ARRET
N°
S.C.I. SCI KHERAT
C/
S.A. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE PICARDE
CD/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT DEUX DECEMBRE
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03594 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFDW
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. KHERAT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me HANNARD subtituant Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocat au barreau D'AMIENS
APPELANTE
ET
S.A. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE PICARDE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau D'AMIENS
INTIMEE
DEBATS :
A l'audience publique du 20 octobre 2022, l'affaire est venue devant Mme Christina DIAS DA SILVA, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 22 décembre 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
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DECISION :
Par acte notarié du 31 mai 2017, la SCI Kherat s'est engagée unilatéralement à vendre à la SA société immobilière picarde d'HLM un bâtiment à usage de salle de sport et trois maisons d'habitations situés [Adresse 6] cadastrés section AZ n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] au prix de 534 400 euros sous conditions suspensives notamment de l'absence de prescriptions de diagnostic archéologique et de l'absence d'ne pollution du sol et du sous-sol. La promesse de vente expirait le 31 octobre 2018.
Après avoir fait effectuer un diagnostic des sols et des eaux souterraines par la société Tauw France qui a établi un rapport le 9 avril 2018, la société immobilière picarde d'HLM a par courrier du 13 juin 2018 et courriel du 14 septembre suivant, adressés par son notaire au notaire de la SCI Kherat, invoqué la caducité de la promesse de vente et l'absence de réalisation de la condition suspensive, se prévalant du diagnostic et d'une lettre datée du 26 juin 2017 aux termes de laquelle le préfet de la région l'avait informée que le projet de réhabilitation envisagé ferait l'objet de prescriptions archéologiques.
Estimant que la société immobilière picarde d'HLM avait tacitement renoncé à cette dernière condition suspensive, la SCI Kherat a, par lettre datée du 22 octobre 2018 de son notaire, rappelé au notaire de la première la date d'expiration de la promesse de vente.
En l'absence de levée d'option dans le délai la SCI Kherat a, par exploit délivré le 30 août 2019, fait assigner la société immobilière picarde d'HLM en paiement de l'indemnité d'immobilisation prévue à l'acte notarié.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- débouté la SCI Kherat de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la SCI Kherat à payer à la société immobilière picarde d'HLM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 8 juillet 2021, la SCI Kherat a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 septembre 2021, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société immobilière picarde d'HLM à lui verser la somme de 53 440 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation stipulée dans la promesse de vente du 31 mai 2017,
- condamner la société immobilière picarde d'HLM au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société immobilière picarde d'HLM aux dépens sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 22 décembre 2021, la société immobilière picarde d'HLM demande à la cour de :
- débouter la société Kherat de ses prétentions,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la société Kherat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 juin 2022 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 20 octobre suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au soutien de son appel la SCI Kherat fait valoir que la société intimée a tenté par tout moyen d'échapper à ses obligations issues de la promesse unilatérale de vente puisqu'elle n'a pas accompli les démarches permettant de lever la première condition suspensive relative à l'absence de pollution du sol et du sous-sol et qu'elle avait renoncé au bénéfice de la condition relative aux prescription archéologiques.
La société immobilière picarde d'HLM lui répond qu'elle n'a nullement renoncé aux conditions suspensives prévues dans la promesse et qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine de la défaillance d'une condition suspensive prévue par les parties.
L'article 1124 du code civil dispose :
'La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul.'
L'article 1404-4 de ce code dans sa version applicable à la cause précise qu''Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie.'
L'article 1304-6 dudit code prévoit que 'L'obligation devient pure et simple à compter de l'accomplissement de la condition suspensive.
Toutefois, les parties peuvent prévoir que l'accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. La chose, objet de l'obligation, n'en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l'administration et a droit aux fruits jusqu'à l'accomplissement de la condition.
En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé.'
En l'espèce par acte notarié du 31 mai 2017 la SCI Kherat a consenti une promesse unilatérale de vente à la société immobilière picarde d'HLM pour une durée expirant le 31 octobre 2018 à 16 heures, sa réalisation pouvant être matérialisée par la signature de l'acte notarié constatant le caractère définitif de la vente soit par la levée d'option par le bénéficiaire.
