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06/07/2023 | FRANCE | N°21/01080

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 06 juillet 2023, 21/01080


ARRET







[N]





C/



[O]

[R]

[G]

[B]























































































PM/VB/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU SIX JUILLET



DEUX MILLE VINGT TROIS





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01080 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAK7



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON CEDEX DU DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [L] [N]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté et plaidant par Me DENYS substituant Me Franck DERB...

ARRET

[N]

C/

[O]

[R]

[G]

[B]

PM/VB/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SIX JUILLET

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01080 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAK7

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON CEDEX DU DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [L] [N]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté et plaidant par Me DENYS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS

APPELANT

ET

Monsieur [F] [O]

né le 21 Juin 1976 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Vanessa COLLIN de la SCP COLLIN, avocat au barreau de LAON

Plaidant par Me BAUJARD, avocat au barreau de REIMS

Madame [Y] [R] épouse [O]

née le 11 Juin 1975 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Vanessa COLLIN de la SCP COLLIN, avocat au barreau de LAON

Plaidant par Me BAUJARD, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [J] [G]

né le 08 Février 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Madame [I] [B] épouse [G]

née le 21 Décembre 1968 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Caroline LETISSIER de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON

Ayant pour avocat plaidant par Me Jean Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 11 mai 2023 devant la cour composée de Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

Sur le rapport de M. Pascal MAIMONE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 06 juillet 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Le 13 janvier 2010, suivant acte notarié dressé par Me [N], M. [F] [O] et Mme [Y] [R] épouse [O] ont acquis de M. [J] [G] et son épouse, Mme [I] [B]. une maison d'habitation sise [Adresse 5] à [Localité 6].

Le 5 juin 2015, à la suite d'un orage, le plafond des trois chambres de la maison s'est écroulé. L'assureur des époux [O] a décliné sa garantie au motif que la cause du sinistre n'était pas l'orage mais un défaut de construction de la toiture, non conforme aux règles de l'art.

Le 9 septembre 2015, saisi par les époux [O], le juge des référés du tribunal de grande instance de Laon a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert, M. [Z], a déposé son rapport le 14 décembre 2016.

Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2017, les époux [O] ont fait assigner les époux [G] devant le tribunal de grande instance de Laon en réduction du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en paiement d'une indemnité pour trouble de jouissance.

Par acte en date du 24 juillet 2018, les époux [O] ont fait assigner Maître [L] [N] en responsabilité pour manquement à son devoir de conseil et à son obligation d'assurer l'effectivité de l'acte.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Laon a :

-Rejeté la fin de non-recevoir pour prescription soulevée par les époux [G] quant aux actions des époux [O] à leur encontre ;

-Déclaré l'action des époux [O] recevable ;

-Déclaré les époux [G] responsables solidairement des préjudices nés du dol affectant l'acte de vente, des vices techniques et administratifs affectant la maison principale achetée par les époux [O] ;

-Déclaré Maître [L] [N] responsable de l'entier préjudice des époux [O] né du manquement à son obligation d'assurer l'effectivité de l'acte de vente du 13 janvier 2010 et à son devoir de conseil à l'occasion de cette vente ;

-Condamné solidairement Maître [L] [N] et les époux [G] à payer aux époux [O] les sommes de :

. 30.213,87 € au titre de la perte de chance de conclure à des conditions de prix plus favorables;

. 290 € par mois depuis le 5 juin 2015, jusqu'au paiement effectif de l'indemnisation relative à la réduction de prix, au titre de leur préjudice de jouissance ;

-Déclaré que le montant de la condamnation à la somme de 30.213,87 € sera revalorisé sur la base de l'indice BT01 publié par l'INSEE, en fonction de l'évolution de celui-ci entre l'indice d'avril 2016 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la présente décision ;

-Rejeté les autres demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné solidairement Maître [L] [N] et les époux [G] aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire ;

-Condamné solidairement Maître [L] [N] et les époux [G] à payer aux époux [O] la somme de 3.500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Dit y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 février 2021, Maître [L] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 12 octobre 2021, Maître [L] [N] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laon le 12 janvier 2021 en ce qu'il a :

'- Déclaré Maître [L] [N] responsable de l'entier préjudice de Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] né du manquement à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte de vente du 13/01/2010 et à son devoir de conseil à l'occasion de cette vente,

- Condamné solidairement Maître [L] [N] Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] à payer à Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] les sommes de :

' 30.213,87 € au titre de la perte de chance de conclure à des conditions de prix plus favorables

' 290 € par mois depuis le 05/06/2015, jusqu'au paiement effectif de l'indemnisation relative à la réduction de prix, au titre de leur préjudice de jouissance.

- Déclaré que le montant de la condamnation à la somme de 30.213,87 € sera revalorisé sur la base de l'indice BT01 publié par l'INSEE, en fonction de l'évolution de celui-ci entre l'indice d'avril 2016 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la présente

décision,

- Rejeté les autres demandes plus amples ou contraires

- Condamné solidairement Maître [L] [N], Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collin Schoof pour ceux dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement Maître [L] [N], Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] à payer à Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] la somme de 3500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,'

Statuant à nouveau,

A titre principal,

-Dire et juger qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle.

En conséquence,

-Débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Maître [L] [N].

A titre plus subsidiaire,

-Dire et juger que les époux [O] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice personnel, actuel, certain et direct avec la faute qu'il aurait selon eux commise.

En conséquence,

-Débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires.

En tout état de cause,

-Dire n'y avoir lieu à condamnation solidaire entre Maître [L] [N] et les époux [G] s'agissant des sommes réclamées par les époux [O] au titre de la réduction du prix de vente,

-Si, par impossible, la Cour condamnait Maître [L] [N], condamner solidairement les époux [G] vendeurs, à le relever et le garantir indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, frais qu'accessoires et dépens.

-Condamner tout succombant à verser à Maître [L] [N] une somme de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner tout succombant aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 16 janvier 2023, les époux [O] demandent à la cour de :

-Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé l'action recevable et condamné in solidum les époux [G] sur le fondement du dol mais infirmer le jugement sur les montants alloués en principal et sur le préjudice de jouissance, et sur le rejet de la demande relative aux garages, et statuant à nouveau :

-Condamner in solidum les époux [G] à payer aux époux [O] :

. Une somme, actualisée en appel pour inclure le dépôt d'une nouvelle autorisation d'urbanisme, de 33 051,87 € au titre de la réduction de prix relative aux vices de la maison principale,

. Une somme de 290 € par mois depuis le 5 juin 2015, jusqu'au paiement effectif de l'indemnisation ci-dessus, relative à la maison principale, au titre de leur préjudice de jouissance,

. Une somme de 7122,50 € au titre de la réduction de prix relative au vice des garages

Subsidiairement, vu les articles 1641 ancien et suivants du code civil, condamner in solidum les époux [G] à payer aux époux [O] les mêmes sommes que ci- dessus, au titre de la réduction de prix relative aux vices de la maison principale et des garages, et au préjudice de jouissance,

-Encore plus subsidiairement, condamner in solidum les époux [G] à payer aux époux [O] les mêmes sommes que ci-dessus, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de la faute dolosive du constructeur

Dans tous les cas,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le montant des condamnations relatives à la remise en état (incluant celle de la maison, mais également, à hauteur de cour, celle du garage) sera revalorisé sur la base de l'indice BT01 publié par l'INSEE, en fonction de l'évolution de celui-ci entre l'indice d'avril 2016 et celui le plus récemment publié à la date de la décision à intervenir.

-Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé Maître [N] responsable des préjudices subis par les époux [O], par manquement à son devoir de conseil et à son obligation d'assurer l'effectivité de son acte, et a condamné celui-ci in solidum avec les époux M. [G] à payer aux époux [O] les mêmes sommes que ci-dessus,

-Infirmer le jugement en ce qu'il a alloué 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, et statuant à nouveau, condamner in solidum les époux [G] et Maître [N] à payer aux époux [O] une somme de 23 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

-Condamner in solidum les époux [G] à payer aux époux [O] une somme de 7347 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les époux [G] et Maître [N] aux entiers dépens, incluant ceux du référé et les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Collin Schoof pour ceux dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 11janvier 2023, les époux [G] demandent à la cour de :

-Les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident.

-Infirmer le jugement entrepris en ses dispositions suivantes :

' Rejette la fin de non-recevoir pour prescription soulevée par Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] quant aux actions de Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] à leur encontre ;

Déclare l'action de Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] recevable ;

Déclare Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] responsables solidairement des préjudices nés du dol affectant l'acte de vente des vices techniques et administratifs affectant la maison principale achetés par Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] ;

Condamne solidairement Maître [L] [N], Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] à payer à Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] les sommes de :

- 30.213,87 € (trente mille deux cent treize euros et quatre vingt sept centimes) au titre de la perte de chance de conclure à des conditions de prix plus favorables ;

- 290 € (deux cent quatre vingt dix euros) par mois depuis le 5 juin 2015, jusqu'au paiement effectif de l'indemnisation relative à la réduction de prix, au titre de leur préjudice de jouissance ;

Déclare que le montant de la condamnation à la somme de 30.213,87 € (trente mille-deux-cent-treize euros et quatre-vingt-sept centimes) sera revalorisé sur la base de l'indice BT01 publié par l'INSEE, en fonction de l'évolution de celui-ci entre l'indice d'avril 2016 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la présente décision ;

Condamne solidairement Maître [L] [N], Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collin Schoof pour ceux dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement Maître [L] [N], Monsieur [J] [G] et Madame [I] [B] à payer à Monsieur [F] [O] et Madame [Y] [O] la somme de 3.500 € (trois mille cinq cents euros) en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;'

-Confirmer pour le surplus le jugement entrepris.

-Déclarer les époux [O] mal fondés en leur appel incident et les débouter.

-Déclarer Maître [N] mal fondé en son appel et le débouter.

Statuant de nouveau :

-Déclarer les époux [O] prescrits en leur action à l'encontre des époux [G] sur le fondement d'un dol qui résulterait de l'omission d'informations sur l'existence de problème d'humidité ou de moisissures de la maison.

A titre subsidiaire

-Déclarer les époux [O] mal fondés en leur action à l'encontre des époux [G] sur le fondement d'un dol qui résulterait de l'omission d'informations sur l'existence de problème d'humidité ou de moisissures de la maison.

-Déclarer les époux [O] mal fondés en leur action à l'encontre des époux [G] sur le fondement d'un dol qui résulterait de la dissimulation de l'auto-construction de l'extension réalisée en 1990 et, de son caractère irrégulier au regard de l'urbanisme.

-Débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes au titre de l'article 1116 du code civil.

A titre subsidiaire,

-Déclarer les époux [O] prescrits en leur action à l'encontre des époux [G] au titre de la garantie des vices cachés.

-Débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes au titre de la garantie des vices cachés.

A titre infiniment subsidiaire,

-Déclarer les époux [O] prescrits en leur action à l'encontre des époux [G] fondée sur la responsabilité du constructeur pour faute dolosive.

-Déclarer les époux [O] irrecevables en leur action à l'encontre des époux [G] fondée sur la responsabilité du constructeur pour faute dolosive.

-Débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes fondées sur la responsabilité du constructeur pour faute dolosive.

-Débouter Maître [N] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des époux [G]

A titre infiniment subsidiaire sur le quantum du préjudice :

-Fixer le montant des travaux de reprise à la somme de 19. 211,17 €.

-Fixer le montant du préjudice de jouissance à la somme de 150 € par mois.

-Condamner les époux [O] à payer aux époux [G] une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, incluant ceux du référé et les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Caroline Letissier pour ceux dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 12 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 11 mai 2023.

L'action en justice opposant les parties ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n'est pas applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du code civil selon leur numérotation antérieure à cette entrée en vigueur.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription des actions des époux [O] :

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par ailleurs, l'article 1144 du code civil dispose en outre que le délai d'action en nullité ne court, en cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts.

En l'espèce, les époux [O] agissent sur le fondement du dol notamment en raison de la dissimulation par les époux [G] de l'autoconstruction d'une extension non conforme au permis de construire délivré et dont il s'est avéré suite à un orage que les toitures étaient non conformes aux règles de l'art ce qui a entraîné l'effondrement des plafonds des chambres.

Or, les époux [O] n'ont pu réellement avoir conscience de la gravité des désordres dont jusque là ils n'avaient pas connu de manifestations et de la non conformité aux règles de l'art des toitures tant de l'habitation que du garage que suite au dépôt du rapport d'expertise de M. [Z] le 14 décembre 2016.

La constatation par les acquéreurs de la présence d'une certaine humidité dans l'immeuble lors de la vente ne leur permettait pas de prendre conscience lors de l'acquisition de l'immeuble de la non conformité des toitures aux règles de l'art.

C'est donc à bon droit que les premiers juges dont la décision sera confirmée ont estimé que le point de départ du délai de prescription de l'action des époux [O] devait être fixé au 14 décembre 2016, date du dépôt du rapport d'expertise et que les époux [O] ayant assigné les époux [G] par acte d'huissier du 10 juillet 2017, la fin de non recevoir pour prescription soulevée par les époux [G] à l'encontre des actions des époux [O] devait être rejetée.

Sur le dol commis par les époux [G] :

Selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le droit de demander la nullité d'un contrat ou la réduction du prix par application de cet article n'exclut pas l'exercice, par la victime des manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi.(Com., 18 octobre 1994, n 92-19.390, Bull n 293 ; 1re Civ., 25 juin 2008, n 07-18.108, Bull n 184 ; 3e Civ., 23 mai 2012, n 11-11.796).

Les manoeuvres dolosives

En l'espèce, au questionnaire que leurs a adressé le notaire, les époux [G] ont répondu 'non' à la question 'avez-vous fait construire le bâtiment vendu ou l'un d'entre eux ' 'alors qu'ils admettent avoir édifié eux-mêmes les extensions et appentis sans respect du permis de construire. A la question ' avez-vous créé une extension' ', ils ont également répondu 'non' alors qu'ils admettent ne pas avoir respecté les déclarations réglementaires obligatoires lors de la construction des extensions litigieuses pour des raisons budgétaires.

La dissimulation de ce que les constructions ont été réalisées en autoconstruction sans respect des déclarations d'urbanisme, alors que cette information aurait nécessairement alerté les acheteurs sur un risque important de non conformité aux règles de l'art de l'immeuble vendu et ce alors que le questionnaire du notaire les invitait expressément à fournir ces informations constitue une manoeuvre pour déterminer les acquéreurs à acheter.

Par ailleurs l'expert a relevé que les plafonds en plâtre des chambres présentaient des traces de moisissures que les vendeurs ne pouvaient ignorer et qui avaient été dissimulées par la pose de lames de PVC.

Est ainsi caractérisée en l'espèce, l'existence de manoeuvres dolosives de nature à vicier le consentement des acquéreurs afin de les amener à conclure la vente à un prix différent que celui auquel ils auraient accepté d'acquérir, peu important qu'ils aient informé les acheteurs de l'existence d'une certaine humidité dans l'immeuble vendu.

Les acheteurs sont donc bien fondés à solliciter une réduction du prix de vente pour dol.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le contrat de vente conclu entre les époux [G] et les époux [O] était affecté d'un dol sans lequel les acheteurs n'auraient pas contracté.

L'extension de l'habitation

Selon l'expert les pentes de la toiture de l'extension de l'habitation et du garage sont insuffisantes et non conformes aux règles de l'art. La seule façon de remédier aux désordres est de reprendre la couverture de l'extension de l'habitation par une toiture en zinc.

L'expert indique que l'installation électrique a également été endommagée lors de l'effondrement des plafonds.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu les devis présentés par les époux [O] correspondant aux travaux de mise aux normes et de réparations nécessaires et ont estimé que le prix de vente devait être réduit de la somme de 30.213,87 euros en raison du dol dont ils ont été victimes.

En cause d'appel, les époux [O] justifient de la nécessité de déposer un nouveau permis de construire dont le coût s'élève à 2838 euros et portent justement le montant de leur préjudice de 30.213,87 euros à 33.051,87 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant retenu au titre de la réduction du prix pour les travaux de réfection de l'extension et les vendeurs doivent être condamnés à verser aux acheteurs la somme de 33.051,87 euros de ce chef.

Les garages

S'agissant des garages dès lors que l'action des époux [O] n'est pas fondée sur la garantie décennale, il importe peu que l'expert ait estimé que les passages d'eau ponctuels ne les rendent pas impropres à leur utilisation. Dès lors que ces infiltrations les privent de toute possibilité de stockage au sec dans leurs garages, ils sont fondés en raison du dol dont ils ont été victimes à solliciter une réduction du prix correspondant aux travaux de reprise de la toiture de ces garages qui s'élève selon le devis qu'ils fournissent à la somme de 7122,50 euros.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [O] au titre de la reprise des désordres des garages, de les condamner à verser aux acheteurs la somme de 7122,50 euros au titre de la réduction du prix de vente pour les travaux de réfection des garages.

Le préjudice de jouissance

L'impossibilité de pouvoir utiliser les chambres de l'habitation en raison de l'effondrement des plafonds constitue un préjudice de jouissance qui justifie que soit alloué aux époux [O] des dommages et intérêts.

Les premiers juges par des motifs pertinents que la cour entend adopter ont justement évalué ce préjudice à 250 euros par mois à compter du 5 juin 2015. Ils l'ont cependant chiffré à la suite d'une erreur matérielle à 290 euros par mois dans le dispositif de leur décision.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé dans le dispositif le montant du préjudice de jouissance à 290 euros par mois et de le fixer à 250 euros par mois.

Sur les manquements de Maître [N] en sa qualité de notaire :

En application de l'article 1382 du code civil, les notaires engagent leur responsabilité délictuelle lorsqu'ils ne respectent pas les obligations professionnelles mises à leur charge lesquelles comprennent notamment :

-l'obligation, avant de dresser des actes, de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité des actes qu'ils authentifient ;

-l'obligation concernant une vente, pour assurer l'efficacité de son acte, de vérifier les origines de propriété, la situation hypothécaire ainsi que les déclarations du vendeur.

Le notaire n'est cependant pas tenu de vérifier in situ les déclarations des vendeurs pas plus qu'il n'est tenu de contrôler la véracité des informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons.

Par ailleurs tout manquement d'un notaire à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte instrumenté ne cause pas nécessairement un préjudice.

En l'espèce, dans l'acte du 24 février 1987 précédant la vente litigieuse, le bien vendu est désigné comme étant 'un baraquement à usage d 'habitation comprenant trois pièces et construit en dur et couvert en tôles de fibro-ciment, jardin devant et derrière".

Dans l'acte de vente du 13 janvier 2010 dressé par Me [N], il est décrit comme 'une maison à usage d'habitation comprenant une cuisine équipée, un séjour, trois chambres, salle de bains, WC, buanderie, grenier, cave, garage et jardin ».

Les différences dans la description du bien sont telles que Me [N] aurait dû déceler à la simple lecture de l'acte de vente précédent que le bien que les époux [O] se proposaient d'acquérir n'était manifestement pas le même que celui qui avait été acquis par les vendeurs et que les constructions avaient été notablement remaniées.

Ainsi, à réception des réponses mensongères au questionnaire rempli par les époux [G], il aurait dû leurs demander des explications et opérer des vérifications, s'enquérir de l'existence d'un permis de construire, d'un certificat de conformité et des conséquences du refus de délivrance de ces documents, le cas échéant.

En se contentant des déclarations des vendeurs et en n'opérant aucune des investigations qui lui auraient permis de découvrir que des constructions nouvelles avaient été ajoutées et implantées sans respect des dispositions réglementaires, Me [N] a commis une faute engageant sa responsabilité.

Dès lors que ces investigations l'auraient conduit à découvrir que les vendeurs étaient autoconstructeurs des constructions nouvelles, les acquéreurs auraient été informés du risque de non conformité aux règles de l'art de la construction et notamment de l'impossibilité de reconstruire à l'identique imposée par l'article L11-15 du code de l'urbanisme comme l'a souligné l'expert tout comme de l'impossibilité de régulariser administrativement la construction.

Contrairement à ce que soutient Maître [N] la révélation par ses soins des anomalies ci -dessus décrites et de l'autoconstruction opérée par les vendeurs était de nature à permettre aux acquéreurs de s'interroger sur la conformité des constructions aux règles de l'art et de découvrir la non conformité aux règles de l'art de la construction réalisée.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que Me [N] avait causé aux époux [O] un préjudice direct consistant en une perte de chance de renoncer à la vente ou de négocier une diminution du prix.

Toutefois la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé devoir condamner solidairement Maître [N] avec les époux [G] à 100% de la réduction du prix et du préjudice de jouisssance du fait du dol commis.

Compte tenu de la gravité des fautes commises par Maître [N], il convient de fixer cette perte de chance à 50 % de la somme allouée au titre de la réduction du prix.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Maître [L] [N] à payer aux époux [O], solidairement avec les époux [G], les mêmes sommes.

Il convient de condamner in solidum Maître [L] [N] au titre de la perte de chance à payer aux époux [O] à hauteur de 50 % avec les époux [G] de la somme de 40 174,37 euros et de débouter M. et Mme [O] du surplus de leur demande à l'encontre de Me [N].

Sur la demande de garantie formée par Maître [N] dirigée contre les époux [G] :

Le notaire est tenu de contrôler la véracité des informations d'ordre factuel fournies par les parties lorsqu'il existe des éléments de nature à éveiller ses soupçons.

Me [N] aurait dû déceler à la simple lecture de l'acte de vente des vendeurs que le bien que les époux [O] se proposaient d'acquérir n'était manifestement pas le même et que les constructions avaient été notablement remaniées. Il avait alors l'obligation de vérifier et les moyens de s'assurer de la véracité des déclarations des vendeurs Il est donc mal fondé à soutenir qu'il a également été victime des déclarations mensongères des vendeurs.

La condamnation prononcée à l'encontre de Me [N] trouvant sa cause dans les manquements à ses obligations, les époux [G] ne sauraient donc être tenus de le garantir.

Il convient donc de débouter Me [N] de sa demande de garantie dirigée contre les époux [G].

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les époux [G] et Maître [N] succombant, il convient :

-de les condamner in solidum aux dépens d'appel ;

-de les débouter de leurs demandes au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel

-de confirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance ;

-de confirmer le jugement en ce qu'il a les a déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des époux [O], il convient de leur allouer de ce chef la somme globale de 3000 € pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ces dispositions à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir pour prescription soulevée par les époux [G] quant aux actions des époux [O] à leur encontre et déclaré l'action des époux [O] recevable ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne M. [J] [G] et Mme [I] [B] [G] solidairement entre eux et in solidum avec Me [N] à hauteur de 50% de cette somme à payer à M. et Mme [O] la somme de 40 174,37 euros en réduction du prix de vente ;

Condamne solidairement M. [J] [G] et Mme [I] [B] [G] à payer 250 euros par mois à compter du 5 juin 2015, jusqu'au paiement effectif de la somme de 40 174,37 euros, au titre de leur préjudice de jouissance ;

Déboute Me [N] de son appel en garantie formé à l'encontre de M. [J] [G] et Mme [I] [B] [G] ;

Déboute M. et Mme [O] du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [J] [G], Mme [I] [B] [G] et Me [L] [N] à payer à M. et Mme [O] la somme de 3000 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [J] [G], Mme [I] [B] [G] et Maître [L] [N] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la Scp Collin Shoof, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01080
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.01080 ?
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