesures de prévention pour réduire le taux de cotisations supplémentaires jusqu'au montant de 25 % de la cotisation normale calculé sur une période de trois mois avec un minimum de 1000 € mentionné à l'article 8 de l'arrêté du 9 décembre 2010 auquel renvoie l'article L. 242-7 précité ( dans ce sens les arrêts de la Chambre Sociale du 22 novembre 1972 au Bull Civ V n° 61 et du 7 juillet 1981 au Bull Civ V n°668 et 2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-13.049'/ également 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-18.85 qui approuve la Cour Nationale d'avoir réduit la cotisation supplémentaire au taux minimum de 25 % mentionné à l'article 8 de l'arrêté du 9 décembre 2010 en relevant la réalisation partielle des mesures de prévention sollicitées ainsi que les efforts incontestables effectués par la société ).

Attendu qu'en l'espèce, comme il a été constaté ci-dessus, il appartenait à la société [5] en application de l'injonction définitive du 21 janvier 2019 de prendre toutes dispositions pour réduire les risques pour ses salariés liés à l'inhalation des poussières de bois en mettant en place des mesures de protection collective selon les suggestions contenues à l'injonction ou tout autre moyen d'efficacité au moins équivalente devant être soumis à la CRAMIF avant toute mise en 'uvre, étant indiqué que les mesures de protection individuelle n'étaient acceptables que pour les opérations ponctuelles ou en mesure provisoires avant l'installation de protections collectives.

Attendu que la CRAMIF fait valoir que la demanderesse n'a pas mis en 'uvre un système de protection collective pour protéger ses salariés de l'inhalation de poussières de bois, contrairement à l'injonction qui lui avait été faite.

Attendu que la réponse de la société [5] à cette affirmation de la CRAMIF consiste à soutenir de manière assez enchevêtrée deux moyens bien distincts.

Que dans un premier moyen, elle fait valoir que la CRAMIF lui avait adressé une injonction de prendre toutes dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation de poussières de bois, que les possibilités techniques qu'elle mentionnait pour parvenir à ce résultat n'étaient qu'une orientation que l'employeur n'était pas obligée de respecter et que la CRAMIF avait constaté une réduction des risques et donc constaté que l'injonction avait été respectée.

Attendu que si le but poursuivi par l'injonction était d'obliger l'employeur à prendre des dispositions pour réduire les risques liés à l'inhalation des poussières de bois, l'injonction lui impartissait bien de mettre en place un système de protection collective consistant soit dans le système qu'elle suggérait soit dans un autre moyen mais à la condition qu'il soit d'efficacité au moins équivalente.

Qu'il s'ensuit que le moyen selon lequel l'injonction aurait été respectée du fait de la seule réduction constatée des risques manque en fait de même que manque également en fait l'affirmation de l'employeur selon laquelle la CRAMIF aurait constaté le respect de l'injonction, ce moyen procédant d'une assimilation erronée du constat de la réduction des risques avec le constat de l'exécution des mesures prescrites .

Attendu que la société [5] fait parallèlement valoir un second moyen revenant à soutenir qu'elle a déféré à l'injonction en mettant en place un système de nettoyage par aspiration consistant en un aspirateur muni de filtres à haute efficacité utilisé pour le nettoyage périodique et en remplaçant les lames des machines, toutes initiatives qui seraient selon elles constitutives de mesures de prévention collectives.

Attendu cependant, comme le Président l'a relevé d'office à l'audience sans qu'il ait été justifié du contraire par la demanderesse ou offert de le justifier, qu'il n'est en aucune manière établi par cette dernière que ces mesures soient d'efficacité équivalente à la mesure suggérée par la CRAMIF de captation des poussières au plus près de leur point d'émission avec rejet à l'extérieur ou dans un local technique, aucun comparatif des mérites respectifs du système préconisé par l'organisme et de ceux mis en place n'ayant été notamment produit par elle aux débats.

Qu'il n'est donc aucunement établi par la demanderesse qu'elle ait exécuté les mesures faisant l'objet de l'injonction, étant en outre fait remarquer qu'elle ne se prévaut pas dans ses écritures soutenues à l'audience de la fourniture de protections individuelles lesquelles ne pourraient d'ailleurs se substituer à la protection collective impartie que pour des opérations ponctuelles ou de manière provisoire avant l'installation d'une protection collective.

Attendu ensuite que s'il est soutenu par la demanderesse que les mesures mises en place par elle ont entraîné une réduction des risques, elle ne soutient pas pour autant que ces risques soient devenus très faibles et encore moins qu'ils aient disparu et l'établit encore moins.

Qu'elle ne soutient et justifie en effet aucunement, par la production de pièces scientifiques et médicales, que des valeurs d'exposition au risque situées entre 43 et 72% de la valeur limite d'exposition professionnelle de 1mg par m3 devraient être considérées comme des valeurs très faibles, c'est-à-dire insusceptibles ou très peu susceptibles d'entraîner des conséquences néfastes sur la santé des personnes exposées.

Qu'il s'ensuit que la société [5] doit être déboutée de sa demande de suppression de la majoration litigieuse de cotisations AT/MP à partir de la date du 21 février 2021.

Attendu ensuite que si la société [5] a mis en 'uvre des mesures ayant permis de diminuer le risque, elle n'a pour autant aucunement réalisé les mesures imparties et continue d'exposer ses salariés à un niveau d'empoussièrement qui, pour être en deçà de la VLEP, reste important et dont elle ne prouve aucunement qu'il n'aurait pu être réduit par la mise en 'uvre des préconisations de la CRAMIF ou d'une mesure d'efficacité équivalente.

Que les efforts effectués par la société étant insuffisants et sa volonté persistante de ne pas appliquer l'injonction étant établie, il n'y a pas lieu dans ces conditions de réduire le taux litigieux.

Que la société succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Déboute la société [5] de sa demande de suppression de la majoration litigieuse de cotisations AT/MP à partir de la date du 21 février 2021 et dit que la décision d'imposition d'une cotisation supplémentaire de 25 % à partir du 10 janvier 2019 notifiée par courrier du 8 octobre 2021 de la CRAMIF continuera à produire ses effets jusqu'à décision de l'organisme ou décision judiciaire contraire.

Condamne la société [5] aux dépens de la présente procédure.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Tarification
Numéro d'arrêt : 22/01048
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;22.01048 ?
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