ARRET
N°
[B]
C/
S.A.S. [10]
Association [7]
copie exécutoire
le 11 mai 2023
à
Me Duboille
Me de Lagarde
Me Sicard
CPW/MR/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 11 MAI 2023
*************************************************************
N° RG 21/03085 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEFO
DECISION DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BEAUVAIS DU 28 MAI 2021 (référence dossier N° RG 21/00018)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [V] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
concluant par Me Philippe DUBOILLE, avocat au barreau de SENLIS
ET :
INTIMEES
S.A.S. [10] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 6]
concluant par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS
[7] dans le bâtiment et les travaux publics en région parisienne agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 5]
concluant par Me Frédéric SICARD de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 23 mars 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 11 mai 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [B] a été embauché en qualité de chauffeur par la société [9] (ci-après la société) le 15 juillet 1987, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein. Le 1er janvier 2011, le contrat de travail a fait l'objet d'un transfert au sein de la société [8], puis a été repris le 1er novembre par la société [10], avec reprise d'ancienneté. Au dernier état de la relation de travail, le salarié occupait la fonction de chauffeur niveau III indice 1 coefficient 230.
La relation de travail est régie par la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993 étendue par arrêté du 9 décembre 1993.
Le salarié a été victime d'un accident de travail le 30 juin 1995 et a fait ensuite l'objet de plusieurs rechutes et autres accidents de travail après cette date, ayant entrainé une gêne fonctionnelle et des douleurs au niveau de son épaule gauche, des microfissures du supra spinatus, un syndrome régional douloureux complexe malgré rééducation, un syndrome anxiodépressif sévère, des épisodes vertigineux etc. Il a été en dernier lieu en arrêt de travail du 7 novembre 2017 au 22 mars 2021.
Le 20 novembre 2020, le médecin conseil de la Caisse d'assurance maladie a estimé son état stabilisé et a prévu de fixer la consolidation de ses lésions au 15 janvier 2021.
Le 24 novembre suivant, M. [B] a contesté cette décision. Un médecin expert, le docteur [J], a alors été désigné et a transmis le 18 janvier 2021 un rapport d'expertise dont il ressort qu'il a constaté une évolution des pathologies après interventions chirurgicales et traitements, et a confirmé une consolidation des lésions à la date de l'expertise.
Le 16 février 2021, la Caisse d'assurance maladie a notifié au salarié la reconnaissance de son invalidité à hauteur de 10%.
Le 16 mars 2021, M. [B] a contesté l'avis rendu le 18 janvier 2021 par le médecin expert et a saisi la commission de recours amiable de la Caisse d'assurance maladie de l'Oise aux fins de contestation du taux d'invalidité retenu le 16 février, l'estimant inférieur à la réalité.
Parallèlement, une visite de pré-reprise est intervenue le 1er mars 2021 à la demande du salarié, par le médecin du travail de l'[7] (le docteur [Z]).
Dans le cadre d'une visite de reprise organisée le 25 mars 2021 par son employeur, la société [10], le médecin du travail employé par l'[7] (le docteur [Z]) a constaté l'inaptitude de M. [B] à son poste de travail, et a émis des préconisations en vue de son reclassement.
Par requête du 12 avril 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais dans le cadre d'une procédure accélérée au fond en vue de contester cet avis d'inaptitude du 25 mars 2021, y compris en ses préconisations, propositions et dispositions émises par le médecin du travail, et pour solliciter une expertise judiciaire aux fins de statuer en fonction de son réel poste de travail contractuel et évaluer les dommages et intérêts et préjudices annexes générés dans le cadre de son activité professionnelle.
Par ordonnance du 28 mai 2021, la juridiction prud'homale :
s'est déclarée incompétente pour ordonner une expertise judiciaire aux fins d'évaluer les dommages corporels et préjudices annexes générés dans le cadre de l'activité de M. [B] ayant entrainé une incapacité définitive que l'intéressé contexte de droit, et a invité le salarié à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Beauvais ;
a mis hors de cause l'association [7] ;
a débouté M. [B] de sa demande d'annulation de l'avis d'inaptitude ;
a débouté la société [10] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles ;
a mis à la charge de chaque partie les dépens respectivement par elles engagés.
Le 14 juin 2021, M. [B] a interjeté appel à l'encontre de cette décision en l'ensemble de ses dispositions.
Vu ses conclusions notifiées par la voie électronique le 14 septembre 2021, dans lesquelles le salarié demande à la cour d'annuler la décision déférée, et statuant à nouveau de :
- annuler l'avis d'inaptitude du 25 mars 2021 en toutes ses dispositions ;
- décider de la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise aux fins d'évaluer son aptitude à tenir ses postes de chauffeur et ouvrier sédentaire au sein de son entreprise ;
- se déclarer en conséquence compétent pour ordonner une expertise judiciaire aux fins d'évaluer les dommages corporels et préjudices annexes générés dans le cadre de l'activité professionnelle de M. [B] ayant entrainé une incapacité définitive, et subsidiairement fixer telle mission qu'il conviendra de donner à l'expert pour donner son avis sur l'inaptitude possible au travail et son étendue ;
- maintenir en la cause l'association [7] ;
- condamner l'employeur à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, dans lesquelles l'employeur demande à la cour de débouter M. [B] de sa demande d'annulation du jugement, de confirmer la décision déférée, sauf en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et statuant à nouveau de ce chef de condamner le salarié à lui payer 3 000 euros à ce titre. A titre subsidiaire, l'employeur demande à la cour d'ordonner la transmission de l'ensemble des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail ainsi que l'ensemble des éléments médicaux invoqués par M. [B] dans le cadre de la procédure d'inaptitude au docteur [Y], et en tout état de cause de condamner le salarié à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise médicale si ordonnée.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 28 septembre 2021, dans lesquelles l'association paritaire de santé au travail dans le bâtiment et les travaux publics en région parisienne ([7]), demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a mise hors de cause, de condamner M. [B] à lui payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit pour le surplus.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Observations liminaires
En application de l'article 954 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
En l'espèce, l'appel de M. [B] tel qu'il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions, ne tend pas la réformation du jugement déféré mais uniquement à son annulation.
Faute pour l'appelant d'avoir repris dans le dispositif de ses conclusions la demande tendant à voir la décision déférée réformée telle que figurant au titre d'une alternative dans sa déclaration d'appel, la cour n'est saisie que de la demande d'annulation du jugement et de l'appel incident formé par l'employeur dans le dispositif de ses conclusions.
Sur la demande d'annulation du jugement du conseil de prud'hommes dont appel
Le salarié fait valoir en substance que le conseil de prud'hommes s'est de manière erronée déclaré incompétent alors qu'il devait retenir sa compétence dès lors qu'il conteste l'avis d'inaptitude.
L'employeur réplique en substance que la demande visant à annuler un jugement fondée sur des moyens visés à l'article 458 du code de procédure civile est radicalement différente de celle visant à en obtenir la réformation ; que le salarié ne soutient aucun moyen de droit au titre de sa demande d'annulation du jugement, et ne forme pas de demande à titre subsidiaire de réformation de la décision ; que la cour ne pourra donc que confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent concernant la demande d'expertise et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'annulation de l'avis d'inaptitude.
L'[7] ne formule pas d'observations sur ce point.
Sur ce,
Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier.
L'article 954 du même code dispose notamment que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée et comprendre distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions.
En l'espèce, M. [B] sollicite l'annulation du jugement au motif que le conseil de prud'hommes s'est de façon erronée déclaré incompétent alors qu'il critique légitimement l'avis d'inaptitude, ce qui selon lui entre bien dans son champ de compétence.
Or, ce moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par le premier juge des éléments dont il a déduit son incompétence, et le salarié n'évoque ainsi pas le moindre moyen de nature à justifier une annulation de la décision déférée, en particulier aucun moyen de droit ou de fait relatif à un excès de pouvoir par le premier juge, à l'absence de respect par ce dernier du principe du contradictoire ou encore à un manque de respect de son impartialité.
Par conséquent, la demande d'annulation ne peut qu'être rejetée.
La cour n'est saisie d'aucune demande à titre subsidiaire d'infirmation de la décision déférée par l'appelant.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'employeur demande à la cour d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté sa demande indemnitaire pour procédure abusive en faisant valoir en substance que le salarié, de mauvaise foi, poursuit deux objectifs contradictoires qui sont, devant la commission de recours amiable de contester les décisions de la Caisse d'assurance maladie au motif qu'elles ont retenu une invalidité trop faible en invoquant des douleurs répétées et des vertiges, et devant la juridiction prud'homale de remettre en cause l'avis d'inaptitude du médecin du travail pour des motifs particulièrement infondés alors même que les conclusions médicales du médecin du travail sont pertinentes ; que le salarié cherche ainsi visiblement à ralentir par tout moyen la procédure de reclassement initiée à son encontre, n'ignorant pas que la société a dû reprendre le paiement de son salaire à compter du 26 avril 2021 jusqu'au licenciement le 2 juillet 2021 ; que l'attitude déloyale et dilatoire de M. [B] lui cause ainsi un préjudice.
M. [B] et l'[7] ne formulent pas d'observations sur ce point.
Sur ce,
L'exercice d'une action en justice est un droit, lequel ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable.
En l'espèce, la société [10] ne démontre pas que M. [B] a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ou de former un recours, de sorte qu'il convient de rejeter la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.
La décision déférée sera de ce chef confirmée.
Sur les autres demandes
Le sens de la présente décision conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [B], qui succombe en cause d'appel, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
L'équité et la situation financière des parties commande de dire n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe,
Rejette la demande d'annulation du jugement déféré,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie ;
Condamne M. [B] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.