Cet acte contient une clause appelée 'indemnité d'immobilisation-séquestre' aux termes de laquelle les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de 53 440 euros, le sort de cette somme étant prévu d'avance. Elle stipule qu' 'Elle sera restituée purement et simplement au BENEFICIAIRE dans tous les cas où la non réalisation de la vente résulterait de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes.'
La promesse unilatérale de vente stipule qu'elle est faite sous les conditions suspensives suivantes :
'Condition suspensive à laquelle aucune des parties ne peut renoncer
Droit de préemption- de priorité-de préférence
(...)
Conditions suspensives auxquelles seul le bénéficiaire pourra renoncer
(...)
Absence de prescriptions de diagnostic archéologique
En vertu de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 modifiée le 14 mai 2009 relative à l'archéologie préventive et ses textes subséquents, le préfet de région a la possibilité de demander qu'un diagnostic en matière d'archéologie préventive soit établit, que des fouilles soient organisées et éventuellement des mesures de conservation ou de sauvegarde soient prises, en cas de présence d'éléments du patrimoine archéologique.
(...)
En conséquence les parties conviennent que la réalisation des présentes est soumise à la condition suspensive de l'absence de prescription d'un diagnostic archéologique.
Ladite condition suspensive est stipulée en faveur du BENEFICIAIRE, ce dernier pourra y renoncer.
- Etudes particulières
1) Absence d'une pollution du sol et ou du sous-sol en considération du projet.
La présente promesse est consentie sous la condition que le diagnostic du sol et du sos-sol en vue de rechercher toute trace de pollution et de déterminer la nature et l'étendue des travaux de remise en état nécessaires en considération du projet immobilier et de l'usage prévu par le bénéficiaire, ci-dessus indiqués, ne révèlent pas d'anomalie incompatible avec l'habitation.'
Il est constant que par courrier du 26 juin 2017 le préfet de la région des Hauts de France a informé la société immobilière picarde d'HLM que 'compte tenu des risques de destruction liés à l'impact du projet cité en objet, celui-ci, tel que vous nous l'avez décrit dans votre demande de renseignement, fera l'objet de prescriptions archéologiques.'.
C'est dès lors à bon droit que le premier juge a déduit de ce courrier que la condition suspensive liée à l'absence de prescription d'un diagnostic archéologique a défailli dès le 26 juin 2017 sans qu'il puisse être reproché à la société bénéficiaire de la promesse de vente une quelconque faute à l'origine de cette défaillance de ladite condition suspensive.
Par voie de conséquence à compter de la défaillance de la condition suspensive l'obligation est réputée n'avoir jamais existé ainsi qu'il est dit à l'article 1304-6 du code civil ci-dessus rappelé et aucune renonciation à cette condition suspensive ne pouvait valablement intervenir postérieurement.
La SCI Kherat ne peut donc utilement soutenir que la société bénéficiaire de la promesse avait renoncé à cette condition suspensive lorsqu'elle lui avait fait savoir par l'intermédiaire de son notaire le 19 février 2018 qu'elle entendait continuer l'acquisition puisqu'à cette date l'obligation issue de l'acte du 31 mai 2017 n'existait plus.
Les arguments invoqués par la société appelante relativement à une quelconque inexécution des obligations incombant à la société immobilière picarde d'HLM tenant à la réalisation des études du sol et du sous-sol sont quant à eux inopérants dès lors que la promesse unilatérale de vente n'existait plus par suite de la défaillance d'une de ses conditions suspensives.
Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions et particulièrement en ce qu'il a dit que la défaillance de la condition suspensive relative à l'absence de prescription de diagnostic archéologique privait la SCI Kherat de la faculté de solliciter le paiement de l'indemnité d'immobilisation et que les demandes de cette dernière étaient rejetées.
La SCI Kherat qui succombe doit supporter les dépens d'appel et ne peut prétendre à une indemnité de procédure. Elle versera à la société immobilière picarde d'HLM la somme de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la SCI Kherat à payer à la société immobilière picarde d'HLM la somme de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Kherat aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE