ARRET
N°
[O]
C/
Association OFFICE PRIVE D'HYGIENE SOCIALE (OPHS)
S.A.S.U. CROQUE ET TOQUE RESTAURATION
copie exécutoire
le 15/03/2023
à
Me REYNAUD
Me PIAT - 2
LDS/IL/
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 15 MARS 2023
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N° RG 22/00939 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILSY
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 03 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 20/00060)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [M] [O]
né le 21 Avril 1965 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant
concluant par Me Valérie REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG
ET :
INTIMEES
Association OFFICE PRIVE D'HYGIENE SOCIALE (OPHS)
Prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 3]
[Localité 4]
S.A.S.U. CROQUE ET TOQUE RESTAURATION
Prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentées, concluant et plaidant par Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS
DEBATS :
A l'audience publique du 18 janvier 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 15 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 15 mars 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
L'association Office privé d'hygiène sociale (l'association ou l'employeur) gère quatre établissements dont le service polyvalent d'aide et de soins à domicile (le SPASSAD). Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 et ses avenants (également appelée FEHAP).
La société Croque et toque est une société de restauration qui gère le service de restauration des établissements spécialisés et des entreprises des agglomérations de [Localité 4] et de [Localité 5]. Elle produit les repas et assure la livraison des établissements spécialisés, le portage des repas étant sous la responsabilité de l'Office privé d'hygiène sociale.
M. [O] a été embauché le 31 juillet 2012 par l'association par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur des services SPASSAD prévention et portage des repas.
Par avenant du 11 juillet 2018, il a été nommé directeur de la prévention et du soin et des nouveaux projets médico-sociaux à compter du 1er septembre 2018.
Il a été convoqué à un entretien préalable prévu le 20 mars 2019 avec mise à pied conservatoire puis licencié pour cause réelle et sérieuse le 26 mars 2019 pour attitude humiliante et vexatoire, manquement de communication, refus de congés et réponses tardives et maintien d'une surcharge de travail.
Contestant la régularité et la légitimité de son licenciement et arguant d'une situation de coemploi entre l'association et la société Croque et toque (la société), il a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 20 mars 2020 afin d'obtenir la condamnation solidaire de ces dernières au paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 3 février 2022, le conseil a dit qu'il n'y avait pas de coemploi entre l'association et la société Croque et toque, a mis cette dernière hors de cause, a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à l'employeur la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, laissant à chaque partie la charge de ses dépens.
M. [O], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions remises le 26 novembre 2022, demande à la cour de déclarer son appel recevable et le dire bien fondé en conséquence de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- constater le coemploi,
- lui réserver la faculté de compléter ses prétentions au titre des arriérés de salaire,
dès à présent,
- condamner solidairement l'association Office privé d'hygiène sociale et la société Croque et toque à lui payer les sommes suivantes :
- 42 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 14 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de formation,
- 14 000 euros à titre de dommages intérêts pour retenue indue de salaire,
- 42 000 euros à titre d'indemnité pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur,
- 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 21 000 euros à titre de dommages intérêts en raison du caractère brutal et vexatoire,
montants augmentés des intérêts légaux avec anatocisme à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe,
- ordonner la délivrance sous astreinte définitive de 150 euros par jour à compter de l'expiration d'un délai de huit jours après notification du jugement à intervenir, des documents de fin de contrat, incluant l'attestation Pôle emploi, rectifiés,
En tout état de cause,
- condamner l'association à lui régler la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 3 000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner l'association aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 23 décembre 2022, l'association Office privé d'hygiène sociale et la société Croque et toque restauration demandent à la cour de :
confirmer le jugement en son intégralité et en conséquence,
1/ Constater l'absence de coemploi,
En conséquence, débouter M. [O] de ses demandes de condamnations in solidum formées à l'encontre de l'Association OPHS et de Croque et toque restauration,
Prononcer la mise hors de cause de la Société Croque et toque restauration,
2/ Débouter M. [O] de sa demande relative à l'existence d'un travail dissimulé,
3/ Dire et juger que M. [O] avait la qualité de Cadre dirigeant,
4/ Dire et juger que M. [O] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque manquement de l'OPHS dans ses obligations en matière de salaire, et, a fortiori, ne justifie pas avoir réalisé des heures supplémentaires qu'il ne décrit pas, ni ne chiffre,
En conséquence, débouter M. [O] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 14 000 euros formée à titre de retenues indues de salaire,
A titre subsidiaire, dire et juger que M. [O] ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice,
Très subsidiairement, réduire dans de substantielles proportions les sommes allouées,
5/ Dire et juger que l'Association OPHS n'a pas manqué à son obligation de formation,
En conséquence, débouter M. [O] de sa demande d'indemnité formulée à ce titre,
Très subsidiairement, la réduire à de plus justes proportions,
6/ Dire et juger que l'Association OPHS n'a pas manqué à ses obligations contractuelles,
Le débouter de sa demande d'indemnité pour exécution fautive du contrat,
7/ Débouter M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Très subsidiairement, la réduire à de plus justes proportions,
8/ Le débouter de sa demande de dommages et intérêts à raison du caractère brutal et vexatoire du licenciement,
A titre très subsidiaire, réduire ses prétentions à de plus justes proportions,
9/ Le débouter de l'intégralité du surplus de ses prétentions,
10/Le condamner en tout état de cause à verser à chacune des intimées une somme de 3 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du CPC,
11/ Condamner Monsieur [O] aux entiers frais et dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur le coemploi et la demande au titre du travail dissimulé :
M. [O] soutient que la situation de l'emploi est caractérisée dans la mesure où il a assuré des missions pour le compte de la société Croque et toque jusqu'à l'automne 2018, notamment pour recruter du personnel, montrer la tournée à effectuer aux livreurs nouvellement engagés ou encore établir les variables de paie, ses propositions de recrutement étant nécessairement soumises à l'appréciation du directeur général de la société caractérisant une subordination. Il cite à la fois le coemploi caractérisé par le fait qu'un salarié se trouve sous la subordination d'employeurs conjoints et la définition du coemploi résultant de la jurisprudence de la Cour de cassation du 25 novembre 2020.
Les intimées répondent que le service portage des repas assurant la livraison de la production de la société, cela implique nécessairement que M. [O] interagissent avec les chauffeurs de la société ; qu'il ne rapporte pas la preuve d'un lien de subordination entre lui-même et la société pas plus que de l'existence d'une immixtion permanente de cette dernière dans la gestion économique et sociale de l'association conduisant à une perte totale d'autonomie d'action.
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée comme un coemployeur du personnel employé par une autre, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte d'autonomie d'action de cette dernière.
L'existence d'une situation de coemploi est caractérisée dès lors qu'il est démontré une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d'un même groupe, se traduisant par l'éviction des organes de direction de la filiale dont faisait partie l'intéressé au profit de salariés de la société mère.
En l'espèce, il convient d'ores et déjà d'écarter l'existence d'un coemploi selon cette définition, M. [O] n'invoquant aucun élément démontrant l'existence d'une immixtion permanente de la société Croque et toque dans la gestion de l'association conduisant à une perte d'autonomie totale de cette dernière.
La notion de coemploi, lorsqu'elle ne sanctionne pas des relations anormales entre deux sociétés appartenant à un même groupe, désigne l'existence d'un lien de subordination exercée conjointement par deux sociétés à l'égard d'un salarié, de sorte que celui-ci dispose en réalité de deux employeurs et non d'un seul.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
M. [O] ne caractérise pas non plus l'existence d'un lien de subordination entre lui-même et le directeur général de la société Croque et toque, se bornant simplement à évoquer, sans offre de preuve, que les propositions de recrutement qu'il faisait étaient « nécessairement soumises à l'appréciation du directeur général », ce qui au demeurant ne suffirait pas à caractériser un tel lien.
À défaut de coemploi, il y a lieu de rejeter toutes les demandes dirigées contre la société Croque et toque confirmant en cela le jugement.
2/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :
Cette demande reposant sur un prétendu coemploi sera également rejetée.
3/ Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail :
M. [O] expose que son coefficient aurait dû être réévalué au regard de ses responsabilités et affirme avoir accompli un grand nombre d'heures supplémentaires mais ne présente aucune demande de ce chef de sorte que ces développements à ce propos sont sans objet.
3-1/ Sur les retenues sur salaire :
M. [O] soutient que l'employeur ne lui a pas payé les RTT qui lui étaient dus ce qui lui ouvre droit à des dommages et intérêts spécifiques et en tout état de cause à une indemnité pour travail dissimulé ; qu'il a opéré des rétentions indues sur sa prime décentralisée allouée contractuellement et que le solde de ses congés payés est inexact, un montant important ayant été retenu, ce qui engage sa responsabilité à son égard.
L'employeur répond que M. [O], s'agissant des RTT, n'apporte aucun élément à l'appui de ces accusations, qu'il a été rempli de ses droits lors du solde de tout compte et, subsidiairement, qu'il ne justifie pas d'un préjudice.
S'agissant des retenues sur la prime décentralisée, il fait remarquer que le salarié ne sollicite aucun rappel de salaire de sorte que l'on ignore encore la finalité de ces prétentions sauf à les rattacher à sa demande de dommages intérêts et soutient qu'il est parfaitement normal que cette prime ait été minorée en cas d'absence du salarié en application de la convention collective.
Sur le solde de congés payés, il fait également remarquer que le salarié n'apporte aucun élément permettant de justifier sa demande et qu'il lui a été versé à son départ 33 089,59 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
La cour note tout d'abord que le salarié n'a pas repris au dispositif de ses conclusions la demande de production des accords de RTT qu'il formule au chapitre de la discussion.
Il ne fournit pas d'explication permettant de comprendre sa demande et a fortiori d'évaluer le préjudice qu'il aurait pu subir. Il n'invoque aucune pièce dans ses conclusions à l'appui de cette demande et ne formule donc aucune offre de preuve.
C'est par conséquent à juste titre que le conseil de prud'hommes l'a débouté de cette prétention.
3-2/ Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de formation :
M. [O] affirme qu'il n'a bénéficié d'aucune formation tout au long de la relation contractuelle en rapport avec ses missions en matière de techniques managériales ou de risques psychosociaux alors que ce sont précisément ses méthodes managériales qui ont été invoquées pour justifier son licenciement ; qu'il a même été délibérément évincé de formations dispensées à cet égard ; qu'il n'a pas eu d'entretien annuel avec le directeur général afin d'identifier ses besoins et que ce déficit de formation a incontestablement nuit à son reclassement et à son employabilité.
L'employeur rétorque que le salarié a participé à plusieurs formations, qu'il est naturel qui n'ait pas participé à celle intitulée « manager opérationnel d'entreprise ou de services » qui était destinée à ses collaboratrices d'un niveau de formation inférieur au sien, qu'il est d'autant plus malvenu à se plaindre d'un défaut de formation qu'il devait, en tant que directeur de service, participer à l'élaboration du plan de formation et qu'il aurait donc pu prévoir sa participation à différentes formations et que les insultes proférées à l'encontre de ses collaboratrices sont sans lien avec un problème de formation.
Il ressort des pièces versées aux débats par l'employeur que M. [O] a participé à un stage intitulé accompagnement à la structuration d'un système de management par la qualité Iso 9001-2015 en 2017 et à un autre sur la démarche de certification en 2018 ce qui est en rapport avec ses fonctions
La convention simplifiée de formation professionnelle continue versée aux débats par M. [O], a été passée et signée par lui de sorte qu'il ne peut prétendre de bonne foi avoir été évincé de cette formation. Il s'en déduit également qu'il était à même d'assurer sa propre formation en tant que participant à l'élaboration du plan de formation.
Les allégations du salarié sur une absence de formation sont donc utilement contredites par l'employeur.
C'est à juste titre que ce dernier fait remarquer que la plupart des griefs qui sont faits à M. [O] dans la lettre de licenciement (insultes, dénigrement, absence de contact avec ses collaborateurs allant jusqu'au défaut de salutations et épuisement de son équipe) ne relèvent pas d'une simple absence de formation professionnelle.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a rejeté cette demande.
3-3/ Sur la demande au titre de la dégradation des conditions de travail et la rétrogradation de fait :
M. [O] soutient qu'à compter de l'été 2018, il a dû subir différentes mesures de rétorsion tendant à l'isoler et à le décrédibiliser professionnellement. Il invoque un déménagement de son bureau fin mai 2018 dans le but de l'éloigner de ses collaborateurs et la signature d'un avenant à son contrat de travail en juillet 2018 imposé au motif fallacieux que ses résultats financiers étaient catastrophiques.
L'employeur répond que M. [O] a pleinement accepté le poste de directeur de la prévention et du soin et des nouveaux projets médico-sociaux en vertu duquel il exerçait toujours les mêmes fonctions mais encadrait de fait moins de personnel, qu'il n'a donc subi aucune rétrogradation et que le déménagement de son bureau avait justement pour objet de le rapprocher de son équipe. Très subsidiairement, il invoque l'absence de justification de l'existence et du montant du préjudice allégué.
M. [O] a effectivement signé un avenant à son contrat de travail le 11 juillet 2018 aux termes duquel, dans le cadre d'une nouvelle organisation, il a été nommé directeur de la prévention et du soin et des nouveaux projets médico-sociaux avec pour mission le développement des projets concernant le médico-social en particulier lancer une démarche sur l'activité de soins ainsi que d'autres appels à projets en lien avec le projet associatif qui lui seront communiqués par son supérieur hiérarchique.
L'échange de courriels du 26 octobre 2018 à propos de la rédaction d'une lettre en réponse à l'ARS et le compte-rendu de réunion des délégués du personnel du 6 août 2018 qui s'interrogent sur le financement de son poste, à la lecture desquels il renvoie, ne sont pas la preuve de ce qu'il a été contraint à la signature de cet avenant, ni la preuve de ce que la modification de ses fonctions constituait une rétrogradation.
Le salarié ne démontre pas non plus en quoi le déménagement de son bureau du deuxième au premier étage constituerait une dégradation de ses conditions de travail.
Le jugement sera également confirmé de ce chef.
4/ Sur la rupture du contrat de travail :
4-1/ Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.
En l'espèce, elle est ainsi rédigée :
« Par courrier remis en main propre le 12 mars 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.
Vous ne vous êtes pas présenté dû à un arrêt maladie et nous n'avons pas pu vous exposer les faits qui vous sont reprochés.
Nous avons à déplorer de votre part des agissements inacceptables envers le personnel que vous managez et qui m'ont contraint à vous mettre en mise à pied à titre conservatoire pour éviter que vous ayez tout contact avec certains de ces salariés.
En effet, de nombreuses plaintes de salariées me sont arrivées depuis fin février 2019, exposant qu'il n'était plus possible pour elles de travailler avec vous du fait de votre comportement :
Attitude humiliante et vexatoire :
Il nous est reporté : brimades sur leur apparence, remarques vexatoires et dénigrements sur le physique, reproches insistants pour qu'elles fassent un régime ou encore réflexions discriminatoires de toutes sortes sur leur (ou celles de tiers) appartenance religieuse ou raciale. Les termes suivants nous ont été rapportés : « bamboulas », avis sur le fait de ne pas embaucher « d'obèses », « pétasse » « tête de pute »'
Certaines nous font part être sous anxiolytiques pour pouvoir continuer à travailler et se sont rapprochées du médecin du travail.
Plusieurs personnes ont souhaité démissionner et viennent travailler dans un état de stress et de tension insupportable.
En tant que Directeur Général, il était de ma responsabilité de ne pas laisser les choses en l'état.
Cette attitude est particulièrement inacceptable !
Absence de communication
Les salariées se plaignent encore d'une absence de communication, vous ne leur dites même plus bonjour depuis plusieurs semaines, sauf à vous sentir contraint de répondre à leur salut, et ce, de manière sèche.
Depuis fin février, vos collaboratrices n'ont pratiquement plus de contact direct et reçoivent les consignes ou changement de directives par le biais de Mme [F], assistante de planification.
Les documents qui vous sont transmis ne sont pas lus, obligeant vos collaborateurs à les imprimer et venir vous voir pendant vos rares plages de disponibilités que vous leur avez fait part par mail.
Les personnes qui travaillent sous votre responsabilité se sentent dévalorisées, d'autant que vous n'êtes pas investi auprès d'elles sur le degré d'avancement des dossiers.
Vous leur demandez de faire, défaire, puis refaire les tâches confiées, qui se sont pour beaucoup éloignées des missions pour lesquelles elles sont embauchées.
Sans explications, vous changez l'organisation prévue ; à titre d'exemple, dans le cadre de la politique Qualité, vous n'avez eu cesse de changer les dates du COPIL, obligeant vos collaborateurs à revoir toute la programmation du service.
Certaines collaboratrices découvrent les missions qui leur sont confiées sans qu'elles n'aient été au courant, comme la responsabilité du planning des soins, à défaut d'avoir préalablement communiqué avec elles.
Refus de congés ou réponses tardives
Des collaborateurs nous font part de refus de congés au seul motif que deux personnes du service au sein des IDEC ne peuvent pas être absentes en même temps, alors que dans le passé, cette situation n'avait jamais posé de problème. Sans explication, les personnes se sentent frustrées.
De même, certaines sont obligées de vous relancer avec insistance pour avoir une réponse à leurs demandes de congés, qu'elles n'obtiennent parfois que la veille !
Dans ce contexte, les salariés viennent travailler « la boule au ventre », avec angoisse du fait de la tension engendrée par votre comportement.
Maintien d'une surcharge de travail
Nous devons faire face à de nombreux arrêts de travail.
Les tournées sont tellement surchargées que des salariées sur le terrain ont également fait part de leur volonté de démissionner.
Vos collaborateurs vous ont pourtant alerté sur la nécessité de recruter, mais vous avez refusé l'embauche de CDD malgré l'absence 11 salariées sur le terrain.
Aussi, votre absence de réponse a eu pour effet un épuisement du personnel sur le terrain, une pression et un découragement qui ne peuvent perdurer.
Cette situation est insupportable pour vos collègues, et nous ne pouvons l'accepter car elle met en péril leur santé et sécurité au travail.
Lorsque je suis arrivé au sein de l'association il y a environ un an, je vous ai à plusieurs reprises, de façon informelle, rappelé les règles de bonne conduite et de management et surtout qu'il n'était pas nécessaire de diriger de manière rigide les équipes pour qu'elles continuent à travailler, ayant remarqué à l'époque un excès d'autorité. Mais ce que je viens d'apprendre est particulièrement grave est m'oblige à une réaction immédiate.
Vous nous avez fait part dans votre courrier du 19 mars 2019 que vous ne pourrez vous rendre à l'entretien, mentionnant « une année épuisante » ; nous sommes étonnés par vos propos puisque depuis le 1er septembre 2018, vous ne gérez plus le service Aide. Ce nouvel organigramme a d'ailleurs fait l'objet d'un avenant à votre contrat de travail que vous avez signé.
L'ensemble des faits évoqués ci-dessus me conduit à vous notifiez par la présente votre licenciement pour faute réelle et sérieuse.
Conformément à la convention collective, votre préavis est de 3 mois. Il démarrera à lapremière présentation de ce courrier (') »
M. [O] fait valoir que l'association ne justifie pas avoir sollicité ses explications au regard des soudaines accusations qu'elle profère ni avoir saisi le CHSCT ni avoir réalisé une enquête interne préalablement à sa mise en cause, que son licenciement repose sur des rumeurs et que l'attestation de Mme [L] doit être écartée des débats, celle-ci étant impliquée dans le processus d'éviction.
Il conteste chacun des griefs.
L'association répond que ses accusations reposent sur des témoignages précis ; que celui de Mme [L] est crédible puisqu'il est corroboré par les autres ; qu'elle a mené une enquête, qui n'était pas obligatoire et qui n'avait pas à passer par la saisine du CHSCT car il ne s'agit pas d'une dénonciation de harcèlement moral, et dont elle n'était pas tenue d'aviser le salarié.
Aux termes de l'article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.
L'enquête menée en cas de soupçon de harcèlement moral ne constitue pas un dispositif au sens de l'article L. 1222-4 du code du travail, elle n'a donc pas à être réalisée de manière contradictoire.
De plus, la preuve est libre en matière de droit du travail et seul les collaborateurs éventuellement victimes de harcèlement moral seraient légitimes à invoquer l'absence de mise en 'uvre d'une enquête et de saisine du CHSCT à la suite de leur dénonciation.
L'entretien préalable est le lieu et le moment définis par la loi pour permettre au salarié de présenter sa défense quant aux griefs exposés dans la lettre de licenciement.
Ces moyens sont donc inopérants.
Sur le fond, le conseil de prud'hommes a, à juste titre, constaté que les attestations de Mmes [L], [J], [Z] et [B] relatant les faits retenus au soutien du licenciement, non utilement contestées, étaient une preuve suffisante des griefs faits à M. [O].
Au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît ainsi que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l'espèce l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
4-2/ Sur la demande de dommages intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :
M. [O] soutient que son licenciement a été décidé au mépris du principe du contradictoire et de manière brutale ce qui a occasionné un choc traumatique ayant ébranlé sa santé puisqu'il a fait l'objet d'une hospitalisation consécutive à un malaise cardiaque et que malgré un courrier expliquant cette situation l'employeur s'est refusé à décaler l'entretien préalable et à déclarer l'accident du travail alors qu'elle était tenue de le faire.
Il ajoute que la privation de connexion internet a fait obstacle à l'organisation de sa défense.
L'association lui oppose qu'il lui a permis de bénéficier d'un préavis de trois mois rémunéré dont il a été dispensé alors que les faits reprochés justifiaient amplement un licenciement pour faute grave et que le malaise cardiaque invoqué résulte d'un effort physique intense et non pas de l'annonce de sa convocation à un entretien préalable.
La cour rappelle que le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.
Il est constant que l'employeur a seulement l'obligation de convoquer le salarié et que le fait que ce dernier ne puisse se déplacer en raison d'une maladie, circonstance connue de l'employeur, ne rend pas la procédure irrégulière.
L'employeur n'est pas tenu de faire droit à la demande de l'intéressé sollicitant une nouvelle convocation.
En l'espèce, M. [O] ne justifie pas avoir sollicité le report de l'entretien préalable au licenciement pour raison de santé.
Par ailleurs, il a été en mesure de produire un certain nombre de courriels et d'autres documents de sorte qu'il n'établit pas que l'employeur a fait obstacle délibérément à l'organisation de sa défense en le privant de connexion Internet.
Les arrêts de travail qu'il a adressés à l'employeur ont été accordés pour raison de maladie simple et non pas pour accident du travail si bien qu'il est mal fondé à reprocher à l'employeur de ne pas avoir fait de déclaration d'accident du travail. Au demeurant, cela est sans rapport avec les circonstances du licenciement.
Enfin, le compte rendu d'hospitalisation du 14 mars 2019 qu'il verse aux débats montre un bilan radiologique rassurant et relève que l'apparition de douleurs latérothoraciques gauches est intervenue après l'annonce d'un licenciement mais également d'une course à pied de 10 km sans en tirer de conclusion particulière.
Le jugement mérite par conséquent également confirmation en ce qu'il a rejeté cette demande.
5/ Sur les demandes accessoires :
Le salarié, qui perd le procès, doit en supporter les entiers dépens et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera condamné à payer à l'association et à la société la somme de 250 euros chacune sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait ses dépens,
statuant à nouveau et y ajoutant,
déboute M. [O] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamne à payer à l'Office privé d'hygiène sociale et la société Croque et toque restauration la somme de 250 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.