ARRET
N°
[I]
C/
[S]
CD/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU ONZE MAI
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/02710 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HXYQ
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [M] [I]
né le 21 Mars 1971 à [Localité 4] (62)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me WEIMANN substituantMe Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Vincent TROIN, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
APPELANT
ET
Monsieur [V] [S]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D'AMIENS
INTIME
DEBATS :
A l'audience publique du 09 mars 2023, l'affaire est venue devant Mme Christina DIAS DA SILVA, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière, assistée de Mme Annabelle AUDOUX
greffière stagiaire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 11 mai 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
Le 22 août 2015, après une annonce sur le site Leboncoin.fr, M. [V] [S] a vendu à M. [M] [I] un véhicule de marque Audi A6 mis en circulation le 9 août 2004 pour la somme de 8 400 euros. Le compteur kilométrique affichait au moment de la vente 143 000 kilomètres.
Au cours de l'année 2017 le véhicule a fait l'objet de réparations et l'historique de celui-ci mentionnait un kilométrage supérieur à celui indiqué au compteur.
Une expertise amiable a été diligentée à la suite de laquelle M. [I] a mis en demeure M. [S] de lui restituer le prix de vente ainsi que le montant des factures de réparations acquittés.
A défaut d'obtenir une réponse favorable, M. [I] a fait assigner M. [S] par exploit du 9 novembre 2018 aux fins de voir principalement prononcer la nullité de la vente, subsidiairement sa résolution pour défaut de délivrance conforme.
Par jugement du 27 février 2020, le tribunal judiciaire de Soissons a :
- débouté M. [I] de ses demandes de nullité et de résolution de la vente,
- rejeté le surplus des demandes et les prétentions contraires,
- condamné M. [I] à payer à M. [S] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 24 juin 2020, M. [I] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 26 octobre 2022, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau :
- à titre principal :
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 22 août 2015 entre M. [S] et M. [I] pour défaut de délivrance conforme,
- condamner M. [S] à venir retirer le véhicule chez M. [I], sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir,
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 8 400 euros correspondant au prix de vente du véhicule automobile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir,
- à titre subsidiaire :
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 22 août 2015 sur le fondement des vices cachés,
- condamner M. [S] à venir retirer le véhicule chez M. [I], sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir,
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 8 400 euros correspondant au prix de vente du véhicule automobile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir,
- en tout état de cause :
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 4 467,79 euros au titre des dépenses engagées,
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- condamner M. [S] a lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 juin 2022, M. [S] demande à la cour de :
- dire et retenir que la cour n'est saisie d'aucune demande de résolution de la vente litigieuse dans le dispositif des conclusions de l'appelant,
- en conséquence débouter M. [I] de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner M. [I] à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sous le bénéfice de la distraction.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2023 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 9 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les parties ne remettent pas en cause le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de nullité du contrat de vente.
Par ailleurs contrairement aux affirmations de l'intimé, l'appelant sollicite expressément l'infirmation de la décision entreprise et le prononcé de la résolution de la vente intervenue le 22 août 2015 pour défaut de délivrance conforme.
- sur la demande de résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme
En vertu des dispositions prévues par les articles 1604 et 1610 du code civil le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance conforme aux prévisions contractuelles. À défaut l'acheteur peut demander la résolution de la vente.
Le domaine de la non-conformité est d'autant plus étendu que le contrat de vente désigne la chose et indique ce que l'acheteur attend. Chaque fois que se révèle une différence entre la chose livrée et les indications expresses ou implicites du contrat, l'acheteur est en droit d'invoquer l'inexécution de l'obligation de délivrance.
En l'espèce ainsi que l'indique lui-même M. [S] dans ses conclusions, le compteur du véhicule Audi de type A6, qu'il a vendu le 22 août 2015 à M. [I] affichait au moment de sa cession un kilométrage d'environ 143 000. Il explique en page 2 que 'Début 2017, après plusieurs mois d'utilisation, et un passage en concession pour une réparation, l'historique informatique du véhicule a révélé un kilométrage supérieur à celui indiqué au compteur'.
Ainsi le vendeur ne conteste pas que le compteur du véhicule cédé à M. [I] était falsifié.
Au demeurant le cabinet Watel, mandaté pour réaliser une expertise amiable du véhicule a rédigé un rapport daté du 13 mars 2017 ( pièce 5 de l'appelant) duquel il ressort qu'après avoir effectué une demande d'historique des contrôles techniques dont le véhicule a fait l'objet depuis sa première mise en circulation auprès de l'UTAC et examiné l'historique informatique du réseau constructeur il en a conclu que ce véhicule avait en fait un kilométrage nettement supérieur à celui affiché à son compteur. Il précise notamment dans son rapport qu'à la suite de la demande d'historique auprès de l'UTAC il constate 'qu'en décembre 2012, soit plus de deux ans et demi avant l'achat du véhicule par M. [I], celui-ci affichait déjà 302 369 km au compteur.' (Page 3 du rapport). L'expert amiable conclut que le véhicule avait parcouru environ 200 000 km de plus que ce qu'il affichait au compteur au moment de sa cession à M. [I].
Il est ainsi établi que le kilométrage du véhicule vendu par M. [S] à M. [I] a été falsifié et le fait que cette falsification soit intervenue antérieurement à son acquisition par M. [S] est sans incidence sur la question de savoir si ce dernier a satisfait vis à vis de M. [I] à son obligation de délivrance conforme.
M. [I] est fondé à soutenir que le kilométrage du véhicule d'occasion constituait pour lui une caractéristique essentielle attendue de la chose vendue, cet élément déterminant non seulement son prix d'achat mais aussi son état d'usure et ses performances.
Il sera ajouté que le formulaire CERFA de déclaration de cession d'un véhicule n'est qu'un acte administratif et non le contrat de vente conclu entre les parties de sorte qu'il ne peut être déduit de l'absence de mention relative au kilométrage du véhicule dans ce formulaire que la question du kilométrage était hors du champ contractuel convenu entre les parties alors de plus que ce formulaire prévoit justement la possibilité après avoir inscrit le kilométrage indiqué au compteur d'y ajouter la mention 'non garanti' lorsque l'acheteur ne peut justifier que le kilométrage inscrit au compteur est réel.
M. [S] ne peut sérieusement soutenir qu'en acceptant de signer l'imprimé de déclaration de cession d'un véhicule, qui ne contenait pas l'indication du kilométrage, M. [I] a accepté que cet élément ne constitue pas une condition spécifique de la vente alors qu'il disposait nécessairement de cette information en consultant le compteur du véhicule.
Dès lors en vendant un véhicule qui présentait un kilométrage réel d'environ 140 % plus élevé que celui affiché dans son compteur M. [S] n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme de sorte que M. [I] est bien fondé en sa demande de résolution de la vente, le jugement étant infirmé en ce sens.
- sur les conséquences de la résolution du contrat de vente
La résolution de la vente du véhicule Audi a pour conséquence que les choses doivent être remises dans le même état que si la vente n'avait pas existé. M. [I] est donc fondé à demander, outre la restitution du prix payé soit 8 400 euros, le remboursement des frais afférents à la vente et du coût des impenses inutilement effectués sur le véhicule après son acquisition soit la somme totale de 2 341,92 euros comprenant le remboursement des intérêts de l'emprunt souscrit pour l'achat de ce véhicule, dûment justifiés par les factures versées aux débats.
En revanche il doit être débouté de sa demande de remboursement des frais d'assurance du véhicule puisqu'il avait l'obligation légale d'assurer son véhicule pour circuler avec, les éléments produits et notamment le rapport d'expertise amiable permettant d'établir qu'il a parcouru plus de 19 000 kilomètres depuis son achat.
M. [S] doit donc être condamné à lui payer la somme de 10 741,92 euros (8 400 + 2 341,92), et à aller reprendre le véhicule au domicile de M. [I], la restitution du véhicule devant s'effectuer selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision.
Par ailleurs M. [I] prouve, par les pièces qu'il produit aux débats et notamment les attestations, que les réparations ont nécessité plusieurs déplacements chez le garagiste ; qu'elle ont entraîné plusieurs immobilisations du véhicule et qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'aller chercher son fils qui réside avec sa mère en Basse Normandie pour les vacances scolaires. Il a ainsi subi un trouble de jouissance et un préjudice moral justifiant l'allocation d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [S] étant condamné au paiement de cette somme.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
M. [S] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre à une indemnité de procédure. L'équité commande de le condamner à verser à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de nullité de la vente ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
Prononce la résolution de la vente conclue le 22 août 2015 entre M. [V] [S] et M. [M] [I] portant sur le véhicule de marque Audi de type A6 immatriculé BJ 868 LT ;
Condamne M. [S] à payer à M. [I] la somme de 10 741,92 euros correspondant au prix de vente et aux dépenses engagées au titre du véhicule ;
Condamner M. [S] à reprendre le véhicule chez M. [I], sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir un mois après la signification de la décision à intervenir et pendant un délai de deux mois ;
Condamne M. [S] à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
Condamne M. [S] à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE